La commission d'enquête sur la sûreté et la sécurité des installations nucléaires a procédé à l'audition de M. Daniel Verwaerde administrateur général par intérim du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA). M. Verwaerde est accompagné de Jean-Luc Vo Van Qui, directeur de la protection et de la sûreté nucléaire du CEA.
L'audition commence à seize heures dix.
Mes chers collègues, nous accueillons M. Daniel Verwaerde administrateur général par intérim du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA).
Le CEA est un établissement public de recherche à caractère scientifique, technique et industriel, créé en 1945 pour contribuer au développement du nucléaire français. Il est placé sous la tutelle des ministres chargés de l'énergie, de la recherche, de l'industrie et de la défense. Il intervient dans le cadre de quatre missions : la défense et la sécurité, l'énergie nucléaire, la recherche technologique pour l'industrie et la recherche fondamentale.
Le CEA mène des programmes de recherche sur lesquels il apporte son expertise aux pouvoirs publics et aux industriels.
L'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées de déposer sous serment. Elles doivent jurer de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.
(M. Daniel Verwaerde et M. Jean-Luc Vo Van Qui prêtent successivement serment)
Monsieur le président, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les députés, je vous remercie pour votre invitation à venir m'exprimer devant cette commission d'enquête sur la sûreté et la sécurité des installations nucléaires. Je suis accompagné de M. Jean-Luc Vo Van Qui, directeur de la sûreté et de la sécurité nucléaires, nouvellement nommé, et de M. Jean-Pierre Vigouroux, directeur des affaires publiques, qui assure l'interface avec le Parlement.
J'aborderai essentiellement dans mon propos liminaire des questions générales relatives à la gouvernance. Nous pourrons traiter ensuite des sujets plus précis à partir des questions que vous m'avez transmises et de celles que vous me poserez.
Je me dois de commencer en abordant la question fondamentale de savoir si sécurité et sûreté nucléaires peuvent dépendre d'une même autorité.
Il me paraît d'abord important de préciser le terme « sécurité ». Ce mot a en effet plusieurs significations relativement différentes.
Habituellement, dans l'industrie, « sécurité » désigne la sécurité du travail, la protection des travailleurs.
La loi du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire, dite « loi TSN », a innové en regroupant sous ce terme « la sûreté nucléaire, la radioprotection, la prévention et la lutte contre les actes de malveillance, ainsi que les actions de sécurité civile en cas d'accident ».
Dans la communauté nucléaire internationale, la pratique est d'appeler « sécurité nucléaire », la prévention des actes de malveillance, en particulier à l'égard des matières nucléaires, et « sûreté nucléaire », la prévention des accidents. À moins que cela ne vous convienne pas, j'utiliserai ces dernières acceptions – elles sont un peu restrictives, mais elles permettent d'opérer une distinction claire.
Par ailleurs, l'expression « sécurité nucléaire passive », qui figure dans le questionnaire que vous nous avez transmis, doit, à notre avis, être précisée afin d'éviter des malentendus. En effet, elle pourrait laisser supposer qu'il peut y avoir une « sécurité passive » permettant par elle-même de faire face aux actes de malveillance. J'estime que la prévention repose sur un ensemble indissociable comprenant une stratégie, des moyens matériels, des hommes, et des procédures qui font intervenir le renseignement, la détection, la levée de doutes, l'intervention… À mon sens, de simples dispositifs passifs ne sont pas de nature à répondre à des agresseurs mobiles qui s'adapteront aux défenses, comme cela a malheureusement déjà été démontré dans d'autres domaines.
Il convient ensuite de souligner que, s'il y a une interaction entre sûreté et sécurité nucléaires, il s'agit, selon moi, avec les définitions que j'ai retenues, de sujets profondément différents.
La nécessité de l'interaction est évidente, car l'un des buts possibles des actes de malveillance est bien de provoquer un accident. Aussi la réflexion sur la sécurité nucléaire doit-elle au moins tenir compte des travaux de sûreté nucléaire pour identifier les accidents possibles, leurs déterminants et la possibilité qu'ils soient déclenchés par un acte malveillant. Inversement, la sûreté nucléaire doit prendre en compte la prévention des accidents, même s'ils sont provoqués volontairement. En outre, il est important de veiller à la cohérence des mesures prises au titre de l'une et de l'autre.
Toutefois, il existe des différences fondamentales entre « sûreté nucléaire » et « sécurité nucléaire » dans plusieurs domaines.
Comme cela a été rappelé précédemment, la sûreté nucléaire vise à prévenir les accidents alors que la sécurité nucléaire vise à prévenir les actes de malveillance.
Les différences concernent aussi les objectifs. La sûreté nucléaire consiste à protéger les personnes, les biens et l'environnement, alors que la sécurité nucléaire a des objectifs plus nombreux : en cas d'acte de malveillance, c'est-à-dire de sabotage d'une installation, elle vise à protéger les personnes, les biens et l'environnement, mais aussi à préserver le bon fonctionnement d'installations vitales pour la nation. L'acte de malveillance peut aussi avoir des objectifs largement déconnectés de la « sûreté nucléaire » tels que le vol de matières nucléaires ou radioactives, le vol d'informations sensibles…
Les responsabilités ne sont pas les mêmes. La responsabilité de la « sûreté nucléaire » incombe entièrement à l'exploitant, qui est contrôlé par l'autorité de sûreté, à savoir l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN). La responsabilité de la « sécurité nucléaire » est, au contraire, partagée entre les services régaliens de l'État – qui déterminent, par exemple, les menaces auxquelles il faut faire face, agissent en matière de renseignement et interviennent en cas d'agression forte – et l'exploitant qui met en place d'une stratégie et de moyens de prévention, et assure une première intervention.
La philosophie et la conception des systèmes sont également différentes. En matière de sûreté, on s'attache dès la conception à ce que « la physique » du système permette sa maîtrise nucléaire, quel que soit l'état dans lequel il pourrait parvenir du fait d'une défaillance de procédure ou de contrôle, et l'on ajoute des mesures compensatoires mises en oeuvre durant l'exploitation s'il existe un état de risque de perte de contrôle. En matière de sécurité, on s'attache à faire face à des agressions étalonnées par l'État, de telle sorte que les matières dangereuses soient protégées en toutes circonstances, de même que l'intégrité de l'installation si on le juge nécessaire.
Enfin, les différences entre sûreté et sécurité sont particulièrement fortes s'agissant du nucléaire si l'on s'intéresse à la question de la transparence. Dans le domaine de la sûreté, il est en effet très important d'assurer la plus grande transparence et la meilleure information possible du public. En revanche, dans celui de la sécurité, il est évident qu'une information largement diffusée est de nature à accroître la vulnérabilité ou à réduire fortement l'efficacité des mesures de prévention.
Il ne me semble donc pas totalement cohérent de vouloir, en quelque sorte, réduire les deux dimensions en une seule. Il s'agit de sujets liés mais distincts.
Le fait que sûreté et sécurité nucléaires soient deux sujets distincts amène à s'interroger sur un éventuel contrôle par une seule autorité. Pour parvenir à lui confier ces responsabilités, il faudrait résoudre plusieurs problèmes.
