Mercredi 7 mars 2018
La séance est ouverte à neuf heures trente.
(Présidence de Mme Brigitte Bourguignon, présidente)
La commission des affaires sociales entend la communication Mme Carole Grandjean, référente de la commission auprès de la commission des affaires européennes sur l'actualité européenne.
Ce point de l'ordre du jour ne fait pas l'objet d'un compte rendu écrit. Les débats sont accessibles sur le portail vidéo du site de l'Assemblée à l'adresse suivante :
Communication de Mme Carole Grandjean, référente auprès de la commission des affaires européennes
La commission des affaires sociales procède ensuite à l'audition, en application de l'article L. 1451-1 du code de la santé publique, de Mme Katia Julienne, candidate pressentie à la direction de la Haute Autorité de Santé.
Mes chers collègues, en application de l'article L. 1451-1 du code de la santé publique, nous devons procéder à l'audition de Mme Katia Julienne, candidate pressentie à la direction de la Haute Autorité de santé (HAS). Je rappelle que cette audition n'est pas suivie d'un vote.
Avant toute chose, je dois excuser Mme Caroline Fiat, référente de notre commission auprès de la HAS, qui ne pourra être présente parmi nous.
Madame Julienne, je vous souhaite la bienvenue dans notre commission et, sans plus attendre, je vous donne la parole.
Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, je suis très honorée d'être proposée pour occuper les fonctions de directeur général de la HAS et de me trouver devant votre commission aujourd'hui.
La HAS a de nombreuses missions : l'évaluation des produits de santé, la certification des établissements, l'élaboration de recommandations de bonnes pratiques et la sécurité des patients. C'est un organisme scientifique garant de la qualité de notre système de santé.
Avant de revenir sur ses missions et le contexte dans lequel elles vont s'exercer dans les années à venir, je voudrais vous présenter rapidement mon parcours et ce qui motive ma candidature. Je suis administratrice civile et, depuis ma sortie de l'École Nationale d'administration (ENA) en 2001, j'ai choisi de rejoindre le ministère des affaires sociales et de la santé. À cette occasion, j'ai exercé différentes fonctions en suivant un fil conducteur, et elles m'ont permis de bien connaître chaque segment de l'offre de soins et, in fine, d'avoir une vision et une compréhension globale du fonctionnement du système.
Pour le dire simplement, je suis passionnée par les questions sanitaires, médico-sociales et sociales, et j'ai saisi chaque occasion d'exercer des fonctions qui me permettaient de comprendre chacun de ces aspects. C'est ainsi que, pendant six ans à la direction de la sécurité sociale, notamment en qualité de sous-directrice du financement du système de santé, j'ai été conduite à beaucoup travailler avec la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM) et les professionnels de santé libéraux. J'ai ainsi acquis une bonne connaissance de la médecine ambulatoire, notamment des négociations conventionnelles. Pendant cette période, j'ai pu voir des évolutions majeures comme l'introduction d'objectifs de santé publique assortis d'indicateurs et d'incitations financières, avec la mise en place de la rémunération sur des objectifs de santé publique dans la convention médicale de 2011. J'ai également participé aux travaux qui ont abouti, en 2012, à l'engagement du nouveau mode de rémunération pour les pharmaciens d'officine.
Pendant cette période, j'ai aussi beaucoup développé mon analyse des produits de santé. En effet, j'étais à la direction de la sécurité sociale au moment de la crise du Mediator, puis des Assises du médicament et de la loi de 2011. J'y ai acquis une bonne maîtrise du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) qui structure fortement l'activité de la direction de la sécurité sociale. J'ai eu notamment en charge le pilotage de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (ONDAM) dont le taux a fortement baissé à partir de 2010. D'ailleurs, à cette occasion, j'ai pu constater les vertus et les limites de la régulation financière.
Ensuite, j'ai rejoint la direction générale de la cohésion sociale – au sein de laquelle j'avais déjà travaillé dans le champ du handicap – en qualité d'adjointe du directeur général. Cette fonction m'a permis de travailler sur l'ensemble du champ médico-social qui concerne les personnes âgées et les personnes en situation de handicap. Je l'ai fait dans le contexte de l'élaboration et de l'examen de la loi d'adaptation de la société au vieillissement. J'ai pu appréhender la diversité et la complexité du secteur social, je pense notamment à la protection de l'enfance ou encore à l'hébergement d'urgence. Durant cette période, j'ai beaucoup travaillé avec les départements et avec nombre d'acteurs, par exemple les bailleurs sociaux. J'ai, en effet, piloté la mise en oeuvre des diagnostics territoriaux, dit à 360°, dans dix départements tests, puis leur généralisation à l'ensemble du territoire, afin de faciliter les parcours de l'hébergement d'urgence et l'accès au logement de populations aux caractéristiques très diverses.
J'ai ensuite rejoint la direction générale de l'offre de soins (DGOS). Si cette direction a une compétence large en matière d'offre de soin, elle m'a surtout permis de mieux connaître le secteur hospitalier dans toute sa diversité : mise en place récente des groupements hospitaliers de territoire (GHT) ; travaux engagés en décembre dernier sur la refonte du régime des autorisations sanitaires.
Au cours des dernières années, je me suis également beaucoup impliquée, avec les équipes de la DGOS, dans l'élaboration et la mise en oeuvre de la réforme du financement des soins de suite et de réadaptation (SSR). Lors de nombreux déplacements sur le terrain, j'ai eu l'occasion de mesurer leur rôle important pour les patients mais aussi leur lien avec la médecine, la chirurgie, les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) et les maisons d'accueil spécialisées (MAS) dans le champ du handicap. J'ai pu constater l'engagement de tous les professionnels pour la réinsertion sociale et professionnelle des patients. Cet exemple montre à quel point il est important de bien faire le lien entre la ville, l'hôpital et le médico-social.
Dans mon parcours, je voudrais également mentionner la direction de la recherche, des études et des évaluations, au sein de laquelle j'ai pu travailler sur les outils de la connaissance. Pour un administrateur civil, il est peu fréquent d'exercer ce type de fonction, mais il m'a paru indispensable de savoir manier des outils qui permettent de dresser un état des lieux, d'évaluer les politiques publiques et de mesurer les évolutions qui sont à l'oeuvre – je pense aux bases de données, aux indicateurs, aux enquêtes ou aux monographies. J'ai d'ailleurs participé à certaines publications, notamment sur les indicateurs. J'en ai retiré l'habitude et le plaisir d'échanger et de travailler avec des scientifiques. Il me semble que ces échanges, extrêmement riches, sont encore insuffisants pour élaborer et piloter la mise en oeuvre des politiques sociales, sanitaires et médico-sociales.
Cette expérience m'a procuré une bonne connaissance, une bonne compréhension et une vision panoramique de notre système sanitaire et social. J'ai pu appréhender les spécificités de chaque secteur mais aussi les besoins d'articulation, voire les points de rupture du système. À titre d'exemple en matière de qualité et de pertinence, les outils sont diversement développés, notamment parce que les organisations et les contraintes sont différentes dans un EHPAD, dans un centre hospitalier universitaire (CHU) ou dans une maison de santé pluri-professionnelle. J'ai la conviction qu'il est non seulement nécessaire mais aussi indispensable de conserver ces réflexes pour bien faire le lien entre l'hospitalier, la ville, le médico-social et le social.
De mon expérience, je retire aussi la conviction qu'il est essentiel de nourrir un dialogue continu avec tous les acteurs – professionnels, patients et usagers au plan national – mais aussi de préserver une proximité très forte avec le terrain, afin de bien comprendre concrètement ses enjeux et ses difficultés et d'être capable de répondre à ses attentes en construisant des outils adaptés pour que les professionnels s'en saisissent et que les patients en bénéficient.
Forte de cette expérience dans les secteurs sanitaires, médico-social et social, je pense être en mesure d'apporter mes connaissances et ma compréhension à la HAS, précisément au moment où elle s'apprête à intégrer l'Agence nationale de l'évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ANESM).
J'en viens maintenant aux principaux enjeux de la HAS.
Cette institution occupe une place importante dans notre système de santé et elle est reconnue pour sa contribution à la régulation par la qualité. Elle tient sa place avec constance et en s'appuyant sur ses valeurs : la transparence, l'indépendance garantie par des règles déontologiques, et l'expertise scientifique. Ces valeurs et son caractère scientifique et médical lui confèrent la forte légitimité dont elle jouit auprès des patients, des professionnels et des pouvoirs publics.
Les fondements de la HAS et leur reconnaissance ont d'ailleurs généré un accroissement constant de ses missions, et ce, encore récemment dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2018 : intégration de l'ANESM en avril prochain ; télémédecine ; article 51 sur les innovations organisationnelles.
Si le but du transfert des missions de l'ANESM à la HAS est d'accroître la transversalité entre les champs sanitaire, médico-social et social, la préservation de ses spécificités est apparue comme un élément essentiel pour éviter une sorte de dilution des missions de l'ANESM dans le secteur sanitaire. Tout est donc organisé pour éviter toute rupture dans la réalisation des travaux de l'ANESM et pour que l'intégration de ce secteur soit sanctuarisée au sein de la HAS par la création d'une commission spécialisée dont les règles de fonctionnement seront fixées par voie réglementaire.
La fusion des deux agences s'inscrit en cohérence avec la promotion des parcours de vie et de soins des patients et des usagers. Elle doit favoriser les travaux interdisciplinaires et transversaux au secteur sanitaire et social, qui seront naturellement amenés à s'intensifier. L'intégration de la politique d'évaluation de la qualité des établissements sociaux et médico-sociaux au sein de la HAS permettra aussi de garantir sa visibilité sur le long terme et sa stabilité. C'est d'autant plus vrai que les missions de la HAS s'inscrivent dans un contexte marqué par le vieillissement de la population, le développement des maladies chroniques, mais aussi par une contrainte financière très forte. Malgré ce contexte, il existe une volonté politique affirmée de garantir un égal accès aux soins – y compris quand ceux-ci font appel à l'innovation – et de renforcer la qualité et de la pertinence des soins tout au long du parcours de soins et de vie.
Deux phénomènes transversaux auront des répercussions sur toutes les missions de la HAS au cours des prochaines années.
Le premier concerne l'accélération de l'innovation. Ce mouvement affecte les produits de santé, notamment le médicament, mais aussi le numérique et donc la télémédecine, l'intelligence artificielle, l'innovation organisationnelle et l'exploitation des big data. Le développement de l'accès aux innovations doit être soutenu par une volonté politique forte et il doit respecter deux exigences : l'équité et la soutenabilité de notre système.
Le second est lié au renforcement de l'implication des patients. Cette tendance me paraît indispensable, d'une part, parce que le patient doit être davantage partenaire des décisions qui le concernent, et, d'autre part, parce qu'un patient plus impliqué dans un choix thérapeutique prend mieux en charge son comportement.
La HAS a d'ores et déjà engagé cette démarche avec une variété d'outils : la participation précoce aux notes de cadrage ; la structuration de la contribution des associations de patients aux commissions réglementées, etc. Plus récemment, la HAS a décidé, par exemple, de prendre en compte le point de vue des patients dans ses évaluations des médicaments. Outre la participation des représentants de patients à la commission de la transparence, les associations sont désormais systématiquement consultées pour l'évaluation des médicaments. Leur avis est discuté et pris en compte, ce qui constitue une réelle avancée pour bien prendre en compte la qualité de vie des patients dans l'évaluation du médicament.
Cette initiative me paraît particulièrement intéressante et porteuse d'évolutions substantielles quant au rôle dévolu aux patients au-delà des produits de santé. Elle répond d'ailleurs à une demande de nos concitoyens : ils veulent être plus actifs et en mesure d'exprimer leurs besoins tout au long de leur parcours de prise en charge.
J'en viens aux missions de la HAS.
Sa première mission consiste à élaborer et diffuser des recommandations de bonnes pratiques médicales et organisationnelles. Elle constitue un levier majeur pour améliorer constamment la qualité de la prise en charge et la pertinence des soins. Cet objectif, réaffirmé récemment par le Premier ministre et la ministre de la santé comme étant l'un des cinq chantiers prioritaires de transformation de notre système de santé, est indispensable pour garantir des soins de qualité.
La politique de santé, axée sur la pertinence des soins, affecte naturellement et fortement la HAS. Insuffisante, la régulation par l'ONDAM doit être complétée par une régulation par la qualité et la performance.
Cette inflexion sera notamment engagée par le biais de l'application de l'article 51 de la LFSS pour 2018, qui instaure un mécanisme d'innovation organisationnelle et de tarification. Doté d'un fonds financier, ce dispositif va permettre à des acteurs de terrain de demander un soutien financier et des dérogations afin de tester de nouvelles organisations, de nouveaux modes de prise en charge ou de coordination entre la ville, l'hôpital et le médico-social. Les textes d'application viennent d'être publiés.
Ces innovations, qui doivent favoriser le décloisonnement pour remettre le patient au coeur de sa prise en charge, devront être aussi évaluées avec soin dans la perspective de leur déploiement. L'enjeu, pour la HAS, consistera à définir selon ses méthodes et en concertation avec les professionnels, dans un calendrier resserré, une batterie d'indicateurs de résultats, y compris du point de vue du patient.
En matière de pertinence, d'autres défis attendent la HAS. Patients et professionnels – quel que soit leur lieu d'exercice – doivent s'approprier ses recommandations et en mesurer les évolutions. La HAS a déjà beaucoup oeuvré pour rendre ses recommandations plus lisibles et accessibles pour les professionnels et les patients mais des progrès restent à faire. Le mode de communication doit être modernisé si nous voulons être suffisamment visibles car ce domaine, qui a beaucoup évolué, est essentiel pour la diffusion des recommandations. Là encore, la question du renforcement de l'implication des patients pourrait être posée.
Au-delà de la communication, il est important de déterminer quels sont les outils dont les professionnels ont besoin, au quotidien, pour améliorer leur pratique. Je crois profondément à l'amélioration des pratiques grâce aux échanges entre pairs.
