Mardi 27 mars 2018
La séance est ouverte à dix-sept heures quinze.
(Présidence de Mme Brigitte Bourguignon, présidente de la Commission)
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La commission des affaires sociales procède à l'examen pour avis du titre III du projet de loi pour une immigration maîtrisée et d'un droit d'asile effectif (n° 714) (Mme Fiona Lazaar, rapporteure).
L'ordre du jour appelle l'examen pour avis du titre III du projet de loi pour une immigration maîtrisée et un droit d'asile effectif, sur le rapport de Mme Fiona Lazaar.
La commission des affaires sociales est appelée à se prononcer, pour avis, sur le titre III du projet de loi pour une immigration maîtrisée et un droit d'asile effectif, déposé le 21 février dernier. Alors que le titre I de ce projet de loi réunit les dispositions relatives au droit d'asile, et le titre II celles relatives à la lutte contre l'immigration irrégulière, ce titre III rassemble les mesures visant à améliorer les conditions d'intégration et d'accueil des étrangers en situation régulière.
Notre commission a un rôle à jouer pour éclairer le texte sur ce troisième volet, l'insertion sociale et professionnelle étant à mes yeux la clef d'une intégration réussie. Je sais, par ailleurs, que notre commission est particulièrement attentive à la protection des personnes les plus vulnérables : cela doit être l'un de nos points de vigilance lors de l'examen de ce texte. C'est dans cette perspective que j'ai abordé nos travaux.
Mon intervention rappellera dans un premier temps les principales dispositions portées par le titre III, pour se concentrer ensuite sur quelques thèmes qui ont pu émerger de mes auditions et déplacements sur le terrain.
Le titre III se compose de quatorze articles, qui visent à transposer des directives européennes, à modifier les conditions d'attribution de certains titres de séjour – notamment pour mieux prendre en compte les violences conjugales – et à ajuster la prise en charge sanitaire des étrangers effectuée par l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII).
La transposition de directives européennes concerne les articles 20 à 22, ainsi que l'article 29.
Les trois premiers articles visent à adapter le droit en vigueur à la directive relative aux conditions d'entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers, à des fins de recherche, d'études, de formation, de volontariat et de programmes d'échange d'élèves ou de projets éducatifs et de travail au pair.
Il s'agit notamment d'apporter divers aménagements au dispositif du « passeport talent » issu de la loi du 7 mars 2016. Il s'agit aussi de faciliter l'installation des étudiants et des chercheurs et leur accès à l'emploi ou de prévoir la délivrance de titres pour les jeunes au pair venus en France.
L'article 29, quant à lui, complète la transposition de la directive établissant les conditions d'entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers dans le cadre d'un transfert temporaire intragroupe.
Le texte procède en outre à diverses évolutions relatives à certains titres de séjour.
L'article 23 s'inscrit dans une logique de simplification des démarches administratives et permet à tout étranger demandeur d'asile de solliciter parallèlement son admission au séjour sur un autre motif.
Les articles 32 et 33 visent à renforcer le droit au séjour des personnes victimes de violences. Le premier prévoit la remise de plein droit de la carte de résident à l'étranger auquel une carte de séjour temporaire a été délivrée, lorsque celui-ci obtient la condamnation définitive de l'auteur des violences dont il a été victime.
L'article 33 vise, pour sa part, à renforcer le droit au séjour des personnes étrangères victimes de violences familiales, en l'alignant sur le régime existant des personnes victimes de violence conjugale ou de mariages forcés.
Le texte modifie également deux dispositifs impliquant les personnels médicaux de l'OFII.
À travers l'article 26, il procède notamment au report de la limite d'âge des médecins actuellement en poste, car l'établissement rencontre un problème de recrutement des personnels de santé nécessaires à l'exercice de ces missions.
L'article 31 prévoit une dérogation au secret médical afin de faciliter le suivi, par les médecins de l'OFII, de l'état de santé de l'étranger. Il est ainsi prévu de pouvoir disposer auprès des professionnels de santé qui les détiennent, des informations portant sur l'état de santé de la personne étrangère concernée, sous réserve de son consentement.
Je souhaiterais, suite à cette revue des articles, évoquer avec vous quelques enjeux qui me semblent particulièrement importants, comme ont pu le confirmer les échanges que j'ai eus avec les différents acteurs de la politique d'immigration et d'intégration en France.
Le premier point, c'est que, pour être efficace, notre politique d'immigration doit nécessairement s'appuyer sur le volet de l'intégration. Je souhaite, à travers le dépôt d'amendements, conforter cette dimension et abonde notamment à ce titre dans le sens des propositions faites par notre collègue Aurélien Taché sur la nécessité de renforcer l'apprentissage du français.
Un deuxième enjeu fondamental que j'ai pu constater, lors des auditions mais aussi au cours de mes travaux sur l'insertion des jeunes dans le cadre de la concertation pour la future stratégie nationale de lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes, est celui des ruptures de parcours des mineurs non accompagnés, confiés à l'aide sociale à l'enfance.
Beaucoup d'interlocuteurs, y compris au niveau des entreprises, m'ont fait part de leur désarroi lorsque des mineurs en formation professionnelle, en apprentissage, doivent mettre fin à leur parcours professionnel pour des questions administratives, ou bien se voient notifier une mesure d'éloignement à l'atteinte de la majorité. J'ai déposé des amendements à cet effet.
Lors de mes auditions et de mes rencontres, j'ai par ailleurs été particulièrement sensibilisée à la question de l'accès à l'emploi des demandeurs d'asile, qui est une condition fondamentale de leur bonne intégration, comme a pu le souligner, dans son rapport, notre collègue Aurélien Taché. Or aujourd'hui, force est de constater que de nombreux obstacles d'accès au marché du travail demeurent réels. Si le projet de loi prévoit la simplification du mécanisme d'autorisation de travail, il ne s'attaque pas directement aux conditions d'accès.
Ainsi, un délai de 9 mois est opposable, et la France fait partie des pays d'Europe qui présentent le plus long délai durant lequel un demandeur d'asile n'a pas le droit de travailler, avec la Hongrie et la Slovénie. En Allemagne, a contrario, ce délai est par exemple de trois mois.
Je voudrais également attirer votre attention sur la question des violences conjugales. Le projet de loi apporte au sein du titre III des garanties et protections supplémentaires, et notamment celle de délivrer de plein droit une carte de résident à une personne victime de violences conjugales après condamnation définitive de l'auteur. Ces violences, rappelons-le, peuvent être de diverses natures : psychologiques, physiques, sexuelles ou économiques. Les dispositions contenues dans le texte constituent une avancée que je tiens à saluer. Des amendements ont été déposés au sujet des violences conjugales : cet enjeu étant essentiel, ils doivent appeler la pleine attention de la représentation nationale.
Enfin, j'aimerais attirer votre attention sur d'autres défis qu'il m'apparaît nécessaire de relever, même s'ils dépassent le champ de notre réunion d'aujourd'hui : la question des mineurs placés en rétention, ainsi que ce que l'on surnomme communément le « délit de solidarité », qui sont à mes yeux des sujets importants.
Mon rapport aborde ces deux enjeux, mais le champ de la saisine de la commission ne permet pas de les aborder par le biais d'amendements. À titre personnel, j'entends porter ces questions devant la commission des lois, comme certains de mes collègues.
En dehors même du champ du présent texte, j'attire votre attention sur la nécessité de continuer à travailler, en amont, avec les pays d'origine et de transit des migrations. Cette coopération et coordination entre tous les acteurs est essentielle, au niveau à la fois de la sécurité et du développement. Je renvoie à cet égard aux travaux de la commission des affaires étrangères, qui s'est également saisie sur le texte.
Avant de vous écouter et de procéder à l'examen des articles et amendements, je tiens à vous faire part d'une appréciation personnelle. Le sujet qui nous occupe aujourd'hui est sensible, d'abord parce qu'il recouvre des réalités qui peuvent être difficiles, mais aussi parce qu'il est traditionnellement source de clivages politiques.
L'objectif de ce texte, c'est de conjuguer un impératif d'efficacité avec un impératif d'humanité. Après mes échanges avec les associations, les services de l'État, les migrants eux-mêmes, ou les entreprises je veux vous dire qu'en effet, beaucoup de choses doivent être améliorées de manière opérationnelle sur le terrain, et que l'ambition qui nous anime est celle de voter un texte équilibré et efficace.
Il nous revient maintenant à nous, représentation nationale, de l'examiner avec toute 1'exigence et le sérieux que requiert ce sujet. Les enjeux le demandent et j'ai la conviction que l'apport de notre commission peut être extrêmement utile au texte sur les aspects d'accueil et d'intégration.
Je vous remercie et suis à votre disposition, mes chers collègues, pour répondre à vos questions.
Nous allons dans quelques minutes examiner les amendements proposés sur le titre III du projet de loi, qui rassemble les dispositions améliorant les conditions d'accueil et d'intégration des personnes en situation régulière.
Aujourd'hui, le seul dispositif spécifique en faveur de l'intégration des étrangers est le contrat d'intégration républicaine. Or ce texte nous donne l'occasion d'être plus efficace et, dans ce titre, les avancées vers cette intégration sont notables. Par exemple, le champ de la carte de séjour mention « passeport talent » pluriannuelle est étendu et une carte de séjour « passeport talent » portant la mention « chercheur – programme de mobilité » est créée.
Afin de mettre en oeuvre une politique publique d'intégration pragmatique, certaines dispositions administratives sont allégées, comme l'obligation de signatures physiques pour les visas d'entrée ou la fusion du titre d'identité républicain (TIR) et du document de circulation pour les mineurs étrangers (DCEM).
Le projet de loi sécurise aussi les victimes de violences conjugales.
C'est un premier pas. Je suis certaine, qu'avec réalisme et pragmatisme, forts des pistes ouvertes par Aurélien Taché et grâce aux amendements proposés, nous allons enrichir ce texte car, au fond, il s'agit de répondre à notre devoir d'intégrer ces personnes. Les valeurs de la République, de solidarité, de fraternité et d'égalité non seulement nous obligent naturellement à cette exigence, mais « la professionnalisation » de l'intégration doit aussi relever d'une véritable philosophie.
Nous serons très attentifs à l'accompagnement des personnes vers un apprentissage de la langue française et une insertion professionnelle précoce. Compte tenu du cadre fixé par l'article 40, nous serons néanmoins quelque peu contraints sur le plan législatif.
Le titre III traite principalement des dispositifs d'accueil des étrangers en situation régulière et aborde la problématique des mineurs étrangers non accompagnés, point sur lequel je souhaite m'arrêter.
L'article 24 créé un document unique en fusionnant le titre d'identité républicain et le document de circulation pour étranger mineur. Il se limite à une approche technique de clarification des conditions de délivrance des papiers, alors que la prise en charge et le suivi des mineurs étrangers non accompagnés posent d'évidentes questions en matière de coût et de lutte contre les filières de passeurs.
Les départements, qui ont la compétence de la protection de l'enfance, font un travail remarquable pour gérer l'arrivée exponentielle de mineurs non accompagnés.
Dans mon département de Saône-et-Loire, le conseil départemental a dû assurer la prise en charge, depuis 2012, de plus de 600 jeunes. Depuis l'été dernier, ce sont en moyenne vingt migrants se déclarant mineurs qui frappent à la porte du Conseil départemental chaque semaine. Chiffre qui révèle que le nombre de jeunes mineurs accueillis par l'aide sociale à l'enfance a augmenté de 85 % en un an.
Les moyens financiers engagés par les départements sont donc conséquents. Il faut loger, nourrir, accompagner, former… Tout cela coûte cher. Et il faut des personnels. C'est une charge au coût galopant. Les 132 millions d'euros prévus en loi de finances 2018 ne sont pas à la hauteur des dépenses des départements, qui avoisinent le milliard d'euros. Le Premier ministre reste silencieux sur ce point ; nous avons pourtant besoin d'être renseignés. Nous comptons donc sur vos annonces ou explications à ce sujet.
De même, il est dommage que le projet de loi n'aborde pas la question cruciale de la lutte contre les réseaux, qui profitent de la misère humaine pour vendre un rêve. Les mineurs ont un espoir : la France. Et une adresse : le Conseil départemental. Tout cela est bien connu. Il faut engager une véritable traque de ces filières de passeurs. Nous aimerions vous entendre à ce propos, madame la rapporteure.
Enfin, il faut aller plus loin que la fusion des documents proposée, en créant un fichier national des jeunes déclarés majeurs à l'issue de leur évaluation par un département. C'est d'ailleurs ce que propose l'inspection générale des affaires sociales. Cela permettrait d'éviter le « tourisme migratoire » de ces jeunes sur le territoire, et de baisser les dépenses d'évaluation des départements.
Jusqu'où nos peurs auront-elles raison de nos valeurs ? Depuis combien d'années légiférons-nous tous les deux ans, majorité après majorité, pour ne rien régler – ou si peu ! –, pour essayer de canaliser nos craintes et celles dont nous nous persuadons qu'elles sont majoritaires dans l'esprit de nos concitoyens ? De peur d'être débordé par le peuple, on veut trop souvent parler pour lui.
De 2014 à fin 2017, le Liban a accueilli de manière permanente plus d'un million de Syriens ; 1,5 million de Libyens sont réfugiés en Tunisie ; sur les 1,2 million de demandes d'asiles recensées en 2016 dans l'Union européenne, la France en recense 76 000. Sommes-nous débordés ? Prenons-nous notre part de la misère du monde dans un pays de plus de 67 millions d'habitants, sur un continent de plus de 500 millions d'habitants ?
