Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du mercredi 21 mars 2018 à 16h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • axe
  • femmes
  • filière
  • maritime
  • mer
  • navires
  • port
  • voyageur

La réunion

Source

La Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire a entendu Mme Elisabeth Borne, ministre des transports, sur le rapport d'information sur la mise en application de la loi n° 2016-816 du 20 juin 2016 pour l'économie bleue (n° 511) et sur le rapport d'information sur la mise en application de la loi n° 2016-339 du 22 mars 2016 relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs (n° 638).

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous avons le plaisir d'accueillir Mme Élisabeth Borne, ministre des transports, pour un exercice nouveau au sein de notre commission. Je souhaite vivement l'en remercier. Nous sommes en effet réunis pour discuter avec elle des conclusions de deux rapports de notre commission portant sur l'application de deux lois relevant de son ministère : la loi du 20 juin 2016 pour l'économie bleue et la loi du 22 mars 2016 relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs.

Cet exercice novateur s'inscrit pleinement dans la démarche de valorisation des travaux parlementaires de contrôle que nous appelons de nos voeux. Trop fréquemment, les rapports que nous adoptons restent en effet lettre morte. En dépit du sérieux du travail mené par nos rapporteurs et des mois qu'ils ont consacrés aux auditions, leurs conclusions sont souvent ignorées, y compris des administrations concernées au premier chef.

Je me réjouis, madame la ministre, que vous ayez répondu favorablement à notre demande d'audition, qui témoigne de votre considération à l'égard de nos travaux. Je pense que nos collègues y seront également sensibles et qu'en conséquence, ils s'attacheront à centrer leurs propos sur l'objet de notre réunion. Il s'agit bien de discuter des conditions d'application de deux lois qui ont été votées, et non de débattre d'un quelconque projet de loi futur, pour lequel nous aurons de nouveau l'occasion d'accueillir Mme la ministre. Il est bien évidemment souhaitable que nos échanges portent, autant que possible, sur les questions relevant du champ de compétence du ministère des transports.

Le 20 décembre 2017, notre commission a adopté le rapport de Mme Sophie Panonacle et Mme Sophie Auconie sur la mise en application de la loi pour l'économie bleue. Le 7 février 2018, elle a adopté le rapport de Mme Aude Luquet et M. Michel Vialay sur la mise en application de la loi dite « Savary ». Ces rapports font le point sur la publication des textes réglementaires requis, mettent parfois en évidence certaines insuffisances ou la nécessité de préciser certaines dispositions. Je laisserai bien sûr le soin aux rapporteures de présenter leurs principales conclusions.

La commission procède d'abord à l'audition de Mme Élisabeth Borne, ministre des transports, sur le rapport d'information sur la mise en application de la loi n° 2016-816 du 20 juin 2016 pour l'économie bleue (n° 511).

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Madame la ministre, je vous remercie de votre présence et souhaite excuser l'absence de ma collègue Mme Sophie Auconie, qui a travaillé plusieurs mois à mes côtés et est retenue par d'autres obligations. Ce rapport d'information sur l'application de la loi pour l'économie bleue a été présenté le 20 décembre dernier. Je ne rendrai pas compte de manière exhaustive de nos nombreuses auditions d'acteurs publics et privés. Elles nous ont permis d'évaluer l'application des quatre-vingt-dix-sept articles de cette loi. Je n'ai pas non plus l'intention de reprendre dans le détail les trente-six propositions visant à poursuivre la mise en oeuvre de notre stratégie nationale pour la mer et le littoral.

Je résumerai en quelques mots l'esprit et le principe de cette loi. Même si la France possède le deuxième domaine maritime mondial, cette situation n'assure pas la pérennité de notre pays en qualité de puissance économique maritime de premier rang, qu'il s'agisse de transports ou de pêche. La loi pour l'économie bleue, adoptée en 2016, avait été accueillie avec enthousiasme par les parlementaires de la précédente législature, conscients de l'importance d'une évolution positive de la compétitivité et de l'attractivité du pavillon français. Bref, les conclusions du rapport « Osons la mer » de M. Arnaud Leroy avaient été entendues.

Qu'en est-il aujourd'hui ? Les objectifs de cette loi ont été atteints et il convient de saluer la bonne application globale de ses dispositions. Mais, force est de constater que le chemin à parcourir reste long pour aboutir à une politique maritime réellement ambitieuse. Je suis convaincue que c'est la volonté du Gouvernement.

Plusieurs sujets abordés par le rapport concernent plus particulièrement les transports maritimes. Le premier – qui ne pouvait pas être prévu en 2016 – concerne la nature juridique des conventions de terminal portuaire. Madame la ministre, vous devez prendre des décisions concernant les investissements dans les ports. À l'heure de l'économie mondialisée, il est nécessaire d'actualiser les règles de la domanialité publique en vigueur dans les grands ports maritimes (GPM) français. La concertation entre acteurs publics et privés – exemplaire – doit perdurer et aboutir à une évolution du code des transports. Revenir au principe de concession dans les terminaux portuaires serait un très mauvais signal envoyé aux investisseurs et acteurs privés.

J'ai en mémoire les propos du Premier ministre, M. Édouard Philippe, lors de son discours d'ouverture des Assises de l'économie de la mer le 22 novembre 2017 au Havre : « Mme la ministre des transports le sait mieux que quiconque, notre objectif, c'est de changer le regard que nous portons sur nos ports. De ne plus les voir uniquement comme des gestionnaires d'infrastructures, mais comme des écosystèmes, des centres de services. Des écosystèmes capables d'attirer des investisseurs sur leur domaine, de livrer de vraies batailles commerciales ». Madame la ministre, nous aurons besoin de vous pour gagner cette bataille !

Le deuxième sujet est complémentaire du premier : il n'est pas possible de faire l'économie d'une réflexion non seulement sur les ports, leur gouvernance, leurs investissements, mais également sur leur environnement économique, administratif et le développement des réseaux de transports multimodaux. Les ports ont besoin de la mer, mais ils ont aussi besoin de la terre – plus précisément du rail et des fleuves. L'État ne devrait-il pas soutenir le transport combiné ferroviaire et fluvial sur l'ensemble du territoire ? Je crois savoir que c'est bien votre volonté. Sur ce sujet également, madame la ministre, vous êtes attendue.

En troisième lieu, les spécificités portuaires ultramarines sont insuffisamment appréhendées, tant au niveau économique que fiscal. Pour dresser un état des lieux précis et objectif, il conviendrait peut-être de créer une mission d'évaluation parlementaire sur l'économie portuaire en outre-mer. Qu'en pensez-vous ?