Dans le champ médico-social et social, la création d'une agence unique favorisera la complémentarité des approches de la qualité et un partage méthodologique intéressant concernant l'élaboration des recommandations de bonnes pratiques professionnelles.
Autre question importante : l'exploitation des données, de manière à la fois plus structurée et organisée. Il s'agit de donner des outils aux professionnels et aux patients, et aussi de mesurer la réalité et l'importance de l'évolution de ces pratiques. C'est un chantier en tant que tel, que ce soit pour les actes ou pour les produits de santé – je pense, par exemple, à la iatrogénie chez les personnes âgées.
Deuxième mission de la HAS : l'évolution de l'évaluation des produits de santé, dans un contexte marqué par une innovation extrêmement forte et très coûteuse, et par la volonté de préserver un égal accès à ces innovations.
La HAS a d'ores et déjà engagé des évolutions : rendez-vous précoce avec les industriels, forfait innovation. Cependant, plusieurs rapports appellent à des réflexions, voire à des réformes, qui nécessiteraient des modifications législatives et réglementaires n'engageant pas que la HAS. Citons quelques pistes de réformes.
Dans son rapport publié en 2015, Dominique Polton préconise de substituer la valeur thérapeutique relative (VTR) au service médical rendu (SMR) et à l'amélioration du service médical rendu (ASMR), ce qui pose la question – pas neutre – de l'évaluation d'un taux de remboursement.
D'autres réflexions visent à prendre en compte une médecine de plus en plus personnalisée, qui va parfois au-delà des indications et qui appelle à gérer différemment l'évaluation des médicaments.
Certaines idées de réforme sont liées à l'impact financier des innovations qui amène à se poser des questions cruciales, notamment à propos de la liste des médicaments facturables en sus des prestations d'hospitalisation, dite liste en sus. Cette préoccupation ne concerne pas le seul champ de la médecine, chirurgie, obstétrique (MCO). L'accès aux molécules onéreuses concerne aussi l'hospitalisation à domicile (HAD), les SSR et le secteur médico-social, notamment les EHPAD.
S'agissant de l'exploitation des données en vie réelle, les propositions émises dans un récent rapport me semblent extrêmement pertinentes. Comment exploitons-nous les données en vie réelle ? Que nous apporte cette exploitation en matière de bonnes pratiques ou dans d'autres domaines comme la liste en sus, les autorisations temporaires d'utilisation (ATU), la médecine de ville ?
Le développement des études médico-économiques pose un autre défi à l'HAS. Sachant que le National Institute for Health and Care Excellence (NICE) en fait beaucoup plus, avec des moyens différents, il me semble que ce type de d'études devrait être développé. La HAS s'est déjà engagée dans cette voie, ce qui me paraît intéressant.
Ces quelques questions, non exhaustives, soulignent la nécessité d'avoir une approche globale de l'ensemble de la chaîne des produits de santé, afin d'envisager de manière collective les évolutions nécessaires pour garantir un accès à une innovation de plus en plus coûteuse.
Troisième et dernière mission : la certification des établissements de santé, qui doit répondre aux trois objectifs que sont la médicalisation, la simplification et l'évaluation par les résultats. Jusqu'à présent, cette accréditation a été centrée sur les structures et les processus mais peu sur la pertinence médicale ou les résultats des prises en charge.
Cette première étape a d'ores et déjà amélioré notre système de santé mais elle n'est plus suffisante. Des évolutions sont nécessaires, notamment en termes de médicalisation, a fortiori en raison de la publication récente d'une ordonnance qui permet aux agences régionales de santé (ARS) de suspendre ou de refuser une autorisation en s'appuyant sur les certifications de la HAS. Les indicateurs doivent donc être simplifiés, compréhensibles, proches des pratiques, lisibles par les acteurs de terrain qui doivent pouvoir se les approprier. Cela renforcera le sens donné à la certification et intégrera cette dernière au quotidien des professionnels. Il faut faire porter l'évaluation sur des fondamentaux indiscutables et surtout sur la capacité des équipes à progresser.
Cette évolution vers une plus grande médicalisation de la certification n'en est qu'à ses débuts. Il s'agit, in fine, d'évaluer le parcours du patient dans son ensemble, en sachant que l'hôpital n'en représente qu'une partie. La construction d'un référentiel de parcours est une mission essentielle. Dans les mois à venir, les expérimentations réalisées dans le cadre de l'article 51 de la LFSS pour 2018 proposeront de nouveaux modes de financement. Il sera indispensable d'en mesurer la pertinence et les résultats.
L'évolution amorcée avec les GHT renforcera aussi la transversalité. Nous devrons faire en sorte de maintenir l'évaluation de chaque site, tout en faisant le lien avec les parcours et les autorisations qui seront délivrées par les ARS. Certains chantiers seront à revisiter en raison de ce contexte très mouvant – je pense notamment au socle d'éléments de qualité et de sécurité des activités autorisées.
Ce travail a été engagé par les tutelles en décembre dernier. Il vise à revisiter l'ensemble des dix-huit activités sanitaires autorisées au cours des prochaines années. La HAS doit pouvoir fournir aux tutelles des éléments pour une régulation des structures qui permette d'optimiser le SMR à la population et de renforcer les éléments de qualité et de sécurité au sein des autorisations.
S'agissant des établissements sociaux et médico-sociaux, la HAS étudiera les modalités de mise en oeuvre de l'élaboration d'un cadre minimum commun de référence pour l'évaluation interne, adapté à chaque catégorie d'établissements, mais dans une logique de convergence avec le dispositif de certification des établissements de santé. En ce qui concerne l'habilitation des évaluateurs externes des établissements sociaux et médico-sociaux, la HAS pourra mettre en place une procédure permettant de s'assurer de la validité des rapports d'évaluation externes des organismes habilités – je pense, par exemple, à des sondages de qualité des rapports.
Finalement, la question qui est posée à la HAS est bien celle de la construction d'indicateurs de résultats pour chaque segment de l'offre de notre système de santé, mais aussi, plus largement, pour les parcours des patients de façon décloisonnée.
Face aux défis qui attendent la HAS, j'ai la faiblesse de penser que mon expérience peut être intéressante. En tout cas, je veux vous assurer de mon plein engagement, de mon énergie et de mon enthousiasme au service de la HAS et des pouvoirs publics.
Merci, madame Julienne, pour votre présentation.
Dans le cadre de la mission flash relative à la prescription d'activités physiques à des fins thérapeutiques, que j'ai menée en janvier dernier, j'ai établi une liste de dix propositions destinées à corriger les fortes inégalités en termes d'accessibilité financière et territoriale du dispositif.
Environ 10 millions de personnes souffrent d'au moins l'une des vingt-neuf affections de longue durée (ALD) énumérées dans le décret du 19 janvier 2011. Le nombre s'élève à 20 millions si l'on intègre les personnes obèses et les personnes en hypertension artérielle.
De ce fait, 10 millions de nos concitoyens sont éligibles au dispositif « sport sur ordonnance » qui est innovant car il consacre une thérapeutique non médicamenteuse en termes de prévention de la survenue de pathologies et de ses récidives.
Tous les acteurs, et en particulier la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), attendent que la HAS formule des recommandations ciblées, pathologie par pathologie, ainsi que des référentiels d'évaluation. Faute de recommandations, les délégués de la CNAM peuvent difficilement sensibiliser les médecins traitants à l'intérêt de la prescription d'activités physiques adaptées (APA).
Les ARS ont vocation à piloter le futur dispositif « sport sur ordonnance » du fait de leur ancrage territorial, mais certaines mesures doivent être prises afin de favoriser le recours à cette pratique – je citerais, entre autres, l'intégration de la consultation médicale dans les rémunérations sur objectifs de santé publique (ROSP).
Au regard de ces recommandations concernant un domaine innovant, je souhaite connaître votre avis sur l'intérêt financier et thérapeutique de la prescription d'activités physiques. Quelles actions comptez-vous mener pour favoriser son développement ?
Merci, madame Julienne, pour votre présentation. Vous vous apprêtez à diriger la HAS qui est dotée d'une mission générale de contribution à la régulation du système de santé. J'aimerais vous poser une question technique et deux questions plus générales.
La question technique porte sur la mise en place de la VTR qui, au vu du site de la HAS, ne semble pas figurer dans le programme de travail de l'institution en 2018. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce dossier qui, depuis le 15 novembre 2017, semble ne plus évoluer.
Notre pays est soumis à une très forte pénurie de médicaments dont certains sont vitaux : 530 médicaments ont été en rupture d'approvisionnement en 2017, ce qui représente une croissance de 30 % par rapport à l'année 2016. En dehors des risques professionnels, il n'est plus possible de se faire vacciner contre l'hépatite B dans notre pays, faute d'approvisionnement suffisant en vaccins. Des établissements de santé sont obligés de refaire des dosages d'antibiotiques pour adapter les prescriptions des médecins aux médicaments qui peuvent être obtenus et livrés, ce qui présente, semble-t-il, un vrai danger de santé publique. Or la HAS a aussi pour vocation de faire des recommandations de santé publique et d'être une aide à la décision pour les pouvoirs publics. Quelles recommandations vous paraissent utiles et nécessaires en la matière ?
Ma dernière question porte sur la prévention qui est, depuis de nombreuses années, le parent pauvre de nos politiques de santé. En France, la prévention n'est pas gouvernée, organisée, structurée. C'est un enjeu majeur de santé publique qui ne figure pas non plus dans le programme de travail de la HAS pour 2018. À votre avis, votre organisme pourrait-il se saisir de ce sujet ?
La HAS est chargée d'évaluer, d'un point de vue médical et économique, les produits, actes, prestations et technologies de santé en vue de leur remboursement. Dans ce cadre, je souhaiterais vous interroger sur les difficultés d'accès aux médicaments innovants en France.
Vous avez touché ce sujet du doigt en évoquant les missions transversales de la HAS, mais je pense tout particulièrement aux malades du myélome qui, à ce jour, ne peuvent disposer de traitements innovants. Les travaux de recherche clinique engagés durant la dernière décennie ont fait naître un véritable espoir de rémission pour ces malades. En 2015, l'Agence européenne des médicaments a ainsi délivré des autorisations de mise sur le marché pour cinq nouveaux médicaments qui sont d'ores et déjà utilisés, notamment en Allemagne et en Espagne.
Ils ne sont malheureusement pas encore disponibles en France car les négociations autour du prix bloquent leur mise à disposition. Pour certains médicaments, les délais légaux en vigueur – de 180 jours – sont très largement dépassés. Chacun peut aisément comprendre que les patients ne peuvent hélas pas attendre plus longtemps. Chaque malade devrait pouvoir bénéficier des progrès de la science. Les enjeux et mécanismes d'établissement des prix des médicaments innovants sont certes très complexes, mais nous ne pouvons pas laisser les gens souffrir, voire mourir, alors que des traitements sont disponibles. Si vous êtes nommée à la direction de la HAS, quelles pistes d'amélioration pourriez-vous envisager afin de permettre un meilleur accès aux médicaments innovants ?
Le 31 janvier dernier, la Haute Autorité de santé a publié un guide sur les troubles spécifiques du langage et des apprentissages (TSLA) dans le but d'améliorer le parcours des enfants atteints de ces troubles qui touchent 8 % d'entre eux en âge d'être scolarisés. C'est évidemment un travail important et salutaire.
Dans ce guide, les enseignants et les médecins sont repérés comme les personnes les plus en situation de constater un TSLA chez un enfant. En effet, ce sont souvent les premiers à se rendre compte qu'un élève est en situation difficile du fait d'un trouble cognitif. Savez-vous si ce guide a fait l'objet d'une communication officielle de l'éducation nationale à l'intention des enseignants ? Envisagez-vous l'intention de renforcer les liens avec l'éducation nationale pour permettre un meilleur suivi de la mise en place des préconisations figurant dans ce guide ?
Je souhaite vous interroger sur l'absorption de l'ANESM par la HAS à partir du 1er avril 2018. Cette fusion-absorption que nous avons décidée dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 a suscité certaines inquiétudes dans le secteur médico-social auxquelles vous serez amenée à répondre en tant que directrice.
Ma première question porte sur la représentativité du secteur médico-social. Y aura-t-il un élargissement du collège de la HAS et, de fait, une augmentation de ses membres ? Quelle sera désormais la place des sciences sociales, comme la psychologie et les sciences de l'enfance ?
Enfin, l'ANESM est en charge de la protection de l'enfance. Or on peut avoir des doutes quant à la capacité d'expertise de la HAS en la matière.
Madame Julienne, je vous remercie pour votre présentation.
La revue Prescrire a passé en revue les recommandations publiées par la HAS en vue d'aider les professionnels de santé dans la prise en charge des patients. Sur une centaine d'études, seulement sept ont été jugées intéressantes, vingt et une acceptables, cinquante-sept ont été considérées comme inutiles et vingt-trois n'ont pas été validées. Cette revue a notamment pointé des faiblesses documentaires, des liens d'intérêts entre les experts, la sous-estimation des effets indésirables.
Comment pouvez-vous améliorer les résultats et la méthodologie afin que les professionnels de santé et les patients ne soient pas faussement informés ?
Je souhaite vous interroger sur les maladies dites non rentables. Quelles recommandations la HAS pourrait-elle faire en la matière ? Nous avons besoin d'avancer s'agissant plus précisément des cancers pédiatriques.
S'agissant de la psychiatrie, quelles recommandations pourriez-vous envisager en matière de bonnes pratiques cliniques, sachant que beaucoup de personnels regrettent une forme de régression liée au manque de moyens ?
Je suis élu du golfe de Fos, territoire où l'inquiétude est vive en ce qui concerne les pollutions atmosphériques. Des études épidémiologiques et sanitaires poussées sont nécessaires dans cette région – et sans doute ailleurs –, avec une dimension citoyenne forte, celle-ci devant du reste irriguer l'ensemble des actions de santé. Comment envisagez-vous la mission de votre institution en matière de prévention ?
