Intervention de Philippe Vigier

Réunion du mercredi 7 mars 2018 à 9h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Vigier, rapporteur :

Mes chers collègues, je vous remercie d'être aussi nombreux, au moment où je présente devant vous cette proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête parlementaire.

Cette proposition porte sur un sujet grave et important, dont on peut convenir qu'il intéresse tout l'hémicycle, et qui a été abordé sous les deux précédentes législatures au travers de propositions de loi ou d'actions gouvernementales.

Comme cela ressort de l'intitulé, nous avons voulu traiter de l'accès aux soins sur l'ensemble du territoire, et pas uniquement dans les territoires ruraux, dans la mesure où ce problème existe aussi en milieu urbain, et poser la question de l'efficacité des politiques publiques, dans la mesure où un certain nombre d'actions ont déjà été menées. Notre objectif est d'apporter, via la représentation nationale, un éclairage au Gouvernement sur le sujet.

Le problème n'est pas nouveau. Depuis l'an 2000, on assiste en effet à un décrochage, qui s'est trouvé accéléré par le MICA, mécanisme d'incitation à la cessation anticipée d'activité des médecins, qui les encourageait à partir à la retraite. Le phénomène, qui s'est donc malheureusement amplifié, fragilise la cohésion nationale. En effet, les personnes les plus éloignées de l'accès aux soins sont souvent les plus vulnérables : personnes âgées, jeunes, familles confrontées aux encombrements des urgences pédiatriques. Plus généralement, l'inégalité d'accès aux soins sur l'ensemble du territoire a pour conséquence l'engorgement de tous les services d'urgence. Nous venons d'auditionner Mme Julienne, la candidate pressentie à la direction de la HAS : le lien entre médecine de ville et secteur hospitalier est extrêmement étroit, le fonctionnement de la première ayant des conséquences sur le second.

Autre sujet préoccupant : la démobilisation et l'absence de reconnaissance. Neufs médecins formés sur dix ne vont plus dans le secteur privé. Beaucoup d'hommes et de femmes qui voudraient embrasser ce métier ne le font pas, en raison des conditions d'exercice du secteur privé, qui sont devenues extrêmement difficiles – risques de burn-out, etc.

Dernière conséquence : la mauvaise prise en charge des patients. Or, on le sait très bien, c'est la prise en charge la plus efficace, la plus rapide, par la bonne personne, et au bon moment, qui permet de faire reculer la morbidité.

Pour autant, et je pense que nous serons tous d'accord sur ce point, beaucoup a déjà été fait : le numerus clausus a été augmenté, notamment depuis 2000 ; des incitations financières à l'installation ont été instaurées, qu'elles viennent de l'État au travers des organismes de sécurité sociale, ou des collectivités territoriales ; des Maisons de santé ont été créées ; des contrats d'engagement de service public ont été proposés ; des zones franches ont été mises en place.

Malheureusement, le phénomène s'amplifie. Les perspectives à court et moyen termes sont particulièrement sombres. La télémédecine reste à mettre en oeuvre, comme l'ont reconnu Mme Julienne et l'un de nos collègues.

J'insiste une fois encore sur le fait qu'il n'y a pas à opposer les ruraux aux urbains. Dans le 20e arrondissement de Paris, on rencontre les mêmes difficultés qu'en Lozère ou en Eure-et-Loir, chez moi. Il est vrai que j'ai l'avantage, ou le désespoir, de vivre dans un département qui compte 85 médecins pour 100 000 habitants. Cela fait réfléchir…

Mes chers collègues, nous avons à nous prononcer sur la recevabilité de cette commission d'enquête déposée au titre du droit de tirage de notre groupe parlementaire. Nous avions d'ailleurs déjà déposé trois propositions de loi sur la désertification médicale. Ce serait la première commission d'enquête parlementaire sur le sujet. Voilà quelques semaines, une proposition de loi du groupe Nouvelle gauche – dont je m'étais permis de soutenir le travail – a été repoussée.

Enfin, je précise que Mme la garde des sceaux nous a fait savoir qu'aucune procédure n'était en cours sur le thème de cette proposition de résolution.

Voilà en quelques mots ce que je souhaitais vous dire, madame la présidente, mes chers collègues, avec un peu d'émotion. Cette commission d'enquête n'est pas destinée à pointer du doigt tel ou tel, mais à faire des propositions utiles pour les dirigeants que nous sommes, et pour le Gouvernement.

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