Mes chers collègues, je suis particulièrement honoré de vous présenter, au nom du groupe Les Républicains, cette proposition de loi qui vise à la création d'un ticket-carburant.
Avec l'assistance des services de l'Assemblée nationale, que je remercie, nous avons consulté, rencontré et auditionné les partenaires sociaux, les représentants des élus et ceux d'un certain nombre d'associations pour aboutir à un texte que nous estimons juste et équilibré, de nature à répondre à l'attente grandissante d'une grande partie de nos compatriotes, en particulier ceux qui vivent dans les territoires ruraux et périurbains. Actuellement, 51 % des Français vivent dans des communes de moins de 10 000 habitants. Nous avons besoin de la France des métropoles et des agglomérations, mais il s'agit de ne pas négliger cette majorité de Français qui vivent dans ces territoires.
Cette proposition de loi défend des valeurs. La première est le mérite. Nous proposons de récompenser le travail par un gain de pouvoir d'achat, pour que le travail soit mieux rémunéré dans notre pays. La deuxième est le lien indispensable entre les salariés et les chefs d'entreprise, qu'il faut sans cesse renforcer. Enfin, comme je le disais, il s'agit de répondre aux aspirations de nos compatriotes des territoires ruraux et périurbains, de ce qu'on appelle la « France des provinces » ou la « France des territoires ».
Pour élaborer cette proposition de loi que nous soumettons aujourd'hui à vos amendements, à vos critiques et à votre réflexion, nous sommes partis d'un contexte que chacun ici connaît, puisque nous sommes tous députés de la nation : la baisse du pouvoir d'achat, vécue – pas simplement ressentie – par l'ensemble de nos compatriotes. La dernière note de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) nous rappelle qu'en 2018 ce sont 4,5 milliards d'euros de nouveaux impôts et de nouvelles taxes qui pèseront sur les foyers et les ménages français. Pour ceux qui habitent dans les territoires, roulent au diesel, se chauffent au fioul, ont un compte en banque et recourent au courrier postal, tout a augmenté : le prix du timbre, pour une lettre prioritaire, atteindra bientôt un euro, les frais bancaires ont explosé, et je n'entre pas dans les détails de la hausse du diesel et du fioul.
Un deuxième élément est l'inégalité territoriale, entre, d'une part, Paris et les grandes métropoles et, d'autre part, le reste du pays. Si vous habitez Paris ou en métropole, votre employeur peut aujourd'hui prendre en charge jusqu'à 50 % de vos frais de transport, par exemple le coût de la carte Navigo grâce à laquelle vous prenez le métro, le bus ou le tramway. Si vous habitez dans l'un de nos territoires, le mien en Sologne, ou en vallée du Cher, ou en Haute-Loire, aucune entreprise n'offre de facilités très lisibles et très justes. Bien sûr, il est possible d'opter pour le régime des frais réels, mais cela ne concerne que les contribuables imposables à l'impôt sur le revenu. Cette inégalité des territoires se fait de plus en plus sensible pour l'ensemble de nos compatriotes. Troisième élément de contexte, depuis une quinzaine d'années, la part des frais de transport dans le budget des ménages a continûment augmenté. Si vous vous rendez au travail à pied, ce qui est rare, cela vous coûte, en moyenne, selon les études de l'INSEE, 8 centimes d'euro par kilomètre. Si vous utilisez le vélo, cela vous coûte 10 centimes d'euro par kilomètre. Si vous empruntez les transports collectifs, cela vous coûte 12 centimes d'euros par kilomètre. Et si, comme 74 % des Français, vous y allez en voiture, cela vous coûte en moyenne 34 centimes d'euro par kilomètre. Ces écarts de coût sont considérables.
Nous avons voulu aller plus loin en rencontrant un certain nombre d'acteurs socio-économiques, entre autres des responsables des antennes de Pôle emploi. Au niveau national, selon les différentes études tant de l'INSEE que du Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie (CREDOC), en 2016 et 2017, 23 % de nos compatriotes disent avoir renoncé à un travail, un emploi ou une formation parce qu'ils ne disposaient pas d'un moyen de locomotion à prix attractif. Cette proportion atteint 62 % chez les jeunes âgés de dix-huit à trente ans.
Compte tenu de ce contexte – baisse du pouvoir d'achat, inégalité territoriale, explosion des coûts de transport, qui représentent en moyenne 5 000 euros par an, c'est-à-dire 17 % en moyenne du budget des ménages, 20 % dans les territoires ruraux – et de ces problèmes de mobilité, de plus en plus un frein à l'emploi, nous avons souhaité vous présenter cette proposition de loi qui vise à instaurer un ticket-carburant sur le modèle du titre-restaurant, qui s'adresserait à l'ensemble de nos compatriotes qui vivent ou travaillent en dehors des agglomérations de plus de 100 000 habitants. Facultatif, fondé sur la négociation au sein des entreprises, pour ne pas soumettre les entrepreneurs à des contraintes supplémentaires, ce dispositif serait ouvert tout autant à ceux qui utilisent un véhicule individuel à carburant, essence ou diesel, qu'à ceux qui utilisent un véhicule électrique. Il serait d'un montant maximal de 15 euros par jour travaillé, pris en charge jusqu'à 60 % ou 70 % par l'entreprise. Cela représenterait un gain de pouvoir d'achat pouvant atteindre près de 200 euros nets par mois pour les travailleurs du monde rural et des territoires périurbains, totalement exonéré de cotisations pour l'entreprise et d'impôt sur le revenu pour le salarié et le travailleur.
Les articles 4, 5 et 6 introduisent des dispositions complémentaires. Il s'agit notamment d'éviter un possible double remboursement. Si vous avez opté pour le régime des frais réels, vous ne pouvez pas en cumuler l'avantage avec le dispositif que nous instaurons. La possibilité est également introduite, pour toutes les entreprises localisées dans les agglomérations de plus de 10 000 habitants, de déduire du versement transport dû au titre du salarié la part contributive des tickets-carburant remis à ce salarié afin d'éviter de « doublonner » la prise en charge. Enfin, nous proposons de conférer au dispositif un caractère expérimental pour deux ans pour vérifier la validité et l'opportunité de cette proposition, même si je la défends au nom de tous les députés du groupe Les Républicains comme le fruit d'un long travail dans l'ensemble de nos territoires, en lien avec les représentants de l'État, des services sociaux et de Pôle emploi.
Il nous paraît aujourd'hui indispensable, dans le très lourd contexte que je viens de décrire, d'offrir un gain de pouvoir d'achat à toutes celles et ceux qui travaillent ou voudraient travailler. Ce dispositif serait d'ailleurs ouvert tout autant aux fonctionnaires et aux apprentis qu'aux salariés du privé.