Je vais essayer d'être concise, face à l'ampleur des questions qui me sont posées.
M. Belhaddad m'a interrogée sur les prescriptions d'activité physique. Il me semble que la HAS a déjà élaboré, en 2011, une recommandation sur les bonnes pratiques d'activité physique. Nous aurions intérêt en effet à produire des recommandations plus précises. Je comprends que c'est le souhait de la CNAM – vous avez fait allusion au nombre de personnes souffrant d'au moins l'une des 29 ALD énumérées dans le décret.
De manière générale, l'activité physique est une pratique que nous devons favoriser, car nous savons que le sport est bénéfique, y compris pour des personnes malades. Je ne sais pas où en sont actuellement les travaux de la HAS, mais en tout état de cause il s'agit d'un sujet important. Vous avez évoqué plusieurs leviers sur le terrain, notamment les ARS ou la ROSP – sur laquelle je ne me prononcerai pas puisqu'elle concerne la CNAM. Il existe effectivement des outils intéressants qui permettraient de développer et de diffuser l'activité physique des patients.
Je ne crois pas que des décisions aient été prises sur la VTR. Comme je l'ai dit en introduction, les enjeux qui sont devant nous appellent des évolutions importantes, qui concernent le SMR et l'ASMR mais pas uniquement – il y aussi ce qui relève de la liste en sus. J'espère que nous connaîtrons, dans les mois qui viennent, des évolutions et que des travaux seront engagés parce que le rapport n'est pas tout récent.
Vous avez évoqué la question des ruptures d'approvisionnement, et notamment l'accès aux vaccins. Sans méconnaître les difficultés des établissements de santé, je rappelle que l'approvisionnement ne relève pas de la HAS. En revanche, elle joue un rôle en matière de recommandations. Sur ce sujet, il y a une très forte attente de légitimité et d'expertise scientifique de la HAS en même temps qu'un besoin d'accélération de ses travaux, afin d'aider les professionnels à résoudre les difficultés qui sont les leurs.
Sur le programme de travail 2018, je ne sais pas précisément où il en est aujourd'hui. Mais il convient selon moi de revoir ce programme qui est une addition de demandes émanant essentiellement des pouvoirs publics, en l'espèce des tutelles, et qui me semblent insuffisamment discutées pour avoir des lignes directrices fortes et des lignes stratégiques plus fortes. Telle est en tout cas ma perception à la lecture de ce document. Je crois d'ailleurs ne pas être la seule de cet avis. Nous gagnerions collectivement à mieux travailler le programme de travail, si je puis dire.
Nous devons accélérer l'accès aux médicaments innovants. Des voies existent, notamment les ATU, dispositif extrêmement intéressant. Mais je crois que nous pouvons faire mieux. Il convient d'accélérer l'accès aux médicaments innovants ou existant dans d'autres États, tout en permettant en contrepartie de mieux exploiter les données, en tout cas de l'exiger de la part des industriels – peut-être sans attendre le délai de cinq ans. C'est vers ce type d'équilibre qu'il faut tendre. En tout cas, telle est la piste que j'ai personnellement envie d'explorer.
S'agissant des troubles du langage, je ne sais pas si la HAS a beaucoup de relations avec l'éducation nationale alors, cependant, que nombre d'enjeux concernent les enfants, ni si le guide dont vous parlez a été diffusé. Globalement, la HAS doit, selon moi, à la fois protéger les règles parce que c'est sa légitimité qui est en cause, et s'ouvrir davantage sur son environnement institutionnel. En tout cas, au vu de mon parcours, telle serait ma tendance naturelle. Nous devons nous préoccuper de l'application concrète des recommandations, ce qui peut aussi concerner les professionnels enseignants. Aussi devons-nous sans doute nous interroger sur nos relations avec l'éducation nationale.
Vous avez souligné les inquiétudes des professionnels quant à l'intégration de l'ANESM au sein de la HAS. C'est vrai, la protection de l'enfance n'est pas le sujet le mieux connu de la HAS. Cela étant, une commission spécialisée va être mise en place, de même qu'une direction spécifique qui reprendra les cinq missions antérieurement dévolues à l'ANESM, à la fois une mission transversale sur l'évaluation et des missions spécifiques par typologie de thématiques, dont la protection de l'enfance. En effet, l'ANESM ne doit pas se diluer dans le sanitaire. C'est la raison pour laquelle la HAS s'est mise en ordre de marche pour permettre une représentation de l'ensemble des professionnels. Elle reprendra les concertations qui avaient cours auparavant pour les intégrer dans son fonctionnement et mieux faire le lien avec le champ sanitaire qui est traditionnellement le sien.
Je crois profondément à l'utilité réciproque de ces évolutions ; j'y vois beaucoup d'avantages. Je pense que nous pouvons maintenir un équilibre entre la préservation des spécificités de chaque type de secteur et une meilleure coordination. Les usagers et les patients ne doivent pas avoir à connaître ces distinctions.
S'agissant des critiques sur l'expertise, j'avais l'impression que la HAS était plutôt critiquée pour la lenteur de ses recommandations. Mais celles-ci sont précisément liées à l'exigence de sa méthodologie, à la fois en termes de transparence et d'indépendance. Il est normal que la HAS vérifie l'ensemble des conflits d'intérêts. D'ailleurs, j'ai cru comprendre que ce n'était pas sans poser de difficultés pour recruter des experts. La HAS est un organisme scientifique indépendant, et la légitimité de ses recommandations est un fondement irréfutable. Je n'ai pas le sentiment qu'il soit nécessaire de la renforcer, mais il est indispensable d'y veiller quotidiennement.
Comme vous l'avez dit, la HAS est une autorité publique totalement indépendante qui contribue à la régulation du système de santé, notamment par la qualité centrée sur celle des pratiques professionnelles.
Je n'étonnerai personne si je parle de santé mentale. Actuellement le programme est ciblé autour de la prise en charge des troubles mentaux, notamment la bipolarité, la dépression de l'adolescent, la dépression caractéristique de l'adulte, et les droits et la sécurité en psychiatrie.
Ma première question concerne la prévention et les enjeux de celle-ci, notamment en santé mentale, qui est le parent pauvre de toutes les actions menées actuellement dans le domaine de la santé.
Ma seconde question est un peu provocatrice : est-ce un avantage ou un inconvénient de ne pas être médecin au poste de directrice de la HAS ?
Je remercie Mme Julienne pour la présentation qu'elle vient de faire de son parcours et de ses motivations pour occuper ce poste à la HAS ainsi que sa passion pour les affaires sociales qui, je le crois, est partagée ici.
La Haute autorité de santé est chargée notamment de tout ce qui concerne la certification des établissements de santé et l'accréditation des praticiens de certaines disciplines médicales, mission que je considère évidemment indispensable si nous voulons bénéficier d'établissements de santé de qualité, avec comme seul objectif de dispenser les meilleurs soins aux patients.
Si je considère la certification comme un progrès indispensable à la qualité des établissements, je ne peux m'empêcher de relever qu'elle est aussi génératrice de coûts importants pour les établissements, notamment les établissements publics, qui enregistrent déjà des déficits abyssaux. Cette certification, en effet, doit être préparée par les établissements qui ont dû recruter des personnels administratifs supplémentaires sans aucune compensation financière. De procédure nouvelle en procédure nouvelle, nous passons notre temps à accroître la charge administrative des hôpitaux et des médecins, en s'étonnant ensuite que le coût administratif pour les établissements soit de plus en plus élevé, parfois au détriment des soins, ce qui est pourtant la vocation première d'un établissement de santé.
Tous ici, nous pourrions vous parler longuement des restrictions de personnels soignants et des moyens alloués au service des patients. Un établissement, s'il doit être certifié sur sa qualité matérielle, doit l'être aussi sur la qualité de ses soins. J'aurais souhaité connaître votre approche sur ce point.
Lors de son audition, la présidente de la Haute autorité de santé avait annoncé quatre lignes directrices à son action au sein de la HAS : la prévention, la promotion de la santé tout au long de la vie et dans tous les milieux, la lutte contre les inégalités territoriales et sociales. Quelle est votre vision sur ces quatre points ?
Dans le cadre du quatrième Plan autisme, je tenais à saluer l'engagement de la HAS concernant le dépistage précoce, dès l'âge de dix-huit mois, des troubles du spectre de l'autisme en vue de mettre en place au plus tôt les mesures adaptées pour l'enfant et accompagner les parents afin de proposer un projet personnalisé pour favoriser le développement et les apprentissages. Or, si dans les grands centres urbains, les structures sont adaptées, beaucoup de parents, notamment en milieu rural, se trouvent démunis face à la pénurie de moyens et connaissent avec leur enfant un parcours souvent chaotique et une réelle souffrance.
Face à cette rupture d'égalité d'accès aux soins, ne faudrait-il pas favoriser une orientation rapide, dès les signes d'alerte, dans une unité regroupant l'ensemble des professionnels de santé afin d'affirmer ou d'infirmer le diagnostic et d'accompagner rapidement les parents et l'enfant vers un projet personnalisé ? En effet, à ce jour l'arbre décisionnel, même s'il est rigoureux avec des consultations de première ligne, de deuxième ligne, de troisième ligne plus des démarches administratives – remplir par exemple le dossier de MDPH – entraîne une multiplication d'examens justifiés mais avec des délais d'obtention et de rendez-vous relativement longs ou ressentis comme tels, et rajoute à l'inquiétude des parents. Quelles mesures la HAS propose-t-elle pour améliorer encore ces démarches et leur efficience ?
Je veux revenir sur la question de la prévention qui m'a été posée à plusieurs reprises et qui a d'ailleurs été évoquée par la présidente de la HAS.
Je partage, bien sûr, le constat général, qui ne concerne pas que la HAS, sur la nécessité de travailler plus et mieux sur la prévention. Il me semble que cela devrait faire partie des axes majeurs d'une évolution du programme de travail. C'est vrai aussi de la psychiatrie en général. Je sais que nous y travaillons beaucoup. Des recommandations de bonnes pratiques existent. Nous devons réfléchir à la façon dont on doit s'assurer de la diffusion et de l'application de ces recommandations par les professionnels. C'est particulièrement important dans le champ de la psychiatrie, et notamment dans la prise en charge de l'autisme. C'est un sujet sur lequel nous devons progresser. Nous ne devons pas laisser les médecins seuls face à ces questions. À cet égard, je répondrai à votre boutade en disant que je crois beaucoup, au contraire, aux vertus du mélange des cultures. J'ai toujours aimé, dans les différents postes que j'ai occupés, avoir ce type d'échanges car nous avons beaucoup à apprendre les uns des autres. De ce point de vue, je me réjouis de rejoindre des profils qui ne sont pas le mien.
Vous avez raison, la certification a un coût élevé pour les établissements. C'est la raison pour laquelle la feuille de route d'ores et déjà retenue par la HAS comporte un volet sur la simplification. Nous sommes conscients que, s'agissant des établissements pour lesquels la certification a été bonne, il est important de décaler dans le temps les procédures et de les alléger. Il convient également de basculer vers des indicateurs de résultats sur la qualité des soins et de ne plus en rester au processus. Comme je l'ai indiqué, il s'agissait d'une première étape indispensable pour améliorer notre système, mais pour beaucoup des établissements elle est maintenant dépassée. En revanche, les professionnels et les patients ont besoin de mieux mesurer la qualité des soins dispensés. Cette évolution sera une source d'allégement pour les établissements, même si nous ne pouvons pas sacrifier le contrôle de la qualité à l'aune de préoccupations financières qui pèsent malgré tout. En tout cas, les évolutions en cours devraient permettre de répondre à vos préoccupations.
Vous posez une question délicate s'agissant du repérage, du diagnostic précoce et de la prise en charge de l'autisme. Comme vous le savez, un quatrième plan est en préparation. Je ne doute pas que cela fera partie des questions qui seront évoquées. Le rôle de la HAS est plutôt axé sur les recommandations de bonnes pratiques de prise en charge. Je pense qu'elle a déjà démontré son rôle majeur en la matière avec la publication de recommandations récentes, et qu'elle doit poursuivre son action en ce sens. Quant à l'organisation des soins, elle relève non pas de la HAS mais de l'ensemble du ministère de tutelle s'agissant de la répartition des rôles et des modalités d'accélération d'une prise en charge précoce des enfants dont le repérage aura été effectué.
Le 28 février dernier, la contrôleuse générale des lieux de privation de liberté, Mme Adeline Hazan, a dénoncé dans un rapport accablant « le traitement inhumain et dégradant des patients en psychiatrie du centre hospitalier universitaire (CHU) de Saint-Étienne ». Dans ce rapport, remis à la ministre de la santé le 1er mars, Mme Hazan détaille les conditions d'accueil indignes constatées au mois de janvier lors de sa visite de l'établissement. Il ressort également d'autres observations que l'hôpital recourt de manière abusive à une pratique générale d'isolement et de contention qui doit cesser immédiatement, pratique qui ne respecte pas notamment les recommandations de la HAS en date du 20 mars 2017. Je prends note que le CHU de Saint-Étienne a déjà pris des mesures pour suivre les recommandations et que Mme Buzyn, la ministre de la santé, a annoncé le déblocage de crédits gelés de 250 millions d'euros.
Ce bilan est malheureusement une des conséquences du manque de places et de personnels suffisants dans les services psychiatriques face à une augmentation du nombre de patients faisant l'objet de mesures de soins psychiatriques. On peut redouter ainsi que le cas de cet établissement ne soit pas isolé.
Le CHU a cependant rappelé que, lors de la dernière visite de certification des experts de la HAS en octobre 2017, ces derniers avaient reconnu « le professionnalisme des équipes du pôle psychiatrique ». À l'inverse, le CHR de Roubaix a supprimé unilatéralement les permanences de médecine légale pour une insuffisance de crédits de la justice, alors que la médecine légale est le seul moyen de reconnaître légalement les violences faites aux femmes.
