Intervention de Mario Pain

Réunion du jeudi 15 février 2018 à 9h00
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Mario Pain, haut fonctionnaire de défense et de sécurité (HFDS) adjoint, chef du service de défense, de sécurité et d'intelligence économique (SDSIE), ministère de la transition écologique et solidaire :

– Tout d'abord, certaines questions pourraient laisser penser qu'il n'y a pas, en France, d'organisation claire de la sécurité. Tel n'est pas le cas. Il existe une autorité de sécurité, de la même façon qu'existe une Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Évidemment, cette dernière étant dans une logique de transparence, communique beaucoup plus. L'autorité de sécurité, que je représente ici, est beaucoup moins visible, pour des raisons assez évidentes.

L'autorité de sécurité nucléaire est le ministre en charge du secteur de l'énergie, à travers le haut fonctionnaire de défense et de sécurité (HFDS), dont je suis l'adjoint. D'ailleurs, Mme Régine Engström s'excuse devant vous de n'avoir pu être présente, en raison de son agenda. Elle reste, bien entendu, à votre disposition pour être auditionnée, si vous l'estimez nécessaire.

Nous sommes un service, au même niveau que l'ASN, ayant le pouvoir, d'abord d'établir des doctrines et des prescriptions, ensuite de contrôler leur exécution, par des inspections et des exercices. Il faut savoir qu'en France chaque site nucléaire fait l'objet d'au moins une inspection par an, que ces inspections comportent non seulement un contrôle des dispositifs de protection, mais aussi une mise en situation des personnes, pour vérifier qu'elles ont les bonnes réactions par rapport à la menace, et que tout ce système est évalué en permanence, pour permettre une amélioration continue. Nous avons aussi des pouvoirs d'injonction et de sanction, tout à fait équivalents à ceux de l'ASN. Nous travaillons aussi à un niveau interministériel.

Il faut comprendre qu'il y a une différence fondamentale entre sûreté et sécurité. Dans le droit, la sûreté d'une installation étant de la responsabilité de l'exploitant, l'ASN vérifie l'application des dispositions de sûreté par ce dernier. A contrario, la sécurité est une responsabilité partagée entre l'opérateur et l'État, puisque ce dernier, dans son rôle régalien, est responsable de l'exercice paisible des activités économiques. Quand on prescrit à l'exploitant un certain nombre de mesures de sécurité, tout ce qui va au-delà relève de l'État. Les directives nationales de sécurité (DNS), évoquées par le secrétaire général, ont justement pour fonction le partage entre les menaces auxquelles l'opérateur doit pouvoir faire face, et pour lesquelles il doit démontrer sa capacité à les assumer, et les menaces qui dépassent cette limite, qui sont de la responsabilité de l'État. C'est cette raison qui justifie la séparation entre une autorité de sûreté, qui travaille dans une certaine logique, et une autorité de sécurité, qui travaille dans une autre.

Pour répondre un peu plus concrètement à vos questions, il existe deux modèles de protection des installations. Le modèle du bunker, préféré par certains pays étrangers comme les États-Unis, consiste à installer une clôture et une tour d'observation, et à tirer sur toute personne essayant de traverser la clôture, parce que la législation reconnaît que toute personne essayant de la franchir est potentiellement en faute, donc susceptible d'être visée.

La logique adoptée en France est celle de la défense en profondeur, avec plusieurs barrières concentriques et des forces susceptibles d'intervenir. Les barrières n'ont pas pour but d'empêcher les gens d'entrer, mais de les retarder, pour donner à la protection active le temps d'intervenir, ce qui permet de donner le temps de réaliser une discrimination entre une intrusion « médiatique », une intrusion accidentelle – comme cela s'est déjà produit – et une intrusion véritablement hostile.

Mais cela a un effet qu'il est difficile d'expliquer au public, la défense en profondeur impliquant, par essence, que les intrus entrent dans l'installation. L'efficacité du processus ne se mesure pas à l'absence d'intrusion, mais au fait que les gens sont arrêtés avant d'avoir atteint les points vitaux de l'installation. De toute évidence, il existe un problème, surtout avec les intrusions « médiatiques ». Des gens vont franchir la première, la deuxième, ou la troisième barrière, mais les forces chargées de la protection ne vont pas tirer. Ce n'est que lorsqu'on touche à la dernière barrière, lorsqu'on est tout près des installations vitales, que les forces font vraiment les sommations et menacent de tirer.

Dans le cas d'une installation, les militants de Greenpeace sont arrivés jusqu'au mur du bâtiment combustibles, ont commencé à l'escalader, en continuant malgré les sommations des gendarmes. Ils ne se sont arrêtés que quand les gendarmes ont armé leurs fusils. J'ai demandé au chef du peloton ce qu'il aurait fait s'ils ne s'étaient pas arrêtés. Sa réponse a été : « on ne le saura jamais ». Il avait tout à fait raison. Mettez-vous à la place d'un gendarme, à deux heures du matin, dans l'obscurité, avec des gens qui portent des banderoles Greenpeace, mais ne sont peut-être pas de Greenpeace. C'est une décision personnelle très difficile. C'est pour cela que ces intrusions nous mettent en difficulté. Les personnels chargés de la protection sont obligés de faire un choix, et feront un jour un mauvais choix.

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