Par ailleurs, la transition énergétique est un enjeu maritime majeur : nous devons à la fois préserver l'intégrité de l'océan – nécessaire aux équilibres climatiques – et analyser ce que l'océan peut nous offrir. La mer va générer des échanges accrus. Alors n'hésitons pas : soutenons dès maintenant l'usage du gaz naturel liquéfié (GNL). N'hésitons pas non plus à accompagner les GPM et les ports régionaux afin qu'ils soient en mesure de fournir des énergies propres aux bateaux en escale. La conférence internationale que vous organisez le 26 mars prochain – « Vers un transport maritime décarboné » – poursuit les engagements du One Planet Summit en la matière. Je vous en remercie.

Pour terminer, je souhaite évoquer nos propositions de modernisation de la fiscalité en matière de droits de francisation, de navigation et de passeport. Par ailleurs, nous devons assurer la mise en place définitive de la filière à responsabilité élargie des producteurs (REP) pour les épaves de navires. Il n'est pas concevable de proroger une nouvelle fois cette disposition dérogatoire. Vos services et ceux de M. Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics, doivent se coordonner et apporter une réponse à la problématique de son financement. Enfin, la création d'un code de la mer serait un signal fort destiné aux « marins de tous bords ».

Madame la ministre, le secteur maritime est immense, à l'image de nos océans, et le travail du Gouvernement et des parlementaires tout aussi vaste pour hisser notre trafic portuaire à la hauteur de sa façade maritime, de son marché intérieur et de sa place en Europe. Sachant l'intérêt que vous portez à la réussite du pacte national pour l'économie bleue, je vous souhaite bienvenue à bord !

Permalien
élisabeth Borne, ministre des transports

Je remercie Mme Sophie Panonacle et Mme Sophie Auconie pour les travaux qu'elles ont menés afin de produire ce rapport d'application de la loi pour l'économie bleue. Je vous remercie également de l'occasion qui m'est donnée de rendre compte de l'action du Gouvernement dans la mise en oeuvre de ces dispositions, ainsi que des orientations prises depuis bientôt un an, le Gouvernement ayant particulièrement à l'esprit l'importance du fait maritime pour la France.

J'apporterai quelques éléments d'éclairage sur les principales thématiques abordées par la loi. Elle comporte plusieurs mesures de simplification administrative. L'encadrement des activités maritimes est en effet issu d'une longue tradition administrative, et celle-ci doit s'adapter aujourd'hui aux attentes des acteurs et aux évolutions technologiques. Je ne détaillerai pas l'ensemble des mesures de simplification déjà prises, mais proposerai d'approfondir cette démarche dans le cadre du projet de loi d'orientation sur les mobilités, en cours d'élaboration.

Par ailleurs, la loi a pointé la nécessité de renforcer la compétitivité du pavillon et des armateurs français. La possibilité d'exercer l'activité avec le registre international français a été élargie : cela a permis à vingt-six navires de plaisance commerciale de rejoindre ce registre, dont cinq provenaient d'un pavillon étranger et dix étaient liés à des constructions neuves ou des acquisitions de navires par un propriétaire français.

Les textes nécessaires à l'installation de casinos – ou de salles comportant des machines à sous – dans nos navires ont été publiés et permettent aux compagnies de proposer cette activité qui renforce leur attractivité. Le moment venu, il conviendra d'ajuster le dispositif pour tenir compte du Brexit, comme vous l'indiquez dans vos propositions.

La loi prévoyait également un élargissement des exonérations de charges, auparavant partielles pour certaines activités comme les services en mer ou le transport de marchandises. Après le débat sur le projet de loi de finances 2018, le Premier ministre a entendu la demande unanime de maintien de ces mesures. Il l'a confirmé lors du Comité interministériel de la mer (CIMer) de novembre dernier.

En matière sociale, le rapport prévu à l'article 46 concernant le régime de protection sociale et de retraite des marins a été transmis au Parlement. Il met en évidence le rôle clé de ce régime pour les professions maritimes. Le Gouvernement sera attentif à ce sujet, qui sera intégré à la réflexion globale sur l'avenir des régimes de retraite.

Enfin, la loi pour l'économie bleue comporte des dispositions relatives à la sûreté du transport maritime. Elle a étendu la possibilité d'employer des agents privés de sécurité sur les navires. Auparavant, ces personnels – qui peuvent être armés – n'intervenaient qu'en zone de piraterie. Aujourd'hui, 360 agents privés de sécurité ont été agréés. Ces mesures de sûreté sont suivies au niveau interministériel. Afin de faciliter leurs contrôles, je proposerai une disposition dans le projet de loi d'orientation sur les mobilités.

Pour faire écho aux recommandations de votre rapport, j'insisterai sur plusieurs points que vous abordez particulièrement. Vous soulignez la nécessité de renforcer la compétitivité des ports français. Je partage cette analyse et le CIMer de novembre 2017 a conforté la nécessité d'instaurer une gouvernance performante et durable par axes pour améliorer la fluidité du passage portuaire. Des travaux sont en cours pour mettre en place ou moderniser les conseils de coordination interportuaire, afin d'assurer la cohérence stratégique des ports d'un même axe ou d'une même façade – GPM, ports fluviaux et ports décentralisés. Ces conseils sont déjà en place sur l'axe Seine, l'axe Méditerranée-Rhône-Saône, la façade Atlantique et aux Antilles-Guyane. Conformément aux décisions du CIMer de novembre 2017, le préfet de la région Hauts-de-France doit proposer la préfiguration du conseil de coordination de l'axe Nord.

Vous avez raison, la desserte des ports est fondamentale. Le volet « programmation et financement des infrastructures » intégré au projet de loi d'orientation sur les mobilités prendra en compte ces enjeux. Nous devons développer des solutions alternatives à la route – fluviales ou ferroviaires –, sous peine d'être confrontés à de grandes difficultés. C'est d'autant plus nécessaire que les navires – les porte-conteneurs en particulier – sont de plus en plus grands.

S'agissant de la compétitivité réglementaire, notamment en matière de droit domanial, compte tenu de l'urgence à sécuriser la situation juridique des conventions de terminal, nous avons élaboré un projet d'article législatif afin d'adapter le cadre juridique aux spécificités portuaires. Cette rédaction est en cours de concertation avec les professionnels.

Concernant la fiscalité foncière, à la suite d'une recommandation du CIMer, nous avons engagé un travail avec la direction de la législation fiscale, en lien avec l'Union des ports de France, pour définir des bases taxables normées, connues et communes à tous les ports de commerce et à leurs zones industrielles et logistiques. Cela doit s'intégrer dans une réflexion plus globale sur le modèle économique de nos ports, qui est un sujet majeur.

