Le comité AcclimaTerra est présidé par le climatologue Hervé Le Treut, qui fut longtemps membre du GIEC. Il a coutume de dire en prenant la parole dans une conférence que ce qui y est produit aura un impact dans 50 ans. Les émissions polluantes ont évidemment une dimension globale et il faut réorienter nos activités pour en limiter les effets. Se pose donc la question de l'adaptation et AcclimaTerra souligne que les risques climatiques diffèrent selon les territoires, de même que les moyens d'action. Ainsi, nous avons fait des recherches avec des sociologues à Oléron et à Ré, et constaté que les moyens d'action ne sont pas les mêmes dans ces deux îles face à des risques qui ne sont pas non plus absolument identiques. La lutte contre l'effet de serre a une dimension globale, mais les mesures d'adaptation doivent être prises au niveau territorial.
L'avis du CESE a été présenté à l'Élysée, aux services du Premier ministre, aux services chargés des outre-mer, et très bien reçu. Vous le savez mieux que quiconque, il y a un timing politique, des moments où l'on peut agir pour réorienter les choses, et on a pu le faire avec le PNACC. Je pense que la prise en compte de ces questions, et notamment du lien entre santé et climat, est en cours dans les schémas régionaux Climat-air-énergie après l'adoption de la nouvelle loi Santé. Les choses avancent.
Le ministère de l'enseignement supérieur et la recherche est le seul ministère auquel nous n'avons pu présenter notre avis. Cela vaut pour tous les avis du CESE ; c'est un problème récurrent.
Lors d'une précédente audition, Mme Virginie Dubat vous a présenté de manière synthétique les recherches à mener. J'insiste sur trois recommandations majeures. La première est de cartographier les zones à risque – les écoles et les hôpitaux situés en front de mer, par exemple : pour réduire l'exposition aux risques, les bâtiments ne doivent pas être en certains lieux et la question du recul stratégique se pose.
La deuxième recommandation est de réduire la sensibilité au risque climatique en développant la culture du risque. Nous menons des recherches avec des sociologues pour tenter de comprendre ce qui permettra de faire accepter certaines situations aux citoyens. J'étais à La Rochelle lors du passage de la tempête Xynthia. Nous avons vécu des moments très douloureux, mais ils ont entraîné des réactions diverses : ceux qui ont vécu cet événement étaient à ce point traumatisés qu'ils s'apprêtaient à déménager, mais ceux dont la maison avait été inondée en leur absence étaient incapables d'admettre que l'on puisse envisager de la raser et disaient vouloir rester alors même que le bâtiment était situé dans une zone dite noire. Le rapport au risque est complexe. La tempête a été très douloureuse pour la population qui n'était aucunement préparée à ce type de risque. Des recherches s'imposent en sociologie de l'action publique et en matière de culture du risque.
La troisième recommandation est de renforcer la résilience des écosystèmes et la protection du milieu naturel. Des zones-tampons permettent d'éviter certains risques ; il faut mieux les connaître, construire autrement, anticiper, se résoudre au recul stratégique quand il n'y a pas d'alternative et envisager d'autres types de bâtiments. En tout état de cause, il faut travailler sur les trajectoires de vulnérabilité, en mettant sur pied des équipes pluridisciplinaires composées de géographes, de géophysiciens et de juristes appelés à partager leurs informations, afin de déterminer ce qui s'est produit, les effets que cela a eus, prévoir certains phénomènes et donc s'y préparer. L'un des enjeux de la justice climatique est précisément de se préparer à l'impact du changement climatique ; c'est pourquoi il est aussi important de favoriser la recherche sur ces questions.