Alors que le Président de la République a été élu au second tour de l'élection présidentielle face au Front National, son gouvernement engage-t-il aujourd'hui le combat de fond, pour un ressaisissement collectif sur cette question de l'asile et de l'immigration ? Disons-le : il ne faut pas céder à l'air du temps lorsque le temps a un drôle d'air.
Ce projet de loi, qui succède à la circulaire du 12 décembre 2017 qui mettait en cause l'universalité de l'accueil, fait l'objet de vives critiques, de vives oppositions et de mises en garde ignorées, de toutes les ONG et de nos autorités administratives indépendantes, sans parler de l'avis hautement défavorable du Conseil d'État.
Ce texte prétend faire droit aux demandeurs d'asile. Mais, en faisant de la procédure accélérée la règle, en réduisant les délais de recours, en plaçant 90 jours en rétention des personnes qui n'ont commis aucun délit et dont nous savons qu'elles ne seront pas reconductibles après un tel délai, ce texte porte gravement atteinte au droit d'asile.
Et que dire des intentions réelles du Gouvernement, qui négocie à Bruxelles un règlement sur les pays tiers sûrs hors Union européenne, alors qu'il prétend à Paris en avoir abandonné le principe ?
Par-dessus tout, le projet de loi se fonde sur un système dont la défaillance, et même la caducité, est aussi patente que la crise de gouvernance de l'Union Européenne, à savoir les accords de Dublin. Car cette crise migratoire révèle surtout les fractures de l'Europe, ses divisions et ses incapacités. Cette loi est inutile car elle prétend régler nationalement un phénomène mondial. Ce sont, en réalité, des « accords de Paris des migrations » que la situation appelle.
La question de l'utilité d'amender votre texte se pose, car il est en vérité impossible à rééquilibrer, tellement il est vicié dans ses fondements. Nous proposerons, amendement après amendement, d'effacer presque tout et d'écrire autre chose, mais sans illusion, alors que nous sommes sur un sujet qui appellerait un véritable sursaut républicain, européen et mondial, par-delà les clivages politiques.
En vous disant cela, je refuse, comme François Héran avant moi, d'être coupable de me sentir coupable.
La parole est à Mme Nathalie Elimas, pour le groupe du Mouvement Démocrate et apparentés (MODEM).
Le projet de loi « Pour une immigration maîtrisée et un droit d'asile effectif » répond à un engagement du Président de la République, qui avait promis, face à la crise migratoire sans précédent à laquelle l'Europe doit répondre, et ses conséquences dans notre pays, de prendre des mesures fortes.
Depuis 2015 en effet, la France connait une pression migratoire d'une ampleur inédite. En 2017, plus de 100 000 personnes ont déposé une demande d'asile – soit une augmentation de plus de 17 % par rapport à 2016.
Dans ce contexte, la France doit prendre sa juste part dans l'accueil des réfugiés. Elle doit délivrer des titres à tous ceux dont elle juge qu'ils ont droit à l'asile sur son territoire. Ceux qui, en revanche, ne remplissent pas les conditions pour se voir attribuer un tel titre et, en conséquence, demeurer sur notre territoire doivent pouvoir être effectivement reconduits à la frontière.
Tel était l'engagement du Président de la République, et les dispositions figurant dans ce projet de loi correspondent à l'équilibre annoncé : une meilleure efficacité des procédures pour un meilleur accueil des demandeurs d'asile.
Si certains points peuvent poser question, et nous aurons l'occasion d'en débattre dans l'hémicycle, le titre III, sur lequel notre commission est saisie pour avis, va dans le bon sens.
Il permettra l'amélioration des conditions d'intégration et d'accueil des étrangers en situation régulière. Il s'agit notamment de renforcer l'attractivité du territoire pour l'immigration hautement qualifiée, mais également de simplifier les procédures d'admission au séjour, tout en optimisant la lutte contre la fraude.
Si notre groupe soutient les dispositions contenues dans ce titre III, nous aurons plusieurs questions sur certains articles, en particulier sur les articles 23 et 30, sur lesquels nous avons déposé des amendements. Nous espérons que notre rapporteure pourra nous apporter son éclairage.
Notre commission s'est saisie pour avis du titre III du projet de loi pour une immigration maîtrisée et un droit d'asile effectif, qui sera examiné en commission des lois la semaine prochaine, nous permettant d'y apporter notre contribution. Permettez-moi de saluer le travail de notre rapporteure.
Nous partageons la philosophie générale et les grandes orientations de ce projet de loi qui, tout en prenant la mesure des grands défis migratoires qui sont devant nous, apportent des réponses équilibrées et nuancées.
Je pense en particulier au double impératif de la lutte contre l'immigration clandestine, et en particulier contre les réseaux de passeurs, mais également à l'enjeu de développement des pays d'origine en contribuant à leur stabilité économique, par le biais, entre autres, de l'aide publique au développement.
Les dispositions du titre III du projet de loi en son chapitre premier visent notamment à accroître l'attractivité de notre pays, particulièrement à destination des jeunes talents et personnes à haut potentiel. Nous ne pouvons que nous féliciter de ces mesures, dans un contexte de compétition mondiale pour la suprématie technologique. Il s'agit en outre d'un enjeu décisif pour un pays comme le nôtre, situé à la frontière technologique, et dont la croissance dépend en grande partie de notre capacité à innover.
Les évolutions relatives à certains titres de séjour prévues au chapitre II vont également dans le bon sens et simplifieront les démarches administratives, en rationalisant les procédures afin de clarifier sans attendre la situation des candidats à l'immigration.
Enfin, les dispositions spécifiques en matière de séjour prévues au chapitre III permettront de s'assurer que les bénéficiaires du séjour « visiteur » justifient des ressources suffisantes avant d'entrer dans notre pays.
Elles permettront également de renforcer le droit au séjour des personnes victimes de violences. Je pense en particulier à l'article 33, qui aligne le régime des personnes étrangères victimes de violences familiales sur celui des personnes victimes de violence conjugale ou de mariages forcés.
Notre groupe aborde d'un oeil favorable l'examen de ce projet de loi, dont nous partageons la philosophie, même si certains points restent à préciser – je pense en particulier à l'absence de dispositions sur les mineurs étrangers non accompagnés, ce que nous ferons par amendements lors de l'examen en commission des lois et en séance publique.
De l'humanité et de la fermeté que le Gouvernement prétendait concilier dans ce texte, nous ne voyons que la seconde. Il propose en effet un projet de loi répressif, qui rabote le droit d'asile, qui crée une immigration de luxe pour les multinationales et pour les catégories socio-professionnelles supérieures.
Jamais ces mesures n'ont été évoquées lors de la campagne présidentielle et lors de la campagne des législatives. Ni Emmanuel Macron ni les députés de la majorité n'ont de mandat du peuple pour voter cette loi. Ce projet est tellement déconnecté des valeurs d'humanité et des enjeux actuels concrets qu'il a déjà réussi à faire contre lui l'unanimité de tous les acteurs concernés, et pour cause : il n'y a rien dans cette loi pour l'immense majorité des étrangers qui vivent en France, régulièrement ou non, travaillent, étudient en France, ou dont les enfants sont scolarisés en France.
C'est une loi de violence contre les demandeurs d'asile et de mépris pour les étrangers. J'en veux pour preuve le fait que le « délai de rétention » devient de fait « délai de détention ».
Pour faire passer la pilule, le Gouvernement propose à sa majorité parlementaire de compenser un texte répressif et liberticide avec quelques micro-mesures pour améliorer le droit de séjour des étrangers qui ont obtenu le statut de réfugié, ainsi que celui de leur famille. Le rapport Taché, qui propose 600 millions d'euros d'investissement dans l'accueil et l'intégration des étrangers, nous paraît clairement insuffisant, y compris en termes de moyens.
Dans le débat sur la question migratoire, il manque toujours l'essentiel, depuis que nous légiférons sur le sujet. Nous ne parlons jamais, en effet, des causes des migrations. Or l'immigration est toujours une souffrance ; on ne quitte pas son chez soi par plaisir.
Nous ne parlons jamais des causes réelles de l'immigration, que nous pouvons endiguer. Je pense par exemple aux guerres, que la France peut contribuer à stopper, notamment en retrouvant une plus grande indépendance. Je pense à la question des accords commerciaux inégaux.
Je pense aussi et surtout à la question climatique. Aujourd'hui encore, des experts se sont prononcés, notamment sur la question des sols et de leur artificialisation. Les projections indiquent que, d'ici à 2050, entre 50 et 700 millions de personnes pourraient être poussées à la migration pour des raisons climatiques.
Voilà les vrais enjeux, qui ne sont jamais évoqués.
La parole est à M. Pierre Dharréville, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine (GDR).
Il y a quelques jours encore, je recevais dans ma permanence une jeune lycéenne kurde dont les frères, restés au pays, sont soumis aux difficultés que nous savons. J'y ai également reçu un homme à qui, après dix-sept ans de séjour en France, il est demandé de quitter le territoire.
Confronté à ces enjeux importants, notre pays doit répondre avec humanité, dans le respect du droit de chaque personne qui vit sur cette planète. Or le projet de loi qui nous est proposé accentue la mise sous contrôle, la logique de tri et la multiplication des obstacles. Il met en cause, pour une part, l'effectivité d'un certain nombre de droits fondamentaux. Pour nous, il ne permettra pas de relever les défis auxquels nous devons faire face.
Les dispositions de ce texte viennent limiter le droit d'asile. Elles rendent plus compliquée la reconnaissance de filiation. Elles offrent aux victimes de violence une protection qui nous paraît insuffisante, même si le projet de loi contient quelques éléments.
Nous remarquons en outre la volonté de revenir par ordonnance sur le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA). C'est une habitude fâcheuse. Nous protestons contre cette méthode, qui empêche le Parlement de faire pleinement valoir ses prérogatives.
Tant en commission qu'en séance publique, nous combattrons ce texte, qui suscite une large opposition dans la société, parmi les associations et les organisations syndicales. Toutes considèrent évidemment qu'il va dans la mauvaise direction et qu'il est dangereux pour notre pays. Nous relayerons ces opinions qui sont aussi les nôtres.
Je tiens à vous remercier, MadameWonner, pour votre aide et votre implication dans l'examen de ce texte. Nous partageons le même constat et la même ambition qui vise à mieux intégrer, et donc à enrichir ce texte s'agissant des mesures relatives à l'intégration.
Madame Corneloup, la fusion du document de circulation pour étranger mineur (DCEM) et du titre d'identité républicain (TIR) répond bien d'abord à une volonté de simplification. Vous êtes plusieurs à avoir évoqué l'important sujet des mineurs non accompagnés. La semaine dernière, nous avons auditionné l'Assemblée des départements de France (ADF). Certes, le nombre de mineurs non accompagnés qui frappent à la porte des départements augmente, mais ce n'est pas l'objet du présent texte. En outre, cette question relève de la protection de l'enfance et non du ministère de l'intérieur. Toutefois, comme ces sujets sont proches, j'ai présenté des propositions sur les mineurs non accompagnés qui deviennent majeurs.
La France est très engagée dans la lutte contre les filières de passeurs. Il y a quinze jours, j'ai accompagné le ministre de l'intérieur au Niger dans le cadre d'un sommet du G5 Sahel au cours duquel les pays de transit, les pays d'origine et de destination se sont retrouvés pour lutter efficacement contre les trafiquants d'êtres humains.
Je sais que des discussions sont en cours à propos du fichier national des jeunes déclarés majeurs. Mais comme je ne suis pas porte-parole du Premier ministre, je ne ferai aucune annonce en la matière.
Monsieur Vallaud, il faut effectivement régler plus rapidement les demandes d'asile des plus vulnérables. L'accélération des procédures est bien l'objet de ce projet de loi. L'augmentation des personnels de l'OFPRA permettra de traiter les dossiers plus rapidement. Comme vous l'avez dit, nous devons être vigilants quant aux moyens qui seront alloués.
Madame Elimas, la pression migratoire est forte, en effet. Je vous remercie d'avoir souligné que ce texte permettra d'améliorer les procédures, de lutter contre l'immigration clandestine et de simplifier les processus d'immigration régulière. Nous discuterons dans un instant de vos amendements.
Monsieur Christophe, je vous remercie pour votre soutien. Oui, l'aide publique au développement est importante. À cet égard, je vous renvoie aux travaux de la commission des affaires étrangères et aux conclusions du comité interministériel du 8 février dernier qui prend acte d'un axe prévoyant l'amélioration du développement économique des pays en développement et l'augmentation des moyens qui vont y être attribués.
Monsieur Quatennens, je m'étonne tout d'abord que vous ayez affirmé que nous n'aurions pas de mandat pour voter un texte sur les questions relatives à l'asile, à l'immigration, à l'intégration. Les parlementaires ne sont-ils habilités à discuter que de sujets figurant dans des projets présidentiels ? Cela me semble très réducteur et méprisant pour la fonction du député.
Les questions de sécurité et de développement économique ont été abordées lors du déplacement que j'ai effectué au Niger et sont traitées avec attention et sérieux par le Gouvernement. Toutefois, je crois que nous dépassons là le champ de notre saisine sur le titre III.
Monsieur Dharréville, vous l'avez dit, nous sommes face à des enjeux majeurs. Pour autant, je ne partage pas votre avis. Alors que l'examen des demandes d'asile peut durer jusqu'à quatorze mois, on peut affirmer collectivement, je crois, que la situation n'est pas adaptée et qu'il faut modifier les procédures. À cet égard, le texte apporte de réelles améliorations.
Enfin, le texte prévoit également de réelles avancées en ce qui concerne les violences conjugales, même si des points restent à éclaircir au cours du débat.