Enfin, à propos des questions environnementales liées au dragage, vous mentionnez l'interdiction qui sera faite en 2025 d'immerger les sédiments de dragage en application de la loi pour l'économie bleue. Cette interdiction ne concerne que les sédiments de dragage pollués. Afin de fixer le seuil et développer une filière de valorisation pour ces sédiments qui ne pourront être immergés, nous avons initié des études au sein des différents services concernés du ministère. Il s'agit d'abord de réaliser des études comparatives avec les autres pays européens. Puis nous examinerons l'impact socio-économique en fonction des seuils retenus.

Sur la gouvernance de la politique maritime, vous proposez de créer une commission unique rattachée au Premier ministre, pour assurer la concertation sur la politique maritime. Lors du dernier CIMer, le Premier ministre a demandé à M. Nicolas Hulot, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, de présider une réunion du Conseil national de la mer et des littoraux (CNML). Cette réunion, qui s'est tenue le 25 janvier dernier, a été l'occasion de présenter un plan d'action global sur les enjeux maritimes.

J'ai mentionné au début de mon propos nos premières actions de simplification. De nouvelles propositions sont prévues dans le projet de loi d'orientation sur les mobilités. Il s'agira d'une part de simplifier les cadres existants pour les activités traditionnelles et, d'autre part, de favoriser le développement de nouvelles activités côtières, qui peuvent être sources d'emplois.

Je proposerai aussi de donner une base aux autorisations d'expérimentation de navires autonomes et d'engager un travail avec les acteurs français pour bâtir le cadre des futurs navires autonomes. Les mêmes réflexions s'engagent au niveau de l'Organisation maritime internationale (OMI) ; nous devons pouvoir y contribuer.

Les outre-mer ne sont pas oubliés dans ce plan d'action. Nous renforçons notamment les moyens de lutte contre la pêche illégale en Guyane, en créant une unité de contrôle supplémentaire au nord de la Guyane, conformément aux accords de Guyane. Un appui sera également apporté au gouvernement de Nouvelle-Calédonie pour la surveillance du parc naturel de la mer de Corail.

Des actions de validation des acquis de l'expérience ont été mises en place pour les marins, avec trois missions successives réalisées début 2018 en Guyane, Martinique et Guadeloupe. Enfin, un travail approfondi sera engagé sur l'offre de formation en lien avec la mer, en collaboration avec tous les ministères concernés. S'agissant de la préservation de la biodiversité outre-mer, les grands ports maritimes sont très mobilisés pour mener des actions favorisant la restauration écologique des récifs coralliens.

Comme vous pouvez le constater au travers des quelques éléments que je viens de vous présenter, la loi pour l'économie bleue a été mise en oeuvre par le Gouvernement, qui ne s'est pas arrêté là puisqu'il a défini, en outre, dans les six premiers mois de cette mandature, des axes ambitieux pour sa politique maritime. Je ne doute pas que les acteurs et les parlementaires feront émerger d'autres propositions. À cet égard, j'ai noté la mise en place d'un groupe d'études sur l'économie maritime au sein de votre Assemblée : je souhaite que nous puissions avoir de nombreux échanges. Mes services sont à votre disposition pour vous apporter tout élément utile.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

En tant que coprésident du groupe d'études sur le littoral et représentant de notre Assemblée au sein du Conservatoire du littoral, je suis heureux de pouvoir vous interroger à propos de l'économie bleue. Le rapport fait une proposition de rapprochement du droit de passeport, du droit de francisation et d'autres droits, en envisageant la création d'une carte grise des navires. Dans un contexte d'affaiblissement du droit annuel de francisation et de navigation (DAFN), dû notamment au vieillissement de la flotte, il est important de poursuivre la réflexion sur la modernisation de ce droit, afin de pérenniser le financement des interventions du Conservatoire du littoral. Cela est particulièrement pertinent dans la perspective du démarrage – prévu en 2019 – de la filière REP pour les bateaux de plaisance, qui serait en partie financée par le DAFN. Je souhaiterais connaître votre position sur cette proposition, et sur la périodicité envisagée pour cette taxation. Je félicite également nos deux collègues pour la qualité de leur rapport.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

L'économie de la mer repose en partie sur les infrastructures terrestres. C'est le cas pour la mise en oeuvre de l'interdiction du rejet en mer des sédiments et résidus de dragage. Le dragage représente trente millions de mètres cubes par an pour l'ensemble des ports français. Dès que l'interdiction sera effective, la constitution d'une filière de retraitement sera nécessaire. Elle devrait permettre de ne pas stocker trop de sédiments pollués. Pour des raisons d'aménagement du territoire et d'acceptabilité sociale, il n'est pas garanti que les usines de cette filière de retraitement se trouvent à proximité des ports, d'où l'importance d'infrastructures de transports – notamment ferroviaires – pour les desservir. Madame la ministre, comment pensez-vous faire face à ce tonnage d'un nouveau genre, à une échéance beaucoup plus proche qu'il n'y paraît ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La loi pour l'économie bleue est une loi importante. Elle donne le cap pour le quinquennat. Je retiendrai plus particulièrement une mesure – la création de la filière de déconstruction des navires de plaisance, dite « REP » – et reprendrai les propos de mon collègue M. Lionel Causse. Après plusieurs retards, la filière verra le jour en 2019. Sa montée en puissance est accompagnée par l'État via l'affectation d'une part du produit du DAFN. Ce chantier doit être l'occasion d'une réforme ambitieuse du DAFN : actuellement, faisant fi de toute logique environnementale, il ne s'applique plus aux vieux navires, ni aux petites embarcations. Son mode de collecte est également très coûteux. Enfin, la multiplication des affectations risque d'engendrer des tensions et fait peser un doute sur la bonne répartition de son produit. Cette taxe doit être réformée en profondeur. Le Gouvernement entend-il agir en ce sens ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Vous donnez raison au célèbre postulat qui dispose qu'une bonne loi fait un bon rapport d'application, qui lui-même appelle de bonnes réponses ! Je vous poserai quelques questions « à la sauce normande » : quelles sont les conséquences du Brexit pour les pêcheurs bretons et normands ? Quelle est votre position sur la volonté de certaines régions de récupérer la gestion des grands ports maritimes ? Ainsi, le président de la région Normandie a émis ce souhait concernant le grand port maritime du Havre.

Pouvez-vous nous rassurer sur le devenir des parcs éoliens offshore du Tréport et de Fécamp ?

