Le système des ressources propres permet de réduire la tyrannie du juste retour qui veut que chaque État membre soit tenté de comparer ce qu'il apporte au budget de l'Union européenne avec ce qu'il en retire.
En France, les assemblées adoptent chaque année, à l'occasion du débat budgétaire, un article, placé dans le projet de loi de finances juste avant l'article d'équilibre, qui indique le montant des ressources transférées au budget de l'Union européenne.
Le CFP indique pratiquement à l'euro près la part qui va revenir à chaque État membre au titre de la politique agricole commune et des fonds de cohésion. Chaque État compare alors ce qu'il apporte avec ce qu'il reçoit. Ces chiffres alimentent un débat qui n'est pas tout à fait dans l'esprit de la solidarité européenne.
Or, les seules ressources propres aujourd'hui, alors même que les traités prévoyaient que le budget européen devait être financé par elles, sont les droits de douane. De traité de libre-échange en traité de libre-échange, ils ont cependant fondu comme neige au soleil pour ne plus représenter que 10 % des ressources budgétaires actuelles de l'Union européenne. Partant, les 90 % restants sont apportés par un petit prélèvement sur la TVA et, majoritairement, par le prélèvement sur le revenu national brut.
Le Royaume-Uni avait obtenu sur ce dernier un rabais, pour le financement duquel d'autres États membres avaient eux-mêmes obtenu un rabais… Car, en pratique, les dirigeants politiques des États membres se tournent, en fin de négociation des CFP, vers le président européen en charge de l'exercice. Chaque État membre, y compris le plus modeste, disposant pour ainsi dire d'un droit de veto, sait en jouer pour obtenir des concessions. Ainsi, les Pays-Bas et la Belgique récupèrent 25 % du produit des droits de douane qu'ils perçoivent pour le compte de l'Union européenne. Sur ce chapitre, le Parlement européen n'a, quant à lui, rien à dire.
À l'occasion du départ du Royaume-Uni et de la fin du chèque britannique, tous ces rabais disparaîtront, au profit d'une transparence et d'une clarté accrues dans la répartition des contributions des États.
Il peut y avoir de nouvelles ressources propres. Certains pensent qu'elles viendront en sus des ressources existantes, pour financer de nouvelles actions. M. Mario Monti est l'inspirateur d'une réflexion à ce sujet, puisqu'il a présidé le groupe de haut niveau constitué à cette fin, le CFP – singulièrement rogné par le Premier ministre Cameron – n'ayant été approuvé à l'automne 2013 par le Parlement européen qu'à la condition qu'un groupe soit constitué sur le sujet des ressources propres.
Placé sous la direction de M. Monti, ce groupe constitué de représentants des trois institutions que sont la Commission, le Parlement et le Conseil, a rendu publiques ses propositions au début de l'année 2017. Ce dispositif a fait l'objet d'un rapport d'initiative approuvé hier par le Parlement européen, qui l'a repris.
Se trouvent ainsi évoquées la possibilité d'établir une taxe carbone prélevée aux frontières extérieures, la possibilité d'une taxe sur les transactions financières, un financement issu de la gestion commune du prix de la tonne de carbone, un élément de TVA ou encore une part de l'impôt sur les bénéfices réalisés par les sociétés commerciales collecté par les États membres, à partir du moment où une assiette commune serait en vigueur pour cette imposition. Une taxe sur les géants de l'économie numérique tels que Google, Apple, Facebook, Amazon, encore appelée taxe GAFA, serait également envisageable – actuellement, les États européens sont en effet tellement intelligents qu'ils se concurrencent mutuellement, de sorte que ces entreprises finissent par ne pas payer d'impôt en Europe ; on ne peut que souhaiter qu'ils sortent de ce type de ruling traditionnel et se fixent enfin des règles.
Les ressources propres restent néanmoins dans la main des États membres. Ce n'est donc pas le Parlement européen qui adoptera éventuellement ces dispositions, mais les États membres qui définiront ces ressources dans leur loi de finances – si possible de la même manière ! – et les encaisseront. Dans la mesure où cela passera par les budgets nationaux, je ne suis donc pas sûr que nous puissions ainsi effacer l'effet de la tyrannie du juste retour. Mais cela réduirait du moins la dimension de ce débat.
Plus il y aura de ressources propres, moins seront importantes les contributions au titre du revenu national brut, transférées des budgets nationaux vers le budget européen. Nous devons cependant être conscients que ce n'est pas évident. S'il doit y avoir de nouvelles ressources propres du fait de la création de ces nouveaux impôts, cela passera en tout cas par un accord général, mais aussi par des dispositions adoptées par les parlements nationaux dans les projets de loi de finances. Or il n'est pas sûr que tous les États membres soient prêts à passer à l'acte rapidement ; la mise en oeuvre du mécanisme risque au contraire de prendre quelques semaines.
Il faut également faire très attention à ne pas provoquer ainsi de hausse des prélèvements obligatoires pour les citoyens européens. Ces ressources nouvelles devraient au contraire amener une réduction à due concurrence des contributions des États membres au budget de l'Union et non à un gonflement de ce dernier, concomitant à un gonflement des prélèvements obligatoires qui ne serait pas de nature à rendre l'Europe plus populaire.