En matière d'immigration et d'asile, le monde nouveau n'est pas forcément le monde neuf dans ses pratiques. Ce texte fait l'unanimité contre lui. Conseil d'État, Défenseur des droits, associations : tous dénoncent ce projet de loi au mieux jugé inutile, la dernière loi datant de deux ans, au pire injustement répressif en opérant un tri entre les bons migrants relevant de l'asile et les autres.
En mélangeant des dispositions relevant du droit d'asile et du droit des étrangers, ce que nous nous sommes refusé de faire lors du précédent quinquennat en faisant adopter deux lois distinctes en 2015 et 2016, vous encouragez une confusion dans l'esprit de nos concitoyens. Si ce n'est volontaire, c'est en tout cas extrêmement maladroit, alors que sur ces questions nous devons avoir une éthique de responsabilité face à la montée des populismes.
Votre objectif est de réduire davantage les délais d'instruction des dossiers. Celui de la loi de 2015 était de ramener de vingt-quatre à neuf mois la durée de traitement. Après dix-huit mois, nous en sommes à onze mois de délai de traitement, preuve de l'efficacité du dispositif. En l'abaissant à six mois, vous allez mettre en place un traitement expéditif, multipliant les obstacles pour des populations totalement vulnérables et qui seront incapables, vous le savez, de relever ces exigences. Le coeur du problème est là : c'est un texte où il est davantage question de mieux expulser que de mieux accueillir.
Vous l'aurez compris, ce projet ne répond pas à l'ampleur des besoins humains fondamentaux auxquels nous sommes confrontés. Pire, il va générer davantage de situations humaines dramatiques contraires aux valeurs universelles défendues par notre pays.
Je conclurai par un chiffre et une question : en 2017, 305 adolescents, enfants, et parfois même nourrissons, ont été enfermés dans des centres de rétention avec des conditions de vie très difficiles, soit 7,6 fois plus qu'en 2013. Et je n'oublie pas les 4 285 mineurs à Mayotte. Les mesures contenues dans ce texte leur permettront-elles désormais de passer au maximum 90 jours dans de telles conditions ?
Ce texte traite globalement des dispositifs d'accueil des étrangers en situation régulière, notamment de l'immigration professionnelle. Le problème n'est pas tellement la faiblesse de l'immigration professionnelle mais le fait qu'elle comble mal les besoins du marché du travail. C'est du moins le constat d'une étude de l'OCDE qui date de novembre dernier et que vous connaissez, madame la rapporteure.
La véritable question est donc de savoir si nous disposons de tous les instruments pour identifier nos besoins et si le filtrage des demandes par l'administration se fait selon de bons critères, notamment pour les métiers en tension.
Le rapport de l'OCDE posait comme injonction de moderniser les instruments de politique publique pour qu'ils répondent en temps réel aux besoins du marché du travail. Or les réponses apportées dans ce texte ne suffisent pas ou ne semblent pas en tout cas obéir à cette logique. Le projet de loi se concentre sur les étrangers les plus diplômés, ce qui est très bien, mais la France est déjà la cinquième destination des étudiants parmi les pays de l'OCDE et on ne peut pas dire qu'elle manque d'attractivité en la matière. C'est même une chance connue et reconnue par notre pays.
Ce texte n'apporte aucun élément sur le diagnostic des besoins de notre marché du travail, dont on sait qu'il est aussi marqué par un chômage important. D'où l'impérieuse nécessité de cibler nos besoins tout en évitant de pénaliser les pays d'origine qui risquent de se voir ainsi privés d'une partie de leurs cerveaux, de leur intelligence.
Quelques mots enfin sur les mineurs étrangers, qui ne sont pas des migrants comme les autres. Les départements font tout ce qu'ils peuvent pour les mettre à l'abri, que ce soit dans les services de l'aide sociale de l'enfance ou ailleurs avec les moyens du bord. Mais leur nombre ne cesse de croître. Selon l'Assemblée des départements de France, en un an le nombre de jeunes accueillis a ainsi augmenté de 85 %. Aussi pourquoi ce texte ne va-t-il pas plus loin et ne prévoit-il pas des mesures pour lutter contre les filières ? Pourquoi ne pas reprendre les propositions du rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et de l'Inspection générale des finances (IGF) préconisant de créer un fichier national des jeunes déclarés majeurs à l'issue de leur évaluation par un département ? Il convient de prendre des mesures dans ce domaine pour pouvoir les accueillir dans de bonnes conditions.
Madame la rapporteure, le maire est chargé de signer le certificat d'hébergement des personnes étrangères qui viennent en France pour une durée inférieure à trois mois, et qui sont accueillies dans une famille étrangère en situation régulière dans notre pays. Pour ce faire, il doit se renseigner sur la surface du domicile ainsi que sur les moyens financiers de la personne qui reçoit. Mais au terme des trois mois, les maires ne savent pas ce que sont devenues ces personnes. Parfois, celles-ci ne sont pas reparties. Elles disparaissent sur le territoire, soit localement, soit plus loin, et se retrouvent en situation irrégulière. Elles vont alors voir les associations, et à nouveau les maires pour leur demander d'agir afin d'obtenir un certificat de demande d'asile etc. Une longue période d'irrégularité du séjour commence…
Pourquoi les maires ne seraient-ils pas informés au bout de trois mois sur le sort de ces personnes pour lesquelles ils ont signé un certificat conditionnant l'entrée sur le territoire ? C'est une question que j'ai souvent posée, mais à laquelle je n'ai jamais obtenu de réponse.
Ma question porte sur la nécessaire consultation qui aurait dû avoir lieu avec les associations qui travaillent sur le droit d'asile depuis très longtemps. L'élaboration de ce texte a-t-elle donné lieu à une véritable concertation, sérieuse et approfondie, avec le Gouvernement ?
Je m'étonne que l'on évoque, dans un même texte, à la fois l'immigration et le droit d'asile. Je rappelle que ce dernier est défini très précisément et qu'il figurait déjà dans la Constitution de 1793. Comment ces deux concepts très différents peuvent-ils se trouver ainsi mêlés ?
Je suis heureux que l'on puisse aborder en commission des affaires sociales la refonte de la politique d'intégration dont nous avons cruellement besoin – même si je regrette que certains amendements n'aient pas été retenus du fait de l'article 40 de la Constitution. Nous avons besoin de moyens, en effet, pour faire évoluer cette politique.
Il faut commencer par perdre moins de temps pour permettre aux étrangers d'apprendre le français ou de travailler, car cela a des répercussions extrêmement importantes sur leur intégration. Si nous voulons, et je crois que nous partageons tous ici cet objectif, que le regard de nos citoyens évolue collectivement et positivement sur l'accueil des étrangers en France et la place qu'ils occupent dans notre pays, nous devons nous donner les moyens de parvenir à une intégration beaucoup plus forte et plus précoce. Il faudrait ainsi faire démarrer les cours de français aussitôt après l'enregistrement de la demande d'asile. Je ne doute pas que l'on trouvera, d'une manière ou d'une autre, le moyen d'introduire de telles dispositions dans le projet de loi.
Actuellement, la question de l'insertion professionnelle n'est pas du tout prise en compte dans la politique d'intégration. Une fois que les étrangers ont obtenu leur titre de séjour, on les envoie vers Pôle emploi sans savoir ce qu'ils faisaient dans leur pays ni ce qu'ils souhaitent faire dorénavant, ou encore sans s'interroger sur la manière dont on pourrait valoriser leurs compétences et leurs diplômes. L'accès à l'emploi, à l'autonomie pour les étrangers que nous faisons le choix d'accueillir, est à mon avis absolument central. J'espère que nous sommes nombreux à partager cet objectif.
Madame Biémouret, nous n'avons pas la même lecture de l'avis du Conseil d'État et de celui du Défenseur des droits, même s'il y a des points d'attention qu'il nous appartient de suivre. En réduisant le délai de demande d'asile à six mois, notre objectif est bien d'accorder ce statut plus rapidement pour les plus vulnérables et d'orienter ceux qui ne peuvent pas y prétendre vers l'accès à des titres de séjour adaptés.
S'agissant des mineurs non accompagnés, la priorité est bien de les protéger. Quant au cas particulier des mineurs non accompagnés à Mayotte, une question pourrait être adressée au ministre.
Monsieur Perrut, vous évoquez le rapport de l'OCDE sur l'immigration professionnelle. Je partage en partie votre analyse. Le projet de loi prévoit effectivement de réformer par ordonnances les autorisations de travail. J'ai d'ailleurs auditionné la semaine dernière des représentants du MEDEF et de la Direction générale de l'emploi et de la formation professionnelle. S'agissant des étudiants et des chercheurs, il ne faut pas se satisfaire de la situation actuelle, car la compétition est internationale. En la matière, il est important que la France se maintienne à niveau.
Monsieur Door, vous appelez mon attention sur les certificats d'hébergement que doivent signer les maires. C'est un sujet que je n'avais pas à l'esprit. Je ne peux donc pas vous apporter de réponse. Cette question pourra être adressée la semaine prochaine au ministre en commission des lois.
Madame Dubié, le ministère de l'intérieur est bien évidemment en contact avec les associations, mais ce qui est important, c'est ce qui se fait ici, au Parlement, puisque c'est notre action en tant que députés qui est importante. La commission des affaires sociales a auditionné, seule ou conjointement avec la commission des lois, des associations spécialisées sur les questions d'immigration, et je peux vous dire que beaucoup de nos collègues ont assisté à ces auditions.
Monsieur Taché, je vous remercie à nouveau pour les conclusions de votre rapport qui nous ont permis de nourrir la réflexion sur ce projet de loi. Comme vous, je regrette le couperet de l'article 40, car nombre de dispositions que vous proposez sont très intéressantes. Vous avez à nouveau fait part de votre souci d'améliorer l'apprentissage du français et de favoriser l'insertion professionnelle. Ce sont des préoccupations que nous partageons et sur lesquelles j'ai essayé de travailler au maximum dans mon rapport. Je précise qu'Alain Régnier est le nouveau délégué interministériel à l'intégration des personnes réfugiées et qu'il pourra porter les sujets qui ne sont pas d'ordre législatif.
La commission en vient à l'examen des articles du projet de loi.
Avant l'article 20
La commission est saisie de l'amendement AS47 de Mme Martine Wonner.
Cet amendement vise à modifier l'intitulé du titre III afin d'inscrire la nécessité d'instituer un suivi et un accompagnement à l'étranger en situation régulière et d'insérer une dimension de recherche d'efficacité dans les procédures d'accueil et d'intégration.
La commission adopte l'amendement.
Article 20
La commission examine l'amendement AS48 de Mme Martine Wonner.
Cet amendement vise à éviter toute incohérence dans l'application que les services pourraient faire de l'extension du titre « passeport talent » aux entreprises innovantes reconnues par un organisme public. Il permet de clarifier la procédure d'attribution du label. Les critères seront définis par décret et la liste publiée par le Gouvernement.
Cet amendement qui vise à préciser les modalités d'application de l'extension du titre « passeport talent » aux entreprises innovantes reconnues par un organisme public me paraît bienvenu. Avis favorable.
La commission adopte l'amendement.
Puis elle en vient à l'amendement AS49 de Mme Martine Wonner.
L'article 20 du projet de loi étend le bénéfice du « passeport talent (famille) » aux enfants du couple, portant ainsi plus loin la logique du regroupement familial. Il nous a semblé important de préciser que les enfants du conjoint dont ce dernier a la charge sont bien concernés par cet article.
Cet amendement vise à préciser la portée du regroupement familial pour le chercheur ou le salarié qualifié détenteur de la carte bleue européenne.
La rédaction actuelle ne semble envisager que le regroupement familial des enfants du couple. L'amendement prévoit le cas particulier des enfants du conjoint. Je ne peux qu'y souscrire puisqu'il s'agit de la stricte conformité à la définition des « membres de la famille » concernés par le regroupement familial. Cette définition est donnée par l'article 4, paragraphe 1, de la directive 200386CE relative au regroupement familial.
Cela étant, la rédaction pourrait encore souffrir d'une ambiguïté supplémentaire. Il serait fait référence aux enfants du couple, à ceux du conjoint mais sans mention expresse des enfants du titulaire du titre de séjour.
Je vous propose donc de retirer votre amendement en vue d'une rédaction plus complète.
L'amendement est retiré.
La commission étudie l'amendement AS5 de M. Max Mathiasin.
Cet amendement vise à éviter que la France ne s'accapare les talents de certains pays de façon durable. S'il y a des pays d'où l'on part, il ne faudrait pas que l'on crée un effet d'attraction massive revenant à dépouiller ces pays et amplifier les causes de départ.
L'objectif de la carte de séjour pluriannuelle portant la mention « passeport talent » est de permettre à l'étranger d'obtenir un complément d'expérience professionnelle, d'effectuer des travaux de recherche ou de dispenser des cours le temps de la durée de validité de la carte, qui est de quatre ans.
La France ne doit pas avoir pour stratégie de piller les talents des autres pays, en particulier des pays peu développés. Au contraire, elle doit les aider en formant des universitaires, des techniciens, des cadres qui, de retour dans leur pays, participeront à son développement.
Je suis très sensible à cet amendement. Toutefois, il appelle de ma part plusieurs réponses.
La mesure vise avant tout à simplifier la procédure pour les personnes qui souhaitent s'installer en France et qui possèdent des talents particuliers dont nous pouvons avoir besoin. Elle vise à réduire les obstacles administratifs.
Rappelons également que le « passeport talent » est une carte pluriannuelle qui n'est pas définitive. On peut aussi imaginer que la personne puisse retourner dans son pays d'origine à l'expiration du titre de séjour.