Le premier sujet à traiter est celui de la transparence : en France, l'ASN a une responsabilité indéniable en matière de transparence. Elle contribue, au nom de l'État, à garantir cette transparence à l'égard du public. Compte tenu de l'impérieuse nécessité de protection de certaines informations en matière de sécurité, on demanderait également à cette autorité, si elle devait être une autorité unique, de veiller à ce que certaines données ne soient pas diffusées. Il faudrait donc gérer simultanément transparence et protection de certaines l'information : cela peut rendre les choses difficiles.
Un second sujet tient à l'organisation de l'État : il a été rappelé que la responsabilité de la sécurité nucléaire incombait à l'exploitant et aux services régaliens de l'État. Si une autorité unique, avec le statut d'autorité indépendante dont dispose aujourd'hui l'ASN, avait en charge la sécurité nucléaire, elle devrait contrôler des services régaliens : cela nécessiterait une évolution juridique.
S'agissant de la gouvernance, je souhaite aborder la question du recours à des prestataires et à la sous-traitance. Cette pratique relève de la liberté d'entreprendre, qui est considérée par le droit français comme un principe à valeur constitutionnelle et par le droit communautaire comme une liberté fondamentale. Les restrictions à une telle liberté ne peuvent donc être admises que si elles répondent à un impérieux motif, tenant à des considérations d'ordre public économique, moral, sanitaire ou environnemental, ou bien de sécurité.
En France, selon moi, il est difficile de considérer a priori que le recours à la sous-traitance accroîtrait les risques en matière de sûreté et de sécurité. Cela reviendrait à supposer que les entreprises auxquelles un exploitant nucléaire fait appel dans le cadre de la construction, de l'exploitation ou du démantèlement de son installation n'ont pas les compétences pour exécuter des prestations répondant aux exigences de qualité imposées dans le domaine nucléaire.
La filière industrielle nucléaire, regroupée aujourd'hui au sein du Comité stratégique de la filière nucléaire (CSFN) créé sous l'égide du Conseil national de l'industrie, rassemble 2 500 entreprises employant près de 220 000 salariés, qui sont, pour quasiment la totalité d'entre eux, particulièrement qualifiés. Dans leur domaine, ils ne sont ni plus ni moins qualifiés que les personnels, par exemple, de l'exploitant qu'est le CEA, pour ne parler que de nous. De mon point de vue, il n'y a donc pas de raison de penser que ces entreprises, par leurs interventions ou leur présence dans les installations nucléaires, accroîtraient les risques en matière de sûreté et de sécurité.
J'estime que la véritable question à poser est celle de l'encadrement de la sous-traitance et de la gestion de la « co-activité », c'est-à-dire des risques d'interférences entre entreprises appelées à intervenir dans un même lieu de travail. Nous disposons toutefois aujourd'hui d'un arsenal législatif et réglementaire qui régit assez précisément les règles d'accueil des entreprises sous-traitantes au sein des installations, que ce soit en dans le code du travail, ou dans le code de l'environnement pour ce qui concerne la sûreté nucléaire. Ces règles permettent de gérer la « co-activité » au sein d'une installation nucléaire.
La loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte a par exemple permis de prendre le décret du 28 juin 2016 qui comprend plusieurs dispositions relatives aux sous-traitants.
J'estime que les textes en vigueur sont relativement nombreux et, pour certains, récents. Ils permettent de gérer la « co-activité » avec une certaine précision et ils montrent que nous accordons une très grande attention à la sous-traitance. Je recommande donc de ne pas se précipiter et d'examiner attentivement le fonctionnement du système avant de lui apporter des corrections ou éventuellement d'y ajouter.
Monsieur l'administrateur général, permettez-nous un instant de revenir sur la question des compétences de sécurité que pourrait exercer l'ASN. Nous ne sommes pas parfaitement sûrs d'avoir compris votre position.
Sûreté et sécurité constituent deux sujets bien distincts qui s'entremêlent toutefois. Ce matin encore, nous parlions des piscines d'EDF : il est clair que leur conception doit, par exemple, être pensée à la fois à l'aune de la sûreté et de la sécurité. Alors qu'à l'origine, elles répondaient à un problème de sûreté, aujourd'hui nous ne pourrions même plus avoir accès à des plans qui relèveraient du secret-défense. Pensez-vous que l'ASN doit récupérer des compétences en matière de sécurité dite « passive » ?
La sécurité passive en tant que telle ne constitue pas une réponse suffisante aux agressions. La sécurité inclut la sécurité passive, c'est-à-dire les mesures matérielles qui permettent de protéger les installations, mais je pense que l'homme et l'information sont indispensables tant pour sûreté et que pour la sécurité. Quel que soit le mur que vous élèverez autour d'une piscine, je ne crois pas qu'il sera jamais suffisant. S'il n'y a pas l'intelligence de l'homme en permanence, en plus du mur, je ne pense pas que la sécurité sera assurée de manière satisfaisante.
Je crois à l'importance de l'intelligence humaine. Elle permet par exemple d'accroître la capacité de prévention en donnant accès à des renseignements. L'honnêteté veut que l'on reconnaisse que lorsqu'un incident de sécurité est survenu, il y avait assez fréquemment eu des prémisses, des indices issus de renseignements collectés par des humains qui laissaient penser que ce type d'incident pouvait se produire. Bien entendu, cela ne signifie pas que chaque fois que l'on trouve un indice, il y a un incident – ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit.
Le comportement humain sur zone constitue un élément indispensable de la protection, au-delà des protections physiques. Je ne crois pas que l'on puisse séparer ceux qui s'occupent de la protection physique, qui constitueraient une première barrière « passive », de ceux que l'on considérerait comme mettant en oeuvre des mesures complémentaires humaines « non passives ». En tant qu'exploitant nucléaire, après avoir dirigé un centre nucléaire, j'estime que la sécurité se conçoit dans son ensemble : la sécurité passive est l'un de ses éléments, mais il ne peut pas être le seul.
Pour répondre à votre question, j'aurais tendance à dire qu'il faut confier l'ensemble de la sécurité à une même autorité, éventuellement avec la sûreté, mais je ne pense pas que l'on puisse confier une partie de la sécurité à une autorité, et le reste à une autre…
Si l'on imagine que l'ASN cumule les compétences de sûreté et de sécurité, j'ai souligné qu'il faudrait résoudre la question de la transparence et celle du pilotage d'unités qui dépendent du Gouvernement – mais les parlementaires que vous êtes peuvent changer la loi en la matière. Dans l'état actuel du droit, l'ASN ne peut pas exercer une double mission, mais le droit peut évoluer. Je n'ai rien dit d'autre !
Vous nous proposez une réponse analytique et théorique, mais quel est votre avis personnel ? Faut-il placer la sécurité et la sûreté sous l'autorité d'une seule structure ? Une telle démarche vous paraît-elle intéressante ? Estimez-vous aujourd'hui que l'autorité chargée de la sûreté, l'ASN, et celle chargée de la sécurité, autrement dit, l'État, ne communiquent pas assez ? Si certaines informations ne passent pas, pourquoi, et lesquelles ?