Quelle serait selon vous la bonne articulation entre les zones de pêche et les zones d'extraction de granulats marins ? Plusieurs permis d'exploitation ont notamment été délivrés dans la Manche. Les granulats transitent par les ports de Dieppe et du Havre et contribuent au développement d'un certain nombre d'activités, sans parler des besoins du secteur de la construction en région parisienne.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Les ports ont un rôle essentiel dans l'économie bleue. Élu de la troisième circonscription de Gironde, je suis particulièrement intéressé par le port de Bordeaux. Actuellement, son activité est plutôt en stagnation, alors que le prix du foncier a tendance à flamber, du fait du rapprochement temporel entre Bordeaux et Paris depuis la mise en place de la ligne à grande vitesse. Dans ce contexte, le port de Bordeaux est tenté de se transformer en aménageur urbain. Selon vous, la vocation d'un port marchand est-elle de se transformer en aménageur urbain ? Par ailleurs, pour le port de Bordeaux, comme pour d'autres ports de la façade Atlantique, le développement des interconnexions est-il au programme ?

Permalien
élisabeth Borne, ministre des transports

Je suis favorable à une révision et une simplification du DAFN. Cela permettra de réduire ses coûts de gestion et nous redonnera des marges de manoeuvre. Alors que certains penchent pour une taxe unique à l'immatriculation, je considère qu'il faut maintenir le principe d'une taxation annuelle. Ce travail de simplification et d'amélioration du rendement de la taxe doit être entrepris en collaboration avec la filière et les services du ministère de l'action et des comptes publics, qui gèrent cette taxe. Avec M. le ministre d'État Nicolas Hulot, nous allons donc saisir M. le ministre de l'action et des comptes publics Gérald Darmanin.

Vous avez raison, la filière REP a connu des rebondissements, avec notamment un report de sa mise en place. Il était impératif de trouver des modalités adaptées avec les acteurs, compte tenu du stock de bateaux historiques hors d'usage et de l'importance de les déconstruire. Le dialogue a repris et la filière sera mise en place le 1er janvier 2019. Cette échéance fait consensus et s'inscrit dans les délais généralement constatés dans les autres secteurs. La filière s'est engagée à déconstruire 20 000 à 25 000 bateaux hors d'usage entre 2019 et 2023. Les textes fixant le périmètre et le cahier des charges de l'éco-organisme qui sera créé seront publiés dans les prochains mois. L'enjeu est de taille non seulement pour l'industrie de la construction de navires de plaisance et les propriétaires, qui vont pouvoir faire déconstruire leurs navires en fin de vie, mais aussi pour les ports de plaisance et les communes littorales, confrontés à l'abandon de certains navires hors d'usage.

Le traitement des sédiments de dragage doit faire l'objet d'études au sein de plusieurs services du ministère de l'écologie et des transports, notamment pour fixer le seuil. Certes, ces traitements nécessiteront peut-être des transports, mais il serait pertinent de localiser les filières de retraitement à proximité des ports.

Pour autant, nous devons effectivement améliorer les dessertes terrestres de nos ports. Comme pour le modèle économique, cela renvoie à des enjeux de fiscalité et d'accompagnement de l'évolution de l'activité de nos ports : historiquement très liés aux hydrocarbures, ils doivent évoluer si l'on veut qu'ils soient à la hauteur de l'ambition qui peut être la nôtre eu égard à l'importance de notre façade maritime. Les travaux du Conseil d'orientation des infrastructures nous ont permis d'identifier les enjeux liés à la desserte fluviale et ferroviaire des ports. Ils seront intégrés dans le volet de programmation des infrastructures du projet de loi d'orientation sur les mobilités. Par ailleurs, des travaux sont déjà en cours sur la ligne Serqueux-Gisors, qui deviendra un itinéraire alternatif pour le port du Havre. Il est absolument fondamental que nos ports élargissent leur hinterland : cela passe par des dessertes terrestres de qualité.

Monsieur Bouillon, je transmettrai vos questions concernant la pêche à mon collègue M. Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation, vos questions concernant les énergies marines renouvelables à M. Nicolas Hulot, et vous répondrai sur les ports. La position du Gouvernement, annoncée par le Premier ministre à l'occasion du CIMer et des Assises de la mer, est claire : les ports de l'axe Seine, le port de Marseille et celui de Dunkerque doivent rester de la compétence de l'État, compte tenu du rôle qu'ils jouent dans notre économie nationale et de notre ambition de les positionner au premier rang dans la compétition européenne. Pour les ports de la façade Atlantique, la porte est ouverte à une discussion avec les régions et les partenaires sociaux. Ces discussions se dérouleront dans les prochains mois.

Monsieur Prud'homme, les ports ont vocation à avoir une activité diversifiée, dont l'enjeu est important dans les zones industrialo-portuaires. Et lorsqu'ils sont dans des zones plus urbaines, ils doivent s'inscrire dans leur environnement urbain. Savoir gérer l'interface entre les ports et leur environnement urbain est un enjeu important pour l'acceptabilité, donc pour la pérennité des activités de ces ports.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Le 21 novembre dernier, ont eu lieu au Havre les Assises de l'économie de la mer. Le Premier ministre y a notamment présenté la nouvelle stratégie du Gouvernement pour guider sa politique maritime.

Un axe important a été mis en avant, celui de l'amélioration de la fluidité du passage portuaire. Certes, les ports ont besoin de la mer, mais ils ont aussi besoin de la terre, plus précisément du rail et des fleuves. Ils ont aussi besoin de fluidité, notamment numérique afin qu'une convergence des systèmes logistiques de chaque axe portuaire soit possible. Le rapport d'information présenté par nos collègues Mme Sophie Panonacle et Mme Sophie Auconie évoque également l'instauration d'une véritable cohérence interportuaire en associant pleinement les régions à cette réflexion.

Madame la ministre, comment le Gouvernement compte-t-il prendre en compte les recommandations de ce rapport afin que l'État développe fortement le transport combiné, ferroviaire et fluvial, pour améliorer la fluidité du passage portuaire ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Madame la ministre, un calendrier a-t-il été envisagé pour la mise en oeuvre de ce transport combiné ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Madame la ministre, je vous prie de m'excuser pour mon retard, et de ne pas répondre à ma question si elle a déjà été posée.

Le rapport regrette que certaines structures de coordination interportuaire prévues par la loi tardent à se mettre en place. Comment expliquez-vous qu'un seul conseil de coordination interportuaire ait été installé ? Comment comptez-vous les généraliser ? Il est important que tous les acteurs s'associent aux stratégies des ports, et notamment les régions.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Madame la ministre, ma question portait, comme celle de mon collègue M. Lionel Causse, sur les filières REP.