Plutôt que de construire des barrières afin d'empêcher les personnes qui le souhaitent de venir dans notre pays, il faut soutenir davantage le développement des pays d'origine. Cela passe par les accords internationaux, l'aide publique au développement, autant d'instruments qui ne relèvent pas du présent texte. Je vous renvoie à cet effet au relevé de conclusions du dernier Comité interministériel de la coopération et du développement. Un volet sur le soutien à l'enseignement supérieur et la recherche prévoit l'augmentation de la participation française au partenariat mondial pour l'éducation à hauteur de 200 millions d'euros sur trois ans, et 100 millions d'euros de subvention additionnelle sur l'éducation de base via l'Agence française de développement.
Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle en vient à l'amendement AS6 de M. Max Mathiasin.
Comme je m'attendais à ce que l'amendement précédent soit rejeté, nous avions déposé un amendement de repli qui vise à participer à la formation de talents qui viendront, à l'issue de leur séjour en France, enrichir leur pays d'origine et participer à son développement.
Je vous renvoie aux arguments que je viens de vous donner sur l'amendement précédent. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle émet un avis favorable à l'adoption de l'article 20 modifié.
Article 21
La commission étudie l'amendement AS1 de M. Alain Ramadier.
Cet amendement prévoit que la possibilité offerte à un étudiant étranger d'obtenir un titre de séjour temporaire en France au terme de ses études soit a minima corrélée à la fin desdites études. Il est donc proposé de faire passer le délai de quatre à deux ans. Cela nous semble raisonnable et participe de la nécessité pour l'étudiant concerné de réfléchir, avant le terme de ses études, à son projet de vie post-étudiant.
Cet amendement vise à réduire de quatre à deux ans la possibilité pour un étudiant ou un chercheur étranger diplômé en France retourné dans son pays d'origine de solliciter un séjour temporaire pour compléter sa formation par une première expérience professionnelle ou projeter de créer une entreprise. Le texte du projet vise à faciliter la mobilité des étudiants ou des chercheurs. La compétition entre les pays est rude, et il convient de ne pas mésestimer cet aspect. Il faut donner envie aux personnes qui le souhaitent de pouvoir rester et les encourager dans leur projet professionnel. C'est un élément d'attractivité supplémentaire.
Je rappelle que, selon une étude de Campus France, 45 % des étudiants étrangers actuellement en France avaient hésité avec d'autres pays au moment de leur choix, ce qui montre la nécessité de valoriser les éléments favorables du droit au séjour des étudiants dans une perspective d'attractivité.
Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle émet un avis favorable à l'adoption de l'article 21 sans modification.
Article 22
La commission est saisie de l'amendement AS2 de M. Alain Ramadier.
Cet amendement vise à faire en sorte que le dispositif prévu par cet article ne soit pas détourné à d'autres fins que les siennes en proposant de passer de trente à vingt-six l'âge jusqu'auquel un jeune au pair peut bénéficier du statut protecteur. Si donner un statut protecteur aux jeunes au pair peut s'avérer en effet une très bonne chose, il convient de mieux encadrer les conditions d'accès et donc de veiller à ne pas l'élargir à des niveaux d'âge peu pertinents.
Selon les informations que j'ai pu obtenir auprès d'organismes et d'associations de jeunesse s'occupant de l'accueil des jeunes au pair, la plupart ont entre dix-huit et dix-neuf ans, rarement au-delà de vingt-six ans. Les jeunes au pair viennent en général au tout début de leurs études supérieures pour acquérir une première véritable expérience culturelle. Donner un tel statut jusqu'à l'âge de trente ans n'a donc pas de sens.
Votre amendement contrevient à la directive 2016801 qui concerne notamment les jeunes au pair. Son article 16 prévoit en effet que la population des jeunes au pair est âgée de dix-huit à trente ans. Il en résulterait une inégalité de traitement entre pays de l'Union européenne constituant une discrimination. L'amendement ne peut donc être adopté car il serait sans aucun doute contraire au droit de l'Union européenne.
Avis défavorable.
L'amendement est retiré.
La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 22 sans modification.
Avant l'article 23
La commission examine l'amendement AS67 de la rapporteure.
Comme je l'ai souligné tout à l'heure dans mon propos liminaire, nous devons éviter les ruptures de parcours lorsque des étrangers mineurs non accompagnés atteignent l'âge de la majorité, notamment du point de vue de leur situation administrative. Je vous propose de faire évoluer le code de l'action sociale et des familles afin de mieux l'adapter à la réalité des parcours.
L'amendement AS67 modifie ainsi les modalités de l'entretien organisé au nom du président du conseil départemental avec tout mineur confié à l'aide sociale à l'enfance : cet entretien pourra avoir lieu dès l'âge de 16 ans et il permettra d'examiner la situation administrative du mineur au regard du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile – à l'heure actuelle, seul est prévu un examen des besoins en matière éducative, de santé, de logement, de formation, d'emploi et de ressources au cours d'un entretien réalisé un an avant la majorité. Cette évolution vise à mieux anticiper le passage à la majorité.
En conséquence, l'amendement modifie aussi les dispositions relatives au protocole conclu entre tous les acteurs concernés pour offrir aux jeunes de seize à vingt et un ans une réponse globale en matière éducative, culturelle, sociale, de santé, de logement, de formation, d'emploi et de ressources. Ce protocole aurait aussi vocation à concerner la « situation administrative ».
Cette démarche est fidèle à l'esprit du présent projet de loi et, plus particulièrement, de son titre III, qui consiste à améliorer les conditions d'intégration et d'accueil des étrangers. Plus largement, cet amendement s'inscrit dans la nécessité de sécuriser les parcours, notamment dans le cadre de l'aide sociale à l'enfance.
La commission adopte l'amendement.
Puis elle est saisie de l'amendement AS28 de Mme Jeanine Dubié.
Mon amendement concerne l'accès au séjour des mineurs non accompagnés devenus majeurs qui sont engagés dans un parcours de formation.
Une fois pris en charge par les services départementaux de l'aide sociale à l'enfance, les mineurs non accompagnés s'engagent dans des parcours de formation professionnelle où ils obtiennent le plus souvent de très bons résultats. Néanmoins, ils rencontrent d'importantes difficultés lorsqu'ils deviennent majeurs, ce qui entrave leur parcours d'insertion professionnelle.
Je vous propose d'harmoniser les conditions d'octroi des titres de séjour à leur majorité, quel que soit l'âge auquel ils sont arrivés en France. L'examen du droit au séjour ne devrait prendre en compte que les critères de l'engagement dans un parcours de formation et de la volonté d'insertion. Beaucoup d'argent public est consacré à l'accueil de ces jeunes et à leur formation professionnelle : il est dommage de ne pas valoriser ce capital humain à leur majorité.
Je partage bien sûr votre préoccupation. C'est pourquoi j'ai déposé deux amendements qui visent, d'une part, à anticiper la sortie de l'aide sociale à l'enfance en systématisant l'examen de la situation administrative lors de l'entretien organisé par le conseil départemental, qui aura désormais lieu dès l'âge de 16 ans, et d'autre part, à supprimer la condition de six mois de formation pour les mineurs confiés à l'aide sociale à l'enfance après l'âge de 16 ans – nous allons en reparler. Je donne donc un avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Elle en vient en suite à l'amendement AS68 de la rapporteure.
Cet amendement tend à uniformiser la situation des mineurs confiés à l'aide sociale à l'enfance (ASE) : aujourd'hui, les conditions d'attribution des titres de séjour à leur majorité diffèrent selon qu'ils ont été pris en charge avant ou après 16 ans.
Pour ceux confiés à l'ASE entre 16 et 18 ans, une admission exceptionnelle au séjour peut être décidée s'ils suivent une formation professionnelle depuis au moins six mois, en fonction de la nature des liens avec leur famille, restée dans le pays d'origine, et de l'avis de la structure d'accueil sur leur insertion.
Je vous propose de supprimer la durée minimale de formation qui est requise à l'heure actuelle, car cette condition peut aboutir à l'interruption d'une formation qualifiante, faute de titre de séjour, et cela n'incite pas les entreprises à proposer des formations à des mineurs particulièrement motivés.
La commission adopte l'amendement.
Article 23
La commission examine les amendements identiques AS11 de Mme Marietta Karamanli et AS62 de Mme Nathalie Elimas.
Par l'amendement AS11, nous demandons la suppression de l'article 23, qui est très restrictif. Il interdirait, en effet, à un étranger débouté de sa demande d'asile de solliciter un autre titre de séjour « sauf circonstances nouvelles ». Le but est, par exemple, de faire obstacle à des demandes de titre de séjour liées aux conditions de santé des étrangers
Sur le fond, cette mesure est parfaitement inique. Le Défenseur des droits a regretté dans son avis sur ce projet de loi que « la formulation retenue par le Gouvernement pour ce faire tend[e], une nouvelle fois, à pénaliser le demandeur d'asile au détriment du respect de ses droits les plus fondamentaux ».
Sur le plan des conséquences concrètes, cette mesure conduirait à placer les demandeurs d'asile dans une situation moins favorable que les étrangers en situation irrégulière sollicitant leur admission au séjour. Pour le Défenseur des droits, ce serait une « situation inédite dans l'ordonnancement juridique interne ».
Cette mesure porterait atteinte aux droits des étrangers malades : selon un rapport de l'IGAS datant de 2013, « la proportion, parmi les étrangers admis au séjour pour raisons médicales, de personnes déboutées de l'asile atteindrait, dans certaines préfectures, les 90 % ».
Enfin, compte tenu du caractère particulièrement flou de la notion de « circonstances nouvelles », la rédaction de l'article 23 est entachée d'incompétence négative.
Cet article du projet de loi prévoit qu'un étranger ayant déposé une demande d'asile et souhaitant solliciter par ailleurs un titre de séjour devra effectuer cette seconde démarche en parallèle.
Alors qu'il ne s'agit aujourd'hui que d'une simple possibilité offerte aux demandeurs d'asile, l'article 23 imposera de faire une double demande, ce qui incitera un grand nombre de personnes, désireuses de maximiser leur chance d'obtenir un droit de maintien sur le territoire français, à déposer parallèlement à leur demande d'asile une demande de titre de séjour, même infondée. Cela conduira à allonger considérablement le délai de traitement des demandes par les préfectures, sans que des moyens supplémentaires soient prévus et sans que l'articulation entre les demandes d'asile et de séjour déposées concomitamment soit clarifiée.
En subordonnant la recevabilité d'une demande de séjour déposée hors délai à l'existence de « circonstances nouvelles » qui ne sont pas définies, l'article 23 ne permet pas de garantir aux demandeurs d'asile une sécurité juridique suffisante : ils ne pourront pas prévoir raisonnablement la recevabilité de leur demande au-delà du délai fixé.
Nous demandons la suppression de cet article du projet de loi afin de permettre le dépôt d'une demande de titre de séjour après l'introduction d'une demande d'asile, tant que dure cette procédure et une fois qu'elle est terminée, sans avoir à justifier de « circonstances nouvelles ».
Une expérimentation du dispositif proposé à l'article 23 pourrait éventuellement être conduite dans certaines préfectures afin d'en évaluer la faisabilité et l'intérêt.
Les demandes de titres de séjour interviennent souvent après le rejet des demandes d'asile.
L'article 23 n'est pas « restrictif » : il n'est pas question d'empêcher un étranger de solliciter un titre de séjour. En revanche, cette demande devra être faite concomitamment à la procédure d'asile. Grâce à un examen simultané, nous éviterons que les préfectures soient saisies de demandes successives d'une même personne.
Le projet de loi prévoit notamment une information sur la délivrance des titres de séjour et sur les conséquences que pourrait entraîner l'absence de demande en la matière. Il existe donc des garde-fous. Par ailleurs, des « circonstances nouvelles » permettront de déposer par la suite une demande d'admission au séjour. Il s'agit notamment d'éléments nouveaux relatifs à la maladie, à l'obtention d'un contrat de travail ou à l'évolution de la cellule familiale, c'est-à-dire tout élément inconnu au moment du dépôt de la demande d'asile.
Je donne donc un avis défavorable.
Même si ce n'est pas tout à fait le même sujet, je voudrais préciser que nous serons également attentifs à la simplification des titres de séjour – on en compte 17 aujourd'hui. Il faut que les demandeurs d'asile soient en mesure de comprendre vraiment ce qui est possible pour eux.
La commission rejette ces amendements.
Elle est ensuite saisie de l'amendement AS20 de Mme Marietta Karamanli.
Il s'agit d'un amendement de repli.
L'article 23 du projet de loi vise à interdire à un étranger débouté de sa demande d'asile de solliciter un titre de séjour « sauf circonstances nouvelles », je l'ai dit. En apparence généreuse, cette disposition est en réalité cynique : elle vise à faire obstacle à des demandes de séjour liées, notamment, aux conditions de santé de l'étranger.
Par ailleurs, cet article du projet de loi circonscrit la demande de titre de séjour dans le temps, puisqu'elle devra être déposée concomitamment à la demande d'asile. Les demandeurs d'asile se trouveront alors dans une situation moins favorable que les étrangers en situation régulière sur le territoire qui sollicitent leur admission au séjour, ces derniers pouvant déposer leur demande au moment qu'ils jugent le plus propice.
Enfin alors même que le CESEDA ne précise pas que le titre de séjour ne peut pas être refusé au motif qu'une demande d'asile est en cours ou a été rejetée, cette pratique de refus systématique est courante dans certaines préfectures, ainsi que l'a relevé le Défenseur des droits dans son avis du 15 mars dernier. Notre amendement tend à préciser que ce motif de refus d'un titre de séjour est illégal.
La commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement AS43 de M. Brahim Hammouche.
