Madame la ministre, je vous remercie de votre présence et souhaite excuser l'absence de ma collègue Mme Sophie Auconie, qui a travaillé plusieurs mois à mes côtés et est retenue par d'autres obligations. Ce rapport d'information sur l'application de la loi pour l'économie bleue a été présenté le 20 décembre dernier. Je ne rendrai pas compte de manière exhaustive de nos nombreuses auditions d'acteurs publics et privés. Elles nous ont permis d'évaluer l'application des quatre-vingt-dix-sept articles de cette loi. Je n'ai pas non plus l'intention de reprendre dans le détail les trente-six propositions visant à poursuivre la mise en oeuvre de notre stratégie nationale pour la mer et le littoral.
Je résumerai en quelques mots l'esprit et le principe de cette loi. Même si la France possède le deuxième domaine maritime mondial, cette situation n'assure pas la pérennité de notre pays en qualité de puissance économique maritime de premier rang, qu'il s'agisse de transports ou de pêche. La loi pour l'économie bleue, adoptée en 2016, avait été accueillie avec enthousiasme par les parlementaires de la précédente législature, conscients de l'importance d'une évolution positive de la compétitivité et de l'attractivité du pavillon français. Bref, les conclusions du rapport « Osons la mer » de M. Arnaud Leroy avaient été entendues.
Qu'en est-il aujourd'hui ? Les objectifs de cette loi ont été atteints et il convient de saluer la bonne application globale de ses dispositions. Mais, force est de constater que le chemin à parcourir reste long pour aboutir à une politique maritime réellement ambitieuse. Je suis convaincue que c'est la volonté du Gouvernement.
Plusieurs sujets abordés par le rapport concernent plus particulièrement les transports maritimes. Le premier – qui ne pouvait pas être prévu en 2016 – concerne la nature juridique des conventions de terminal portuaire. Madame la ministre, vous devez prendre des décisions concernant les investissements dans les ports. À l'heure de l'économie mondialisée, il est nécessaire d'actualiser les règles de la domanialité publique en vigueur dans les grands ports maritimes (GPM) français. La concertation entre acteurs publics et privés – exemplaire – doit perdurer et aboutir à une évolution du code des transports. Revenir au principe de concession dans les terminaux portuaires serait un très mauvais signal envoyé aux investisseurs et acteurs privés.
J'ai en mémoire les propos du Premier ministre, M. Édouard Philippe, lors de son discours d'ouverture des Assises de l'économie de la mer le 22 novembre 2017 au Havre : « Mme la ministre des transports le sait mieux que quiconque, notre objectif, c'est de changer le regard que nous portons sur nos ports. De ne plus les voir uniquement comme des gestionnaires d'infrastructures, mais comme des écosystèmes, des centres de services. Des écosystèmes capables d'attirer des investisseurs sur leur domaine, de livrer de vraies batailles commerciales ». Madame la ministre, nous aurons besoin de vous pour gagner cette bataille !
Le deuxième sujet est complémentaire du premier : il n'est pas possible de faire l'économie d'une réflexion non seulement sur les ports, leur gouvernance, leurs investissements, mais également sur leur environnement économique, administratif et le développement des réseaux de transports multimodaux. Les ports ont besoin de la mer, mais ils ont aussi besoin de la terre – plus précisément du rail et des fleuves. L'État ne devrait-il pas soutenir le transport combiné ferroviaire et fluvial sur l'ensemble du territoire ? Je crois savoir que c'est bien votre volonté. Sur ce sujet également, madame la ministre, vous êtes attendue.
En troisième lieu, les spécificités portuaires ultramarines sont insuffisamment appréhendées, tant au niveau économique que fiscal. Pour dresser un état des lieux précis et objectif, il conviendrait peut-être de créer une mission d'évaluation parlementaire sur l'économie portuaire en outre-mer. Qu'en pensez-vous ?
Par ailleurs, la transition énergétique est un enjeu maritime majeur : nous devons à la fois préserver l'intégrité de l'océan – nécessaire aux équilibres climatiques – et analyser ce que l'océan peut nous offrir. La mer va générer des échanges accrus. Alors n'hésitons pas : soutenons dès maintenant l'usage du gaz naturel liquéfié (GNL). N'hésitons pas non plus à accompagner les GPM et les ports régionaux afin qu'ils soient en mesure de fournir des énergies propres aux bateaux en escale. La conférence internationale que vous organisez le 26 mars prochain – « Vers un transport maritime décarboné » – poursuit les engagements du One Planet Summit en la matière. Je vous en remercie.
Pour terminer, je souhaite évoquer nos propositions de modernisation de la fiscalité en matière de droits de francisation, de navigation et de passeport. Par ailleurs, nous devons assurer la mise en place définitive de la filière à responsabilité élargie des producteurs (REP) pour les épaves de navires. Il n'est pas concevable de proroger une nouvelle fois cette disposition dérogatoire. Vos services et ceux de M. Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics, doivent se coordonner et apporter une réponse à la problématique de son financement. Enfin, la création d'un code de la mer serait un signal fort destiné aux « marins de tous bords ».
Madame la ministre, le secteur maritime est immense, à l'image de nos océans, et le travail du Gouvernement et des parlementaires tout aussi vaste pour hisser notre trafic portuaire à la hauteur de sa façade maritime, de son marché intérieur et de sa place en Europe. Sachant l'intérêt que vous portez à la réussite du pacte national pour l'économie bleue, je vous souhaite bienvenue à bord !