Permalien
élisabeth Borne, ministre des transports

J'ai entendu le message sur les filières REP. Je peux vous assurer que ça vient !

S'agissant de la fluidité du passage portuaire, on a mentionné les enjeux du passage physique des marchandises et tous ceux concernant la desserte. Cet élément est pris en compte dans les travaux du Conseil d'orientation des infrastructures et fera partie des axes qui seront proposés dans le cadre de la loi d'orientation sur les mobilités. La fluidité du passage portuaire passe aussi par une digitalisation complète de la chaîne logistique, un des principaux enjeux étant de rendre la logistique portuaire performante grâce à la convergence et à l'ouverture des systèmes d'information des marchandises. Vous le savez, il existe aujourd'hui plusieurs systèmes qui ne communiquent pas.

Monsieur Pancher, effectivement les conseils de coordination interportuaire sont en place sur l'axe Seine, sur l'axe Méditerranée-Rhône-Saône, sur la façade Atlantique et aux Antilles-Guyane ; une mission a été confiée au préfet des Hauts-de-France pour mettre en place une coordination sur la façade Nord.

Puis la commission procède à l'audition de Mme Élisabeth Borne, ministre des transports, sur le rapport d'information sur la mise en application de la loi n° 2016-339 du 22 mars 2016 relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs (n° 638).

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous en venons au rapport sur la mise en application de la loi du 22 mars 2016 relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, les atteintes à la sécurité publique et les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Madame la ministre, mes chers collègues, tout d'abord je vous prie de bien vouloir excuser l'absence de mon collègue M. Michel Vialay avec qui j'ai rédigé ce rapport.

Le constat commun qui se dégage de nos travaux est, d'une part, que la quasi-totalité des textes réglementaires prévus ont été publiés et, d'autre part, que ceux-ci traduisent de manière satisfaisante les intentions ayant présidé à la rédaction de cette loi. En cela, nous ne pouvons que saluer le travail du Gouvernement pour assurer dans des délais globalement satisfaisants l'application d'un texte dense et complexe.

Toutefois, quelques mesures ne sont pas entrées en application. Je prendrai trois exemples.

Le premier relève de la sécurité routière. L'une des dispositions de l'article 7 de la loi vise à améliorer l'information des entreprises de transport en permettant aux employeurs d'avoir accès aux éléments relatifs au permis de conduire de ceux de leurs personnels qui sont amenés à conduire les véhicules. Or cette mesure n'est pas entrée en application. L'ensemble des organisations de transporteurs déplorent cette situation qui met la vie d'usagers entre les mains de personnes considérées comme n'étant plus aptes à la conduite. Nous regrettons que la volonté de législateur soit ainsi ignorée, alors que cette mesure avait fait l'objet d'un consensus. Sur les 17 000 conducteurs d'autobus ou d'autocars en France, quinze à vingt sont repérés chaque année comme ayant perdu leur permis de conduire sans en avoir informé leur employeur. Le jour où un accident se produira avec un chauffeur de transport en commun circulant sans permis, la responsabilité de l'État, qui n'a pas mis en oeuvre ces dispositions, pourrait être engagée.

Mon deuxième exemple concerne la lutte contre la fraude. L'une des principales difficultés à laquelle se heurtent les transporteurs pour recouvrer les amendes est celle de la fiabilité des adresses des contrevenants. C'est pourquoi l'article 18 de la loi prévoit la création d'une plateforme d'échanges qui doit permettre de confronter l'adresse déclarée lors de la verbalisation avec celle du fichier des comptes bancaires et assimilés, et le répertoire national commun de la protection sociale. Toutefois, deux ans après la promulgation de la loi, le décret d'application de l'article 18 qui doit être signé par le ministre de l'économie et des finances n'a toujours pas été publié. Cette réponse n'est pas satisfaisante. Même si le décret n'est pas de votre responsabilité directe, avez-vous sensibilisé le ministre de l'économie et des finances sur l'utilité de mettre en oeuvre cette mesure très attendue ?

Mon troisième exemple concernera les violences faites aux femmes. Le sentiment d'insécurité dans les transports en commun est fort, en particulier pour les usagères. Le dispositif de l'article 22 de la loi n'est guère ambitieux. Il se limite à prévoir un bilan annuel sur les atteintes à caractère sexiste dans les transports publics collectifs de voyageurs transmis à trois instances consultatives : le Défenseur des droits, l'Observatoire national des violences faites aux femmes et le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes. L'article 22 oblige par ailleurs la SNCF et la RATP à faire de la prévention des violences et atteintes sexistes un axe prioritaire de la formation de leurs agents de sécurité, ce que font ces deux entreprises. En revanche, le bilan annuel est resté lettre morte, car la loi ne précise pas qui a la responsabilité de l'établir. Par ailleurs, le texte ne prévoit pas de transmission des bilans aux services de l'État et omet de prévoir que les services destinataires devront les publier ou en publier une synthèse. La loi est donc largement perfectible sur tous ces points.

Au-delà de l'analyse de la mise en application de la loi dite « Savary », notre mission d'information a formulé une trentaine de préconisations, dont la plupart font consensus et seraient d'une mise en oeuvre relativement simple. Pour mémoire, je citerai les mesures suivantes.

Premièrement, confier à la préfecture de la région Île-de-France ou à la préfecture de police de Paris une compétence globale pour l'ensemble de la RATP ou du réseau SNCF d'Île-de-France en matière de fouille ou de contrôle des usagers car actuellement, chaque préfet départemental est compétent, ce qui complique le travail de la « Surveillance générale » (Suge) ou du groupe de protection et de sécurisation des réseaux (GPSR), certains trains traversant trois ou quatre départements en quelques minutes.

Deuxièmement, permettre aux contrôleurs d'utiliser des caméras piétons lorsque la situation l'exige, à l'instar de ce que la loi autorise pour les agents des services de sécurité. En effet, l'expérience montre que lorsque les esprits s'échauffent, la tension retombe quand les caméras piétons sont activées.

Troisièmement, remplacer la demande d'autorisation d'agir en civil par une simple déclaration, le préfet conservant toujours la possibilité de refuser une action en civil de manière expresse. Actuellement, une autorisation préalable, très rarement refusée, est nécessaire, ce qui est particulièrement chronophage.

Quatrièmement, la loi « Savary » permet aux entreprises de transport de demander au ministère de l'intérieur la réalisation d'enquêtes administratives pour ses personnels les plus sensibles, comme les conducteurs ou les aiguilleurs. À la demande unanime des acteurs rencontrés, la mission propose d'étendre ce criblage au personnel d'entretien ou au personnel intérimaire.

