Intervention de Jean-François Eliaou

Réunion du mardi 13 mars 2018 à 9h35
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-François Eliaou, rapporteur pour avis :

Le projet de loi de programmation a été présenté en conseil des ministres le 8 février 2018 et renvoyé à la commission de la Défense. La commission des Lois est saisie pour avis des dispositions relevant de ses compétences, comme elle l'avait déjà fait pour les précédentes lois de programmation militaire. Ces dispositions, très variées, nous intéressent à différents titres.

Tout d'abord, les articles 14 et 16 concernent les ressources humaines. Je ne m'attarderai pas sur l'article 14, qui vise à rétablir l'application aux ouvriers de l'État des règles de cumul d'activité applicables aux fonctionnaires.

L'article 16 est plus novateur, puisqu'il prévoit de lancer deux expérimentations d'une durée de quatre ans, à compter du 1er janvier 2019, afin de pourvoir à des emplois dans des régions où les difficultés de recrutement sont particulièrement marquées – la Bourgogne-Franche-Comté, le Centre-Val de Loire, le Grand Est et l'Île-de-France. Les modalités de recrutement seront en effet assouplies pour deux catégories de personnels civils. D'une part, les agents contractuels relevant de cinq spécialités – renseignement ; génie civil ; systèmes d'information et de communication ; santé et sécurité au travail ; maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres – bénéficieront désormais d'un contrat de trois ans, et non plus d'un an renouvelable une fois. Il faudra veiller à ce que cette mesure s'applique effectivement à toute la durée de l'expérimentation, et que les contrats signés puissent aller jusqu'à leur terme, c'est-à-dire un maximum de trois ans. En ce qui concerne les techniciens supérieurs d'études et de fabrications, d'autre part, il sera possible de déroger à l'organisation d'un concours pour 20 % des recrutements annuels. Eu égard aux besoins du ministère des Armées, j'ai déposé un amendement portant ces recrutements exceptionnels de 20 à 30 % du total.

L'article 18 est relatif à l'élection des militaires aux scrutins locaux. Tirant les conséquences d'une décision du Conseil constitutionnel rendue le 28 novembre 2014 à la suite d'une question prioritaire de constitutionnalité, cet article permettra aux militaires en activité d'exercer un mandat de conseiller municipal dans les communes de moins de 3 500 habitants, l'exercice des fonctions de maire et d'adjoint au maire étant en revanche exclu.

Par ailleurs, il sera mis fin à la perte de revenu entraînée par l'application automatique du détachement de droit en cas d'acceptation du mandat, et les militaires élus pourront bénéficier des garanties accordées aux titulaires d'un mandat de conseiller municipal – autorisations d'absence et crédits d'heures – ainsi que du droit à la formation des élus locaux. Je me félicite de la compatibilité qui est ainsi établie entre la fonction de militaire en activité et l'exercice d'un mandat de conseiller municipal, mais il me semble qu'il conviendrait d'élargir cette possibilité au mandat de conseiller communautaire. J'ai déposé un amendement en ce sens.

Enfin, l'article 18 a pour objet d'actualiser les conditions d'inéligibilité des militaires. Se fondant sur le critère du grade, il prévoit que les officiers et sous-officiers de gendarmerie, ainsi que les officiers supérieurs et généraux des autres corps militaires, ne pourront pas être élus conseillers municipaux dans le ressort où ils exercent ou ont exercé leurs fonctions depuis moins de six mois. S'agissant des autres corps que ceux de la gendarmerie nationale, les militaires seront concernés à partir du grade de commandant : ce serait, en effet, les plus à même de se trouver dans une situation de conflit d'intérêts, compte tenu de leurs fonctions, de leur niveau de responsabilité et de l'influence qu'ils peuvent exercer. Il me semble néanmoins que le risque est avant tout lié à la personnalité du militaire concerné et non à son grade : j'ai donc déposé un amendement visant à supprimer cette dernière disposition.

Les articles 19 à 22 sont relatifs aux opérations menées dans le cyberespace. Comme l'ont souligné le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2008 et plus récemment la Revue stratégique de défense et de sécurité nationale, rendue publique le 13 octobre 2017, le domaine cyber est le cadre d'une des principales menaces pesant sur notre défense et notre sécurité. Les attaques s'étant multipliées dans l'environnement numérique, cette menace se trouve dorénavant au coeur de notre stratégie nationale.

J'ai déposé un amendement qui tend à modifier l'intitulé de ce chapitre du projet de loi en reprenant partiellement la terminologie employée par la revue stratégique de 2017, dont s'inspire le présent texte. La formulation retenue était la suivante : « Mener des actions de lutte dans l'espace cyber : aptitude qui consiste à combattre, de façon défensive ou offensive dans l'ensemble du milieu numérique, contre des adversaires étatiques ou non ».

L'article 19 autorise les opérateurs de communications électroniques à mettre en place, pour les besoins de la défense et de la sécurité des systèmes d'information, des dispositifs permettant de détecter les attaques informatiques. Le même article étend les capacités d'accès des agents de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI) aux données détenues par les opérateurs de communications électroniques. Le rôle de l'ANSSI est également renforcé en cas d'attaques informatiques contre des opérateurs d'importance vitale ou des autorités publiques. Cet article a fait l'objet de plusieurs amendements qui me donneront l'occasion de tenter de vous rassurer en présentant les garanties prévues dans ce domaine.

L'article 20 habilite le Gouvernement à déterminer par ordonnance les modalités du contrôle qui sera exercé par l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) sur les dispositions prévues à l'article 19, ainsi que les modalités d'organisation de l'ARCEP pour l'exercice de cette nouvelle mission. L'article 20 a vocation à être écrit en « dur », si je puis dire, d'ici à la réunion de la commission de la Défense ou à l'examen du texte en séance publique, je m'en réjouis.

L'article 21 ajoute les actions numériques à la liste des opérations mobilisant des capacités militaires et se déroulant à l'extérieur du territoire français, ou des eaux territoriales françaises, au cours desquelles la responsabilité pénale des militaires ne saurait être engagée.

En vertu de l'article 22, le ministère des Armées ne sera pas seulement autorisé à acquérir et à détenir des matériels de renseignement, mais aussi à procéder aux essais nécessaires à la qualification de ces matériels.

L'article 23 étend le champ d'application de l'article L. 2381-1 du code de la défense, qui permet aux forces armées d'effectuer des prélèvements biologiques en opérations, hors du territoire national, sur des personnes décédées ou capturées : celles qui présentent une menace pour la sécurité des personnes ou des populations seront également concernées. Nous aurons l'occasion de revenir plus en détail sur cette question à la faveur des amendements. Celui que j'ai déposé vise à garantir la sécurité juridique et scientifique du dispositif : les prélèvements salivaires devront être effectués par du personnel spécifiquement formé, entraîné et habilité.

L'article 24 modifie le code de procédure pénale afin de le rendre conforme, sur plusieurs points, à des conventions internationales et des protocoles qui sont notamment relatifs à la répression d'actes illicites en matière de sécurité maritime, d'aviation civile internationale et de protection des biens culturels en cas de conflit armé.

L'article 32 entreprend une réforme du contentieux des pensions militaires d'invalidité : actuellement confié à des juridictions spécialisées, il sera transféré à la juridiction administrative de droit commun. Afin de limiter le nombre de litiges, un recours administratif préalable deviendra par ailleurs obligatoire, avant toute saisine du juge administratif.

Enfin, l'article 40 habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour définir les conditions d'exercice des nouvelles compétences de police en mer qui sont issues de deux protocoles internationaux.

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