Intervention de Jean-François Eliaou

Réunion du mardi 13 mars 2018 à 9h35
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-François Eliaou, rapporteur pour avis :

Madame Obono, je comprends parfaitement vos préoccupations, cet article 23 touchant aux données personnelles et à l'intégrité. Je vais passer un peu de temps, si vous le permettez, sur ce sujet.

D'abord, je crois qu'il faut garder un peu de mesure tout en explicitant l'objectif de cet article : il s'agit d'autoriser les forces armées françaises, engagées dans la lutte contre le terrorisme, notamment au Sahel, à effectuer des prélèvements salivaires pour les aider à identifier les groupes armés qui leur font face. L'article 23 fait référence, cela a été dit, à des « personnes dont il existe des raisons précises et sérieuses de penser qu'elles représentent une menace pour la sécurité des forces ou des populations civiles » que ces forces protègent.

Vous posez la question suivante : accepterait-on, en France, qu'un représentant des forces de l'ordre se permette d'effectuer des prélèvements biologiques sur des personnes dont il existe des raisons précises et sérieuses de penser qu'elles représentent une menace pour la sécurité des forces ou des populations civiles ? Or, dans le cas présent, il ne s'agit pas de forces de l'ordre mais de militaires en opérations extérieures, engagés dans la lutte contre des groupes terroristes extrêmement dangereux et armés.

Prenons quelques exemples de situations auxquelles sont confrontées nos forces et dans lesquelles les mesures proposées pourraient être mises en oeuvre. Quelles personnes pourraient faire l'objet de tels prélèvements ? Des personnes se trouvant aux abords d'une explosion causée par un engin artisanal ; des personnes que l'on découvre aux abords d'une cache d'armes ou d'un laboratoire clandestin de fabrication d'explosifs ; des personnes portant des armes ou des munitions sans respecter les procédures qui sont localement en vigueur.

Autre point très important, Mme Obono : la doctrine des armées françaises en OPEX est de ne pas faire de prisonniers. Cette mesure évite aussi de procéder à des captures. Rappelons qu'en l'état actuel du droit, on peut faire sur un prisonnier tous les prélèvements que l'on veut, y compris quand ils sont invasifs comme les prélèvements sanguins. La mesure proposée évite l'emprisonnement et entre parfaitement dans le cadre des conventions de Genève du 12 août 1949, relatives aux conflits armés non internationaux, et de leur protocole additionnel du 8 juin 1977.

Cette rédaction me semble suffisamment précise et laisser peu de place à l'arbitraire. En outre, la doctrine sera précisée et affinée par les règles opérationnelles d'engagement des armées. Ces règles classifiées régissent chaque opération et définissent notamment, selon les cas de figure rencontrés, les autorités habilitées à décider de la conduite à tenir. J'ai déposé un amendement en ce sens.

Tout cela est donc parfaitement encadré et conforme à la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Le Conseil d'État a estimé que les garanties apportées par cet article étaient proportionnées au but poursuivi.

Avis défavorable.

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