Je ne serai pas aussi critique sur le fonctionnement actuel de nos institutions. L'ASN remplit sa fonction avec une grande rigueur. En tant qu'exploitant, nous considérons que ses demandes sont extrêmement rigoureuses. Il suffit de lire ses rapports annuels et le nombre de ses injonctions pour voir qu'elle fait bien son travail en étant exigeante – évidemment on peut toujours affirmer qu'il faudrait qu'elle s'améliore encore.
Si le nucléaire a aujourd'hui la place qu'il occupe en France, je pense que c'est probablement en grande partie grâce à l'ASN qui suscite la confiance par la rigueur de son travail et par son exigence à l'égard des exploitants. Lorsque l'ASN formule un jugement ou un avis, je pense qu'elle est crédible.
Pour ma part, je ne considère pas que le système fonctionne mal. J'estime, en tant que citoyen, que du côté de la sûreté nucléaire, l'autorité en place fait plutôt bien son travail. Je ne suis d'ailleurs pas sûr que l'on trouve, dans le reste du monde, des autorités étrangères que l'on pourrait donner en exemple à la nôtre. Nous avons plutôt une autorité exemplaire.
Beaucoup d'autorités de sûreté étrangères ont au moins une compétence en matière de sécurité passive !
Si vous songez à l'extension de la compétence de l'ASN – c'est ainsi que j'ai compris vos questions –, je vous répète qu'il faut préalablement faire évoluer la façon dont cette autorité exerce sa responsabilité. Mais, bien évidemment, l'Assemblée est souveraine pour en décider.
Je pense en particulier à deux sujets, je vous l'ai dit. Le premier concerne l'exigence de transparence qui caractérise l'ASN. L'Autorité est reconnue pour cette qualité, qui aide à pérenniser le nucléaire en France. C'est parfois difficile à vivre pour les exploitants, mais, justement parce que je considère le nucléaire comme une bonne chose, je considère aussi que c'est parce que l'ASN est le garant de la transparence que le nucléaire reste acceptable dans notre pays. Je ne suis pas sûr que nous ne dégraderions pas ce rôle de l'ASN si elle devait exercer de nouvelles missions sans pouvoir révéler toutes les informations dont elle dispose. Je pense que cela affaiblirait la confiance que cette autorité suscite aujourd'hui.
Nous allons maintenant aborder certains des points du questionnaire que nous vous avions transmis. Nous vous demanderons de répondre par écrit aux sujets que nous n'aurons pas le temps de traiter.
La recherche est, en quelque sorte, votre coeur de métier. Quelles recherches effectuez-vous en matière de sûreté ? Quelles situations étudiez-vous ? Quels moyens humains et financiers consacrez-vous à ces recherches ? Quels types de simulation sont réalisés ?
Quelles avancées ces recherches ont-elles permis de faire ? Leurs résultats donnent-ils au CEA un pouvoir de prescription ou de suggestion en matière de normes nouvelles ? Quelles suites sont données à ces recherches ? La recherche est importante, mais les suites qui lui sont données le sont aussi.
Madame la rapporteure, nous vous transmettrons des réponses écrites avec des tableaux de chiffres par domaine.
Nous conduisons principalement nos recherches relatives à la sûreté nucléaire dans deux domaines essentiels.
Le premier domaine concerne les connaissances et les outils pour la conception des installations et leur fonctionnement. Une installation ne peut en effet se concevoir qu'avec ses normes de sûreté et un fonctionnement en sûreté : on pilote toujours une installation avec la sûreté, un peu comme on conduit une voiture avec le permis de conduire. Cela n'aurait pas de sens de concevoir une installation nucléaire sans intégrer directement la sûreté. Le CEA s'investit donc beaucoup pour améliorer les connaissances des matériaux utilisés et de leur vieillissement, ainsi que les connaissances architecturales, de manière à être capable de dimensionner une installation, un équipement, et éventuellement de prévoir son comportement, c'est-à-dire de permettre une maintenance préventive.
Le CEA travaille dans un deuxième domaine. Il prend modestement sa part des recherches en radiobiologie et en radiotoxicologie en étudiant l'interaction des rayonnements avec le vivant. M. Jean-Christophe Niel, directeur général de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, que vous avez dû recevoir, vous a sans doute indiqué que l'IRSN menait de très nombreuses études dans ces domaines – ils effectuent aussi des études d'accidents. Nous faisons beaucoup de choses ensemble.
Madame la rapporteure, vous m'avez demandé si le CEA était prescripteur. La réponse est « non ». Nous menons des études conjointement avec l'IRSN, ce qui permet de partager des moyens et de créer des interactions scientifiques enrichissantes, mais chacun reste dans son rôle. Le CEA est compétent pour améliorer la protection des travailleurs ou mieux concevoir une installation, mais il revient à l'IRSN, qui peut se fonder sur le même résultat scientifique, de proposer éventuellement une norme ou une réglementation.
Cela ne nous empêche pas de partager certaines choses. Nous opérons par exemple le réacteur de recherche Cabri au profit de l'IRSN en raison des expériences qui nous intéressent autant l'un et l'autre et que nous partageons scientifiquement.
Sur quoi travaillons-nous de manière générale ? Au niveau d'expériences élémentaires, nous regardons comment des matériaux se comportent en ambiance nucléaire. Nous utilisons pour cela des réacteurs d'irradiation – nous avions Osiris, et nous construisons le réacteur Jules-Horowitz. Les flux de neutrons y sont au moins aussi forts, à chaque endroit, si ce n'est plus, que dans un réacteur EDF – ce dernier est seulement beaucoup plus gros ce qui permet de produire plus d'énergie, mais on obtient dans un centimètre cube d'un réacteur de recherche des quantités d'irradiations supérieures. Cela permet de regarder comment se comportent les matériaux lorsqu'ils reçoivent ces fortes irradiations.
Notre travail consiste donc à irradier un matériau puis à déterminer s'il est encore propre à exercer sa fonction ou s'il s'est dégradé – recevoir des bouffées de neutrons ne dégrade pas que les êtres humains… C'est la réalité : il s'agit simplement d'un phénomène physique qui se produit partout, jusque dans les étoiles. La seule vraie question est de savoir si cette dégradation peut avoir des conséquences sur la sûreté et le fonctionnement normal d'une centrale.
Nous faisons aussi de plus en plus de développement numérique. Nous traduisons les connaissances acquises, grâce à nos expériences, en équations mathématiques et chimiques que nous introduisons dans des logiciels. Ces derniers permettent de comprendre dans un système comment un petit phénomène peut réagir sur un ensemble. Si nous entrons une nouvelle équation relative au comportement d'un matériau après irradiation, le logiciel de calcul permettra d'étudier ce matériau sous toutes ses formes géométriques : une cuve, d'un générateur de vapeur… Le logiciel transforme une loi de la physique élémentaire que nous avons mesurée pour donner une estimation concernant un système réel. Le CEA réalise de grands logiciels qui permettent de faire ces calculs.
Dans le domaine de la biologie, nous regardons par exemple sur de grandes populations si une maladie particulière se développe compte tenu de l'hypothèse d'une agression, nucléaire ou non. Nous regardons s'il existe une corrélation ou une influence. Nous avons une approche médicale classique pour des études de populations. Nous avons aussi des approches beaucoup plus élémentaires, car nous regardons l'influence des radiations au niveau de la cellule, voire de molécules.