Cinquièmement, s'agissant de la fraude d'habitude, le seuil a été abaissé de dix à cinq infractions sur l'ensemble des réseaux. Mais en l'absence d'échange d'informations entre les exploitants, les fraudeurs par habitude sont en pratique ceux qui ont fraudé au moins cinq fois sur le même réseau. Le seul moyen de respecter la loi à la lettre serait de constituer un fichier commun de fraudeurs.

Pouvez-vous, Madame la ministre, apporter une réponse aux trois dispositions qui ne sont pas entrées en application et que j'ai citées en exemples, et me dire si les préconisations que je viens rapidement d'énoncer ont quelques chances d'être mises en oeuvre ?

Permalien
élisabeth Borne, ministre des transports

Mesdames, messieurs les députés, je tiens à remercier la rapporteure Mme Aude Luquet pour ce travail très intéressant et très fouillé et à insister sur l'importance des dispositions contenues dans la loi « Savary ». Celle-ci recouvre trois champs d'intervention : la prévention et la lutte contre les atteintes graves à la sécurité publique et le terrorisme dans les transports publics de voyageurs, avec évidemment l'objectif de mieux protéger les passagers des transports publics contre les risques terroristes dans le contexte que l'on a connu au cours des années 2015 et 2016 ; la police du transport public de voyageurs afin de renforcer la lutte contre la fraude, en particulier dans les transports ferroviaires et guidés, à la suite de la publication, en avril 2015, d'un rapport de la Cour des comptes qui mettait en exergue le préjudice économique lié à la fraude dans les transports ; enfin, la lutte contre les violences faites aux femmes dans les transports, quelques mois avant l'adoption du plan national de lutte contre le harcèlement sexiste et les violences sexuelles de juillet 2016.

La loi a créé ou renforcé plusieurs dispositions législatives relatives à la prévention et à la lutte contre les atteintes graves à la sécurité publique et le terrorisme dans les transports publics de voyageurs. Elle a intégré différentes dispositions, notamment l'extension et le renforcement des prérogatives des agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP. Je ne reviendrai pas ici sur les prérogatives nouvelles qui ont été mises en place. Je rappellerai que celles-ci s'accompagnent de contreparties comme la formation et le contrôle de ces agents, et l'adoption d'un code de déontologie. Ces prérogatives visent à permettre aux autres exploitants de se doter de services de sécurité internes soumis au code de la sécurité intérieure et non au code des transports. Elles visent également à la mise en oeuvre de mesures de criblage des nouveaux personnels occupant des postes « sensibles » afin de lutter contre les risques de radicalisation au sein de ces entreprises.

Au titre de la police du transport public de voyageurs, la loi comporte effectivement une série de dispositions tendant, d'une part, à fiabiliser le recueil de données personnelles du contrevenant via de nouvelles mesures telles que l'obligation de justifier de son identité, le droit de communication des données entre les exploitants et les administrations publiques afin de rendre plus fiable le relevé d'identité des contrevenants et, partant, d'améliorer le recouvrement des amendes, et, d'autre part, à renforcer le dispositif répressif avec notamment le délit de fraude d'habitude que vous avez rappelé.

Par ailleurs, au titre de la lutte contre les violences faites aux femmes dans les transports, la loi prévoit que la prévention de ces violences et des atteintes à caractère sexiste dans les transports constitue un axe prioritaire de l'action de la SNCF et de la RATP. Comme vous l'avez mentionné, cela fait l'objet d'un rapport annuel.

S'agissant de la mise en oeuvre de la loi, je veux souligner que huit des neuf textes d'application ont d'ores et déjà été publiés. Le dernier, celui qui doit permettre d'accéder aux adresses, est piloté par la Direction générale des finances publiques (DGFIP). J'ai sensibilisé mes collègues, le ministre de l'économie et des finances et le ministre de l'action et des comptes publics, sur l'importance de ce texte qui, pour l'instant, se heurte à de nombreuses difficultés juridiques. Il est impératif d'être en mesure d'expertiser, dans les prochaines semaines, la possibilité de dépasser toutes les difficultés juridiques qui ont été mises en avant ces derniers mois et, le cas échéant, de pouvoir adapter, dans le cadre de la loi d'orientation sur les mobilités, ces dispositions pour les rendre effectives.

S'agissant de la constitution d'un fichier des fraudeurs entre entreprises, nous pouvons étudier cette piste mais, comme pour tout fichier portant sur des données personnelles, le sujet est très sensible. Bien évidemment, cela se ferait sous le contrôle de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) et en respectant les règles habituelles en termes de protection des données personnelles.

Au-delà de ces dispositions, nous avons continué à travailler, dans la continuité des Assise de la mobilité et du groupe de travail « sécuritésûreté », présidé par M. Savary. L'objectif est d'être à l'écoute des besoins des opérateurs et des autorités organisatrices pour pouvoir proposer, le cas échéant, de nouvelles mesures afin de renforcer la sécurité dans les transports.

Le projet de loi d'orientation sur les mobilités permettra notamment de couvrir un champ qui ne l'est pas aujourd'hui s'agissant des contrôles à bord des navires et des bateaux fluviaux. Il faut par ailleurs étudier plus avant la mise en oeuvre d'une expérimentation de caméras individuelles pour les agents chargés du contrôle des titres de transport. Toutefois, je veux souligner que la SNCF vient à peine de lancer la mise en application des mesures prévues pour les services de sécurité et que la RATP a prévu de commencer l'expérimentation de ce dispositif à compter de l'été prochain. Là encore, si le sujet est certainement utile, il est aussi sensible puisqu'il s'agit de filmer les voyageurs. Il convient donc d'avancer prudemment. Attendons un premier retour d'expérience des services de sécurité, qui sont désormais dotés de prérogatives de puissance publique. Voyons peut-être comment fonctionne ce dispositif pour ces agents des services de sécurité internes à la SNCF et à la RATP.

Nous travaillons également pour faciliter la détection de comportements « anormaux » dans les transports – intrusions, rixes, abandon de colis. J'ai engagé un travail visant à définir un cadre juridique, en lien avec la CNIL, qui permette d'expérimenter de façon concrète les systèmes de vidéoprotection intelligents. Dans le même esprit, je souhaite encourager les entreprises de transport, notamment la SNCF et la RATP, à faire appel à des équipes cynotechniques pour détecter la présence d'explosifs. C'est particulièrement efficace pour réduire les temps d'intervention en cas de colis abandonnés – et ceux-ci sont de plus en plus nombreux, les voyageurs étant aujourd'hui beaucoup plus attentifs que par le passé en raison du climat que l'on connaît.