Comment comptez-vous améliorer la coordination entre les administrations, de façon que ces dysfonctionnements ne se reproduisent pas ?
Les troubles « dys » ou troubles spécifiques du langage et des apprentissages concerneraient 10 % de la population. Les personnes atteintes de cette pathologie vivent un véritable parcours du combattant. Elles souffrent de la méconnaissance des troubles par les professionnels de santé et de l'éducation, ainsi que du manque de structures spécialisées dans les territoires.
Les besoins sont immenses et nécessitent une action coordonnée de tous les acteurs. Malheureusement, l'accompagnement et la prise en charge des patients dépendent aujourd'hui trop souvent des bonnes volontés individuelles et ne font pas l'objet d'un repérage précoce. Améliorer le quotidien de ces enfants, de ces adultes et, plus globalement, des familles concernées doit être une priorité.
Au mois de juin dernier, la Haute autorité de santé a publié pour la première fois, et je salue cette initiative, un guide pour améliorer le parcours de santé afin de mieux organiser la prise en charge des personnes souffrant de troubles « dys ». Quelles sont vos orientations en la matière ?
La France se classe parmi les pays les plus innovants du monde en matière d'e-santé et notamment d'applications permettant de faciliter l'observance des patients et leur suivi. Or aujourd'hui, aucune autorité indépendante n'est chargée d'évaluer et de faire le tri dans ces applications afin de mettre en valeur celles qui seraient d'utilité publique en matière de santé. La HAS envisage-t-elle de se saisir de ce dossier ?
Monsieur Vercamer, vous évoquez une situation spécifique en faisant le constat que les recommandations de la HAS ne sont pas appliquées. De manière générale, le rôle de la HAS est de produire des recommandations. Mais comment s'assurer qu'elles sont bien appliquées sur tout le territoire ? Il ne nous suffit plus de rendre des recommandations plus lisibles et de les diffuser. Il faut aussi nous préoccuper de la façon dont elles sont prises ou non par les professionnels, enjeu qui est encore devant nous. Il existe pour ce faire toute une batterie de leviers, mais ils ne relèvent pas tous de la HAS. Il y a là une stratégie à coordonner ensemble pour veiller à ce que les recommandations soient effectivement appliquées.
En ce qui concerne la médecine légale, vous évoquez des difficultés financières qui concernent les relations entre la santé d'une part et la justice d'autre part. Je ne m'exprimerai pas sur le sujet, car je ne crois pas que la HAS ait un rôle à jouer en l'espèce.
Monsieur Chiche, je me réjouis de la publication du guide sur les troubles « dys ». Nous devons continuer à travailler sur cet important sujet et nous préoccuper de l'évolution de la prise en charge de ces troubles.
Sur l'e-santé, j'ai pu constater sur le terrain que des organisations extrêmement performantes se mettaient en place en utilisant toutes les possibilités offertes par le numérique. Je crois profondément au caractère innovant de ces nouvelles méthodes, et il y a là quelque chose à faire, y compris dans les territoires difficiles. La Haute Autorité de santé peut produire des éléments pour en mesurer la pertinence et travailler sur des indicateurs. En tout cas, c'est un champ extrêmement fructueux qui permet de valoriser les potentiels de prises en charge sur le terrain. En outre, cet aspect fondamental de l'innovation ne concerne pas uniquement la télémédecine, même si on voit bien tous les champs qui s'ouvrent grâce à elle.
En tant que membre titulaire de la Commission nationale d'agrément des associations représentant les usagers dans les instances hospitalières ou de santé publique, je souhaite vous interroger sur l'implication de la Haute Autorité de santé dans le développement de la démocratie sanitaire.
Depuis la loi de modernisation de notre système de santé du 26 janvier 2016, la Haute Autorité de santé exerce une mission d'instruction et de réponse aux associations agréées d'usagers du système de santé faisant usage d'un droit d'alerte ayant des incidences importantes sur la santé. Quel premier bilan de l'exercice de cette fonction peut-on dresser ? La Haute Autorité de santé est-elle dotée des moyens suffisants pour mener l'instruction des cas dont elle est saisie ?
Par ailleurs, dans un contexte de défiance des citoyens à l'égard des questions sanitaires, marqué par exemple par les affaires concernant les compteurs Linky, le glyphosate ou les perturbateurs endocriniens, quelle stratégie comptez-vous élaborer pour favoriser la confiance et l'implication des usagers dans le système de santé ?
Notre commission s'est beaucoup investie sur la question des EHPAD et de la perte d'autonomie. Le nombre de personnes âgées de plus de soixante-quinze ans est passé de 5,5 millions en 2008 à 6,1 millions en 2018 et pourrait atteindre 13,7 millions en 2070. Quel est votre point de vue sur la question de la représentation des personnes âgées dépendantes qui éprouvent des difficultés à assurer leur propre représentation vis-à-vis des services de santé ? Quelles améliorations envisagez-vous ?
Depuis la loi de modernisation de notre système de santé de 2016, la Haute Autorité de santé s'est vue confier de nouvelles missions, notamment celle de répondre aux associations d'usagers du système de santé qui peuvent utiliser leur droit d'alerte. Ma question porte donc sur la représentation des associations de patients dans l'évaluation des produits de santé et la prise en compte de l'amélioration de la qualité de vie des patients comme critère central. Il me semble que le cas du Lévothyrox illustre particulièrement bien mes propos. Ce sujet, qui fait débat depuis maintenant plusieurs mois, met en lumière le rôle indispensable des associations de patients qui nous ont alertés et continuent à le faire sur les effets secondaires de la nouvelle version du médicament. Il semblerait que les quelque 17 000 patients concernés pourront se tourner, dans le courant du mois d'avril, vers un nouveau produit, le TCAPS. Pour l'heure, il faut préciser que si l'on a peu de recul sur ce nouveau médicament, les associations de patients semblent soulagées par l'arrivée de ce nouveau produit. Quel est votre avis concernant cet exemple précis ? Plus largement, ne pensez-vous pas qu'il faudrait renforcer la présence des associations de patients à tous les échelons de l'évaluation d'un produit de santé pour que d'autres profils que ceux des professionnels de santé soient représentés ?
Je voudrais aborder un sujet peu évoqué jusqu'à présent au sein de cette commission, à savoir le glaucome. Cette pathologie concerne 2 % des plus de 40 ans et 10 % des plus de 70 ans : 1,2 million de personnes sont atteintes en France et deux millions le seront en 2025. Le glaucome est responsable de 15 % des cas de cécité dans notre pays. Selon l'OMS, un doublement du nombre de déficients visuels est à prévoir d'ici à 2050. La cécité et la mal voyance font désormais partie des principaux fléaux du grand âge, avec la maladie d'Alzheimer.
Malgré ces chiffres, le glaucome n'est pas reconnu comme un enjeu de santé publique : aucun dépistage national n'est organisé, alors que l'on connaît l'importance que cela revêt, et il n'y a pas eu de recommandation des autorités publiques – et donc de la HAS – depuis 2006, alors que la prise en charge de cette pathologie évolue. Des traitements innovants existent, notamment des implants, mais ils ne sont pas pris en charge par la sécurité sociale. La HAS produit des recommandations, mais les mises à jour ne sont pas toujours faites régulièrement, comme on le voit en l'espèce. Dans ces conditions, quid de la politique de mise à jour des recommandations concernant le glaucome mais aussi d'autres sujets, et quid d'une grande campagne de sensibilisation sur cette pathologie invalidante ?
La représentation des usagers et la nécessité de s'assurer de leur confiance dans l'ensemble du système, font partie, comme vous l'avez vu, des enjeux que j'ai évoqués dans mon propos introductif. C'est absolument fondamental : il est scientifiquement prouvé que les patients font plus confiance au système lorsqu'ils sont davantage associés et qu'ils adhèrent mieux aux choix thérapeutiques auxquels ils participent, ce qui est normal. Cela influe ensuite sur les comportements, notamment en matière d'observance, mais ce n'est qu'un exemple parmi d'autres.
J'ai fait état, tout à l'heure, des pratiques de la commission de la transparence en ce qui concerne les médicaments : elle consulte systématiquement les associations de patients, dont les avis sont pris en considération. Ils font l'objet de discussions en séance afin que l'on puisse prendre en compte l'impact sur la qualité de vie, dont seuls les patients peuvent parler : il faut entendre leur point de vue sur les médicaments. C'est une initiative très heureuse de la Haute Autorité de santé, qui peut d'ailleurs constituer une source d'innovation dans d'autres domaines que les produits de santé.
Cela vaut pour l'ensemble des patients, y compris les personnages âgées – vous l'avez dit, c'est un enjeu majeur. Il existe des dispositifs permettant de faciliter la prise en compte de leur point de vue, mais on doit encore renforcer notre action dans ce domaine. C'est particulièrement fondamental dans le secteur médico-social, car on y vit, à la différence du secteur hospitalier, ce qui renforce l'enjeu. Un certain nombre de dispositions, très importantes, ont ainsi été adoptées afin de s'assurer de l'association des résidents des EHPAD. La HAS a engagé récemment cette démarche et elle doit la développer davantage : c'est une conviction absolue pour moi. Nous devons le faire aussi en ce qui concerne les produits de santé et les recommandations de bonnes pratiques.
Il y a en effet une question de programmation des travaux qui se pose, et peut-être aussi d'accélération pour certains d'entre eux. L'équilibre est difficile : on doit préserver la légitimité et la qualité des travaux, en respectant les conditions très particulières qui sont exigées par les règles de déontologie, lesquelles doivent s'appliquer, tout en regardant comment on peut accélérer certains travaux et mieux les prioriser. J'ai dit tout à l'heure ce que je pense du programme de travail actuel, ou en tout cas des évolutions que nous pourrions introduire. Elles me semblent très importantes pour permettre d'actualiser régulièrement les recommandations qui ont besoin de l'être. C'est plus facile à dire qu'à faire, mais il me semble indispensable qu'une réflexion ait lieu au sein de la Haute Autorité. Nous devons peut-être mieux prioriser et rendre plus stratégique le programme de travail, c'est-à-dire faire des choix pour gagner en rapidité sur certains sujets. C'est ma conviction.
Je suis ravi de vous voir arriver à la Haute autorité de santé : nous avons eu l'occasion de travailler ensemble lorsque vous étiez à la DGOS, et je connais votre énergie et votre volonté de faire avancer les dossiers.
Vous avez indiqué que la HAS allait engager rapidement des travaux sur la réforme des modes de financement des médicaments innovants. En tant que rapporteur général du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), j'attire votre attention sur le fait qu'il ne s'agit pas seulement d'engager des travaux, car je crois que nous n'en sommes plus à ce stade. Ce sujet est sur la table depuis 2012, et il devient vraiment pressant. Dans le cadre du dernier PLFSS, nous avons eu un dialogue avec la ministre de la santé dont l'objet était qu'une réforme opérationnelle soit proposée au Parlement, je l'espère à l'occasion du prochain PLFSS. Vous avez cité les missions confiées à Dominique Polton, à Christian Saout et à d'autres, mais il faut vraiment avancer, car la situation devient totalement ingérable.
Je citerai brièvement un exemple, celui de Vertex. Ce laboratoire américain, dont la cotation en bourse s'élève à 40 milliards de dollars, a mis au point des médicaments innovants à destination des malades souffrant de mucoviscidose, une maladie qui touche entre 6 000 à 7 000 enfants dans notre pays. Ce laboratoire n'a pas obtenu le prix qu'il espérait pour son dernier médicament, appelé ORKAMBI, la commission de la transparence de la Haute Autorité de santé ayant déterminé qu'il représentait une ASMR IV, sans comparateur. Compte tenu du mode de financement actuel, cela ne permet pas de répondre à la très forte volonté du laboratoire d'obtenir un prix supérieur. Sur ce point, il faut rappeler que Vertex a bénéficié de 150 millions d'euros pour 1 000 patients traités en 2017 dans notre pays.
La situation devient ingérable quand un laboratoire adopte un comportement inacceptable : on est alors en grande difficulté. Vertex a annoncé, il y a quinze jours, qu'il allait renoncer aux essais cliniques réalisés en France, à destination d'enfants souffrant de la mucoviscidose. Je connais moi-même un enfant qui devait participer à un essai clinique aux Hospices civils de Lyon la semaine dernière et qui ne pourra pas en bénéficier. Le comportement de ce laboratoire est absolument inexcusable : je souhaite vivement qu'il revienne sur sa décision, qui est honteuse. Par ailleurs, nous devons travailler très rapidement à une évolution du mode de financement des traitements innovants. C'est un impératif, sans quoi des situations de ce type risquent de se reproduire.
Ma question vient en complément de l'intervention précédente : puisque vous nous avez dit votre volonté de travailler sur l'égal accès à l'innovation, je voudrais vous questionner sur les ASMR. Les associations de malades et la communauté scientifique s'interrogent beaucoup sur ce sujet. La France est aujourd'hui au cinquième rang en Europe pour l'accès aux médicaments innovants, alors qu'elle était encore récemment en deuxième position, derrière l'Allemagne : nous sommes désormais devancés par d'autre pays, notamment le Portugal et l'Espagne. Pensez-vous que la HAS doit davantage réfléchir à l'accès à l'innovation ? Quels leviers avez-vous identifiés pour votre part ? Le paradoxe est que les médecins chercheurs français sont sollicités par des pays émergents : ces derniers ont désormais accès à des molécules innovantes que les patients français ne peuvent pas encore avoir. Estimez-vous nécessaire de revoir l'accessibilité des médicaments ? Des malades français participent à des essais, mais les autorisations sont parfois refusées par la suite. Comment qualifieriez-vous la situation ? Peut-on revoir le fonctionnement de la commission compétente pour les ASMR au sein de la HAS dans la perspective de refonder l'accès aux médicaments innovants, par un élargissement de la composition de cette commission et en associant éventuellement, dans le respect des règles d'éthique, les chercheurs et les spécialistes qui ont participé aux travaux de recherche ? Il faut des connaissances et des compétences extrêmement spécifiques sur ces sujets de pointe.