Par exemple, depuis trente ans, nous nous intéressons beaucoup au prion, car nous avons remarqué que cette molécule, qui n'est pas vraiment du vivant, résiste diaboliquement aux radiations. Soumise à des irradiations dix fois plus faibles, la même chaîne chimique d'autres molécules se casserait alors que le prion est très résistant. Un jour, s'est déclenché la maladie « de la vache folle », dans laquelle des prions particuliers jouaient un rôle. Assez rapidement, il a été possible de mettre au point un test de détection chez le boeuf à partir de nos travaux sur l'irradiation et de la tenue chimique de la molécule.
Voilà ce qu'est le CEA : il fait de la recherche fondamentale destinée au champ du nucléaire, et, de temps en temps, une moisson a lieu pour une application. Il peut paraître étonnant que le CEA pratique la biologie. Frédéric Joliot-Curie lui-même, qui avait vu sa belle-mère souffrir d'un cancer, voulait qu'il en soit ainsi. Il savait que le nucléaire n'était pas sans conséquence sur le vivant, et, dès la création du CEA, il a souhaité que cette dimension biologiste soit développée. L'Institut de protection et de sûreté nucléaire (IPSN) était à l'époque chargée de ce domaine. L'IPSN a fini par voler de ses propres ailes et par devenir l'IRSN. Nous avons toutefois conservé une petite partie des programmes de radiobiologie, même si l'essentiel est passé à l'IRSN.
Vous m'avez interrogé sur nos moyens financiers et humains consacrés à la sûreté Sans que cela soit toujours à temps complet, je peux vous dire que 600 personnes travaillent au CEA sur les problèmes relatifs à la sûreté. Nous consacrons environ 130 millions d'euros par an à ce domaine.
Au-delà de ce volet « études », un volet « sûreté-sécurité » emploie environ un millier de personnes, pour un budget annuel de l'ordre de 600 à 700 millions d'euros. Cela peut dépendre des projets en cours. En ce moment, depuis la recrudescence des menaces, nous développons un programme de renforcement des mesures passives, mais aussi des effectifs. Nous allons recruter une bonne centaine de gardiens supplémentaires pour être capable, de faire face à ce que j'appelle une montée en gravité des agressions potentielles. Je ne peux pas vous donner davantage de précision à l'instant, car les informations en la matière sont classifiées. Un investissement spécial est prévu. Il sera d'une durée limitée en ce qui concerne l'investissement passif : de l'ordre de 120 millions, qui seront dépensés jusqu'à 2020-2021. L'effectif augmenté sera pérennisé. Entre les suppléments nécessaires pour payer les personnels et les frais associés, il faudra compter une vingtaine de millions d'euros supplémentaires par an – on voit apparaître ces programmes spécifiques dans le détail des lignes budgétaires du CEA.
Le CEA mène des études sur les comportements des matériaux de structure face au vieillissement, ou aux conditions extrêmes présentes dans le coeur d'un réacteur. Quelles sont les conséquences des anomalies détectées sur la cuve de l'EPR de Flamanville, mais également sur les évaporateurs de La Hague, dont la corrosion est manifestement plus rapide que prévu ? Avez-vous travaillé sur ces sujets ?
Pour Flamanville surtout, je vous ferai une réponse de Normand, bien que j'aie prêté serment. (Sourires.)
L'honnêteté veut que l'on vous dise que nous avons été des contributeurs scientifiques importants, mais l'ensemble du dossier n'a pas forcément été en ma possession : c'est bien l'exploitant qui l'a eu. Je ne connais pas l'ensemble du dossier, mais je crois que vous avez reçu M. Dominique Minière, directeur du parc nucléaire et thermique d'EDF, ce matin. C'est à lui qu'il faut poser la question, ou à son collègue Xavier Ursat.
Nous avons travaillé sur deux à trois cents éprouvettes provenant de la cuve de Flamanville. Il s'agit d'échantillons de matière extraits de la pièce en cause. Lorsque vous fabriquez des pièces vous prévoyez des « masselottes », des parties supplémentaires inutiles qui subissent le même process de fabrication, que vous pourrez ensuite découper et analyser : ce sont des sortes de témoins.
Un certain nombre de ces témoins présentaient bien les problèmes de ségrégation de carbone que vous évoquiez – ils ne respectaient pas la norme acceptée. En revanche, en termes de conséquences mécaniques, nous n'avons pas vu de dégradation des propriétés mécaniques des trois cents échantillons que nous avons analysés.
Les problèmes de La Hague sont beaucoup plus compliqués à analyser. À Flamanville, le travail était relativement facile – finalement, il suffit, en quelque sorte de prendre des échantillons de pièces réelles ou de pièces fabriquées à l'identique, et de tirer dessus pour voir s'ils se cassent.
Il est beaucoup plus difficile d'aller voir ce qui se passe au coeur d'un évaporateur de La Hague où circulent des vapeurs extrêmement radioactives. Nous avons fait des boucles de simulation – si je me souviens bien, nous en avons deux à Saclay – pour comprendre le phénomène de corrosion. Notre contribution consiste à essayer de comprendre en laboratoire si la corrosion évolue selon la variation des conditions d'évaporation. Ce travail est toujours en cours. Mes conclusions sur La Hague sont donc moins simples et moins définitives que ce que je vous ai dit sur les échantillons de Flamanville qui ne présentaient pas d'écart.
En langage profane, vous considérez donc, a priori, d'après vos expériences, que les anomalies détectées sur la cuve de l'EPR n'ont pas de conséquences.
En revanche, ce que vous dites sur les évaporateurs de La Hague est moins clair.
Nous reconstituons en laboratoire, grâce à des simulations, les comportements des évaporateurs selon des conditions différentes…
En effet.
J'en viens à la question du vieillissement des installations d'une manière générale, celui des matériaux et notamment des éléments non remplaçables bien évidemment, mais aussi celui diffus des câbles, des gaines…
Quelle est l'analyse du CEA sur ce vieillissement ? Menez-vous des expériences sur ses conséquences pour la sûreté des installations ? Aujourd'hui, les composants inamovibles, la structure interne et les cuves, sont-ils en état de supporter une éventuelle prolongation de la durée d'exploitation des centrales ?
Dans ce domaine aussi, il faut que nous sachions rester à notre place. Nous contribuons au travail, mais je ne vous dirai pas que nous faisons tout. Ce serait mentir.
Entre 2010 et l'arrêt d'Osiris en 2015, nous avons irradié des échantillons de pièces mécaniques représentatives dans nos réacteurs de recherche pour voir si leurs propriétés mécaniques se dégradaient par rapport à leur condition initiale. Nous ne travaillons pas sur toutes les pièces, mais essentiellement sur les aciers et les soudures – particulièrement les soudures qui nous semblent les pièces les plus sensibles. Nous nous assurons que l'état de tenue mécanique de la partie soudée qui a subi les irradiations est bien conforme et possède les bonnes propriétés. Nous transmettons ces données aux responsables d'EDF pour qu'ils élaborent leurs dossiers de sûreté.
