Intervention de Olivier Marleix

Réunion du jeudi 15 mars 2018 à 9h45
Commission d'enquête chargée d'examiner les décisions de l'État en matière de politique industrielle, au regard des fusions d'entreprises intervenues récemment, notamment dans les cas d'alstom, d'alcatel et de stx, ainsi que les moyens susceptibles de protéger nos fleurons industriels nationaux dans un contexte commercial mondialisé

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOlivier Marleix, président :

S'agissant du bon usage, on peut quand même se demander si quelqu'un se préoccupe de la mise en oeuvre de la loi de blocage…

Cela étant, merci beaucoup, monsieur Vial, pour vos explications. Je voudrais revenir sur plusieurs points. Le premier concerne la vente de l'activité transport d'Alstom à Siemens. Ma préoccupation principale est que, dans ce genre d'affaire, le politique ne soit pas seulement chargé de faire une espèce de service après-vente d'opérations imaginées par des banques d'affaires. En l'occurrence, le politique serait très mal payé pour le faire. Que ces opérations aient une logique industrielle pour quelqu'un, je n'en doute pas. Même si c'était un peu cher, GE a pu absorber un concurrent. Siemens doit aussi y trouver un intérêt.

En tout cas, trois ans après, on voit ce qui reste de la parole donnée par l'État en 2014 et en 2015 : rien. Le ministre de l'économie avait signé un document où figurait un très beau montage, mais l'État n'a finalement pas repris les actions Bouygues et il n'est donc pas entré définitivement au capital. Du coup, Alstom fait ce qu'il veut et il se désengage à son tour des trois sociétés conjointes. GE fait aussi ce qu'il veut, à quelques réserves près, celles qui avaient été imposées par l'État dans le plus grand secret, ce qui rend leur respect assez difficile à contrôler.

Je fais allusion aux lettres d'engagements des investisseurs qui restent secrètes. Les actionnaires peuvent éventuellement y avoir accès, à travers les notices publiées par l'Autorité des marchés financiers (AMF). Il y a paradoxe formidable dans ce pays : l'actionnaire, via les notices de l'AMF, est mieux informé par l'entreprise que la représentation nationale ne l'est par le ministre de l'économie. Fermons cette petite parenthèse qui donne une idée de notre peu de moyens de contrôle. Quoi qu'il en soit, GE fait ce qu'il veut, notamment avec le site Hydro de Grenoble, qui était pourtant une entreprise tout à fait modèle, et avec les sous-traitants de Belfort. Les sujets d'inquiétude sont réels.

On voudrait que ce précédent ne se répète pas avec Siemens. Il y a un standstill, un délai durant lequel Siemens s'engage gentiment à rester au même niveau dans le capital. Hier, nous avons auditionné Martin Bouygues. Si d'aventure la participation de Bouygues, dont l'État n'a pas finalement pas voulu, revenait à Siemens, ce groupe aurait 66,66 % du capital, c'est-à-dire le contrôle. Inutile de dire que l'alliance entre égaux, que l'on nous vend, aurait à peu près la même valeur que celle qui devait unir Alstom à GE. Les discours politiques de l'époque font tristement sourire.

Avez-vous eu des discussions avec Bouygues, comme vous en aviez les moyens dans le cadre de ce contrat de prêt d'actions ? Vous avez décidé de ne pas racheter les actions détenues par Bouygues, mais avez-vous discuté avec ses dirigeants pour savoir ce qu'ils avaient l'intention d'en faire ?

D'après vos dires, l'État a réduit de quatre à trois le nombre des secteurs prioritaires sur lesquels l'APE doit concentrer ses prises de participation. En conséquence, certaines entreprises qui gèrent des infrastructures portuaires ou aéroportuaires correspondent un peu moins au coeur de cible alors que ce secteur représente environ 25 % de votre portefeuille en nombre, soit vingt-cinq entreprises sur une petite centaine. Est-ce que cela signifie que vous pouvez vous orienter vers un désengagement total de ce secteur dont ADP est l'un des fleurons ?

Vous avez évoqué les moyens limités de l'État comme une donnée à prendre en compte pour l'avenir. Dans ce contexte, pensez-vous qu'il est quand même utile que l'État se dote de leviers non capitalistiques pour intervenir dans la vie économique ? À cet égard, le renforcement de la législation sur le contrôle des investissements étrangers en France (IEF) – pour ne pas parler du décret Montebourg – ne pourrait-il pas constituer un élément utile, concourant à ces leviers ?

On observe que l'État est désormais obligé de vendre pour acheter. Est-ce seulement sous la pression budgétaire ou faut-il y voir aussi la conséquence d'une contrainte européenne ? Depuis Maastricht, il me semble que l'État ne peut plus faire croître le montant global de ses participations. L'APE subit-elle une contrainte européenne particulière dans ce domaine ?

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