Étant au sein du système, il est possible que ma vision soit déformée, mais mon sentiment est qu'il existe une grande liberté dans le monde scientifique, ce qui, du reste, peut parfois mettre dans l'embarras les patrons des organismes scientifiques. Ne croyez pas que chacun des 16 000 agents du CEA vient me demander l'autorisation de tenir un propos qui pourrait me déplaire, et c'est vrai également à l'IRSN. Comme dans toute société humaine, certains se censurent en espérant plaire pour faire carrière, d'autres donnent leur avis. Le monde du nucléaire n'est pas différent du reste de la société. Je ne suis donc pas certain qu'une modification soit nécessaire dans ce domaine.
En revanche, je pense qu'il faut prendre en compte le couple ASN-IRSN. L'IRSN est un organisme d'expertise scientifique qui instruit des dossiers au profit de l'ASN et qui mène des recherches. Il se peut donc que des chercheurs n'approuvent pas la manière dont certains dossiers sont instruits, et c'est normal. L'ASN, quant à elle, est une autorité. Elle doit donc intégrer le résultat scientifique que lui livre l'IRSN et prendre davantage en compte, selon moi, des critères autres que ceux de l'IRSN. Autrement dit, il ne faudrait pas que ses avis se réduisent à ceux de l'IRSN. Celui-ci doit présenter un dossier technique qui ne puisse pas être mis en doute, et l'ASN doit intégrer, dans ses avis, une dimension sociétale, internationale, pour qu'ils aient une véritable valeur ajoutée. Sinon, il ne faut pas continuer à dissocier ces deux instances.
Bien entendu, j'aimerais que l'ASN soit parfois un peu moins dur avec nous, mais c'est ainsi. Je ne dirais pas qu'ils travaillent entre eux. L'ASN a une responsabilité, qui est parfois dure à vivre pour l'exploitant, mais c'est le prix à payer pour que le nucléaire soit sûr et transparent et que le citoyen ait confiance dans le système. Je suis suffisamment nucléariste pour souhaiter que l'ASN joue pleinement son rôle.