Intervention de Jean Arthuis

Réunion du jeudi 15 mars 2018 à 14h30
Mission d'information sur le suivi des négociations liées au brexit et l'avenir des relations de l'union européenne et de la france avec le royaume-uni

Jean Arthuis, président de la commission des budgets au Parlement européen :

Nous attendons avec fébrilité les propositions de la Commission. Le commissaire que vous citez a déclaré qu'il faudrait raboter un peu et demander de l'argent frais aux États membres, selon des dosages subtils qui relèvent de l'expertise de la Commission. Il y aura probablement un peu des deux. Quelques pays, dont l'Allemagne et la France, sont prêts à mettre la main à la poche, mais il y a parfois un écart entre le discours politique et sa traduction concrète. Tout se déroule au sein du Coreper, le comité des représentants permanents : il m'arrive de penser que le pouvoir est entre les mains des diplomates et que les politiques auraient intérêt à dire plus clairement au Coreper ce qu'ils attendent dans certains cas. On observe parfois des contradictions – je pense à des conciliations budgétaires un peu difficiles.

J'entends des voix politiques s'élever pour dire qu'il n'est pas question de toucher à la PAC. Il faut bien voir que ce n'est pas seulement une affaire de crédits : cette politique vise à assurer la sécurité et la souveraineté alimentaires. On doit assurer des revenus satisfaisants aux agriculteurs, mais il ne sert à rien de verser des subventions à certains éleveurs de bovins si l'on signe en même temps avec le Mercosur, l'Australie ou la Nouvelle-Zélande, de nouveaux accords commerciaux qui les mettent en difficulté. Il serait bon de mettre en cohérence les crédits budgétaires de la PAC avec la politique commerciale et les règles de la concurrence : si l'on n'empêchait pas les regroupements face à des industriels qui, eux, sont très concentrés ou à des distributeurs qui se trouvent bien souvent dans une situation d'abus de position dominante, cela permettrait de rééquilibrer les prix. La PAC devrait tenir compte de ces différentes dimensions au lieu d'en rester à une simple perspective financière. Par ailleurs, il faut certainement revoir les crédits de cette politique : si l'on veut supprimer les glyphosates, la recherche doit mettre au point les produits de substitution, et l'on pourrait utiliser les crédits de la PAC pour y parvenir. Les agriculteurs sont aujourd'hui suffisamment au fait des attentes sociétales en ce qui concerne l'environnement et les territoires pour convenir que la PAC est, au fond, une convention conclue avec les citoyens européens à propos d'un bien commun.

Au Parlement européen, on a tendance à penser que l'on ne doit pas toucher au volume de la PAC, pas plus qu'à celui des fonds de cohésion, et qu'il faudra trouver de l'argent frais pour combler le trou résultant du Brexit et financer de nouvelles actions, par exemple si l'on veut créer un fonds pour la défense qui soit autre chose qu'un élément de langage destiné à la communication institutionnelle. De même, si l'on veut une action forte aux frontières, on doit permettre à Frontex d'avoir des aéronefs, des bateaux et des garde-côtes, et il faut du personnel présent aux frontières afin de contrôler les flux migratoires – ce n'est pas au moyen d'incantations que l'on y arrivera. Nous sommes dans une période où l'Europe doit changer de rythme et de voilure, sans augmenter pour autant la dépense publique en Europe ni, si possible, les prélèvements obligatoires.

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