Les problèmes que rencontrent les femmes dans les transports restent un axe majeur d'action. La quasi-totalité des femmes disent en effet avoir été confrontées à des problèmes de harcèlement ou d'incivilité dans les transports. Dans notre esprit, le bilan annuel qui doit être établi relève de la responsabilité de l'autorité organisatrice. S'il y a une ambiguïté sur le sujet, nous pourrons apporter des précisions dans le cadre de la loi d'orientation sur les mobilités. Nous allons aussi proposer la création d'un cadre standardisé qui permettra de faire des synthèses. Il est nécessaire d'avancer encore sur ce point. Je souhaite notamment qu'on puisse promouvoir des outils de signalement pour les femmes qui rencontrent des difficultés dans les transports. J'aurai l'occasion de lancer un « hackathon », ou en tout cas un appel à innovation sur les applications qu'on pourrait leur proposer pour les aider.

Je m'associe aussi au secrétariat d'État chargé de l'égalité entre les femmes et les hommes dans la répression contre les comportements sexistes. Je pense que le dispositif prévu dans le projet de loi qui a été présenté ce matin en conseil des ministres sur l'outrage sexiste pourra très utilement s'appliquer dans les transports, y compris en donnant la possibilité à tous les agents assermentés de verbaliser. Ce sera une disposition importante pour prévenir les comportements sexistes et permettre aux femmes de voyager en toute sécurité dans les transports. Enfin, comme vous le savez, le Gouvernement et moi-même encourageons le développement du service dit « de la descente à la demande » pour les bus en soirée.

Voilà ce que je peux vous indiquer sur la mise en application de la loi « Savary ». Je pense qu'on peut encore progresser dans le sens des recommandations que vous avez formulées. Le futur projet de loi d'orientation sur les mobilités sera aussi l'occasion d'améliorer les dispositifs dans le sens que je viens d'évoquer.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Ma question porte principalement sur les actions et les outils pour lutter contre les violences faites aux femmes. Vous avez parlé de nouvelles applications, de verbalisation. La formation prévue ne semble concerner que les agents de la sécurité de la SNCF et de la RATP. Ne doit-elle pas être étendue à d'autres ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La région Auvergne-Rhône-Alpes lance un plan de sécurisation des gares et des trains. Ce dispositif prévoit la mise en place d'un « bouclier de sécurité » dans les TER, les gares et leurs abords. La région a annoncé le doublement des effectifs de la sûreté ferroviaire avec la création inédite d'un centre de supervision régional. Outre ces mesures, il a été évoqué la mise en place, avec les procureurs de la République, de travaux d'intérêt général (TIG) pour les individus ayant commis des actes de vandalisme. Que pensez-vous de ces mesures, madame la ministre ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Madame la ministre, je vous remercie tout d'abord pour votre présence. Il est important en effet que les membres du Gouvernement assistent à la présentation des rapports d'information sur la mise en application des lois. C'est un souhait que nous avions exprimé lors de la précédente législature. Je suis heureux qu'il se concrétise aujourd'hui.

La loi « Savary » avait élargi les prérogatives des agents de la SNCF. Pensez-vous que d'autres soient encore possibles ? Confirmez-vous que des ajustements sont nécessaires dans le cadre des ordonnances qui prévoiront notamment l'ouverture à la concurrence du transport ferroviaire de voyageurs ?

La loi avait pour but de renforcer l'exemplarité des voyageurs. Il faut toutefois que cette exemplarité prévale aussi dans le sens inverse. Les voyageurs qui paient leurs billets doivent en effet bénéficier en retour d'une information voyageur satisfaisante. Y a-t-il des réflexions en la matière ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Le rapport d'information qui fait l'objet de nos échanges aujourd'hui traite d'un sujet qui est au coeur de la vie de bon nombre de nos compatriotes, puisque de plus en plus de Français sont confrontés à une insécurité grandissante. Vous avez répondu que la possibilité pour les contrôleurs d'avoir recours à des caméras piétons allait être expérimentée. Le rapport préconise par ailleurs que les services de sécurité internes des transporteurs puissent procéder de manière permanente à des palpations de sécurité dans les enceintes publiques des transports qui relèvent de leur compétence, sans autorisation préalable des services préfectoraux. Que pensez-vous de cette préconisation ?

Permalien
élisabeth Borne, ministre des transports

Madame Riotton, il est essentiel, en effet, de rendre plus sûrs les déplacements des femmes dans les transports. Cela passe effectivement par toute une série de mesures : la vidéoprotection, les outils de signalement, le nouveau délit. Toutefois, la présence humaine reste absolument fondamentale, notamment celle d'agents formés et sensibilisés. Je sais que c'est bien le cas à la RATP, et je vais m'assurer qu'il en est de même à la SNCF – ce dont je ne doute pas.

Comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire, il est également très important que les autres voyageurs se sentent eux aussi concernés. Dans huit cas sur dix, en effet, les femmes victimes d'agression ou de harcèlement nous disent qu'elles n'étaient pas seules. Cela pose la question de la responsabilité de chacun. Si nous sommes tous plus attentifs aux autres, cela se passera mieux pour les femmes, notamment dans les transports.

Monsieur Bony, vous m'interrogez sur les dispositifs mis en place par la région Auvergne-Rhône-Alpes : l'autorité organisatrice régionale est dans son rôle lorsqu'elle s'implique sur les enjeux de sûreté et de sécurité des voyageurs. S'agissant des travaux d'intérêt général, je ne suis pas habilitée à me prononcer sur les sanctions que la justice peut être amenée à prononcer. Cela dit, il est important d'enrayer les répétitions de dégradations dont certains peuvent être les auteurs. Cette disposition peut donc constituer un signal concret de nature à prévenir les actes de vandalisme qui sont pénalisants pour tous les voyageurs.

Je n'identifie pas aujourd'hui, monsieur Pancher, de nouvelles prérogatives qu'il conviendrait d'accorder aux agents de sécurité de la SNCF et de la RATP. Nous devons être attentifs à ne pas outrepasser la frontière normale entre le service de sécurité d'une entreprise de transport et la police nationale. Il s'agit en l'occurrence de faire preuve de vigilance sur un territoire particulier pour assurer la sécurité des voyageurs. L'élargissement de la loi dont nous discutons me semble couvrir un champ important, mais la police et la gendarmerie n'entrent pas dans le cadre de notre débat. Nous devons veiller à ce que les missions de ces services restent conformes à leur vocation initiale.

La question de la « Surveillance générale » dans le cadre de l'ouverture à la concurrence doit être prise en considération, en effet. Elle est abordée dans la concertation en cours avec les différents acteurs concernés, notamment les organisations syndicales. Il faudra prévoir des dispositions particulières sur ce point dans le projet de loi dont l'Assemblée sera bientôt saisie.