L'article 23 impose à un étranger qui a déposé une demande d'asile et souhaite solliciter par ailleurs un titre de séjour pour un autre motif d'effectuer cette démarche parallèlement à sa demande d'asile. Une telle possibilité existe déjà, mais elle est peu utilisée en pratique. Cet article du projet de loi fixe des modalités tantôt trop restrictives tantôt imprécises : le délai de dépôt de la demande serait ainsi déterminé par un décret en Conseil d'État ; au-delà de ce délai, les personnes déboutées du droit d'asile qui souhaiteraient déposer une demande de titre de séjour devront justifier de « circonstances nouvelles » sans que le texte les définisse. Le flou de cette condition ne permet pas d'en connaître dès à présent la portée effective. Enfin, l'impact sur les services des préfectures de l'examen simultané des demandes d'asile et de titres de séjour n'a pas été évalué. Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de l'alinéa 2 de l'article 23.
Je donne un avis doublement défavorable, d'une part pour les mêmes raisons que précédemment et d'autre part parce que subsisterait l'alinéa 3, qui prévoit un décret en Conseil d'État, sans qu'il y ait un dispositif à appliquer.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle est saisie de l'amendement AS44 de M. Brahim Hammouche.
À titre de repli, je propose de rédiger ainsi la fin de l'alinéa 2 de l'article 23 : lorsqu'un étranger « présente une demande d'asile qui relève de la compétence de la France, l'autorité administrative, après l'avoir informé des motifs pour lesquels une autorisation de séjour peut être délivrée, l'invite à indiquer s'il estime pouvoir prétendre à une admission au séjour à un autre titre et, dans l'affirmative l'invite à déposer sa demande concomitamment à sa procédure d'asile. La sollicitation de la délivrance d'une carte de séjour pourra se faire tout au long de la procédure d'asile et après le rejet définitif de sa demande s'il remplit l'ensemble des conditions prévues par le présent code. »
Un certain nombre de demandeurs d'asile sont déboutés parce qu'ils ne remplissent pas les conditions requises : il peut être utile de traiter leur demande d'admission au séjour au plus tôt, sans avoir à attendre indéfiniment, au risque de les voir basculer dans une situation irrégulière. Contrairement à ce que prétend l'exposé sommaire de l'amendement, l'article 23 n'est pas restrictif, pour les raisons que j'ai développées à propos des amendements AS11 et AS62. Par conséquent, je donne un avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Elle en vient ensuite à l'amendement AS26 de Mme Jeanine Dubié.
Je voudrais présenter ensemble mes amendements AS26 et AS32 car ils vont dans le même sens.
L'article 23 prévoit qu'un étranger ayant déposé une demande d'asile et voulant solliciter par ailleurs un titre de séjour pour un autre motif doit effectuer cette seconde démarche parallèlement à la première, ce qui pose un certain nombre de problèmes.
Tout d'abord, cette mesure porte atteinte aux droits de certaines catégories de demandeurs d'asile : les personnes « dublinées » n'auraient pas à être informées de leur droit de déposer en parallèle une demande de titre de séjour, droit dont elles disposent aujourd'hui, et le dépôt de leur demande serait encadré par un délai fixé ultérieurement par décret en Conseil d'État. Les personnes qui souhaiteraient déposer une demande au-delà de ce délai devront alors justifier de « circonstances nouvelles ».
C'est un enjeu essentiel : une personne faisant l'objet d'une mesure d'éloignement fondée sur le rejet de sa demande d'asile ne pourra plus solliciter un titre de séjour au-delà de ce délai. Cette disposition paraît difficilement conciliable avec le droit au respect de la vie privée et familiale tel qu'il est garanti par l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Cela crée par ailleurs une rupture d'égalité de traitement entre les étrangers selon qu'ils ont été ou non demandeurs d'asile par le passé.
Mes amendements visent à supprimer le délai prévu à l'article 23 afin de permettre une demande de titre de séjour après le dépôt de la demande d'asile, tant que la procédure est en cours et une fois qu'elle est clôturée. Par ailleurs, un étranger demandant l'asile devra être directement informé par l'autorité administrative de la possibilité d'autres types de demandes.
La commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements AS32 de Mme Jeanine Dubié et AS33 de Mme Caroline Fiat.
Le droit international ou européen ne doit pas s'appliquer uniquement en matière commerciale. Combien de fois avons-nous entendu le Gouvernement et sa majorité justifier l'austérité, la casse du service public et les privatisations par l'engagement de la France à respecter le dogme des 3 % ? Nous aimerions qu'il y ait des voix aussi nombreuses pour dénoncer un projet de loi qui va à l'encontre des engagements de la France en matière de respect des droits humains, comme le fait ce texte.
Il contrevient en effet, sur plusieurs points, au droit communautaire et au droit international, notamment l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3 de la Convention internationale relative aux droits de l'enfant de 1989. Ce texte déshonore notre patrie et trahit tant notre histoire républicaine que notre tradition d'accueil. L'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne prévoit, par ailleurs, un droit à une bonne administration, qui s'applique à tout moment à tous les administrés d'un pays signataire de cette charte. La France en étant signataire, toute personne présente sur le territoire national et souhaitant demander le droit au séjour ou son renouvellement doit être libre de pouvoir présenter une demande en bonne et due forme auprès de l'administration. Elle ne saurait en être empêchée par quelque mesure restrictive que ce soit. Ce droit de saisine de l'administration par tous les administrés a même été consacré par le code des relations entre le public et l'administration. Or, par diverses mesures contenues dans ce projet de loi, le Gouvernement entend restreindre ce droit. Pour notre part, nous souhaitons au contraire le préserver.
Suivant l'avis défavorable de la rapporteure, la commission rejette successivement ces amendements.
Puis elle émet un avis favorable à l'adoption de l'article 23 sans modification.
Après l'article 23
La commission est saisie de l'amendement AS69 de la rapporteure.
Nous en venons à un sujet que j'ai déjà abordé dans mon exposé liminaire et que notre collègue Aurélien Taché a traité dans son rapport. Mon amendement élève au niveau législatif les conditions dans lesquelles la formation au français est organisée dans le cadre du contrat d'intégration républicaine – ces dispositions figurent aujourd'hui dans la partie réglementaire du CESEDA, en son article R. 311-24. Par ailleurs, la durée de la formation pourra être modulée selon l'état d'apprentissage du français par l'intéressé, sans dépasser une durée maximale, tous les étrangers ne se trouvant pas au même niveau d'apprentissage, il peut être utile de prévoir deux volumes d'heures de cours distincts. La poursuite de la formation serait ainsi axée sur les personnes pour lesquelles un besoin existe réellement. Des échanges sont en cours pour parvenir à une rédaction de compromis en retirant certains éléments qui relèveraient trop strictement du domaine réglementaire, mais il me paraît nécessaire d'adopter dès maintenant cet amendement qui constitue un signal important.
Je ne peux que féliciter notre rapporteure de nous avoir proposé cet amendement. Mon groupe le votera.
La commission adopte l'amendement.
Article 24
La commission examine l'amendement AS21 de Mme Marietta Karamanli.
L'article 24 du projet de loi vise à simplifier le régime de délivrance des documents de voyage pour étrangers mineurs en fusionnant le titre d'identité républicain (TIR) et le document de circulation pour étranger mineur (DCEM). Néanmoins, cette réforme ne permet pas de clarifier certaines situations compliquées qui découlent du droit actuel.
Nous proposons que le DCEM soit délivré aux mineurs malades soignés en France et accompagnés d'un parent titulaire d'un titre de séjour délivré dans ce cadre. En effet, il est logique que ces derniers ne soient pas les seuls détenteurs d'un titre de séjour régulier permettant de circuler dans notre pays.
Nous considérons par ailleurs que l'extension de la délivrance du DCEM aux enfants recueillis par kafala est rendue nécessaire par le traitement moins favorable dont bénéficient ces enfants par rapport à des mineurs d'autres nationalités. Les refus de DCEM pour des enfants algériens et marocains recueillis par kafala sont aujourd'hui fréquents, car ils n'entrent pas dans le régime de délivrance des DCEM.
Je rappelle que la kafala est un engagement, figurant dans le droit de plusieurs pays, selon lequel un enfant mineur est pris en charge sans qu'un lien de filiation soit créé. Ce sont des décisions prises par un juge en Algérie ou au Maroc sur le territoire de l'un de ces deux pays qui sont censées s'appliquer en France en vertu de la convention franco-marocaine du 5 octobre 1957 et de la convention franco-algérienne du 27 août 1964.
Votre amendement concerne tout d'abord un mineur malade dont un parent bénéficie d'une autorisation provisoire de séjour afin de l'accompagner. Je ne comprends pas l'ajout que vous proposez dans la mesure où votre amendement vise l'article L. 311-12 du CESEDA qui renvoie lui-même au 11° de l'article L. 313-11, lequel prévoit l'attribution de droit d'une carte de séjour temporaire. Nul besoin, par conséquent, d'attribuer un document de circulation.
En ce qui concerne la kafala, les ressortissants algériens ne sont pas concernés par le CESEDA mais par un accord bilatéral : il y aurait donc une incohérence avec votre amendement. Il est par ailleurs possible de se voir reconnaître la kafala en tant que titulaire d'une délégation d'autorité parentale, ce qui peut conduire à la délivrance du DCEM, sans que ce soit automatique pour autant.
Pour toutes ces raisons, j'émets un avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle émet un avis favorable à l'adoption de l'article 24 sans modification.
Article 25
La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 25 sans modification.
Article 26
La commission examine l'amendement AS50 de Mme Martine Wonner.
Par cet amendement, je souhaite préciser à l'alinéa 2 de l'article 26 que la visite médicale réalisée par le médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) doit comporter un repérage des troubles psychiques. Nous avons affaire à des personnes particulièrement vulnérables du fait de leur parcours. Il peut paraître évident qu'un médecin de l'OFII évalue la souffrance psychique, mais il me semble que ça va mieux en le disant.
J'ai dit tout à l'heure mon attention particulière aux personnes vulnérables. Les troubles psychiques constituant des vulnérabilités, je donne bien sûr un avis favorable.
La commission adopte l'amendement.
Elle est ensuite saisie de l'amendement AS34 de Mme Caroline Fiat.
En plus de contrevenir aux engagements internationaux de la France, par la remise en cause de certains droits humains, le Gouvernement entend déroger aux règles de droit commun de la protection sociale. L'alinéa 4 de l'article 26 permettrait ainsi à l'OFII de maintenir en activité des médecins recrutés sur contrat jusqu'à 73 ans.
C'est à nos yeux un cavalier législatif car une telle mesure ne doit pas relever de ce texte. Il y a en outre un problème de fond. Cette dérogation à l'âge légal de départ à la retraite dans la fonction publique, qui est de 67 ans, n'a fait l'objet d'aucune motivation ni d'aucune étude d'impact. Repousser l'âge de départ à la retraite pose un problème global en matière d'accès à l'emploi mais aussi de santé. Il est fort probable que les médecins ainsi maintenus en activité ne seront plus à jour sur le plan des connaissances et de l'évolution des pratiques médicales, alors que la technologie demande une actualisation permanente.
Sans remettre en cause les qualités de ces médecins, il nous semblerait plus adéquat d'assurer le recrutement de jeunes professionnels et de permettre aux plus anciens de partir à la retraite en faisant valoir tous leurs droits. Nous estimons que le manque de moyens financiers et humains de l'OFII ne peut pas justifier des atteintes à la qualité de l'examen et du contrôle médical. Compte tenu de l'importance symbolique que le Gouvernement donne à ce texte, il ne saurait logiquement faire autrement que d'engager des moyens nouveaux. Ce projet de loi est déjà suffisamment porteur de régressions et d'entorses au droit international et à nos principes d'humanité pour que l'on n'en rajoute pas. C'est pourquoi nous demandons la suppression de l'alinéa 4.
L'OFII souffre d'un réel manque de médecins, ce qui ne permet pas d'accueillir les étrangers dans de bonnes conditions, alors qu'il s'agit d'une des missions de cet organisme. Le nombre de médecins contractuels chargés de faire passer les visites étant très insuffisant, la situation devient très difficile pour les étrangers concernés et pour les praticiens eux-mêmes.
Une tentative de modification des dispositions en vigueur a eu lieu lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017, mais elle n'a pas abouti, cette disposition ayant été censurée par le Conseil constitutionnel en tant que cavalier social. Le présent texte paraît constituer un bien meilleur vecteur législatif. Je donne donc un avis défavorable à l'amendement.
Je suis étonnée par cette réponse : on va demander à des personnes de travailler jusqu'à 73 ans au motif que l'OFII manque cruellement de médecins. Tout le monde s'accorde à dire depuis des années qu'il y a une pénurie de médecins, et il va falloir trouver des solutions pour en avoir suffisamment : sinon, irons-nous jusqu'à demander à ceux d'aujourd'hui de travailler jusqu'à leur mort ?
On peut partager l'idée qu'allonger la durée d'exercice ne peut pas constituer en soi une réponse au problème général qui se pose, mais nous avons ici affaire à un cas particulier. J'attire l'attention de notre collègue Caroline Fiat sur le fait qu'il s'agit généralement de médecins qui ont eu une autre activité, dans le secteur libéral ou hospitalier, l'ont arrêtée mais souhaitent pouvoir continuer à exercer les missions dont nous parlons, au sein de l'OFII, souvent parce qu'ils ont une sensibilité particulière aux publics fragiles. C'est un vieux débat, et je crois que nous devons voter cette disposition puisque nous avons enfin un texte législatif qui permet de l'adopter.
J'ai connu une situation tout à fait identique au SAMU social de Paris, où nous avions du mal à trouver des médecins. J'avais parfois des confrères de 80 ans qui savaient non seulement parler différentes langues mais avaient aussi une pratique permettant tout à fait de leur confier des patients, quels qu'ils soient. En l'espèce, on peut faire confiance aux médecins pour avoir les capacités nécessaires à l'exercice de leurs missions.