La répartition des tâches est telle que je ne sais pas vous dire, à partir du seul travail effectué au CEA, s'il est scientifiquement acceptable ou non de prolonger la durée d'exploitation des centrales. Nous analysons des échantillons qui proviennent uniquement de certaines parties des installations. Le travail du CEA n'est qu'une contribution ; il n'est pas saisi de l'ensemble du dossier.
Le vieillissement n'aurait donc pas d'impact sur le bon fonctionnement des pièces au regard des normes de sûreté ?
Non, je n'ai pas dit cela. Si nous étudions l'endroit où une virole a été soudée à une cuve, par exemple, nous prenons un échantillon de la partie soudée et nous l'irradions, éventuellement à un taux supérieur car les flux de neutrons sont beaucoup plus puissants dans un réacteur de recherche que dans un réacteur d'EDF. Si ce flux est dix fois plus puissant, le matériau subira autant de dommages au bout d'un an d'irradiation qu'en dix ans dans un réacteur d'EDF. Nous irradions donc notre échantillon et nous mesurons ensuite l'éventuelle modification du comportement du matériau. S'il a gardé les mêmes propriétés ou si celles-ci se sont peu dégradées, nous considérons que l'évolution permet de poursuivre l'exploitation. Il se peut que, de temps en temps, nous rencontrions un problème mais, en moyenne, nos travaux ne révèlent pas de situations alarmantes dans ce domaine.
Pour le dire autrement, dans le travail que nous effectuons sur nos échantillons, nous ne rencontrons pas de problèmes alarmants. Je suis désolé, je ne suis pas toujours très clair.
Je souhaite simplement que nos concitoyens comprennent bien.
Vous avez évoqué le réacteur de recherche Jules-Horowitz. Savez-vous à quelle date celui-ci sera mis en service ?
Oui, entre décembre 2021 et juin 2022.
Le rapport de l'ASN de 2016 indiquait qu'en matière de gestion des déchets et de démantèlement des installations du CEA, « l'organisation actuelle du CEA ne semblait pas assez robuste pour mener à bien ces opérations dans les délais impartis et dans les meilleures conditions de sûreté et de radioprotection ». Comment l'expliquez-vous et quelles réponses avez-vous apporté à l'ASN ?
Je veux d'abord apporter une précision importante. Premièrement, j'ai mené une réorganisation assez profonde des projets d'assainissement et de démantèlement de manière à répondre aux demandes de l'ASN. Du reste, ces demandes émanaient des deux autorités de sûreté – le délégué à la sûreté nucléaire et à la radioprotection pour les activités et installations intéressant la défense et l'ASN –, qui sont venues ensemble me rencontrer à Marcoule pour me dire qu'elles souhaitaient que nous ayons une vision d'ensemble du démantèlement.
Deuxièmement, il faut que vous sachiez que la France consacre 740 millions par an aux assainissements et démantèlements relevant du CEA, une somme qui est, à ma connaissance, nettement supérieure au budget qu'EDF consacre à cette activité. Ces crédits nous permettent, me semble-t-il, de conduire nos travaux d'assainissement et de démantèlement à un rythme compatible avec deux exigences. Premièrement, nous devons disposer de moyens humains capables d'encadrer ces travaux. J'insiste à nouveau sur la place de l'homme : l'argent ne fait pas tout. Or, actuellement, au CEA, 1 000 personnes environ travaillent à l'assainissement et au démantèlement – ce qui n'est pas rien –, auxquels s'ajoutent les sous-traitants. Deuxièmement, nous travaillons, à la demande de l'Autorité, à réduire le plus vite possible les plus grands termes sources. Auparavant, nous traitions toutes les installations sur un pied d'égalité : dès que l'une d'entre elles était arrêtée, nous la démantelions. Or, les deux autorités ont souhaité que soient traitées en priorité les installations qui contiennent le plus de déchets, c'est-à-dire la plus grande quantité de radioactivité susceptible d'être remise en circulation en cas d'accident. Il y a deux ans, nous avons donc revu nos programmes : j'ai fait établir un plan à moyen et long terme qui nous donne une vision d'ensemble de tous les chantiers, nous avons défini un ordre de priorité en fonction des risques que chaque chantier présenterait en cas d'accident et nous avons concentré nos efforts sur ceux qui présentent les plus grands risques. De fait, mes effectifs sont limités et, en tant que citoyen, j'estime que 740 millions par an, c'est une somme extraordinairement élevée. On peut toujours dépenser plus, mais c'est déjà beaucoup.
Par ailleurs, cette question m'a paru suffisamment importante pour être traitée par une division qui en a exclusivement la charge. Auparavant, la même division était chargée à la fois de la recherche et du développement – et travaillait donc pour l'avenir – et de l'assainissement et du démantèlement. Or, les êtres humains sont ce qu'ils sont : il est toujours plus intéressant de rêver de l'avenir que de régler les problèmes du passé. Il faut donc confier à des personnes la mission exclusive de démanteler et les juger sur cette mission, afin qu'elles soient motivées. J'ai ainsi modifié l'organisation du CEA en créant, à l'intérieur de la direction de l'énergie nucléaire (DEN) et de la direction des applications militaires (DAM), un périmètre regroupant l'assainissement et le démantèlement, placé sous l'autorité d'une direction qui pilote l'ensemble et me rend compte directement.
Comment se traduit cette nouvelle organisation ? Comme nos moyens sont limités, si des chantiers progressent rapidement, d'autres progresseront plus lentement. Toutefois, si ces derniers sont ceux qui présentent très peu de danger, c'est moins grave. Certes, on peut toujours dire qu'il faudrait zéro danger partout mais, outre que je ne suis pas là pour discuter les décisions des autorités, il me semble qu'il s'agit plutôt d'une bonne idée. En tout état de cause, nous avons consenti des efforts considérables pour répondre à la demande des autorités.
J'ajoute que, lorsque l'ASN a formulé cette demande, je travaillais déjà à l'amélioration de la sûreté et de la sécurité. En effet, l'inspection nucléaire générale qui, auparavant, était séparée d'au moins deux niveaux de l'administrateur général, m'est désormais directement rattachée, à la demande, du reste, de Pierre-Franck Chevet, qui a eu raison également sur ce point. L'inspection a donc la possibilité d'aller inspecter partout et immédiatement, à ma demande.
Enfin, estimant qu'à volume de moyens identiques nous n'étions pas très efficaces, j'ai demandé au Conseil général de l'industrie qu'il réalise un audit général de notre organisation et de notre efficacité en matière de sûreté. Selon les conclusions de cet audit, qui rejoignent l'analyse de M. Chevet, le CEA dispose de compétences importantes – les ingénieurs et les scientifiques travaillent bien et sont motivés – mais le pilotage d'ensemble posait problème. J'ai donc modifié l'organisation et créé une direction de la protection et de la sûreté nucléaire, que j'ai confiée à M. Vo Van Qui, qui est à mes côtés aujourd'hui. Pour avoir dirigé un centre nucléaire, je considère que la sûreté est ma première responsabilité et j'essaie donc de m'en occuper. J'espère que mon action dans ce domaine portera ses fruits.