Les palpations de sécurité, monsieur Pajot, constituent une prérogative assez intrusive du point de vue des libertés individuelles. Il me semble donc justifié qu'elles soient encadrées par une autorisation préalable du préfet. Les propositions visant à simplifier l'organisation administrative, notamment en Île-de-France, en remontant ces autorisations au niveau régional, me paraissent adaptées, mais il faut être conscient que ces dispositions peuvent présenter le risque d'une atteinte aux libertés individuelles. Étant donné l'enjeu en matière de protection des voyageurs, il me semble important de maintenir le regard du préfet sur cette question.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La fraude dans les transports en commun est à l'origine d'une perte de recettes importante, estimée à 500 millions d'euros. La lutte contre la fraude est donc un objectif prioritaire compte tenu de l'enjeu financier, mais aussi de l'enjeu concernant l'image des transporteurs pour les voyageurs non fraudeurs. Pourtant, le durcissement des sanctions et la fiabilisation des identités et des adresses restent le seul moyen d'abaisser le ratio de fraudeurs – d'où la réponse que vous avez apportée sur l'article 18. Au-delà du dispositif que vous avez annoncé, avez-vous prévu une évaluation régulière permettant de vérifier le caractère exemplaire de l'effectivité des mesures prises, pour éviter qu'elles ne soient qu'un feu de paille et pour s'assurer de leur prise en compte ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Mme la rapporteure a évoqué la lutte contre la fraude : s'il existe des fraudeurs d'habitude, il existe aussi des voyageurs verbalisés qui sont pourtant de bonne foi et qui, de toute évidence, ne méritent pas le qualificatif de fraudeurs. Alors que l'Assemblée a adopté le texte instaurant le droit à l'erreur, je souhaiterais savoir si votre ministère envisage avec la SNCF et la RATP de saisir cette occasion : en effet, si certains voyageurs doivent faire l'objet d'une attention toute particulière, il est important de veiller à apporter des réponses graduées, ce qui n'est pas toujours le cas.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Le précédent gouvernement avait décliné en douze points un plan national intitulé « Sécurité des femmes dans les transports en commun ». Ces dispositions ont-elles donné lieu à une évaluation susceptible d'éclairer les préconisations qui seront arrêtées dans le futur projet de loi ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

L'article 18 auquel Mme la rapporteure a fait référence permet un recouvrement plus efficace des amendes. Il semble qu'un frein juridique empêcherait la mise en place de cette plateforme : avez-vous des précisions à nous apporter à ce sujet ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Permettez-moi de revenir sur la question de la transmission aux employeurs des informations relatives à la perte de permis de conduire par les conducteurs d'autobus. L'administration n'a pas mis en oeuvre la disposition législative concernée, qui relève du champ de compétence du ministère des transports. Pourquoi cet article n'est-il pas appliqué ?

Permalien
élisabeth Borne, ministre des transports

S'agissant du bilan des mesures de renforcement des outils de lutte contre la fraude, je vous transmettrai une synthèse détaillée du nombre des constats de délits de fraude d'habitude et des cas de répression des mutuelles de fraudeurs, toutes les mesures ayant été mises en oeuvre, à l'exception de l'article 18 dont nous discutons.

Après plusieurs mois de travaux, madame Park, entre les services de mon ministère et ceux de Bercy, un retour vient de nous parvenir : la méthode de désignation d'une personne morale unique prévue par les textes présente une difficulté et pourrait nécessiter une mise en concurrence. Je pense qu'il s'agit d'un malentendu : l'idée était en effet de coordonner les différents transporteurs en leur donnant accès à une interface unique mais, manifestement, il existe des difficultés d'application du côté de la direction des libertés publiques et des affaires juridiques. Sans doute sera-t-il utile d'apporter quelques précisions pour mieux cerner l'esprit de cette personne morale unique dont, par définition, je ne vois pas comment elle pourrait donner lieu à une mise en concurrence.

Pour ce qui concerne la sécurité des femmes dans les transports, nous disposons de nombreuses statistiques effrayantes, disons-le, sur les difficultés qu'elles y rencontrent. Il faudra renforcer la sensibilisation, sans doute aussi la formation mais aussi les outils de signalement, et faire preuve d'imagination – c'est pourquoi j'évoquais les nouveaux outils numériques à développer le cas échéant. Il s'agit en effet d'une véritable entrave à la liberté d'aller et de venir pour les femmes, dès lors qu'elles ne se sentent pas en sécurité dans les transports.

La question du permis de conduire est sensible. C'est le ministère de l'intérieur qui pilote la détention des permis de conduire et la consultation des points qui y figurent. Il a réuni les représentants des employeurs et des salariés au cours de l'année passée et un premier décret est en cours d'examen, d'autres dispositions plus techniques étant en cours d'élaboration. C'est un sujet dont le caractère très sensible explique qu'il ait fallu un certain temps pour agir, mais nous sommes désormais sur la bonne voie.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je vous remercie, madame la ministre, de vous être pliée à cet exercice qui fut une première et qui m'a semblé tout à la fois nécessaire et intéressant ; nous disposons enfin d'un mécanisme de suivi de l'application des lois qui donne lieu à des échanges entre nous, ce qui favorise un meilleur fonctionnement de nos institutions.

——²——²——

Membres présents ou excusés

Réunion du mercredi 21 mars 2018 à 16 h 30

Présents. - M. Jean-Yves Bony, M. Christophe Bouillon, Mme Pascale Boyer, M. Guy Bricout, Mme Danielle Brulebois, M. Stéphane Buchou, M. Lionel Causse, M. Jean-Charles Colas-Roy, M. Paul-André Colombani, M. Vincent Descoeur, Mme Stéphanie Kerbarh, M. Jean-Claude Leclabart, Mme Aude Luquet, Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, Mme Marjolaine Meynier-Millefert, M. Matthieu Orphelin, M. Jimmy Pahun, M. Ludovic Pajot, M. Bertrand Pancher, Mme Sophie Panonacle, Mme Zivka Park, M. Patrice Perrot, M. Damien Pichereau, Mme Barbara Pompili, M. Loïc Prud'homme, Mme Véronique Riotton, M. Vincent Thiébaut, Mme Frédérique Tuffnell, Mme Laurence Vanceunebrock-Mialon, M. Pierre Vatin, M. Jean-Marc Zulesi

Excusés. - Mme Sophie Auconie, M. Joël Aviragnet, Mme Nathalie Bassire, Mme Sandrine Le Feur, M. Alain Perea

Assistait également à la réunion. - M. Gabriel Serville