Intervention de Cédric Villani

Réunion du jeudi 15 février 2018 à 9h00
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCédric Villani, député, premier vice-président de l'Office :

– Je vous rappelle le contexte médiatique qui a été déclencheur de cette audition, sur des sujets que, de toute façon, nous aurions été amenés à aborder à un moment ou à un autre. De façon très médiatisée, des militants de Greenpeace France se sont introduits par voie terrestre, en octobre et novembre 2017, dans l'enceinte des centrales nucléaires de Cattenom (en Moselle) et de Cruas-Meysse (en Ardèche).

Avec Émilie Cariou, nous avons écrit, en octobre dernier, au Premier ministre, avec copie au président de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), pour demander l'audition du secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) « sur les risques potentiels, liés à une attaque malveillante, auxquels sont confrontés les sites nucléaires français » et pour « poser la question de la sécurité du parc nucléaire français ». Nous estimions que : « Dans une optique de transparence et d'information au public, la production d'un rapport d'inspection sur les conditions de cette intrusion, ainsi qu'un état des lieux sur les risques de malveillance auxquels sont exposées les installations nucléaires françaises, paraît aujourd'hui nécessaire. ».

Dans sa réponse du 29 novembre dernier, le Premier ministre a donné une suite favorable à notre requête, en indiquant « qu'elle s'inscrit dans une logique de transparence et d'information de la représentation nationale au travers de l'OPECST ».

Nous auditionnerons également, en deuxième partie de matinée, l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et l'exploitant des centrales, EDF, dans un format qui a été déterminé en accord avec le président Gérard Longuet et notre collègue Émilie Cariou, référente pour l'OPECST à l'Assemblée sur les sujets liés au nucléaire.

Il faut en effet distinguer ces deux notions de sûreté (safety), qui concerne le fonctionnement, et de sécurité (security), qui concerne les actes malveillants, selon des définitions de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA). Les limites entre ces deux notions sont parfois claires, parfois moins.

Sur le fond, je n'ai pas besoin de rappeler le travail continu, depuis sa création en 1983, de l'Office sur la sûreté nucléaire, avec de nombreux rapports – dont ceux de M. Christian Bataille –, auditions et auditions publiques : accident de Fukushima, cuve de l'EPR, gestion des déchets… La loi prévoit également une audition annuelle systématique de l'ASN par l'Office, sur son activité de l'année. Nous avons tenu la dernière le 30 novembre dernier. De même, la loi prévoit l'audition annuelle de la commission nationale d'évaluation des recherches et études relatives à la gestion des matières et des déchets radioactifs (dite CNE2). Nous l'avons entendue en novembre également.

S'agissant de la sécurité nucléaire, je rappelle les précédentes auditions de l'OPECST en 2014 sur les survols des centrales nucléaires par les drones. Elles avaient consisté en une première partie confidentielle (comme ce matin), suivie immédiatement après d'une audition publique, ouverte à la presse, comprenant les autorités publiques et les principales parties prenantes : exploitant, industriels et représentant des ONG et de la société civile.

Je rappelle également que l'Assemblée nationale a créée en parallèle, le 30 janvier dernier, une commission d'enquête sur « La sûreté et la sécurité des installations nucléaires ». Le président en est M. Paul Christophe et la rapporteure Mme Barbara Pompili, par ailleurs présidente de la commission du développement durable. Certains membres de l'OPECST font aussi partie de cette commission d'enquête. Ce matin-même, cette commission d'enquête auditionne plusieurs ONG et le président de l'association nationale des comités et commissions locales d'information (ANCCLI).

La commission d'enquête permettra un focus ponctuel, sur une durée de six mois, et devrait faire en sorte « d'ouvrir le maximum d'auditions au public et à la presse », selon les déclarations de Mme Barbara Pompili à Sciences et Avenir. Elle ne pourra cependant pas traiter en principe de faits couverts par des poursuites judiciaires, ce qui est le cas des intrusions de militants de Greenpeace à l'automne 2017.

L'OPECST, quant à lui, mène une action continue et assure un suivi permanent des questions de sûreté et de sécurité et, à ce titre, est l'interlocuteur naturel des autorités et parties prenantes. En outre, et contrairement à la commission d'enquête, il ne nous est pas interdit de vous entendre sur les intrusions de l'automne 2017.

S'agissant de sécurité nucléaire, nous devons concilier la nécessaire confidentialité de certaines informations et la transparence que nos concitoyens attendent. La question de la confiance a son importance.

Les travaux de l'Office ne sont pas en général confidentiels. L'OPECST a notamment organisé, de 2011 à 2017, une vingtaine d'auditions publiques, ouvertes à la presse, traitant de questions touchant à la sûreté ou à la sécurité nucléaire. Les auditions annuelles de l'ASN sont également publiques, et la dernière audition de la CNE2 l'a également été pour la première fois à l'automne 2017, à ma demande.

Pour les auditions de ce matin, il est en revanche fait application de la disposition de la loi régissant l'OPECST selon laquelle : « Les travaux de la délégation sont confidentiels, sauf décision contraire de sa part. ». Dans l'état du monde contemporain, chacun comprendra que certaines informations confidentielles ne peuvent pas être divulguées sans précaution, en raison du risque d'être utilisées, manipulées, instrumentalisées, à de très mauvaises fins. Transparence et responsabilité doivent être conjuguées intelligemment si l'on ne veut pas donner certaines informations à des personnes mal intentionnées, qui s'en serviraient contre la démocratie.

Nous étudions par ailleurs la possibilité de poursuivre les auditions confidentielles de ce matin par une audition publique, ouverte à la presse et retransmise en vidéo : autorités, parties prenantes, société civile… et avec participation du public sous une forme restant encore à déterminer, peut-être avec la commission d'enquête. Je pars du principe qu'à chaque fois que l'on tait les faits, on alimente les soupçons.

Je vous rappelle les règles décidées par le Bureau de l'Office pour les auditions de ce matin. Nos débats sont confidentiels et seuls les personnes auditionnées, les parlementaires et les fonctionnaires de l'OPECST sont autorisés dans la salle, au demeurant de petite taille et sans dispositif de diffusion audiovisuelle. Il sera rédigé un compte rendu écrit qui sera soumis à chaque intervenant, lequel pourra en retirer tous les propos qu'il estimera ne pas devoir être portés sur la place publique. Ce compte rendu sera ensuite publié sur le site internet de l'OPECST. L'enregistrement audio est à usage exclusif pour l'établissement de ce compte rendu. J'invite instamment nos collègues parlementaires à ne communiquer que sur la base de ce qui aura été écrit dans ce compte rendu.

Ce matin, en première partie, nous souhaiterions entendre, comme convenu, le secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) sur les risques liés à des actes de malveillance, auxquels sont confrontées les installations nucléaires françaises, ainsi que les dispositifs mis en place pour les contrer. Quelles sont les responsabilités des uns et des autres : SGDSN, ministère de l'écologie, ministère de l'intérieur (préfets, gendarmes, renseignement), ministère de la défense (armée de l'air, renseignement) ?

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