Je souhaiterais savoir qui sont vos commanditaires dans le cadre de vos activités de recherche. Qui oriente vos programmes de recherche ? Êtes-vous sollicités par l'Agence nationale de la recherche (ANR), par des exploitants ou par d'autres acteurs économiques, par l'ASN ? Par ailleurs, les résultats de vos recherches sont-ils publiés et ces publications sont-elles accessibles à tous ?
Qui oriente nos recherches ? Vous les avez à peu près tous cités. D'abord, ce sont l'Autorité de sûreté nucléaire et son adjoint technique, l'IRSN, qui peuvent nous indiquer un point sur lequel ils sont en désaccord avec nous. En effet, ce n'est pas parce que les experts de l'IRSN sont issus du CEA et que les uns et les autres s'estiment et se connaissent bien qu'ils sont d'accord sur tout. De fait, il y a deux sujets sur lesquels nous sommes en désaccord et auxquels les experts travaillent pour tenter d'améliorer les positions. Il s'agit de la détermination du niveau de séisme de référence pour chaque installation et de la tenue au séisme ; c'est un débat scientifique vieux de quinze ou vingt ans, sur lequel l'IRSN et le CEA ont deux approches différentes.
Ensuite, ce sont les exploitants nucléaires. Nous sommes couplés à EDF et Areva au sein d'un institut tripartite dans lequel le paiement est réparti en fonction du commanditaire ou l'utilisateur. S'agissant du problème des évaporateurs de La Hague, par exemple, le demandeur, Orano – anciennement Areva –, contribuera au financement à hauteur de 80 %.
Le dernier donneur d'ordres est le CEA lui-même, qui a une responsabilité dans l'orientation des recherches de long terme sur le nucléaire. Pour la sûreté des futures installations, en particulier les réacteurs de quatrième génération, nous sommes en quelque sorte notre propre donneur d'ordres. Le CEA est un excellent organisme de recherche : il n'est pas le meilleur mais il n'est pas le plus mauvais non plus. J'ai néanmoins fait en sorte que, lorsque nous sommes notre propre donneur d'ordres, nous ayons un système client-fournisseur interne. Il me paraît en effet important de ne pas laisser une équipe dépenser des millions pour financer ses propres recherches : si elle a une idée, elle doit la soumettre à un client, en l'espèce un chef de programme, qui lui attribuera ou non des crédits.
Enfin, nos publications, qui sont au nombre de plusieurs milliers par an, sont accessibles, comme toutes les publications scientifiques, dans des actes de congrès, des revues… Toutefois, lorsqu'une recherche est appliquée et peut être utile à un industriel, il se peut que la publication soit incomplète et que le brevet tienne lieu de publication – nous pensons à sauvegarder nos intérêts. Le CEA est, parmi les organismes de recherche, le premier déposant de brevets au plan mondial.
Dans son rapport annuel de 2016, l'ASN indique qu'elle a relevé, sur le site de Cadarache, des disparités importantes entre installations en matière de sûreté et qu'elle a dû user de son pouvoir de coercition pour faire respecter certaines exigences de sûreté, notamment en matière de traitement des déchets. Elle a ainsi mis en demeure le CEA d'améliorer la station de traitement des déchets solides et la station des traitements des effluents. Ce problème était-il dû au défaut de pilotage auquel vous nous avez expliqué avoir remédié en modifiant l'organisation du CEA ?
Dans ce cas très particulier, nous avons en effet reçu une mise en demeure et j'ai moi-même piloté la réponse à l'ASN. Peut-être aurais-je dû m'apercevoir du problème plus tôt – je plaide coupable –, mais nous nous en sommes occupés très sérieusement. Nous avons été mis en demeure de remettre les choses au carré en décembre 2016 ; une inspection de l'ASN a eu lieu le mois suivant et je crois que nous avions à peu près rétabli la situation.
En l'espèce, le problème était dû, selon moi, à la motivation des personnels chargés du traitement des déchets – j'y ai fait allusion tout à l'heure à propos de l'assainissement et du démantèlement. Je vous invite, du reste, à vous rendre à Cadarache. Moi-même, qui ai travaillé sur des sites plus classifiés dans la première partie de ma carrière, lorsque j'ai découvert Cadarache, je me suis dit : « Mon Dieu, il n'est pas possible que nous ayons encore une installation pareille ! ». Comme je l'ai dit, il est plus plaisant de découvrir l'avenir que de gérer les déchets du passé. Notre principal problème était donc de trouver des compétences : les personnes qui travaillaient sur le site n'y restaient pas plus de six mois. De fait, les conditions de travail n'étaient pas bonnes et, en découvrant cette installation – c'était l'exception –, vous aviez le sentiment qu'elle n'était pas digne du XXIe siècle.
Le démantèlement et l'assainissement ne sont pas, j'y insiste, la partie de notre activité la plus enthousiasmante pour un jeune scientifique. J'ai donc souhaité que nous fassions en sorte – telle a été la philosophie de la réorganisation que j'ai décidée – que cela devienne un véritable métier, avec ses lettres de noblesse. Les gens doivent considérer que leur travail est très important. Nous devons affecter à ces tâches des personnes de valeur et les soutenir. En gros, c'est ainsi que nous avons remis sur pied l'Installation nucléaire de base (INB) 37.
Vous reconnaissez donc qu'il existait un véritable problème sur ce site. Selon vous, il s'agit d'une exception ; nous le souhaitons tous. Avez-vous le sentiment que ce type de problèmes se rencontre encore aujourd'hui sur d'autres installations, y compris en dehors du CEA ?
Je précise qu'aucun accident ni aucun incident ne sont survenus sur le site. Comment se traduisait le fait que le fonctionnement de cette installation n'était pas du tout satisfaisant ? Nous sommes régulièrement soumis à des audits de l'ASN, lesquels aboutissent à un plan d'action lorsque des corrections sont nécessaires. S'agissant de l'installation en question, ces plans d'action n'étaient exécutés qu'à hauteur de 15 % ou 20 % au bout d'un an, ce qui n'est pas normal. Encore une fois, cette situation s'expliquait, selon moi, par le fait que les conditions de travail locales n'étaient plus acceptables pour des jeunes qui, de ce fait, partaient dès qu'ils trouvaient un poste ailleurs. Pour que le travail puisse se faire, il faut que les gens restent sur place suffisamment longtemps pour comprendre les choses. Nous avons donc mis le paquet. Certes, nous n'avons eu ni accident ni incident, mais le fait de ne pas traiter les plans d'action dans les délais impartis est un problème en soi.
J'ai bien compris. Ce que je souhaiterais savoir, c'est si vous avez connaissance d'autres installations où se rencontre le même problème de turnover.
Non, je n'en ai pas qui me viennent à l'esprit. Mais si j'en trouve une, je vous l'indiquerai par écrit, pour ne pas trahir le serment que j'ai fait tout à l'heure. Peut-être M. Vo Van Qui, qui est plus souvent sur le terrain que moi, peut-il compléter ma réponse.