La commission rejette l'amendement.
Elle émet ensuite un avis favorable à l'adoption de l'article 26 modifié.
Après l'article 26
La commission examine l'amendement AS55 de Mme Martine Wonner.
Cet amendement vise à autoriser les demandeurs d'asile à travailler au plus tard six mois après l'enregistrement de leur demande. À l'heure actuelle, ils peuvent demander l'autorisation à la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) de travailler au bout de neuf mois. L'instruction étant cependant assez longue, l'accès effectif au marché du travail est plutôt de l'ordre de deux ans. Nous souhaitons nous inscrire dans la philosophie du projet de loi qui tend à encadrer la procédure d'asile dans un délai maximal de six mois. Si la décision relative à la demande d'asile n'a toujours pas été rendue après ce délai – et si le dépassement n'est pas imputable aux demandeurs d'asile –, l'autorisation de travail sera octroyée de plein droit, ce qui correspond à la législation de nombreux pays européens.
Suivant l'avis de la rapporteure, la commission adopte cet amendement.
En conséquence, les amendements AS24 et AS25 tombent.
Je sais que cela relève de la procédure parlementaire. Mais mon amendement AS25 est quasiment identique à celui Mme Wonner…
La commission en vient à l'amendement AS61 de Mme Martine Wonner.
Cet amendement vise à insérer la phrase suivante au premier alinéa de l'article L. 744-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) : « selon des modalités définies par décret en Conseil d'État, la personne qui bénéficie des dispositions mentionnées au deuxième alinéa de l'article L. 5221-5 du code du travail et qui dépose une demande d'asile est autorisée à poursuivre son contrat pendant la durée de traitement de la demande ». Il s'agit d'accorder, de droit, à l'étranger autorisé à séjourner en France, l'autorisation de signer d'un contrat d'apprentissage ou de professionnalisation à durée déterminée.
Mon avis est favorable. Il y a effectivement des divergences d'interprétation concernant la poursuite du contrat d'apprentissage dans certains cas. Selon le droit en vigueur, une autorisation de travail peut être accordée aux mineurs entre 16 et 18 ans qui souhaitent effectuer une formation professionnalisante entraînant la conclusion d'un contrat d'apprentissage ou de professionnalisation. L'administration ne partage pas cette interprétation. Or, une ordonnance de référé du 15 février 2017 du Conseil d'État l'a déjugée s'agissant de ces mineurs. Il doit être fait application des mêmes dispositions que pour les mineurs isolés non-demandeurs d'asile.
La commission adopte cet amendement.
La commission examine, en discussion commune, les amendements AS65 de Mme Martine Wonner et AS58 de Mme Stella Dupont.
Notre amendement AS65 vise, à titre expérimental et pour une durée de trois ans, à permettre aux demandeurs d'asile de travailler dès l'enregistrement de leur demande. Dans certains cas de figure, on peut considérer que les taux de protection vont être extrêmement importants. C'est notamment le cas pour les demandeurs d'asile que l'on relocalise depuis la Grèce ou l'Italie. Dans ces cas, il n'est pas nécessaire d'attendre six mois pour autoriser le demandeur d'asile à travailler.
Notre amendement AS58 va plus loin que les précédents qui visaient à permettre aux demandeurs d'asile de travailler au bout de six mois. Il s'inscrit dans l'esprit de celui proposé à l'instant par M. Taché. Il s'agit d'expérimenter la possibilité pour les demandeurs d'asile de travailler pendant la période d'instruction de leur demande, et ce dès le mois qui suit l'introduction de cette demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA). La nuance entre nos deux amendements porte sur la durée de l'expérimentation – deux ans contre trois – et sur certaines spécificités territoriales auxquelles nous avons réfléchi – ainsi que sur la mention des territoires à faible taux de chômage et celle des métiers en tension.
Enfin, nous proposons un suivi de la mesure et un bilan de l'expérimentation. Les deux amendements étant très proches, il est sûrement possible de se rejoindre !
Je suis favorable à l'amendement AS65, même si je m'interroge sur ses limites – rupture d'égalité en matière d'autorisation de travail, fragilité psychologique à l'arrivée, incertitudes si les personnes sont déboutées. Je demanderai à Mme Dupont de bien vouloir retirer son amendement.
Je tenais à faire remarquer qu'un de mes amendements, tombé précédemment, allait dans le même sens et visant à autoriser les demandeurs d'asile à exercer une activité salariée dès le dépôt de leur demande. Cela participe à leur autonomie et leur permettrait d'avoir une vie beaucoup plus digne.
L'amendement AS58 est retiré.
La commission adopte l'amendement AS65.
Article 27
La commission examine les amendements identiques AS12 de Mme Marietta Karamanli et AS35 de M. Adrien Quatennens.
Cet amendement vise à supprimer les habilitations du Gouvernement à légiférer par voie d'ordonnances, compte tenu du caractère flou des termes utilisés et de la sensibilité des sujets au regard des droits fondamentaux. Rien ne garantit que les mesures de simplifications envisagées le soient à droit constant, notamment en matière de protection sociale, ni que les conditions posées pour la délivrance et le renouvellement de ce titre de séjour ne seront pas plus restrictives que celles actuellement en vigueur pour la carte de séjour « salarié ».
Pour résumer, nous avons vu passer les ordonnances de casse du travail, les ordonnances de modernisation de notre système de santé, celles relatives aux données personnelles et celles sur le droit des contrats. Le Gouvernement a également annoncé vouloir passer en force, par le biais d'ordonnances, sur la réforme destinée à casser le service public ferroviaire… C'est une habile manoeuvre pour presser le pas : contraindre sa majorité, étouffer son opposition. Le recours aux ordonnances n'a qu'une utilité : éviter une trop grande publicité de ces réformes qui détruisent le pays.
Pourtant, les Français ne sont pas dupes : ils voient la manoeuvre grossière et ne font plus confiance au Gouvernement. Le recours aux ordonnances, prévu par l'article 38 de la Constitution, doit rester exceptionnel. Rien ne justifie son usage inconsidéré et répété !
Par cet amendement de bon sens, nous souhaitons que les sujets traités par ordonnance fassent l'objet d'un projet de loi et de discussions spécifiques : la réforme partielle du code de l'entrée, du séjour des étrangers et du droit d'asile ne doit pas se faire entre conseillers, au sein d'obscurs cabinets interministériels. Le Parlement doit examiner ce type de texte de manière sereine et exhaustive car c'est à lui de faire la loi.
Nous avons tous été élus. Nous avons un rôle : ce n'est pas celui d'une caisse enregistreuse ! Nous devons choisir, faire et voter la loi. Les citoyens nous ont accordé leur confiance ; ils ont fait de nous leurs représentants. Pourquoi déléguer notre pouvoir de décision à des techniciens ? Pourquoi avoir choisi de vous porter candidats si vous n'exercez pas votre pouvoir ? Cette attitude n'est pas digne de la confiance que les citoyens ont mise en nous. Nous sommes tenus par des engagements moraux : nous sommes la représentation nationale ! La France insoumise demande à tous les groupes, de l'opposition comme de la majorité, de ne pas se dessaisir de leurs prérogatives.
Je note que Mme Fiat a un avis différent de celui de son collègue Quatennens sur la fonction de député… Sur ces amendements, mon avis sera défavorable. Je ne partage pas votre point de vue sur le caractère flou des habilitations. Je vous renvoie à l'étude d'impact. La première ordonnance est une codification à droit constant du CESEDA. Les modifications législatives successives depuis la codification du droit des étrangers dans le CESEDA en 2004 nécessitent aujourd'hui une nouvelle codification à droit constant, afin de rendre ces dispositions législatives plus intelligibles et lisibles. L'avis du Conseil d'État, annexé au projet de loi, prévoit également qu'à sa demande, les dispositions seront clarifiées.
La deuxième ordonnance est relative à la fusion des cartes « salarié » et « travailleur temporaire » : l'étude d'impact expose les complications liées à la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France.
La troisième ordonnance constitue une simplification du régime d'autorisation de travail. Je vous renvoie à mon rapport qui décrit la procédure à suivre. En outre, un récent rapport de l'OCDE s'émeut de la complexité de la procédure.
Il est dommage que M. Quatennens ne soit pas là, mais nous n'avons absolument pas d'avis différent… Nous l'avons déjà répété à de multiples reprises dans cette commission et dans l'hémicycle : nous souhaitons légiférer et débattre ! Je parle ici au nom des dix-sept membres de mon groupe.
Je n'ai toujours pas compris pourquoi des ordonnances s'imposeraient sur le sujet. Visiblement, la réflexion est engagée : vous avez avancé quelques éléments sur lesquels vous vous appuyez. Mais tout cela mérite une discussion et surtout une véritable construction législative, au sein du Parlement. Je ne comprends pas pourquoi vous utilisez cette procédure qui réduit drastiquement les droits du Parlement. Cette accumulation d'ordonnances doit nous interroger, même si je ne sais pas si ce sentiment est partagé sur tous les bancs. Nous pourrions décider de tenir ce débat posément et de faire la loi ensemble.
Le rôle du Parlement n'est pas de rédiger des règlements : la première ordonnance traite de codification, sujet purement administratif.
Comme ma collègue Mme Dubié nous le fait remarquer, l'article 27 prévoit que le Gouvernement sera autoriser à procéder à une nouvelle rédaction de la partie « législative » du CESEDA. Or cela fait partie des prérogatives du Parlement. C'est d'ailleurs pour cela que le Gouvernement a besoin d'une loi d'habilitation…
La commission rejette les amendements.
Elle se saisit ensuite de l'amendement AS53 de Mme Martine Wonner.
L'ordonnance habilitant le Gouvernement à agir en faveur de la création d'un titre de séjour unique pour tous les salariés et celle relative à la simplification du régime des autorisations de travail doivent être prises dans un délai de douze mois, et non de vingt-quatre mois comme le prévoit le projet de loi.
Votre amendement touche également l'ordonnance de codification du CESEDA. Compte tenu de la lourdeur de ce travail, je vous demanderai de bien vouloir retirer votre amendement.
L'amendement est retiré.
La commission examine l'amendement AS27 de Mme Jeanine Dubié.
Il s'agit d'un amendement de précaution. Le présent article vise à habiliter le Gouvernement à modifier par ordonnance la rédaction de la partie législative du CESEDA, afin de créer un titre de séjour unique pour les salariés et de simplifier le régime des autorisations de travail.
Néanmoins, nous devons être attentifs aux nouvelles conditions de délivrance et de renouvellement de ce titre de séjour, afin qu'elles ne soient pas plus restrictives que les conditions actuellement en vigueur. L'amendement propose donc de saisir le Défenseur des droits en amont du dépôt du ou des projets de loi portant ratification de ces ordonnances devant le Parlement.
Avis défavorable. Votre rédaction présente un caractère d'injonction. Elle n'est pas conforme à la répartition constitutionnelle des compétences entre l'exécutif et le législatif. Elle entre par ailleurs en contradiction avec l'article 32 de la loi organique du 9 mars 2011 relative au Défenseur des droits qui dispose qu'il « peut être » consulté par le Premier ministre sur tout projet de loi intervenant dans son champ de compétence. Il n'y a donc pas d'obligation.
Cela étant, votre amendement se fait l'écho de l'avis du Défenseur des droits, demandant à être consulté par le Gouvernement sur ces ordonnances. Je vous propose de le redéposer en séance publique pour interpeller directement le ministre.
La commission rejette l'amendement.
Puis, elle émet un avis favorable à l'adoption de l'article 27, sans modification.
Article 28
La commission examine les amendements identiques AS7 de Mme Marietta Karamanli et AS36 de M. Adrien Quatennens, de suppression de l'article.
En l'état actuel du droit, la carte de séjour temporaire « visiteur » est délivrée au ressortissant étranger qui apporte la preuve qu'il peut vivre de ses seules ressources et qui prend l'engagement de n'exercer en France aucune activité professionnelle. L'article 28 du projet de loi vient préciser que les ressources exigées doivent atteindre un montant au moins égal au SMIC net annuel, indépendamment des prestations familiales, du revenu de solidarité active, de l'allocation de solidarité spécifique ou de l'allocation temporaire d'attente. En outre, il ajoute une nouvelle condition : le demandeur doit justifier de la possession d'une assurance maladie couvrant la durée de son séjour.
En fixant au SMIC le montant minimal devant être atteint par les ressources du demandeur et en mentionnant les ressources à exclure, sans préciser par ailleurs les ressources autres que celles du demandeur pouvant être prises en compte, cet article conduit de fait à un durcissement de l'appréciation de la condition de ressources exigée pour la délivrance de la carte « visiteur ».
De plus, ces conditions sont également durcies par l'ajout de l'obligation de justifier d'une assurance maladie privée contractée préalablement au séjour, couvrant la durée du séjour. Les personnes ne pouvant en justifier se verront refuser la délivrance de la carte. Le coût d'une assurance privée est conséquent – de l'ordre de 3 000 euros –, alors qu'en l'état actuel du droit, la carte « visiteur » ouvre des droits à la prise en charge des frais de santé.
L'étude d'impact du projet de loi ne justifie ce durcissement des conditions d'accès à la carte visiteur par aucune nécessité. Elle indique seulement que la « précision du montant minimal de ressources retenu facilitera l'instruction des demandes de visas de long séjour et de cartes de séjour portant la mention « visiteur », respectivement par les services consulaires et préfectoraux ».
Dans son avis rendu le 15 mars dernier, le Défenseur des droits « s'inquiète du durcissement des conditions d'accès à la carte « visiteur », dans la mesure où celle-ci participe à la protection du droit au respect de la vie privée et familiale » et recommande l'abandon de cet article 28. Nous faisons nôtre cette suggestion en proposant la suppression de cet article.