Je voudrais insister sur l'importance de la certification des établissements de santé, qu'ils soient publics ou privés. Un bilan publié en 2017, à la mi-parcours, a fourni un certain nombre de pistes de réflexion. Je me suis plus spécialement intéressé à plusieurs thématiques : la prise en charge des urgences, la prise en charge et les droits des patients en fin de vie, la qualité de vie au travail, qui concerne l'ensemble des professionnels dans les établissements de santé – et chacun sait leurs inquiétudes – et enfin la gestion du système d'information. Sur ce dernier plan, les exigences ne sont satisfaites que dans 55 % des établissements, y compris s'agissant des blocs opératoires, des secteurs à risque et de l'hospitalisation à domicile. La réflexion sur les parcours ne fait que débuter : les constats qui ont été faits montrent un manque de vision transversale, sur un ensemble de parcours, à l'échelle des établissements. Ces thématiques sont autant de sujets de préoccupation.
La certification, telle qu'elle existe aujourd'hui, permet-elle réellement à la tutelle de faire évoluer l'offre de soins ? La loi de modernisation de notre système de santé, du 26 janvier 2016, impose désormais la certification à l'échelle des groupements hospitaliers de territoire (GHT). Êtes-vous prête à vous engager dans cette procédure, et quand sera-t-elle mise en oeuvre ?
Ma dernière question concerne l'autisme, déjà évoqué par plusieurs collègues. La Haute Autorité, qui s'est engagée de manière continue sur ce sujet depuis 2005, vient de publier de nouvelles recommandations, élaborées en lien avec les professionnels et les familles. J'aimerais savoir comment vous voyez les évolutions : il y a encore de très fortes inquiétudes dans l'ensemble des familles, qui nous sollicitent chaque semaine. On a l'impression que nous restons parfois impuissants devant ce grand défi.
J'ai peut-être semblé prudente sur la question de l'accès aux traitements innovants tout à l'heure, mais je pense qu'il s'agit effectivement d'un enjeu fondamental : nous devons faire évoluer la situation rapidement. Le questionnement dont je vous ai fait part et ma prudence sont liés au fait que les décisions ne relèvent pas de la HAS dans ce domaine. Mais je le redis : nous ne pouvons pas nous satisfaire du système actuel, compte tenu des fortes pressions qui s'exercent sur lui, des innovations qui s'accélèrent et du besoin légitime des patients d'avoir accès à des traitements innovants dans des délais courts. Même si elle n'est pas la seule à être concernée, car cela soulève aussi des questions pour d'autres acteurs, la HAS doit jouer tout son rôle en faisant évoluer ses propres pratiques. Une action est absolument indispensable si nous voulons préserver, voire renforcer la place de la France – je n'avais pas à l'esprit le classement que vous avez cité – pour l'accès de l'ensemble des patients aux traitements innovants, quelles que soient les pathologies. Cela vaut à l'hôpital, en premier lieu, mais aussi dans le cadre des soins de ville. Dans les mois qui viennent, nous devons absolument produire tous les efforts nécessaires pour avancer.
La certification est-elle un levier suffisant pour faire évoluer l'offre de soins ? Ce n'est pas le seul, même s'il est important. Un autre levier majeur, auquel la HAS est étroitement associée et sur lequel elle est attendue, est la réforme des autorisations. Ce chantier, qui est engagé, va concerner les 18 activités autorisées, voire d'autres sujets. Il faut également traiter certaines questions transversales extrêmement importantes, comme celle de la prise en compte concrète des GHT, qui se pose en matière d'autorisation et, en parallèle, de certification. Les services d'urgence sont également concernés : des travaux sont engagés depuis plusieurs mois. Selon moi, les deux leviers d'action de la HAS sur l'offre de soins sont, en aval, la certification et, en amont, la participation aux travaux visant à renforcer le socle de qualité et de sécurité dans le cadre du régime des autorisations. La certification ne suffira pas, à elle seule, pour faire évoluer l'offre de soins, je suis totalement d'accord avec vous.
En ce qui concerne les GHT, nous devons concilier, d'une part, une évaluation et une certification par site et, d'autre part, une organisation fonctionnant davantage par équipe et de manière plus territorialisée – c'est le résultat auquel nous devons aboutir. Quand je dis « nous », je pense bien sûr à la HAS, mais pas seulement à elle. Les GHT sont encore récents : vous savez que l'organisation par filière dans le cadre des projets médicaux partagés (PMP) commence seulement à être mise en oeuvre. Cela reste un travail à mener, l'horizon étant 2020 si ma mémoire est bonne, ce qui est à la fois lointain et proche. Les enjeux sont très importants pour les établissements et la Haute Autorité. Il faut distinguer, je le disais, la question de la certification et celle de l'autorisation, qui se pose dès maintenant : un programme de travail a été établi sur plusieurs années, et la HAS est attendue sur ce sujet. Elle doit fournir aux tutelles des éléments qui serviront à la refonte des décrets d'autorisation pour l'ensemble des activités dans les établissements.
La question que je souhaitais vous poser a déjà été évoquée : elle est relative aux évaluations internes et externes des établissements médico-sociaux, principalement les EHPAD. Je voulais savoir quelle est votre stratégie pour l'évaluation de ces établissements, mais vous avez déjà partiellement répondu. Seriez-vous prête à aller jusqu'à une certification proche de celle conduite dans les établissements sanitaires ? Elle a produit un certain nombre de résultats sur le plan de l'amélioration de la prise en charge des patients.
Merci pour votre présentation. J'ai bien noté votre détermination et votre enthousiasme à l'égard de la fonction pour laquelle vous êtes pressentie.
Ma première question porte sur les innovations en matière de santé, en particulier le développement des biotechnologies, qui peine à avoir lieu en France. Parmi les difficultés, les entreprises concernées pointent l'environnement administratif, notamment le rôle d'institutions telles que la HAS, responsable de l'évaluation médico-économique, ou encore l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), qui ne tiennent pas les délais prévus, faute de moyens, ce qui freine le rythme de commercialisation des produits. Comment pourrait-on réduire les délais et ainsi favoriser le développement des biotechnologies ?
Je voudrais aussi vous interroger sur la borréliose de Lyme. Transmise par une morsure de tique, cette maladie entraîne des complications graves si elle n'est pas diagnostiquée et soignée à temps. La fiabilité des tests existants est mise en cause : ils passeraient à côté de 30 % des personnes infectées. La précédente ministre de la santé, Marisol Touraine, a chargé la HAS de procéder à une révision des recommandations issues de la conférence de consensus en thérapeutique anti-infectieuse de 2006, sur la base de travaux de l'ANSM et de l'Institut Pasteur. Un protocole national de diagnostic et de soins a été d'abord annoncé pour la fin 2017, puis pour le deuxième trimestre 2018. Dans le cadre de vos nouvelles fonctions, porterez-vous une attention particulière à ce sujet ? C'est un véritable enjeu de santé publique auquel il faut répondre sans attendre un scandale sanitaire.
En tant que président du groupe d'études « Santé et numérique », je voudrais vous interroger sur la e-santé. Je vous suis en ce qui concerne l'importance de ce sujet, mais je reste quand même assez prudent : la désertification médicale ne doit pas nous conduire à apporter systématiquement des réponses qui entraîneraient une démédicalisation. La e-santé doit apporter des solutions dont il revient aux médecins et aux professionnels de santé de s'emparer, et je pense que la HAS a vraiment un rôle important à jouer pour certifier les différents dispositifs et éviter des remises en cause de l'accès équitable aux soins prôné dans le cadre de notre système de santé.
J'aimerais vous interroger plus particulièrement sur le développement et le déploiement du dossier médical partagé (DMP) : c'est un vieux serpent de mer, dont il est question depuis des années, mais nous sommes enfin en train de déployer le dispositif. La HAS a certifié les logiciels médicaux qui le permettront. La question est désormais de savoir comment faire vivre et alimenter le DMP, afin qu'il soit dynamique et efficient. La HAS a vraiment un rôle à jouer là aussi, en informant, en faisant des recommandations et en certifiant les pratiques. Quelle est votre vision et quels sont vos engagements sur cette question ? C'est une priorité pour la santé de tous, l'accès rapide aux soins et l'efficience de notre système de santé.
S'agissant de l'évaluation des établissements médico-sociaux, je ne reviens pas sur ce que j'ai évoqué en introduction, car j'ai bien compris que vous l'aviez à l'esprit. Vous demandez, en fin de compte, si l'on doit aller à terme vers une certification proche de celles des établissements de santé. Sur le fond, je n'y vois pas de difficulté, mais je veux néanmoins être prudente. Je pense qu'il est indispensable de développer encore les indicateurs de qualité et de résultats dans l'ensemble de l'offre de soins, notamment dans le secteur médico-social, ces indicateurs étant diversement utilisés selon les domaines. L'un des enjeux pour les années à venir est de favoriser le développement de tels indicateurs dans tous les champs, en veillant à assurer une articulation entre eux mais aussi à tenir compte des spécificités – d'où ma prudence. Au risque d'être caricaturale, un EHPAD n'est pas un CHU : l'organisation et les contraintes sont différentes. En revanche, les indicateurs de qualité et de résultats doivent être développés dans l'ensemble des secteurs d'activité.
La question que vous m'avez posée sur les biotechnologies concernait notamment le développement des études médico-économiques. J'ai évoqué rapidement ce sujet dans mon propos introductif : la référence est bien sûr le NICE, qui réalise de nombreuses études dans ce domaine. La HAS en fait peu, voire pas assez de mon point de vue, mais je sais qu'elle travaille sur cet aspect. On doit avancer, et pourquoi pas avec des équipes de recherche, à l'instar du NICE. Cela me semble une perspective intéressante pour accélérer le processus.
En ce qui concerne la maladie de Lyme, j'ai clairement cette problématique à l'esprit – c'est un sujet important – et je sais que les travaux sont près d'aboutir. Le deuxième trimestre 2018 arrivera dans très peu de temps.
Quant à la e-santé, je pense comme vous que le règlement de la question de l'accès aux soins ne se limite pas à l'usage de la télémédecine, pour résumer. Il est très important de développer un certain nombre d'outils, notamment le DMP, mais pas seulement lui. La CNAM pilote avec beaucoup d'énergie le déploiement du DMP et la HAS est largement partie prenante à ce processus. C'est important pour les patients, qui doivent pouvoir conserver leurs données et y avoir accès, mais aussi pour les professionnels. J'ai pu voir à quel point la coordination de la prise en charge, au quotidien, peut être améliorée en partageant des outils numériques qui permettent à chacun des professionnels de savoir quasiment en temps réel où l'on en est et d'améliorer ainsi la coordination et la qualité de la prise en charge. La HAS peut jouer un rôle, me semble-t-il, en évaluant l'apport des outils : tout ce qui est qualifié d'innovant ne l'est pas nécessairement. Il reviendra à la HAS de démontrer l'apport ou les limites des outils, et de se prononcer sur la manière dont les professionnels peuvent les utiliser.
Vous avez déjà répondu avec beaucoup de précision à de nombreuses questions que je voulais vous poser. J'aimerais revenir, néanmoins, sur l'accréditation des médecins : est-elle encore adaptée aux objectifs fixés dans le domaine de la gestion des risques médicaux au sein des établissements de santé ? La ministre a affirmé qu'un tiers des actes seraient inutiles. Que peut-on attendre du mécanisme d'accréditation des médecins à cet égard ? Est-ce la bonne voie à suivre pour apprécier la qualité et la sécurité des soins et pour améliorer les pratiques ?
Je voudrais vous féliciter, madame la future directrice, pour votre parcours et votre analyse très judicieuse des missions de la Haute autorité de santé. Vous connaissez bien sûr le taux élevé des actes de soins ou d'exploration qui ne sont pas pertinents – il avoisine 30 %. Au-delà des causes, multiples, que je ne vais pas décrire, il y a deux conséquences. La première est l'insécurité, certains actes non utiles étant invasifs ou susceptibles de générer des complications. Il y a aussi des conséquences économiques : cela entraîne des dépenses superflues, alors que les moyens devraient plutôt aller à des traitements pertinents. J'aimerais savoir ce que la Haute autorité de santé pourrait envisager de faire pour inciter à une meilleure pertinence des actes et, à tout le moins, pour ramener à moins de 10 % le taux de prescriptions inutiles – et parfois assez néfastes.
Si vous devez diriger demain la Haute Autorité de santé, estimez-vous que vous aurez les moyens nécessaires pour vous prononcer dans un délai acceptable en ce qui concerne l'agrément des hôpitaux et des différents services hospitaliers ? Je connais plusieurs cas où la HAS est intervenue quatre ans après, sans que les remarques formulées aient encore été prises en compte.
Ma seconde question rejoint un peu ce qui a été dit sur la télémédecine tout à l'heure : ne pensez-vous pas qu'il y a un chantier énorme devant nous ? Une désorganisation épouvantable est en train de s'instaurer : le recours à la télémédecine est très disparate et il me semble qu'il faudrait mettre un peu de l'ordre.
J'en viens aux autorisations de mise sur le marché (AMM). Il a été question tout à l'heure de pénuries de médicaments et de l'accès des patients français à certains traitements dont on peut disposer dans d'autres pays de l'Union européenne. Ne croyez-vous pas qu'il est grand temps de réformer l'organisation des AMM, en ayant en tête, notamment, la comparaison avec le système allemand ?
