Intervention de Virginie Duby-Muller

Réunion du mercredi 28 mars 2018 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaVirginie Duby-Muller, rapporteure :

Mes chers collègues, il y a une conviction que nous partageons tous : l'accueil des gens du voyage doit être garanti pour leur permettre de vivre selon leurs traditions, dans le respect des lois de notre République.

C'est la raison pour laquelle le législateur n'a eu de cesse, depuis la première « loi Besson » de 1990, de préciser les droits et les devoirs incombant, d'une part, aux communes et à leurs groupements chargés de cet accueil et, d'autre part, aux communautés des gens du voyage.

Près de trente ans après cette première recherche d'un équilibre satisfaisant, il nous faut dresser deux constats principaux.

Premièrement, les obligations faites au bloc communal en matière d'accueil n'ont cessé de s'accroître alors que l'État s'est désengagé progressivement de cette politique publique, notamment d'un point de vue financier.

Deuxièmement, les conditions d'accueil des gens du voyage, si elles ont connu une progression en termes de nombre de places, ne sont pas toujours adaptées à leurs besoins. Il convient donc d'avoir, dans le cadre d'un dialogue avec les territoires, une approche plus qualitative que quantitative, et non l'inverse comme c'est le cas actuellement.

Il découle de ces deux constats que, malgré les efforts continus des territoires et de certains groupes de gens du voyage en vue d'améliorer les conditions dans lesquelles se déroulent leurs déplacements, des troubles à l'ordre public perdurent. Est en cause l'installation de nombreux campements illicites sur des terrains agricoles, sur des parkings de bâtiments publics ou de zones industrielles, ce qui alimente l'incompréhension voire le ressentiment d'une partie des populations locales.

Mes chers collègues, il faut partir des réalités de terrain pour bien comprendre l'impasse dans laquelle certains élus locaux se trouvent aujourd'hui.

Nombreux sont ceux qui se sont engagés à remplir toutes leurs obligations en matière d'accueil des gens du voyage, par souci de se conformer à la loi mais également pour lutter le plus efficacement possible contre les installations illégales. Pour cela, ils ont parfois dû convaincre les habitants de leur commune de l'intérêt mutuel qui découlerait de cet effort financier. Or, très souvent – trop souvent –, ces installations d'accueil ne limitent en rien la multiplication des campements illicites.

Tout élu local le sait, ces campements ne font pas qu'empêcher l'accès aux terrains concernés. Ils entraînent également des dégradations, qui sont inévitables en l'absence de sanitaires, d'accès à l'eau ou à l'électricité et de ramassage des déchets. Quand les campements sont installés sur une exploitation agricole, comme cela arrive trop souvent, les dégâts qu'ils occasionnent peuvent remettre en cause la poursuite de cultures pendant toute une saison. Or, les déplacements des gens du voyage se concentrent pendant la période particulièrement sensible pour les agriculteurs du printemps et de l'été.

Ainsi, lorsque nous proposons de rendre plus efficaces les procédures d'évacuation et de mettre un terme à l'impunité dont bénéficient les campements illicites, il ne s'agit pas de prendre des mesures contre les gens du voyage. Nous souhaitons, au contraire, qu'ils s'intègrent le mieux possible dans notre société et dans le respect de leurs traditions, tout en rétablissant un équilibre qui aujourd'hui est défaillant, ce qui nuit à tout le monde.

Car, les conséquences dans les territoires qui mettent en oeuvre les conditions d'accueil qui leur ont été prescrites et qui se trouvent confrontés aux occupations illicites ne doivent pas être sous-estimées.

Dans le département de la Haute-Savoie, on ne peut que constater les tensions croissantes entre nos concitoyens et les gens du voyage : protestations d'agriculteurs, vives altercations avec des groupes de gens du voyage installés illégalement, mise en cause des élus, menaces verbales et même physiques. La liste est longue. Le dialogue est parfois rompu et la situation risque de dégénérer.

À ce titre, les députés et les élus locaux haut-savoyards ont été reçus à l'été 2017 par la ministre, Mme Jacqueline Gourault, qui a reconnu la nécessité d'améliorer les procédures d'évacuation en cas d'installation illégale et de renforcer les sanctions encourues.

Ce que demande le groupe Les Républicains, au Sénat comme à l'Assemblée, c'est une reconnaissance des élus locaux qui mettent en place une politique d'accueil mais qui se retrouvent souvent démunis face aux installations illégales.

La proposition de loi que nous nous apprêtons à examiner aujourd'hui s'inspire de travaux engagés par des députés et des sénateurs à partir d'expériences de terrain. Elle n'a pas pour objet de stigmatiser les gens du voyage ni de revenir sur l'obligation de créer les aires d'accueil prévues par le schéma départemental. Elle vise, au contraire, à rétablir la logique du « donnant-donnant » issue des lois Besson de 1990 et de 2000.

À cet égard, elle prévoit pour les collectivités qui respectent leurs obligations des mesures visant à améliorer l'efficacité des procédures administratives et juridictionnelles d'évacuation, notamment en rendant leur mise en oeuvre plus rapide. Ces procédures répondent à la principale demande des élus locaux de mieux lutter contre les campements illicites et sont conditionnées au fait qu'ils respectent leurs engagements en matière d'accueil. Nous considérons donc que nous pouvons, et même que nous devons, nous retrouver sur ce point pour leur apporter des solutions.

D'autres mesures prévoient de prendre en compte le seuil d'utilisation des aires déjà construites avant de demander aux élus de créer de nouvelles places. L'argent public est rare, du fait notamment de la multiplication des compétences confiées aux intercommunalités, et il convient d'adopter désormais une démarche plus qualitative.

En outre, nous proposons une aggravation des pénalités encourues avec la création d'une amende forfaitaire délictuelle qui permettra de sanctionner effectivement les personnes occupant illégalement un terrain, mettant fin au constat, fréquemment dénoncé, d'une quasi-impunité. L'instauration d'une telle amende fait l'objet d'un large consensus parmi les forces de l'ordre.

Nous souhaitons, enfin, que la situation des petites communautés de communes soit mieux prise en compte. Dans la plupart des cas, ce sont les grands centres urbains qui ne respectent pas leurs obligations d'accueil. Or, il est souvent plus aisé, dans le cadre du schéma départemental, de prévoir l'installation d'une aire dans une petite commune alors même que cette localisation risque de provoquer une sous-occupation par les gens du voyage.

Pour conclure, je soulignerai la qualité des travaux du Sénat qui a permis de parvenir à un texte équilibré. À nous, à présent, d'adopter dans les meilleurs délais ces dispositions très attendues dans nos territoires.

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