Intervention de Daniel Verwaerde

Réunion du jeudi 15 mars 2018 à 16h00
Commission d'enquête sur la sûreté et la sécurité des installations nucléaires

Daniel Verwaerde, administrateur général par intérim du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) :

La réponse est oui. Je ne le dis pas parce que j'interviens devant votre commission d'enquête, mais la première motivation de la recherche est la sûreté, la sécurité et la protection des travailleurs. C'est particulièrement vrai pour le CEA, car l'organisation matérielle de ses installations – installations de recherche ou très vieilles installations de production – n'étant pas la même que celle des réacteurs d'EDF, la difficulté est plus grande. Grosso modo, les réacteurs qu'EDF doit démanteler se répartissent en deux grandes catégories : les graphite-gaz et les réacteurs à eau sous pression. Quant à nous, nous démantelons actuellement 36 installations ; il n'y en a pas deux identiques, car ce sont des installations de recherche qui ont été conçues au cas par cas et qui n'ont pas toujours été étudiées de manière aussi industrielle.

Par ailleurs, dans une installation de recherche, on manipule de la matière nucléaire. Dans un réacteur d'EDF, sauf en cas d'accident, la matière se trouve dans des crayons, eux-mêmes situés dans des cuves placées dans une enceinte. Au CEA, lorsqu'on travaille sur un gramme de plutonium, celui-ci se trouve dans une boîte à gants, il est éventuellement examiné au microscope : il est davantage en contact avec d'autres éléments. Lorsqu'on démantèle, à EDF, les assemblages sont enlevés et il n'y a pratiquement plus de matière radioactive, sauf si un crayon a fui, alors qu'au CEA, il reste nécessairement des poussières de matière dans la boîte à gants, de sorte qu'on est en contact avec davantage de matière. La problématique est différente dans les deux cas.

Nos principaux travaux de recherche et développement consistent donc à développer des approches permettant de diminuer au maximum les doses reçues par le personnel chargé du démantèlement. Si nous ne devions mener qu'une seule recherche, ce serait celle-là. Le principal moyen d'y parvenir, c'est d'utiliser des robots. Autrement dit, nous nous efforçons de concevoir des machines que l'on pourra télé-manipuler pour empêcher le travailleur de recevoir une dose. L'approche peut paraître simpliste, mais c'est la réalité. Le budget annuel de recherche et développement que le CEA consacre au démantèlement est compris entre 40 et 50 millions d'euros. Ensuite, nous étudions l'organisation du travail. Le démantèlement peut paraître très simple : il s'agit de nettoyer la pièce qui a été en contact avec de la matière et de la couvrir de pierres ou de parpaings, avant de l'envoyer vers un centre. Nous concevons donc des systèmes 3D qui nous permettent de réfléchir à une organisation du travail de nature à minimiser les doses. Enfin, nous étudions également le stockage des déchets, car le démantèlement ne suffit pas à supprimer le danger. Nous travaillons donc sur les colis et le transport.

À ce propos, l'autre différend scientifique que nous avons avec l'IRSN porte sur les bitumes du Centre industriel de stockage géologique (Cigéo), à savoir les hypothèses d'accident à prendre en compte et la chimie du bitume : à quelle température va-t-il s'enflammer et, s'il s'enflamme, dans quelles conditions va-t-il se propager ? Cela nécessite donc des travaux, des études, des échanges, qui donnent lieu à des joutes scientifiques. Cela peut vous paraître étonnant, mais la combustion d'un bitume peut être, pour les spécialistes de ces questions, un véritable sujet d'intérêt, donc de débat.

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