Vous m'avez demandé, pour résumer, si l'accréditation est le bon levier pour améliorer la pertinence des soins. Je pense qu'elle ne peut pas être le seul, en tout cas. Par ailleurs, je partage ce qui a été dit sur les actes non pertinents. Nous devons travailler sur la manière dont on peut les identifier et aider les professionnels à le faire. Un certain nombre d'actes non pertinents sont d'ores et déjà connus. Il faut regarder comment on peut exploiter les données existantes – c'est déjà possible avec des bases de données actuelles, comme le Système national d'information inter-régimes de l'Assurance maladie (SNIIRAM) – mais aussi, et surtout, comment on peut se doter d'outils pour échanger avec les professionnels et faire en sorte que les pratiques évoluent concrètement. Au-delà des recommandations qui existent, la question est en effet celle de la mise en oeuvre : il faut s'assurer que les pratiques sont en adéquation avec les recommandations ou bien, lorsqu'elles ne le sont pas, que c'est pour des raisons jugées utiles par le médecin, et donc légitimes. C'est un chantier majeur, pour lequel nous devons développer des outils qui n'existent pas encore. Compte tenu de l'importance du sujet et de ses conséquences, on doit impérativement disposer d'outils permettant d'apporter des réponses de manière concrète, ce qui est le plus compliqué, dans l'ensemble des secteurs. Je suis très attachée à ce que des actions interviennent à la fois dans le champ hospitalier, en ambulatoire et dans le champ médico-social. Cela pose de redoutables questions quant aux modalités de mise en oeuvre, mais c'est un chantier fondamental qu'il faut mener, je le crois profondément.
Vous avez raison en ce qui concerne la télémédecine : une action très forte doit être conduite par la Haute autorité. C'est d'ailleurs prévu : la HAS a été saisie de ce sujet, qui est d'autant plus important que des négociations conventionnelles sont en cours. Pour la télémédecine comme pour le numérique en général, il est essentiel que la HAS puisse établir des recommandations et dire quelle est la véritable utilité, en établissant la réalité des usages, au premier chef pour les professionnels. J'ai vu des choses extrêmement intéressantes lors de mes déplacements, mais il n'y a pas que ça… Il faut également établir des guides à l'usage des pouvoirs publics. Les développements se faisant surtout à partir du terrain, sur la base d'expérimentations, nous devons maintenant passer à la phase de l'industrialisation, si je puis dire, grâce à un changement d'échelle. Comme vous, je suis convaincue que la Haute Autorité a un rôle important à jouer dans ce domaine.
Je ne saurais m'exprimer sur l'AMM sans en avoir discuté avec l'ANSM. Je suis convaincue en tout cas que la HAS doit travailler – peut-être même davantage encore – avec cette agence sur différents sujets. Je pense plus particulièrement aux ATU, que j'ai évoquées précédemment. Cela me semble extrêmement important.
Madame, vous nous avez présenté votre parcours, votre grande connaissance de notre système de santé et de son financement, votre goût pour le travail en interdisciplinarité et votre envie d'associer davantage les usagers.
Vous avez notamment travaillé sur les ROSP, pour les médecins puis pour les pharmaciens. On sait que la ministre veut révolutionner le système de rémunération, aussi bien à l'hôpital qu'en ville, en s'engageant vers une rémunération liée au parcours de soins. Je voudrais savoir si la HAS sera ou pourra être associée à la réflexion sur le nouveau financement à mettre en place. Cela semble inéluctable, du fait de l'évolution de notre système de santé.
Madame Julienne, ma question porte sur l'autisme et les troubles neuro-développementaux. Je suis la présidente du groupe d'études Autisme à l'Assemblée nationale, et il me semble important d'aborder le sujet, alors que le Gouvernement s'apprête à dévoiler la prochaine stratégie nationale.
De mars à août 2017, une large consultation a été organisée auprès des organismes, associations, familles et institutions impliqués dans l'accompagnement et le suivi des enfants et des adultes atteints de troubles du spectre autistique. Depuis 2011, la HAS a collaboré avec l'ANESM sur la partie « diagnostic » de l'autisme, et sur la mise en place d'interventions adaptées.
Dans un tel cadre, je souhaiterais avoir un retour de votre part sur le troisième plan autisme (2013-2017) qui vient de prendre fin : ce que vous avez pu constater ; ce que vous avez tiré des consultations que vous avez organisées ; les actions que vous envisagez pour renforcer l'impulsion et la mise en oeuvre des bonnes pratiques, suite aux recherches et à l'évolution de nos connaissances de l'autisme en France, car notre pays a pris énormément de retard.
Madame Julienne, les informations que vous nous avez communiquées reflètent la passion que vous avez pour votre métier.
Mieux impliquer les patients dans les travaux de la HAS constitue une orientation stratégique. En septembre 2015, a été mis en place l'outil I-SATIS, qui permet de mesurer le degré de satisfaction des patients hospitalisés. Dans le bilan d'activité 2016, 57 000 patients hospitalisés ont répondu à ce questionnaire. Pour ce qui est de la prise en charge, le taux de satisfaction est excellent – plus de 80 % des patients interrogés. Ce taux tombe à 72,7 % pour ce qui concerne l'accueil des patients hospitalisés. Et il n'est plus que de 62,6 % pour ce qui concerne l'organisation de la sortie. On le sait, toutes les étapes du parcours d'hospitalisation ont leur importance.
J'ai bien entendu qu'il était prévu d'alléger les procédures, dans le cadre d'un chantier de simplification. Pourriez-vous nous donner votre point de vue, et l'état de vos réflexions sur l'accompagnement des patients hospitalisés ? Comment pourrait-on faire pour l'améliorer ?
J'ai effectivement évoqué dans mes propos les étapes qui ont constitué la mise en place de la ROSP en 2011. Cela participe d'un processus d'intégration d'une incitation financière dans le cadre des rémunérations, corrélée à des indicateurs de qualité ou d'objectifs de santé publique. L'initiative a été reprise, quelques années plus tard, dans le secteur hospitalier, avec la mise en place du programme IFAQ (incitation financière à l'amélioration de la qualité). Pour moi, la HAS a un rôle important à jouer, dans la mesure où il faut faire évoluer les indicateurs. Ceux-ci sont encore trop liés aux processus et pas suffisamment aux résultats. Cela permettrait, entre autres, d'augmenter le montant aujourd'hui dévolu à IFAQ, qui est encore modeste – malgré une extension, en 2017, au champ des SSR, les soins de suite et de réadaptation. Ce travail est déjà en cours.
Sur l'innovation organisationnelle, l'article 51 de la LFSS pour 2018 prévoit de nouvelles expérimentations. La HAS est concernée, dans le cadre du comité stratégique qui va être mis en place. En effet, pour un certain nombre d'expérimentations, elle devra obligatoirement être saisie à propos de dérogations au code de la santé publique notamment. Elle devrait également être amenée à mesurer la pertinence et l'intérêt des nouvelles organisations qui seront proposées, avec une approche davantage corrélée au parcours. Les textes qui sont sortis ces derniers jours sur la composition du comité prévoient bien la participation de la HAS.
Le troisième plan sur l'autisme a permis des avancées, même s'il nous reste beaucoup à faire. La HAS, bien sûr, peut faire jouer le levier des recommandations. Il faut reconnaître que le champ est vaste, du diagnostic précoce à la prise en charge précoce, jusqu'à la mise en oeuvre de recommandations de bonnes pratiques dans l'ensemble des secteurs et, notamment, au sein du secteur psychiatrique. Vous avez soulevé d'autres sujets qui ne concernent pas directement la HAS, comme la recherche. Les bilans montrent qu'il faut encore travailler sur l'autisme, chacun à sa place. J'ai la conviction que la HAS doit prendre toute la sienne.
I-SATIS est en effet un outil qui permet de renforcer l'implication des patients. Je tiens d'ailleurs à ce terme d'implication, qu'il faut distinguer de celui de participation. Comme vous le disiez, il est important de le prévoir à toutes les étapes du parcours de prise en charge. À cet égard, j'insisterai sur l'articulation entre la ville et l'hôpital, ou l'hôpital et le médico-social. Nous devons progresser en la matière. La HAS peut apporter sa contribution grâce aux travaux qu'elle mène sur les parcours de prise en charge, notamment en y intégrant le point de vue des patients, qui révèle une « moindre performance » en termes de satisfaction. C'est un sujet sur lequel nous devons encore beaucoup travailler.
Madame Julienne, je souhaiterais avoir des précisions sur deux points, qui entrent dans le champ de compétence de la HAS.
Premier point : les soins palliatifs. Pour avoir exercé en tant qu'infirmière en libéral et en milieu hospitalier dans divers territoires, j'ai constaté une forte disparité dans l'accompagnement de la fin de vie – une spécialiste comme Audrey Dufeu-Schubert ne me contredira pas. La HAS a mis en place à destination des professionnels toute une série d'outils pour organiser les parcours et développer la bonne pratique professionnelle. Il faut bien entendu améliorer les soins par les soignants, mais il est également nécessaire de développer des structures au plus proche des territoires, des patients et de leurs familles. Je souhaite savoir de quelle façon la HAS pourrait travailler concrètement sur l'inégal accès aux soins palliatifs. Je vous le demande, alors que nous aurons à nous prononcer bientôt sur des questions de bioéthique, et que leurs États généraux ont été lancés.
Second point : le handicap. Là encore, la HAS s'est appuyée sur les constats qui ont pu être faits, et a produit un guide en 2014 sur l'accueil, l'accompagnement et l'organisation des soins en établissements de santé pour les personnes en situation de handicap. Il me semble important que l'on puisse avoir la meilleure vision du parcours de soins de ces personnes, que leur handicap soit physique ou mental. Pensez-vous qu'il soit utile que la HAS fasse des préconisations sur ce point précis ?
Merci, madame Julienne, pour le dynamisme de vos propos, qui laisse présager votre investissement dans vos nouvelles fonctions.
Ma question portera sur le volet « prévention » de l'activité de la HAS. Comptez-vous vous intéresser aux interactions entre la santé et l'environnement, qui sont à l'origine de nombreuses pathologies, souvent chroniques ?
Dans sa version 2010, le Guide d'accréditation de l'HAS mentionnait les démarches de développement durable comme devant être intégrées aux démarches qualité des établissements de santé. Mais ces démarches ont perdu leur caractère incitatif, et ont même été perdues de vue par les établissements de santé.
Certains d'entre eux, les plus grands notamment, comme les CHU, se sont lancés depuis dans des démarches de RSE – responsabilité sociale et environnementale – sur la base du volontariat, par exemple des démarches de notation avec l'agence de notation Vigeo, parce qu'ils étaient conscients d'être de très gros consommateurs d'énergies fossiles, source d'émissions de gaz à effets de serre, source de pollution atmosphérique, de pathologies respiratoires, et source, bien sûr, de réchauffement climatique. Ces établissement étaient aussi conscients d'être de gros producteurs de déchets, dont certains à caractère infectieux et dangereux, et de gros producteurs d'eaux usées. Par ailleurs, certains qui disposent de larges espaces verts, utilisaient largement, il y a très peu de temps encore, des produits phytosanitaires dangereux au pied même des bâtiments hospitaliers.
Ainsi, les interactions entre les établissements de santé et leur environnement physique sont nombreuses. Je souhaiterais connaître votre position, et vos éventuels projets, en tant que future directrice de l'HAS, sur ces fortes problématiques environnementales qui ont de fortes retombées sanitaires – visibles, et surtout beaucoup moins visibles.
Madame Julienne, quelles sont vos intentions en matière d'évaluation du service rendu des médicaments ? Allez-vous encourager le déremboursement ou, au contraire, favoriser le remboursement ? Je prendrai l'exemple des phlébotoniques, très efficaces et souvent prescrits dans nos îles, où le climat est chaud. Allez-vous adapter le SMR en fonction du contexte local ?
L'accès aux soins somatiques des personnes handicapées pose problème, quelle que soit la nature de leur handicap. Je sais que la HAS a déjà produit un certain nombre de recommandations les concernant et travaille encore sur les soins palliatifs. Il va falloir continuer, j'en ai l'absolue certitude. Certaines de vos questions ne relevaient pas directement de la HAS. Ainsi, l'égal accès aux soins palliatifs sur l'ensemble du territoire est un enjeu important, et l'HAS doit bien sûr y prendre toute sa part, mais elle n'est pas seule : diverses structures permettent en effet de développer la prise en charge des soins palliatifs. Cela nous renvoie en outre à la mise en oeuvre de nos recommandations.
J'en viens à l'interaction entre la santé et l'environnement qui, pour être honnête, n'est pas le sujet que je connaisse le mieux – raison de plus pour m'y intéresser ! Quoi qu'il en soit, il entre dans la thématique de la prévention que j'ai évoquée en introduction. Il convient d'opérer un rééquilibrage qui n'est pas évident, mais qui me semble fondamental. L'interaction devra être appréhendée sous l'angle du renforcement de la prévention.
Enfin, les questions relatives au SMR et à l'ASMR me semblent extrêmement importantes. Certes, elles ne concernent pas que la HAS. Mais celle-ci donne des avis, sur lesquels s'appuient les tutelles et les pouvoirs publics pour prendre des décisions, que ce soit en matière de remboursement, de déremboursement ou de fixation des prix. Pour moi, c'est un domaine qu'il faudra revisiter, notamment si l'hypothèse de la VTR, qui se substituerait au SMR et à l'ASMR, était explorée. Dans tous les cas, nous avons devant nous de vastes sujets de réflexion.
Madame, je vous remercie infiniment et vous souhaite bonne chance. Je formule également des voeux de réussite pour la Haute autorité de santé. (Applaudissements.)
Puis la commission examine la proposition de résolution de M. Philippe Vigier tendant à la création d'une commission d'enquête sur l'égal accès aux soins des Français sur l'ensemble du territoire et sur l'efficacité des politiques publiques mises en oeuvre pour lutter contre la désertification médicale en milieux rural et urbain (n° 673).