Bien que ce chapitre du projet de loi soit intitulé « Mesures de simplification », il contient en réalité des dispositions qui restreignent l'accès à la carte « visiteur ». Cette dernière permet notamment à des personnes étrangères de venir visiter des amis et des proches en France. Pour en bénéficier, les demandeurs devaient déjà remplir des conditions strictes – parfois difficiles à remplir –, comme l'obligation de disposer de revenus au moins équivalents au SMIC. Les nouvelles règles obligeront le demandeur à disposer de ces mêmes revenus, mais ne prendront plus en compte ses éventuels revenu de solidarité active, allocation de solidarité spécifique ou allocation temporaire d'attente.
Par ailleurs, une condition supplémentaire est requise : l'obligation de présenter une assurance maladie couvrant la durée du séjour en France. Jusqu'à présent, les tribunaux administratifs ont parfois ajouté cette condition, mais elle n'était pas inscrite dans la loi et ne fait pas l'objet d'une jurisprudence homogène du Conseil d'État.
Nous nous opposons à la logique sous-jacente de cet article : il ne bénéficiera qu'à une élite mondialisée, capable de s'affranchir des frontières. Il porte gravement atteinte aux personnes modestes ayant des attaches en France, alors même que seulement 7 000 environ bénéficient de cette carte chaque année, ces personnes ne pouvant par ailleurs pas travailler.
Mon avis est défavorable. Cet article vise à sécuriser l'octroi de la carte « visiteur », afin d'éviter des abus. Il permettra une application uniforme des conditions d'attribution de la carte, alors que cela relève aujourd'hui du pouvoir discrétionnaire de l'administration.
Vous parlez d'abus, mais il n'y a que 7 000 demandes chaque année ! Où sont les abus ? Je ne saisis pas l'intérêt de cet article.
La commission rejette les amendements.
Elle se saisit ensuite de l'amendement AS41 de Mme Martine Wonner.
En état actuel du droit, la carte « visiteur » ouvre droit à l'assurance maladie. L'article 28 propose une modification du dispositif mais, pour exclure toute visite motivée par une intervention médicale ou chirurgicale, mon amendement précise que seuls les soins inopinés seront remboursés par l'assurance maladie. Par exemple, la pose d'une prothèse ou une opération de la cataracte ne seraient pas prises en charge. Mais si, malheureusement, la personne a un accident durant son séjour, les soins inopinés alors dispensés seront couverts par l'assurance maladie.
Avis défavorable. Les soins inopinés sont couverts puisque le visiteur doit avoir une assurance.
La commission rejette l'amendement.
Elle émet ensuite un avis favorable à l'adoption de l'article 28, sans modification.
Article 29
La commission se saisit de l'amendement de suppression AS37 de M. Jean-Hugues Ratenon.
Suivant l'avis de la rapporteure, la commission rejette l'amendement.
Elle émet ensuite un avis favorable à l'adoption de l'article 29, sans modification.
Article 30
La commission se saisit des deux amendements identiques AS13 de Mme Marietta Karamanli et AS38 de M. Jean-Hugues Ratenon.
Sous couvert de lutter « contre les reconnaissances frauduleuses du lien de filiation », l'article 30 introduit une des dispositions les plus cyniques de ce projet de loi : il conditionne la délivrance du titre de séjour à l'étranger se prévalant de sa qualité de parent d'enfant français à la justification de sa contribution effective à l'entretien et l'éducation de l'enfant.
Cela revient à punir l'enfant, privé de la possibilité d'être rejoint par un de ses parents, lorsque ce dernier ne peut prouver sa contribution effective à l'éducation de son enfant… Ici encore, le projet de loi introduit une différence de traitement liée à la situation matérielle des personnes concernées et pénalise les plus fragiles.
Cette mesure, contraire à l'intérêt supérieur de l'enfant, viole les principes les plus élémentaires de notre tradition juridique. Elle est manifestement inconstitutionnelle et contraire aux conventions que la France a ratifiées. Notre amendement AS13 propose de la supprimer.
Cet article est contraire aux droits de l'enfant et à la préservation de son intérêt supérieur en toutes circonstances. En effet, si, dans une famille, un des parents de l'enfant vit à l'étranger et que son autre parent ne pourvoit pas à son entretien et à son éducation, l'enfant est doublement puni : on refusera désormais à son parent étranger de venir le voir en France. Le parent étranger pourra honorer ces retrouvailles uniquement si l'autre parent pourvoit effectivement à l'entretien et à l'éducation de son enfant et est en mesure d'en fournir la preuve.
Cette condition supplémentaire à la délivrance d'un titre de séjour « parent de Français » est source d'injustices. Elle place l'intérêt de l'enfant au second plan. Nous la refusons.
D'autre part, sur le modèle de ce qui existe en matière de mariages frauduleux, pour lutter contre les fraudes aux filiations et les filiations douteuses, cet article instaure une nouvelle procédure pour les parents affirmant être parents d'enfant français. Pourquoi créer une usine à gaz coûteuse pour gérer une situation marginale ? Sur l'ensemble du territoire national, les préfectures n'ont pas recensé plus de 400 reconnaissances frauduleuses de paternité en 2015 et 577 en 2016.
Nous sommes opposés à la logique de suspicion et à ce mépris pour l'intérêt supérieur de l'enfant qui caractérisent cet article. Mais surtout, la France n'a-t-elle pas d'autres priorités et d'autres urgences, notamment l'amélioration des conditions de premier accueil – aujourd'hui indignes ?
Avis défavorable. Une carte de séjour temporaire est délivrée à l'étranger lorsqu'il peut établir qu'il contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation d'un enfant français. La délivrance de ce titre est très vulnérable à la fraude et ce phénomène serait d'une ampleur très significative. Il est par ailleurs en plein développement, si l'on se réfère à l'étude d'impact.
Pour l'année 2015, vous avez raison, sur 2 234 tentatives d'obtention frauduleuse de titres de séjour, les préfectures ont recensé 400 reconnaissances frauduleuses de paternité produites à l'appui d'une demande de titre de séjour. En 2016, ce chiffre s'élevait à 577.
Pour l'instant, l'exigence de subvenir aux besoins de l'enfant ne s'applique qu'au parent qui demande le titre – le parent étranger. Elle ne couvre pas, par exemple, le cas d'une ressortissante étrangère qui obtient d'un ressortissant français qu'il reconnaisse son enfant, permettant ainsi à l'enfant d'obtenir la nationalité française et, par ricochet, ouvrant un droit au séjour à sa mère en qualité de parent d'enfant français. La preuve de la contribution effective à l'entretien et à l'éducation de l'enfant est déjà demandée pour le parent étranger : il va également dans le sens de l'intérêt de l'enfant de demander la même chose au parent français !
Par ailleurs, la Délégation aux droits des femmes examine également cet article. Une ambiguïté a été soulevée et une expertise est en cours.
La commission rejette les amendements.
La commission examine l'amendement AS18 de Mme Marietta Karamanli.
Si l'administration conteste le lien de filiation, rien ne justifie que la situation juridique des personnes concernées demeure suspendue si, au-delà d'une période de quatre mois, le procureur de la République n'a pas engagé de poursuites. Il s'agit là d'une préconisation du Défenseur des droits.
Des échanges étant en cours avec le cabinet du ministre sur ce point, je vous demanderai de retirer votre amendement.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle étudie l'amendement AS17 de Mme Marietta Karamanli..
Cet amendement vise à accorder une carte de séjour temporaire portant la mention « Vie privée et familiale » au parent étranger d'un enfant français tant que la reconnaissance de filiation litigieuse n'a pas été définitivement annulée par le juge civil. Il s'agit là d'une préconisation du Défenseur des droits.
Cet amendement pose un problème d'articulation avec le 6° qui permet déjà la reconnaissance d'un enfant français par un parent étranger. Il y aurait donc concurrence de deux dispositifs l'un, accordant la carte à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, l'autre, l'accordant jusqu'à ce que le juge civil statue. Comment ces dispositions concurrentes s'articulent-elles ? Pour cette raison, cet amendement ne peut, à mon sens, être adopté sans entraîner de confusion. Avis défavorable.
Je conteste l'explication de Mme la rapporteure, estimant que les deux dispositifs sont complémentaires.
La commission rejette l'amendement.
Elle aborde l'amendement AS8, toujours de Mme Marietta Karamanli.
Cet amendement propose de mettre fin au statut de « ni-ni » – ni régularisable ni expulsable – qui est inepte à tout point de vue. En effet, il apparaît que notre droit positif ne consacre pas un droit à la régularisation pour des étrangers qui sont par ailleurs non expulsables en application des conventions internationales, et singulièrement de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH). Seraient ici concernés au titre du droit de mener une vie familiale normale les parents d'enfants scolarisés, les conjoints d'étrangers en situation régulière ou les mineurs devenus majeurs.
Vous proposez d'ouvrir le bénéfice du titre de séjour « Vie privée et familiale » aux étrangers qui, au regard du droit de mener une vie familiale normale au sens de l'article 8 de la CEDH, ne peuvent faire l'objet d'une expulsion du territoire français.
Cette possibilité est déjà ouverte par le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) qui ouvre le bénéfice du titre de séjour « Vie privée et familiale » aux étrangers qui n'entrent pas dans les autres catégories ouvrant le droit à la carte de séjour « Vie privée ou familiale » ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, mais dont les liens « personnels et familiaux » en France ainsi que la nature de leurs liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée.
Par ailleurs, se poserait aussi un problème d'articulation entre votre amendement et ce 7°. Il en résulterait une confusion dommageable pour l'interprétation du droit. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Elle en vient à l'amendement AS9 de Mme Marietta Karamanli.
Cet amendement propose de mettre fin au statut de « ni-ni » – ni régularisable ni expulsable – qui est inepte à tous points de vue. En effet, il apparaît que notre droit positif ne consacre pas un droit à la régularisation pour des étrangers qui sont par ailleurs non expulsables en application des conventions internationales et singulièrement de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. Seraient ici concernés, au titre de l'article 3 de la CEDH, les étrangers menacés dans leur pays d'origine de subir des traitements inhumains ou dégradants.
L'ajout de cette possibilité d'obtention de la carte « Vie privée et familiale » ne ferait qu'entretenir une confusion entre l'octroi des titres de séjour et le bénéfice de la protection internationale. Ce bénéfice est par ailleurs accordé tant que les menaces de persécutions ne permettent pas aux individus concernés de retourner dans leur pays d'origine. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Elle est saisie de l'amendement AS10 du même auteur.
Cet amendement s'inspire de la circulaire du 28 novembre 2012 qui rendait possible une régularisation par le préfet des étrangers victimes de la traite des êtres humains. Plutôt que de laisser à l'autorité administrative un pouvoir discrétionnaire en la matière, il apparaît préférable que la loi consacre ce droit de manière explicite.
L'article L. 316-1 du CESEDA prévoit déjà la délivrance d'une carte de séjour « Vie privée et familiale » à l'étranger qui dépose plainte contre une personne qu'il accuse de traite d'êtres humains. Cette carte de séjour temporaire ouvre droit à l'exercice d'une activité professionnelle et est renouvelée pendant toute la durée de la procédure pénale.
En cas de condamnation définitive de la personne mise en cause, une carte de résident est délivrée de plein droit à l'étranger ayant déposé plainte ou témoigné.
Il me semble que ces dispositions satisfont pleinement votre demande et vont même au-delà. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Elle examine les amendements identiques AS29 de Mme Jeanine Dubié et AS63 de Mme Nathalie Elimas.
Les alinéas 1 et 2 de l'article 30 imposent au demandeur de démontrer que le parent ayant reconnu l'enfant contribue de manière effective à l'entretien et à l'éducation de celui-ci. Selon le Défenseur des droits, cette condition nie la réalité des parcours de vie et des histoires familiales, notamment ceux au cours desquels des mères et des enfants se retrouvent isolés. Par ailleurs, la preuve de la participation effective à l'entretien et à l'éducation de l'enfant est difficile à apporter et à interpréter. L'amendement AS29 vise donc à supprimer cette nouvelle condition de délivrance de la carte de séjour.
Avis défavorable sur l'amendement AS29, pour les mêmes raisons que celles que j'ai exposées lors de l'examen de l'amendement de suppression de l'article.
L'amendement AS63 est retiré.
Puis la commission rejette l'amendement AS29.
Elle émet ensuite un avis favorable à l'adoption de l'article 30 sans modification.
Après l'article 30
La commission est saisie de l'amendement AS4 de M. Alain Ramadier.
Cet amendement a pour objet de rendre systématique l'entretien de l'officier d'état civil avec l'un ou l'autre des futurs époux afin d'améliorer la détection des mariages gris ou blancs. Le sujet est d'importance si l'on veut veiller à ce que le regroupement familial ne soit pas détourné de son objectif initial.
Depuis 2003, les officiers d'état civil ont obligation de procéder à une audition des futurs époux avant toute publication des bans. Cette audition vise à éviter qu'un mariage irrégulier soit sanctionné après sa célébration et permet à l'officier d'état civil de saisir à temps le procureur de la République en cas de doute sur la validité du mariage projeté. Cette audition n'est pas requise lorsque l'entretien est considéré comme inutile ou lorsque l'audition est matériellement impossible.
Si l'audition est en principe commune aux deux futurs époux, l'officier d'état civil peut, s'il l'estime nécessaire, les recevoir séparément.
Vous souhaitez rendre cette audition séparée obligatoire. Une telle obligation administrative me semble très lourde et très chronophage et ne me paraît pas nécessaire pour lutter efficacement contre les mariages blancs. Laissons les officiers d'état civil faire le travail et décider eux-mêmes de la pertinence d'une telle audition séparée. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement .
