André Chassaigne a coutume de souligner l'importance du choix des mots. Passer du titre de « ministre de la défense » à celui de « ministre des armées » doit donc avoir son importance. Vous parlez de la deuxième armée du « monde libre », madame la ministre, mais la notion de « monde libre » suggère aussi celle d'un monde à libérer. Avec qui le ferons-nous, et comment ? Quel est ce monde ? Cela implique que le ministère des armées devienne, de facto, celui de la guerre. C'est pourquoi ce projet de loi de programmation militaire nous inquiète. S'il y a un monde à libérer, comment les choses se dérouleront-elles ? Je vous invite donc à développer ce concept de « monde libre », que nous avons du mal à appréhender.
Je veux aussi évoquer, pendant les deux minutes qui me sont imparties, la dissuasion nucléaire et le positionnement de notre armée. Nous avons des militaires, des soldats de très grande qualité, qui entretiennent l'arme nucléaire française et la tiennent en permanence à notre disposition, pour notre sécurité. Cela dit, nous célébrons cette année le cinquantième anniversaire du traité de non-prolifération des armes nucléaires, et le prix Nobel de la paix a été attribué aux associations et militants du traité d'interdiction des armes nucléaires. Nous avons aussi connu l'épisode inquiétant entre la Corée du Nord et les États-Unis. Dans le cadre d'une loi de programmation militaire, nous sommes donc en droit de nous interroger sur la dissuasion, sur son utilité, son niveau et la nature de sa modernisation, sachant que tous les pays dotés de l'arme nucléaire ne répondent pas de la même manière à sa modernisation, au regard des « enjeux du XXIe siècle », comme on dit maintenant.
Même si nous reconnaissons au Président de la République le pouvoir de déclencher l'arme nucléaire, devons-nous considérer qu'il est le seul à pouvoir la penser ? Pourquoi le projet de loi de programmation militaire ne met-il pas en débat la question de la dissuasion, de son niveau et de ses vecteurs ?