Mes chers collègues, nous en venons à l'examen de la proposition de résolution de M. Philippe Vigier tendant à la création d'une commission d'enquête sur l'égal accès aux soins des Français sur l'ensemble du territoire et sur l'efficacité des politiques publiques mises en oeuvre pour lutter contre la désertification médicale en milieux rural et urbain (n° 673).
Je précise que le groupe UDI, Agir et Indépendants a manifesté son intention d'exercer son droit de tirage. En conséquence, le rôle de notre commission se limite à vérifier si les conditions de recevabilité sont remplies. Elle n'a pas à se prononcer sur l'opportunité de la création de la commission d'enquête, aucun amendement n'étant par ailleurs recevable.
Mes chers collègues, je vous remercie d'être aussi nombreux, au moment où je présente devant vous cette proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête parlementaire.
Cette proposition porte sur un sujet grave et important, dont on peut convenir qu'il intéresse tout l'hémicycle, et qui a été abordé sous les deux précédentes législatures au travers de propositions de loi ou d'actions gouvernementales.
Comme cela ressort de l'intitulé, nous avons voulu traiter de l'accès aux soins sur l'ensemble du territoire, et pas uniquement dans les territoires ruraux, dans la mesure où ce problème existe aussi en milieu urbain, et poser la question de l'efficacité des politiques publiques, dans la mesure où un certain nombre d'actions ont déjà été menées. Notre objectif est d'apporter, via la représentation nationale, un éclairage au Gouvernement sur le sujet.
Le problème n'est pas nouveau. Depuis l'an 2000, on assiste en effet à un décrochage, qui s'est trouvé accéléré par le MICA, mécanisme d'incitation à la cessation anticipée d'activité des médecins, qui les encourageait à partir à la retraite. Le phénomène, qui s'est donc malheureusement amplifié, fragilise la cohésion nationale. En effet, les personnes les plus éloignées de l'accès aux soins sont souvent les plus vulnérables : personnes âgées, jeunes, familles confrontées aux encombrements des urgences pédiatriques. Plus généralement, l'inégalité d'accès aux soins sur l'ensemble du territoire a pour conséquence l'engorgement de tous les services d'urgence. Nous venons d'auditionner Mme Julienne, la candidate pressentie à la direction de la HAS : le lien entre médecine de ville et secteur hospitalier est extrêmement étroit, le fonctionnement de la première ayant des conséquences sur le second.
Autre sujet préoccupant : la démobilisation et l'absence de reconnaissance. Neufs médecins formés sur dix ne vont plus dans le secteur privé. Beaucoup d'hommes et de femmes qui voudraient embrasser ce métier ne le font pas, en raison des conditions d'exercice du secteur privé, qui sont devenues extrêmement difficiles – risques de burn-out, etc.
Dernière conséquence : la mauvaise prise en charge des patients. Or, on le sait très bien, c'est la prise en charge la plus efficace, la plus rapide, par la bonne personne, et au bon moment, qui permet de faire reculer la morbidité.
Pour autant, et je pense que nous serons tous d'accord sur ce point, beaucoup a déjà été fait : le numerus clausus a été augmenté, notamment depuis 2000 ; des incitations financières à l'installation ont été instaurées, qu'elles viennent de l'État au travers des organismes de sécurité sociale, ou des collectivités territoriales ; des Maisons de santé ont été créées ; des contrats d'engagement de service public ont été proposés ; des zones franches ont été mises en place.
Malheureusement, le phénomène s'amplifie. Les perspectives à court et moyen termes sont particulièrement sombres. La télémédecine reste à mettre en oeuvre, comme l'ont reconnu Mme Julienne et l'un de nos collègues.
J'insiste une fois encore sur le fait qu'il n'y a pas à opposer les ruraux aux urbains. Dans le 20e arrondissement de Paris, on rencontre les mêmes difficultés qu'en Lozère ou en Eure-et-Loir, chez moi. Il est vrai que j'ai l'avantage, ou le désespoir, de vivre dans un département qui compte 85 médecins pour 100 000 habitants. Cela fait réfléchir…
Mes chers collègues, nous avons à nous prononcer sur la recevabilité de cette commission d'enquête déposée au titre du droit de tirage de notre groupe parlementaire. Nous avions d'ailleurs déjà déposé trois propositions de loi sur la désertification médicale. Ce serait la première commission d'enquête parlementaire sur le sujet. Voilà quelques semaines, une proposition de loi du groupe Nouvelle gauche – dont je m'étais permis de soutenir le travail – a été repoussée.
Enfin, je précise que Mme la garde des sceaux nous a fait savoir qu'aucune procédure n'était en cours sur le thème de cette proposition de résolution.
Voilà en quelques mots ce que je souhaitais vous dire, madame la présidente, mes chers collègues, avec un peu d'émotion. Cette commission d'enquête n'est pas destinée à pointer du doigt tel ou tel, mais à faire des propositions utiles pour les dirigeants que nous sommes, et pour le Gouvernement.
Je souhaite réagir, au nom du groupe La République en Marche, aux propos du rapporteur Philippe Vigier. La création de cette commission d'enquête entre effectivement dans le cadre du droit de tirage. Il me semble cependant important de revenir sur la méthode suivie et sur le calendrier.
Créer une commission d'enquête sur les politiques publiques visant à assurer un égal accès aux soins, au moment même où le Gouvernement propose une approche novatrice sur le sujet à travers le Plan pour l'égal accès aux soins dans les territoires pose question. Je suis aux côtés de la sénatrice Élisabeth Doineau, issue de votre famille politique, et du docteur Sophie Augros, l'un des trois délégués de ce plan. Il nous revient de suivre sa mise en place, tout en faisant remonter du terrain aussi bien les bonnes pratiques que les points de blocages que nous observerons. Plusieurs déplacements ont déjà eu lieu. De nombreux professionnels, étudiants, élus locaux ont déjà été rencontrés. Un volet « suivi et évaluation », qui a tant fait défaut par le passé, a donc été prévu dès le départ.
Ce plan repose sur la coopération entre les professionnels de santé et la construction de solutions sur mesure pour les territoires. J'insiste sur cette notion, qui distingue ce plan des politiques menées précédemment. Je n'entrerai pas dans le détail, car le temps ne me le permet pas. Vous n'ignorez pas qu'il s'articule autour de quatre priorités : le renforcement de la présence et du temps médical sur nos territoires, pour que chacun accède à des soins de façon rapide et proche – cela fait suite à la mission sur les soins non programmés ; la mise en oeuvre de la télémédecine ; l'amélioration de l'organisation des soins et le décloisonnement des modes d'exercice ; enfin, la confiance retrouvée avec les acteurs locaux et les professionnels de santé.
Ce plan a été salué par les professionnels de santé, ce qui est assez rare pour être souligné. Il s'agit pour moi d'un gage essentiel de réussite. Nous ne pourrons pas mettre en oeuvre des solutions déconnectées du terrain et des acteurs qui le façonnent au quotidien – vous avez fait allusion à l'attrait de l'exercice libéral.
La création d'une commission d'enquête me semble donc à ce stade un peu prématurée, ou en tout cas faire doublon avec le volet « évaluation » du plan. Mais nous en suivrons l'évolution avec vigilance.
L'accès aux soins et la question de la désertification médicale constituent une préoccupation majeure. Je crois que nous sommes tous confrontés, dans nos territoires, quels qu'ils soient, à ce problème et à un sentiment d'inquiétude très prégnant chez nos concitoyens.
Je ne reviendrai pas sur les effets indésirables que cela peut avoir. Un seul exemple, samedi dernier, j'ai assisté en direct au refus de prise en charge d'un monsieur qui avait fait un AVC ! Il a été très difficile de trouver un établissement qui accepte de l'accueillir. On finit par se poser des questions sur ce qui se passe dans notre pays…
Je rappellerai les travaux qui ont été menés sur le sujet : la proposition de loi de notre groupe, Nouvelle Gauche, qui a été rejetée ; le rapport d'information de nos collègues sénateurs Jean-Noël Cardoux et Yves Daudigny, entre autres ; les diverses études du Conseil économique, social et environnemental sur les déserts médicaux et l'accès aux soins des femmes en grande précarité.
Cette commission d'enquête apportera enfin un éclairage totalement objectif de par ses prérogatives, un regard à la fois sur les succès des politiques publiques mises en oeuvre, et sur leurs échecs. Le législateur détiendra suffisamment d'informations pour avancer de nouvelles propositions dans l'unique but de restaurer un accès aux soins équitable et de qualité sur tout le territoire.
Notre groupe UDI, Agir et Indépendants est évidemment très favorable à cette proposition de résolution visant à la création d'une commission d'enquête sur l'égal accès aux soins des Français sur l'ensemble du territoire. Il s'agit d'une initiative dont nous ne pouvons que nous féliciter, tant la question complexe de la désertification médicale est un enjeu majeur qui concerne l'ensemble de nos compatriotes, qu'ils vivent en milieu rural ou en milieu urbain.
Comme l'a souligné le rapporteur, l'objectif et l'esprit de cette commission d'enquête demandée par notre groupe ne sont pas de pointer du doigt des responsabilités, ni de brocarder une profession en particulier, celle des médecins, qui exercent avec courage et dévouement, dans des conditions souvent très difficile et éprouvantes. Pour autant, nous ne pouvons rester inactifs face à la détresse d'un nombre croissant de nos concitoyens, confrontés à des situations d'errance médicale. En ce sens, la création de cette commission d'enquête doit nous permettre d'effectuer un état des lieux dépassionné, sans manichéisme ni a priori, du fonctionnement de notre système de soins, afin de tirer les leçons des erreurs, mais aussi des succès passés de nos politiques publiques.
Elle doit être également l'occasion de prendre la mesure des enjeux auxquels nous sommes confrontés. Je pense aux évolutions démographiques de notre société – notamment son vieillissement – et à l'augmentation des pluri-pathologies et des maladies chroniques. Je pense également au changement générationnel : on n'exerce plus aujourd'hui la médecine de la même manière qu'il y a quelques années. Les attentes des médecins comme les exigences des patients ont changé. Je pense aussi aux innovations technologiques comme la télémédecine, qui sont mises en oeuvre par le Gouvernement, mais qui sont encore insuffisamment développées, et dont il faut nous saisir.
Vous l'aurez compris, notre groupe accueille très favorablement la création de cette commission d'enquête qui, je l'espère, viendra enrichir les propositions faites récemment par le Gouvernement.
La Constitution garantit le droit à la protection de la santé pour chaque individu. Malheureusement, ce droit fondamental est dévoyé à cause des inégalités territoriales et sociales. Rien n'indique, dans les décisions du Gouvernement, que ces inégalités vont diminuer et que ce droit va être mieux respecté.
Sur le plan des inégalités sociales, le dernier rapport de la Cour des comptes est sans appel : les dépassements d'honoraires ne cessent d'augmenter, notamment chez les spécialistes, et la consultation de spécialistes est de plus en plus difficile pour bon nombre de nos concitoyens. La gynécologie et la dermatologie répondraient-elles à des besoins que les foyers populaires et les classes moyennes n'auraient pas ? Nous posons la question car, sur le plan des inégalités territoriales, une médecine à deux vitesses semble s'être installée.
De fortes disparités s'instaurent et s'accroissent entre les métropoles et les périphéries, et plus encore avec le milieu rural. Il y a urgence. Les 10 % les mieux dotés ont des possibilités d'accès aux médecins généralistes trois fois supérieures aux 10 % les moins dotés. Ce rapport est d'un à huit pour les chirurgiens-dentistes, les gynécologues ou les ophtalmologistes.
Pour répondre à la problématique grave de la désertification médicale et de l'accès garanti aux soins pour tous les citoyens, il faut du courage politique. Le groupe La France insoumise s'emploie, au quotidien, à trouver et à proposer des solutions concrètes aux difficultés que rencontrent les Français. L'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale fut l'occasion de montrer que nous voulions agir vite dans l'intérêt général. La majorité a rejeté toutes nos propositions, nous renvoyant à des études, des missions, des rapports.
Je sais que nombre de députés de cette commission exerçaient une activité médicale libérale avant leur mandat. Ils sont donc certainement attachés à la liberté d'installation et à la libre fixation du montant des dépassements d'honoraires mais, ici, la santé de millions de citoyens est en jeu. Il faut donc briser ces tabous. Nous voudrions même créer un corps de médecins fonctionnaires volontaires.
Cette commission d'enquête, initiée par le groupe UDI, Agir et Indépendants, doit permettre de faire la lumière, de manière définitive, sur les politiques publiques qui creusent les inégalités en matière d'accès aux soins. Une fois ses conclusions remises, les propositions de l'opposition mériteront sans doute une meilleure attention de la part de la majorité.
Le constat établi par le rapporteur sur cette importante question est, je l'imagine, partagé par tous, quel que soit le banc occupé dans cette assemblée. Le groupe Les Républicains a évidemment le même souci d'apporter rapidement des solutions pérennes, durables et efficaces à ce problème de démographie médicale.
Cela étant, deux questions se posent au moment où notre commission doit statuer sur la recevabilité de cette proposition de résolution visant à créer une commission d'enquête. Le sujet de cette proposition de résolution entre-t-il exactement dans le cadre prévu par le règlement de l'Assemblée nationale pour les commissions d'enquête ? Ce type de travail ne relèverait-il pas davantage d'une mission d'information ?
Certains membres de notre groupe ont, encore récemment, formulé des propositions concrètes. Pour ma part, j'ai commis récemment vingt-huit propositions en faveur de l'avenir de la santé. Ces sujets ne méritent plus des renvois en commission, des rapports, des analyses, du temps, de la concertation. Il est urgent non pas d'établir un diagnostic mais de trouver de vraies solutions. Le groupe Les Républicains est force de proposition en cette matière.
Dernière appréhension : sans sonder les coeurs et les esprits de nos collègues du groupe qui propose cette proposition de résolution, nous ne voudrions pas voir revenir par la fenêtre des moyens de coercition qui sont déjà sortis par la porte, à l'égard des médecins. C'est la raison pour laquelle le groupe Les Républicains n'apportera pas son soutien à cette proposition de résolution.