Si j'avais connaissance d'une installation se trouvant dans une telle situation, j'y mettrais bon ordre, car c'est ma responsabilité. Depuis que j'ai pris mes fonctions, je me suis efforcé de faire le tour de l'ensemble des installations, qui sont très nombreuses puisqu'on compte 37 INB et 44 installations individuelles, c'est-à-dire des installations à caractère militaire. Je n'ai pas identifié de telles situations. Il est essentiel de faire entrer dans la tête des personnels que la sécurité et la sûreté font partie de leur mission : ce n'est pas un domaine annexe. Si l'on constate une carence en matière de sûreté ou de sécurité, c'est que les responsables de l'entité n'ont pas fait leur travail.
Ce que je veux dire, c'est qu'il faut le rappeler sans cesse. Comme le disait l'administrateur général, des activités sont plus attrayantes que d'autres. Certaines d'entre elles peuvent paraître ancillaires, mais elles ne le sont absolument pas.
Vous avez compris qu'il ne s'agit pas seulement d'un problème de moyens. Il faut faire en sorte que les gens soient le plus motivés possible et que les conditions de travail soient le plus vivables possible, même s'il peut vous paraître étonnant, en 2018, qu'un administrateur général vous tienne ce type de propos. Je n'ai pas connaissance d'autres situations de ce type mais, si jamais j'en ai connaissance, je vous en informerai par écrit. L'honnêteté me commande de dire que, même si vous êtes sur le terrain, c'est quand un problème survient que vous êtes prévenu. Des situations qui pourraient générer le même type de problèmes, j'espère qu'il n'y en a pas, nous n'en avons pas rencontré, je n'en ai pas en tête. Mais je me garderais bien de crier victoire, et je referai le tour des installations, ne serait-ce que pour vous répondre sans vous mentir.
L'enjeu du démantèlement dépasse les questions de sûreté. Il peut, du reste, être à l'origine du développement d'une filière. Certains réacteurs sont en effet en cours de démantèlement ; cela prend du temps, et on voit bien qu'il existe une importante marge de progression en la matière. Le CEA mène-t-il des recherches sur le démantèlement, pour que celui-ci soit réalisé dans les meilleures conditions de performance, de sécurité et de radioprotection des salariés ?
La réponse est oui. Je ne le dis pas parce que j'interviens devant votre commission d'enquête, mais la première motivation de la recherche est la sûreté, la sécurité et la protection des travailleurs. C'est particulièrement vrai pour le CEA, car l'organisation matérielle de ses installations – installations de recherche ou très vieilles installations de production – n'étant pas la même que celle des réacteurs d'EDF, la difficulté est plus grande. Grosso modo, les réacteurs qu'EDF doit démanteler se répartissent en deux grandes catégories : les graphite-gaz et les réacteurs à eau sous pression. Quant à nous, nous démantelons actuellement 36 installations ; il n'y en a pas deux identiques, car ce sont des installations de recherche qui ont été conçues au cas par cas et qui n'ont pas toujours été étudiées de manière aussi industrielle.
Par ailleurs, dans une installation de recherche, on manipule de la matière nucléaire. Dans un réacteur d'EDF, sauf en cas d'accident, la matière se trouve dans des crayons, eux-mêmes situés dans des cuves placées dans une enceinte. Au CEA, lorsqu'on travaille sur un gramme de plutonium, celui-ci se trouve dans une boîte à gants, il est éventuellement examiné au microscope : il est davantage en contact avec d'autres éléments. Lorsqu'on démantèle, à EDF, les assemblages sont enlevés et il n'y a pratiquement plus de matière radioactive, sauf si un crayon a fui, alors qu'au CEA, il reste nécessairement des poussières de matière dans la boîte à gants, de sorte qu'on est en contact avec davantage de matière. La problématique est différente dans les deux cas.
Nos principaux travaux de recherche et développement consistent donc à développer des approches permettant de diminuer au maximum les doses reçues par le personnel chargé du démantèlement. Si nous ne devions mener qu'une seule recherche, ce serait celle-là. Le principal moyen d'y parvenir, c'est d'utiliser des robots. Autrement dit, nous nous efforçons de concevoir des machines que l'on pourra télé-manipuler pour empêcher le travailleur de recevoir une dose. L'approche peut paraître simpliste, mais c'est la réalité. Le budget annuel de recherche et développement que le CEA consacre au démantèlement est compris entre 40 et 50 millions d'euros. Ensuite, nous étudions l'organisation du travail. Le démantèlement peut paraître très simple : il s'agit de nettoyer la pièce qui a été en contact avec de la matière et de la couvrir de pierres ou de parpaings, avant de l'envoyer vers un centre. Nous concevons donc des systèmes 3D qui nous permettent de réfléchir à une organisation du travail de nature à minimiser les doses. Enfin, nous étudions également le stockage des déchets, car le démantèlement ne suffit pas à supprimer le danger. Nous travaillons donc sur les colis et le transport.
À ce propos, l'autre différend scientifique que nous avons avec l'IRSN porte sur les bitumes du Centre industriel de stockage géologique (Cigéo), à savoir les hypothèses d'accident à prendre en compte et la chimie du bitume : à quelle température va-t-il s'enflammer et, s'il s'enflamme, dans quelles conditions va-t-il se propager ? Cela nécessite donc des travaux, des études, des échanges, qui donnent lieu à des joutes scientifiques. Cela peut vous paraître étonnant, mais la combustion d'un bitume peut être, pour les spécialistes de ces questions, un véritable sujet d'intérêt, donc de débat.
Vos discussions nous intéressent également, car il va bien falloir que nous prenions des décisions. Il est donc important que nous sachions si vous vous accordez au moins sur une base commune.
Même si nous aboutissons à un résultat scientifique commun – et il serait tout de même étonnant qu'à partir des mêmes hypothèses, nous parvenions à des conclusions différentes –, les uns ont un rôle normatif, les autres un rôle d'exploitant. Il se peut donc qu'à partir d'un même résultat scientifique, les stratégies que nous proposons soient différentes. Cela n'a rien de scandaleux. À la fin, l'ASN décidera d'adopter telle norme et elle pourra – passez-moi l'expression – mettre de l'eau dans le vin de l'IRSN, si elle juge que la proposition du CEA mérite d'être prise en compte. Le débat est plus scientifique que vous ne semblez le penser.
La controverse permet de faire avancer la science… À ce propos, l'ASN nous a expliqué comment étaient constitués ses collèges d'experts, notamment les critères qu'elle prend en compte. Or, certains acteurs, qui dénoncent une forme d'entre soi, doutent que tout soit dit et que la liberté de ton scientifique soit totale. Pensez-vous que l'expertise nucléaire jouit, en France, d'une liberté suffisante ou estimez-vous qu'elle est enfermée dans une logique unique ?
Étant au sein du système, il est possible que ma vision soit déformée, mais mon sentiment est qu'il existe une grande liberté dans le monde scientifique, ce qui, du reste, peut parfois mettre dans l'embarras les patrons des organismes scientifiques. Ne croyez pas que chacun des 16 000 agents du CEA vient me demander l'autorisation de tenir un propos qui pourrait me déplaire, et c'est vrai également à l'IRSN. Comme dans toute société humaine, certains se censurent en espérant plaire pour faire carrière, d'autres donnent leur avis. Le monde du nucléaire n'est pas différent du reste de la société. Je ne suis donc pas certain qu'une modification soit nécessaire dans ce domaine.
