Pour faire face aux événements climatiques majeurs, il faut élaborer une triple stratégie qui doit consister à mieux protéger les zones à fort enjeu humain, où un déplacement est impossible, à limiter le risque de mauvaise adaptation en évitant de créer nous-mêmes les conditions de notre vulnérabilité future, et à développer autant que faire se peut, là où c'est possible, les solutions fondées sur la nature. Dans ce cadre, nous avons identifié cinq leviers d'action importants.
- Premièrement, la planification de l'urbanisation en zone littorale : il faut éviter de construire dans des zones littorales à risque. Cela va de soi, mais on y construit encore, de sorte qu'il faut sans doute renforcer les outils juridiques en matière de fiscalité et d'assurance.
- Deuxièmement, les politiques environnementales renforcées : il s'agit d'exploiter les solutions fondées sur la nature.
- Troisièmement, la coordination institutionnelle lorsque nous avons travaillé sur les conséquences du cyclone Béjisa à La Réunion en 2014, nous avons constaté qu'il existait des conflits institutionnels locaux sur le point de savoir qui gère quoi, si bien que les particuliers étaient démunis et contraints de trouver leurs propres solutions, ce qui complique en définitive le système du risque.
- Quatrièmement, la sensibilisation des populations : il est important que celles-ci comprennent pourquoi on veut leur imposer des contraintes administratives, juridiques ou en matière d'urbanisation, même si elles n'en voient pas le bénéfice immédiat, car, si elles ne les comprennent pas, elles ne les accepteront pas et cela ne fonctionnera pas.
- Cinquièmement, il faut développer la recherche scientifique appliquée, pour mieux comprendre les événements climatiques, leurs impacts, les facteurs qui influent sur la vulnérabilité, la combinaison de solutions adéquates, etc.
Par ailleurs, vous nous avez demandés d'évoquer les limites à l'adaptation liées aux efforts, ou à l'absence d'efforts, d'atténuation des émissions de gaz à effet de serre. À notre connaissance, il n'existe pas de travaux dans ce domaine précis sur les cas français, mais il nous paraît plus pertinent d'aborder la question sous l'angle de l'évaluation des risques d'impact qu'entraîneraient différents futurs possibles en matière d'émissions. Dans cette optique, on s'aperçoit que, même une trajectoire basse émission – celle qui a été définie dans l'accord de Paris – aura des effets sur les événements extrêmes et les changements graduels, donc sur leur impact. Si l'on retient un scénario à plus 2 degrés, le niveau de risque actuel est multiplié par 1,4, soit une augmentation de 40 %. De manière générale, plus la température est élevée, plus le risque d'impact s'intensifie. Les limites à l'adaptation sont donc probablement proportionnelles au niveau d'émission à l'échelle globale, mais cette approche reste encore très théorique. Elle est adoptée par certains économistes à une échelle globale, mais avec des estimations problématiques au plan scientifique car elles sont contestables, incomplètes, inadaptées à certains contextes. L'approche en termes de risques d'impact est donc plus intéressante et plus pragmatique.
En ce qui concerne les recommandations politiques, il existe trois grands types d'adaptations, le mieux étant de les utiliser simultanément : réduire l'exposition, réduire la sensibilité et renforcer la résilience. En tout état de cause, il est important d'élaborer une stratégie d'adaptation qui puisse être révisée régulièrement, parce que les conditions et les connaissances changent. Pour finir, cinq pistes de recherche nous paraissent fondamentales. La première est la compréhension des facteurs de la vulnérabilité de la résilience in situ, notamment à travers une approche par les trajectoires de vulnérabilité, c'est-à-dire une approche dynamique de cette vulnérabilité, pour poser une question : dans telle situation, quelle est la part de l'homme et celle de la nature dans le risque ? C'est la réponse à cette question qui nous apporte des éléments de solution à appliquer dans un territoire donné. L'agence nationale de la recherche (ANR) « Ouragan », créée en 2017, va bientôt débuter ses activités.
Deuxième grand pilier de recherche : comprendre ces fameuses « chaînes d'impact » évoquées tout à l'heure, car elles permettent d'identifier les points nodaux du risque, c'est-à-dire les moments où se produisent des effets de ramification sur de nombreuses dimensions, qui créent le risque final et la durée dans le temps du risque, et d'identifier les zones d'action prioritaire dans cette chaîne d'impact.
Troisièmement, l'analyse des risques d'impact dans le futur : je n'y reviens, pas mais c'est une manière d'anticiper les risques, tout en prenant en compte les problèmes d'incertitude.
Quatrièmement, la co-construction avec l'ensemble des parties prenantes de ces fameux « services climatiques », mais des services climatiques qui vont de l'impact à l'adaptation, alors qu'ils restent à ce jour très centrés sur les paramètres climatiques des événements. Les décideurs, aux échelles nationales et locales, ont besoin d'informations sur la traduction de ces événements en termes d'impact, de risque, de vulnérabilité et d'adaptation.
Enfin, nous sommes convaincus de l'importance de porter un effort particulier sur les outre-mer français. C'est d'ailleurs une recommandation très structurante du GIEC2. Ces outre-mer sont vulnérables et divers, ils peuvent nous apprendre beaucoup de choses, ils sont sous-étudiés et, dans le cadre des négociations climatiques, ils ont le sentiment, parce qu'ils sont pilotés par la France, d'être les oubliés de la diplomatie climatique.
Je vous fournirai des éléments sur les océans et littoraux. Dans les négociations climatiques, c'est un sujet qui mériterait une discussion à part entière.