L'égal accès à l'offre de soins représente incontestablement un enjeu majeur de santé. Monsieur Vigier, vous êtes tenace. Pour moi, la ténacité est une qualité.
Votre proposition de résolution tend à créer une commission d'enquête sur l'égal accès aux soins des Français sur l'ensemble du territoire et sur l'efficacité des politiques publiques mises en oeuvre pour lutter contre la désertification médicale en milieux rural et urbain. Sur la forme, c'est une bonne initiative. Toute réflexion sur l'organisation des études de santé, du mode de sélection, et plus globalement des carrières et des parcours des médecins est utile.
Cependant, comme le montre un rapport d'information rédigé en 2017 par MM. Jean-Noël Cardoux et Yves Daudigny, la problématique de l'égal accès aux soins est complexe et ne saurait être réduite à la formation des professionnels et à l'organisation des soins. L'offre de soins passe par des hommes et des femmes, par des outils et des moyens. La grande question est la suivante : pourquoi les généralistes ne sont-ils pas assez nombreux et pourquoi la médecine libérale n'attire-t-elle plus ni les médecins ni les professions paramédicales ? Quels que soient les problèmes de tarification sur lesquels nous pourrons revenir ultérieurement, nous devons répondre à cette question.
Pour rendre la médecine libérale plus attractive, il ne faut pas forcément ajouter des contraintes, bien au contraire. Il faut réfléchir au nombre de médecins et donc au numerus clausus, même si l'on sait que le cycle de formation des médecins est long, à leur mode d'exercice, à de nouveaux outils de diagnostic, de traitement et de suivi, sans oublier la prévention qui est un enjeu majeur.
La ministre des solidarités et de la santé s'est engagée à réunir un comité. Ce problème nous touche tous, et c'est par une réflexion commune que nous parviendrons à trouver les solutions. Les membres du groupe du Mouvement Démocrate et apparentés pensent qu'une commission d'enquête peut jouer un rôle mais qu'elle ne résoudra pas le problème. Ce qu'il nous faut, c'est travailler tous ensemble.
Je rappelle que, dans le cadre d'une demande de création de commission d'enquête, ce sont les groupes qui s'expriment. Il ne s'agit pas d'engager un débat. Voilà pourquoi je limite un peu les demandes d'intervention. Monsieur Dharréville, vous avez la parole pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Je voudrais remercier le groupe UDI, Agir et Indépendants d'avoir pris l'initiative de demander la création d'une commission d'enquête sur l'égal accès aux soins, un sujet que nous considérons comme majeur. Il est vraiment nécessaire d'enquêter sur l'état des choses, sur les tendances à l'oeuvre et ce qu'elles traduisent, et sur les causes des problèmes que nous rencontrons.
On pourrait évoquer la médecine de ville, les spécialistes, l'impact des modifications du tissu hospitalier sur les installations et le développement de déserts médicaux. Pour ma part, je voudrais insister sur les centres de santé. On ne s'appuie pas suffisamment sur ceux qui existent et il faudrait les développer. Je me permets d'insister sur ce point, monsieur le rapporteur, pour les travaux que vous aurez à conduire.
Il faudra aussi évaluer les conséquences des décisions prises en matière de santé au cours des dernières années. Quel rôle jouent les transports dans les difficultés d'accès aux soins ? Les dépassements d'honoraires se développent-ils ? Comment, pourquoi et où se développent-ils ? Que peut-on faire face à cette tendance qui, à mon avis, est quand même l'un des facteurs de l'aggravation de la difficulté d'accès aux soins pour toute une partie de la population ?
Cette question globale et complexe justifie la création d'une commission d'enquête. Il est nécessaire que le Parlement effectue un travail donnant lieu à des propositions dont nous pourrons débattre et qui, je l'espère, seront mises en oeuvre.
À titre exceptionnel, je vais donner la parole à trois derniers internenants, à condition que leurs interventions soient brèves. Monsieur Paul Christophe, vous avez la parole pour le groupe UDI, Agir et Indépendants.
Les difficultés d'accès aux soins et la désertification médicale, que ce soit en milieu rural ou urbain, sont deux évidences. Malgré un empilage de dispositifs successifs, force est de constater que nous sommes en situation d'échec. Il est donc bien légitime de solliciter une commission d'enquête pour apporter des réponses aux Français sur ce constat d'échec et faire émerger, à partir des auditions qui seront réalisées, des pistes d'amélioration et des propositions concrètes.
Pour bien connaître notre collègue Philippe Vigier, je sais qu'il a déjà dressé une liste de personnes à auditionner, venant d'organismes divers et variés.
Cher collègue, je me permets de vous faire deux suggestions de pistes à explorer. Les internes, en cours de validation de leur cursus d'internat, pourraient peut-être effectuer des remplacements de généralistes ou de spécialistes. Certains praticiens hospitaliers seraient volontaires pour exercer en cabinet, à raison d'une ou deux journées par semaine, s'ils ne se heurtaient pas à l'obstacle des cotisations forfaitaires.
Comme l'a indiqué ma collègue, les membres du groupe Nouvelle Gauche soutiendront l'initiative. Aux collègues de la majorité, je dirai que nous n'avons pas eu l'occasion de débattre sur le fond de notre proposition de loi en séance. Finalement, cette commission d'enquête peut nous permettre de prolonger un débat qui nous a été interdit. Les commissions d'enquête sont à charge et à décharge ; il n'y a pas lieu de s'en inquiéter ou de s'en émouvoir. Ce serait un signe de considération pour un Parlement qui se demande, de temps en temps, à quoi il sert.
Pour ma part, je suis pour la création de cette commission d'enquête. Étant médecin avant tout, je souhaite qu'à la suite de cette commission, nous trouvions les raisons de ces déserts médicaux et des solutions pour inciter – et non obliger – des médecins à s'y installer. Au passage, je signale que le problème ne se pose pas à La Réunion.
Mes chers collègues, je vous remercie de vos contributions et je vais essayer de répondre succinctement – n'en prenez pas ombrage – aux uns et aux autres, en commençant par Jean-Carles Grelier qui est resté à ma demande.
Comme vient de le dire Boris Vallaud, notre travail de parlementaire consiste à évaluer l'action gouvernementale, sinon l'un des deux piliers de la démocratie est inutile. Pourquoi ne pas passer par une proposition de loi ou une mission d'information ? Tout cela a déjà été fait et, malgré la qualité de vos propositions, aucune contribution n'a été apportée.
L'article 137 du Règlement prévoit que les commissions d'enquête doivent déterminer avec précision soit les faits qui donnent lieu à enquête, soit les services ou entreprises publiques dont la commission doit examiner la gestion. Nous avons choisi un type de commission d'enquête qui correspond parfaitement à l'esprit de l'article 137. C'est la raison pour laquelle, cher collègue Grelier, nous ne cherchons pas à faire revenir par la fenêtre des moyens de coercition qui seraient déjà sortis par la porte, à l'égard des médecins.
Lorsque Mme Roselyne Bachelot était ministre de la santé, j'étais dans la majorité et nous avons lancé une commission d'enquête sur les problèmes de vaccination. Vous avez tous en mémoire les 90 millions de doses de vaccins commandés et les 45 millions de vaccins restitués aux laboratoires. Notre collègue Quatennens a parlé de courage politique. Ayons le courage de regarder les choses sans pointer le doigt sur quiconque mais en essayant de comprendre ce qui a pu se passer. C'est tout l'esprit qui m'anime, en tout cas à cette heure.
À notre collègue Thomas Mesnier, j'indique que nous pourrons achever les travaux avant l'été. Formée de trente parlementaires, la commission fera des auditions – formatées et organisées – aussi nombreuses que vous le souhaitez. Il faut surtout n'écarter personne. Puisque vous appartenez à une famille politique qui veut transformer la société, n'attendez pas ! Nous avons tous attendu. Comme vous, nous avons eu la tentation d'attendre. Nous n'avons plus le droit d'attendre pour traiter ce sujet de société gravissime. Ne marchons pas, courons !
Madame Firmin Le Bodo, j'ai reconnu votre expérience lorsque vous demandiez d'agir. Vous êtes une professionnelle de santé en plus d'être une parlementaire et je sais que votre expertise nous sera précieuse. Cette commission d'enquête permettra peut-être de faire quelques propositions sur le lien entre public et privé, qui est mis à mal dans notre pays depuis longtemps.
Monsieur Quatennens, je voulais vous remercier. Vous avez parlé du rapport de la Cour des comptes, qui est très sévère, des dépassements d'honoraires, du reste à charge. Ces questions devront être abordées. Pour moi, elles ont un sens. J'ai parlé de fracturation sociétale car les plus démunis sont ceux qui sont les plus frappés par la désertification médicale. Cette fracture médicale fait partie des fractures sociétales, merci de l'avoir rappelé.
J'ai déjà répondu à Jean-Carles Grelier mais j'ajouterai qu'il appartient à une famille politique qui a évolué, ces temps-ci, car certains étaient tout à fait opposés à toute régulation. J'ai toujours été étonné de voir que les régulations créées pour certaines professions de santé n'ont jamais été mises à mal. Peut-être y a-t-il une petite incohérence que nous essaierons de lever durant nos travaux.
Monsieur Isaac-Sibille, je vous remercie d'avoir souligné ma détermination, mais vous savez bien que nous essayons de faire oeuvre commune.
Lors de l'examen de la proposition de loi, j'avais cité cette fameuse réplique du film Le Guépard : « Il faut que tout change pour que rien ne change ». Non, il faut changer, il faut évoluer en trouvant de nouvelles pistes, comme celle dont a parlé Paul Christophe, c'est-à-dire celle des internes. Je le dis très modestement ici, c'est grâce à Mme Marisol Touraine, sous la précédente législature, que nous avons pu faire en sorte que des médecins qui n'avaient pas encore présenté leur thèse puissent s'installer. Elle avait accepté de le faire dans trois départements. Par ailleurs, j'ai rencontré à de nombreuses reprises les syndicats d'internes de médecine générale qui souhaiteraient faire de vrais remplacements mais qui ne le peuvent pas faute de statut. De même, le cumul emploi-retraite ou emploi public-emploi privé n'est pas possible. On ne peut donc pas demander à un professeur d'université d'aller exercer une journée par semaine pour des histoires de charges sociales. Pourtant, cela répondrait à votre demande de médecins généralistes, madame Ramassamy.
Enfin, je remercie M. Boris Vallaud pour les mots qu'il a su trouver. Le travail parlementaire d'évaluation nous honorerait tous. Si nous pouvions, dans un esprit partagé, avancer tous ensemble, je crois que nous ferions oeuvre utile pour les Français et en particulier pour la sécurité sociale et l'accès aux soins. Souvenons-nous que 1945 était une date fondatrice.
À l'issue de ce débat, la commission des affaires constate que les conditions de recevabilité de la création de la commission d'enquête sont réunies.
Informations relatives à la Commission
La Commission a désigné :
– Mme Catherine Fabre et M. Aurélien Taché, rapporteurs sur le projet de loi relatif à la formation professionnelle, à l'apprentissage et à l'assurance-chômage (texte non déposé) ;
– M. Julien Dive, rapporteur sur la proposition de loi de MM. Julien Dive, Christian Jacob, Stéphane Viry et plusieurs de leurs collègues relative à l'exonération fiscale et sociale des heures supplémentaires (n° 702).
La séance est levée à douze heures dix.
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Présences en réunion
Réunion du mercredi 7 mars 2018 à 9 heures 30
Présents. – Mme Delphine Bagarry, M. Belkhir Belhaddad, Mme Gisèle Biémouret, M. Bruno Bilde, M. Julien Borowczyk, Mme Brigitte Bourguignon, Mme Blandine Brocard, M. Sébastien Chenu, M. Gérard Cherpion, M. Guillaume Chiche, M. Paul Christophe, Mme Christine Cloarec, Mme Josiane Corneloup, M. Marc Delatte, M. Pierre Dharréville, Mme Jeanine Dubié, Mme Audrey Dufeu Schubert, Mme Nathalie Elimas, Mme Catherine Fabre, Mme Agnès Firmin Le Bodo, Mme Emmanuelle Fontaine-Domeizel, Mme Albane Gaillot, Mme Patricia Gallerneau, Mme Carole Grandjean, Mme Florence Granjus, M. Jean-Carles Grelier, M. Brahim Hammouche, M. Cyrille Isaac-Sibille, Mme Caroline Janvier, Mme Fadila Khattabi, M. Mustapha Laabid, Mme Fiona Lazaar, Mme Charlotte Lecocq, M. Gilles Lurton, M. Sylvain Maillard, M. Thomas Mesnier, M. Thierry Michels, M. Bernard Perrut, Mme Valérie Petit, Mme Michèle Peyron, M. Laurent Pietraszewski, Mme Claire Pitollat, M. Adrien Quatennens, M. Alain Ramadier, Mme Nadia Ramassamy, M. Jean-Hugues Ratenon, Mme Mireille Robert, Mme Laëtitia Romeiro Dias, M. Aurélien Taché, Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe, M. Jean-Louis Touraine, Mme Élisabeth Toutut-Picard, Mme Hélène Vainqueur-Christophe, Mme Isabelle Valentin, M. Boris Vallaud, Mme Michèle de Vaucouleurs, M. Olivier Véran, M. Francis Vercamer, Mme Annie Vidal, M. Philippe Vigier, Mme Corinne Vignon, M. Stéphane Viry, Mme Martine Wonner
Excusés. - Mme Ericka Bareigts, Mme Justine Benin, M. Dominique Da Silva, M. Julien Dive, Mme Caroline Fiat, Mme Claire Guion-Firmin, Mme Monique Iborra, M. Jean-Philippe Nilor, M. Adrien Taquet
Assistaient également à la réunion. - M. Guillaume Garot, M. Régis Juanico