En revanche, je pense qu'il faut prendre en compte le couple ASN-IRSN. L'IRSN est un organisme d'expertise scientifique qui instruit des dossiers au profit de l'ASN et qui mène des recherches. Il se peut donc que des chercheurs n'approuvent pas la manière dont certains dossiers sont instruits, et c'est normal. L'ASN, quant à elle, est une autorité. Elle doit donc intégrer le résultat scientifique que lui livre l'IRSN et prendre davantage en compte, selon moi, des critères autres que ceux de l'IRSN. Autrement dit, il ne faudrait pas que ses avis se réduisent à ceux de l'IRSN. Celui-ci doit présenter un dossier technique qui ne puisse pas être mis en doute, et l'ASN doit intégrer, dans ses avis, une dimension sociétale, internationale, pour qu'ils aient une véritable valeur ajoutée. Sinon, il ne faut pas continuer à dissocier ces deux instances.
Bien entendu, j'aimerais que l'ASN soit parfois un peu moins dur avec nous, mais c'est ainsi. Je ne dirais pas qu'ils travaillent entre eux. L'ASN a une responsabilité, qui est parfois dure à vivre pour l'exploitant, mais c'est le prix à payer pour que le nucléaire soit sûr et transparent et que le citoyen ait confiance dans le système. Je suis suffisamment nucléariste pour souhaiter que l'ASN joue pleinement son rôle.
Dans son rapport de 2016, l'ASN indique que le CEA doit poursuivre la mise à niveau du processus de surveillance des intervenants extérieurs. Cette mise à niveau a-t-elle été opérée ?
L'ASN est, à juste titre, très soucieuse du contrôle des sous-traitants. Nous avons besoin de recourir à des sous-traitants, notamment dans le cadre du démantèlement, pour disposer des moyens humains nécessaires. Je rappelle nous ne faisons pas appel à n'importe qui. Bien entendu, le CEA respecte le code des marchés publics, mais une commission est chargée, en son sein, d'examiner la situation de toutes les entreprises qui souhaitent postuler en tant que sous-traitants, de manière à connaître leurs capacités, la formation et l'encadrement de leurs employés, avant qu'elles déposent leur candidature. Les entreprises retenues reçoivent un agrément qui leur permet de soumissionner et, si elles sont choisies, nous étudions le premier chantier qu'elles réalisent pour vérifier que toutes les prescriptions ont été respectées et, éventuellement, leur imposer des exigences complémentaires qu'elles doivent respecter sous peine de ne plus être acceptées comme de potentiels fournisseurs.
Dans son rapport de 2016, l'ASN a insisté sur le suivi des intervenants extérieurs. Le CEA a donc entamé une réflexion qui s'est traduite par la publication, en janvier 2017, du Guide de surveillance des intervenants extérieurs au CEA en application de l'arrêté « INB », destiné à l'ensemble des responsables du CEA. L'ASN jugera, dans son rapport de 2017, si des progrès ont été accomplis. Lors de ses voeux, M. Chevet n'a pas critiqué le CEA, mais verba volant, scripta manent : j'attends donc le rapport. De toute façon, cette question doit faire l'objet d'une attention permanente, faute de quoi les pratiques dérivent.
Comment est assurée la sécurité du transport de matériaux radioactifs vers ou depuis les différents sites du CEA ?
Nous effectuons de très nombreux transports, classés en fonction du risque associé, et nous respectons strictement la réglementation applicable à ces transports, en veillant à assurer le niveau de protection et d'organisation nécessaire.
Vous dites que ces transports sont nombreux. Pouvez-vous nous donner un ordre de grandeur ?
Nous effectuons environ 2 000 transports par an – soit, compte tenu du nombre de jours travaillés, huit transports quotidiens en moyenne –, dont moins d'une centaine sont sensibles.
La plupart d'entre eux, généralement les moins sensibles, se font entre une de nos installations et un centre de stockage ou d'entreposage. Les distances varient donc, selon les localisations, de quelques dizaines à plusieurs centaines de kilomètres.
S'agissant des actes de malveillance, je suppose que vous vous êtes prémunis contre toute forme de cybercriminalité. Avez-vous récemment subi des tentatives de sabotage ?
À mon avis, nous n'en avons jamais subi aucune. Il y a eu, en revanche, des tentatives d'intrusion, dont la dernière, un peu fameuse, s'est déroulée à Cadarache en 2011. Des militants écologistes ont tenté de s'introduire sur le site un matin, à sept heures. Le système de protection, composé de barrières détectrices et retardatrices, a bien fonctionné. Nos formations locales de sécurité sont intervenues immédiatement, de sorte que les intrus sont repartis sans pouvoir entrer sur le site – en laissant, du reste, quelques effets qui ont permis d'identifier certains d'entre eux et de les faire condamner.
En ce qui concerne la cybersécurité, je peux vous dire, pour avoir enseigné les mathématiques et l'informatique, que rien n'est jamais gagné. Il ne faut donc jamais relâcher l'attention, car les moyens informatiques et les systèmes d'information évoluent très rapidement. Nous nous efforçons de nous conformer aux prescriptions de l'Agence nationale de sécurité des systèmes d'information (ANSSI). Nous faisons tout ce qu'il est possible de faire pour ne pas avoir de problèmes dans ce domaine, mais je n'aurai pas l'outrecuidance de prétendre que nous n'en aurons jamais. La probabilité de subir au moins une attaque est quasiment de 100 %.
Nous pourrions vous en dire un peu plus si vous veniez visiter certains de nos centres, y compris ceux de la direction des applications militaires. Disons que, pour éviter toute cyber-intrusion, il faut supprimer toutes les portes d'entrée. Si un réseau informatique est ouvert sur le monde et internet, même les meilleurs pare-feu finiront par être contournés. La seule véritable protection d'un réseau, c'est son absence de communication avec le reste du monde. Autrement dit, pour ses activités les plus confidentielles, le CEA a des réseaux qui ne communiquent pas avec le reste du monde, moyennant quoi nous sommes certains que nos meilleurs amis ne tenteront pas de s'y introduire.
Les ordinateurs qui accèdent aux réseaux classifiés « secret-défense » n'ont pas de port USB : soit ils n'en sont pas équipés, soit nous les avons préalablement détruits. Mais, dans ce domaine, il faut faire preuve d'une grande modestie. La sécurité doit être pensée dans son ensemble, y compris sous l'aspect de la cybersécurité. On voit bien, avec le problème que nos amis iraniens ont rencontré avec leurs centrifugeuses, que la sécurité informatique est fondamentale.
L'audition s'achève à dix-sept heures quarante.
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Membres présents ou excusés
Réunion du jeudi 15 février 2018 à 16 heures.
Présents. – M. Xavier Batut, M. Philippe Bolo, Mme Barbara Pompili, M. Raphaël Schellenberger.
Excusés. – Mme Émilie Cariou, M. Paul Christophe, M. Adrien Morenas, Mme Isabelle Rauch.