Article 31
La commission étudie l'amendement AS39 de M. Jean-Hugues Ratenon.
Depuis la loi du 7 mars 2016, l'avis médical sur l'état de santé des personnes demandant un titre de séjour « Vie privée et familiale », qui était rendu par les médecins des agences régionales de santé (ARS), l'est par l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII). Or, le ministère de l'intérieur peut avoir une influence directe ou indirecte sur la nomination des médecins de l'OFII dont il est la tutelle. L'OFII est ainsi juge et partie pour apprécier la situation des personnes étrangères potentiellement malades. Quant aux agences régionales de santé, elles n'apparaissent pas les plus à même de répondre à cette mission puisqu'elles sont elles aussi sous la tutelle du pouvoir exécutif et que leurs décisions ont pu diverger à l'époque selon les régions.
Par cet amendement, nous proposons de soustraire les conditions de production de cet avis médical de tout lien avec le pouvoir exécutif en confiant cette mission au Défenseur des droits. Il est important que cet examen médical soit le plus impartial possible car il concerne des personnes qui ne peuvent pas bénéficier dans leur pays d'un traitement approprié. Refuser de créer des conditions adéquates d'examen médical revient tout simplement à condamner ces personnes. D'où cet amendement d'expérimentation.
Par cet amendement d'appel, vous vous inquiétez de l'indépendance des médecins de l'OFII dans le cadre de la procédure de délivrance des titres « Étrangers malades ». Comme vous le rappelez, cette procédure a été transférée des ARS à l'OFII par la loi du 7 mars 2016.
Pour mémoire, l'OFII était déjà, avant 2016, investi par ses statuts et son histoire d'une large compétence de santé publique pour procéder aux visites médicales de tous les étrangers ayant vocation à être admis au séjour en France. Il s'est organisé territorialement à cette fin, avec un maillage dense de trente et une délégations territoriales comportant, chacune, un plateau technique adapté à la réception des patients, à la réalisation d'examens médicaux et radiologiques, et s'insérant dans un réseau de conventions avec des établissements hospitaliers pour tous les actes spécialisés et examens complémentaires que prend seul en charge financièrement l'office. Ses services sont dotés de médecins, d'infirmiers, de manipulateurs radio et de personnels administratifs dédiés à cette mission. Le Défenseur des droits, à qui vous souhaitez transférer cette compétence, ne dispose absolument pas de cette expertise.
En ce qui concerne l'indépendance des médecins de l'OFII, soyez rassurée : les contrats de travail des médecins de l'Office comportent plusieurs clauses garantissant à la fois leur indépendance professionnelle et la prévalence des obligations résultant du code de déontologie médicale vis-à-vis de toute éventuelle instruction hiérarchique qui pourrait y porter atteinte. L'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'OFII de leur mission a réaffirmé cette indépendance en rappelant que les médecins de l'OFII sont avant tout soumis aux règles déontologiques et au respect du droit des patients tels qu'affirmés par le code de la santé publique, et notamment au secret professionnel et à l'indépendance professionnelle. Avis défavorable.
Avant 2016, c'étaient les médecins des agences régionales de santé qui rendaient cet avis. Or ils étaient plus proches de « l'administratif » que de l'aspect clinique. On peut donc se féliciter de l'évolution législative récente. Vous avez fait allusion à leur indépendance : il a bien été précisé à l'occasion de la création des agences de santé que l'avis médical s'impose à toute considération d'ordre administratif et hiérarchique. Je ne reprendrai pas les arguments de Mme la rapporteure concernant les médecins de l'OFII. Si l'on suivait votre raisonnement, il faudrait peut-être aussi remettre en cause l'indépendance des médecins du travail. Pour toutes ces raisons, je suis également défavorable à cet amendement.
Je n'ai pas dit que ces médecins n'étaient pas soumis à des obligations de par leur contrat de travail mais mieux vaut prévenir que guérir. Ne serait-il pas judicieux de charger le Défenseur des droits de cette mission ? La question matérielle ne me semble pas poser problème.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle émet un avis favorable à l'adoption de l'article 31 sans modification.
Article 32
La commission en vient à l'amendement AS30 de Mme Jeanine Dubié.
Cet amendement fait suite à une recommandation du Défenseur des droits qui propose de compléter le dispositif prévu par le CESEDA en intégrant parmi les bénéficiaires des protections les personnes ayant bénéficié par le passé d'une ordonnance de protection.
Si l'on peut se féliciter de la sécurisation du droit au séjour des personnes victimes de violence conjugale en prévoyant qu'une carte de résident sera remise de plein droit à l'étranger auquel une carte de séjour temporaire a été délivrée par un juge au titre d'une ordonnance de protection provisoire, cet amendement propose d'aller plus loin en étendant cette disposition aux personnes qui ont bénéficié dans le passé d'une telle ordonnance.
Il semblerait en effet que cette garantie soit nécessaire à la reconstruction des personnes concernées.
Le projet de loi vise à unifier le régime juridique applicable aux bénéficiaires d'ordonnances de protection, qu'ils aient fait l'objet de violence familiale ou conjugale ou de mariage forcé. Dans les deux cas de figure, le titre de séjour peut être renouvelé lorsque la personne continue à bénéficier d'une ordonnance de protection. Ce n'est plus le cas lorsque cette ordonnance de protection n'existe plus. L'amendement entend faciliter ce renouvellement automatique lorsque la personne a, par le passé, bénéficié d'une ordonnance de protection.
La délivrance du titre est accordée afin de permettre à la victime de s'affranchir de l'auteur des violences. Si la situation persiste, le code civil prévoit le renouvellement de l'ordonnance de protection, ce qui permet de bénéficier du renouvellement du titre de séjour. Le renouvellement est accordé si une requête en divorce ou en séparation de corps a été déposée ou si le juge aux affaires familiales a été saisi d'une requête relative à l'exercice de l'autorité parentale.
L'amendement aboutirait à délivrer des titres de séjour pour des personnes n'ayant pas engagé de démarches visant à se séparer du conjoint. Rappelons que l'ordonnance de protection peut se traduire par des mesures fortes telles que la résidence séparée.
Il existe des difficultés dans l'octroi et le renouvellement des ordonnances de protection mais ces difficultés ne peuvent pas être résolues par le biais de la délivrance des titres de séjour. Il s'agit avant tout de mieux permettre le rendu des décisions de justice puisque ce sont ces mesures de protection qui constituent le fait générateur de l'octroi du titre de séjour. On ne peut résoudre cet enjeu majeur à travers le prisme de l'attribution des titres de séjour. Il faut une réponse plus globale.
Compte tenu de ces éléments, je propose plutôt d'aborder la question des ordonnances de protection dans le cadre du projet de loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes qui vient d'être déposé. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Elle est saisie de l'amendement AS16 de Mme Marietta Karamanli.
Cet amendement, qui s'inspire d'une préconisation du Défenseur des droits, vise à garantir le renouvellement du titre de séjour aux personnes ayant subi des violences familiales ou conjugales ou étant sous la menace d'un mariage forcé, même après l'expiration de l'ordonnance de protection.
La commission rejette l'amendement.
Elle aborde l'amendement AS54 de Mme Martine Wonner.
Cet amendement vise à renforcer la protection des étrangers, en particulier des femmes, ayant subi des violences conjugales ou familiales. Il propose de modifier le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour mieux l'adapter à la réalité et à la longueur des parcours juridiques. L'idée serait de ne plus conditionner la délivrance de la carte de résident uniquement à la condamnation de la personne mise en cause pour violences conjugales ou familiales, tel que le prévoit le droit en vigueur.
Cet amendement propose d'élargir les possibilités d'accès à la carte de résident aux personnes étrangères bénéficiant d'une ordonnance de protection et dont le titre de séjour temporaire a déjà été renouvelé une première fois. Cela implique que ces personnes soient présentes sur le territoire et en situation régulière depuis déjà plusieurs années. Cette mesure permettrait de sécuriser davantage, et le plus rapidement possible, les personnes se trouvant dans cette situation. Cette démarche est fidèle à l'esprit du titre III du projet de loi qui favorise de meilleures conditions d'accueil et de protection pour les étrangers en situation régulière. Cet amendement s'inscrit aussi dans la lignée de l'engagement politique du Gouvernement qui, depuis novembre dernier, a fait de la lutte contre les violences faites aux femmes une grande cause nationale.
Vous proposez que la carte de résident, aujourd'hui délivrée de plein droit seulement après la condamnation définitive de la personne, soit délivrée de plein droit après un premier renouvellement de la carte de séjour temporaire accordée aux victimes de violence ou de mariage forcé.
L'équilibre proposé par le projet de loi est satisfaisant.
Le projet de loi propose une avancée : la suppression du pouvoir d'appréciation de la préfecture en autorisant l'octroi automatique de la carte de résident en cas de condamnation définitive. Le titre de séjour reste temporaire tant que la procédure pénale est en cours. Il devient permanent une fois que la procédure pénale a abouti et que les faits ont été reconnus par le juge.
Le projet de loi aligne le bénéfice de la carte de résident de plein droit sur ce qui existe pour la traite des êtres humains ou les victimes de proxénétisme. Ces derniers bénéficient aujourd'hui de la délivrance de plein droit en cas de condamnation définitive. L'amendement aboutirait à laisser de côté les victimes reconnues de traite des êtres humains ou de proxénétisme : qu'est-ce qui justifierait que cette distinction soit opérée uniquement au profit des seules victimes de violence conjugale ou familiale ? Je préconise l'extrême prudence. La Délégation aux droits des femmes s'est également saisie du sujet.
Pour toutes ces raisons, je vous demanderai de retirer votre amendement.
L'amendement AS54 est retiré.
Puis la commission examine l'amendement AS40 de Mme Caroline Fiat.
En l'état actuel du droit, toutes les victimes de violences conjugales ayant obtenu la condamnation de leur auteur peuvent demander de plein droit une carte de résident. Le Gouvernement entend conditionner la délivrance de cette carte non plus seulement à la reconnaissance du statut de victime mais aussi à l'obtention d'une ordonnance de protection. Pourtant, l'obtention de ce type d'ordonnance est compliquée, supposant une connaissance très précise de la législation et la fourniture de nombreuses pièces souvent difficiles à obtenir. Il s'agit donc pour le Gouvernement de restreindre une fois de plus les droits des personnes demandant une carte de résident alors même qu'elles sont reconnues victimes et en danger. Nous émettons à ce titre les mêmes réserves que l'association La Cimade et ne comprenons pas l'intérêt que revêt pour l'État l'introduction de ce type de dispositions. Par cet amendement, nous voulons consacrer l'égalité entre les personnes victimes de violences conjugales et les assurer de la protection que l'État doit leur apporter.
L'amendement propose de remplacer le mot « étranger » par le mot « personne ». Or cela nuirait à la compréhension du texte et à sa précision. Le CESEDA regroupe le droit applicable aux étrangers et notamment les conditions de délivrance des titres de séjour. Il apparaît donc nécessaire de maintenir le terme « étranger », l'édifice juridique ayant été construit autour de cette notion. Par ailleurs, la portée de l'amendement me semble beaucoup plus restreinte que les motivations présentées dans l'exposé sommaire. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement AS40.
Ensuite, elle émet un avis favorable à l'adoption de l'article 32 sans modification.
Article 33
La commission étudie l'amendement AS15 de Mme Marietta Karamanli.
L'article L. 313-12 du CESEDA réserve la protection au conjoint alors que les violences conjugales peuvent concerner les couples non mariés. Il convient d'accorder les mêmes droits aux victimes qu'elles soient mariées ou non. Tel est le sens de cet amendement qui se nourrit des préconisations du Défenseur des droits.
L'objectif de l'amendement est de prévoir l'octroi de la carte temporaire « Vie privée et familiale » au conjoint victime de violence conjugale qui ne fait pas partie d'un couple marié.
Le dispositif de votre amendement ne répond pas à cet objectif. L'article L. 313-12 que votre amendement modifie prévoit le renouvellement de la carte de séjour temporaire « Vie privée et familiale » pour les victimes de violence conjugale mais aussi en cas de décès du conjoint, et seulement son renouvellement. La délivrance de la carte de séjour temporaire relève de l'article L. 313-11 qui, lui, n'envisage que la situation des couples mariés. Son 4° n'évoque effectivement pas le cas des partenaires de pacte civil de solidarité (PACS) ou des concubins.
Si vous aviez positionné votre amendement à l'article L. 313-11, vous auriez pu sécuriser la situation des couples non mariés et prévoir le renouvellement de leur titre en cas de violences conjugales mais également en cas de décès. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Ensuite, elle émet un avis favorable à l'adoption de l'article 33 sans modification.
Après l'article 33
La commission en vient à l'amendement AS45 de Mme Michèle de Vaucouleurs.
Pour les mineurs qui arrivent sur notre territoire, la scolarisation est un droit, quel que soit leur niveau de langue. C'est pourquoi les articles L. 321-4 et L. 332-4 du code de l'éducation prévoient que des actions particulières sont prévues pour l'accueil et la scolarisation des élèves non francophones nouvellement arrivés en France. Les Unités pédagogiques pour élèves allophones arrivants (UPE2A) ont ainsi accueilli au cours de l'année 2014-2015 près de 52 500 enfants répartis au sein de 9 200 établissements. Je tiens ici à pointer l'absence de chiffres plus récents alors même que notre pays connaît d'importants flux migratoires. L'objectif de ces unités est d'accueillir tout au long de l'année scolaire, avec le plus de souplesse et de personnalisation des parcours possible, des élèves ayant des besoins éducatifs particuliers dans le domaine de l'apprentissage du français langue seconde et des autres apprentissages scolaires. Au bout d'un ou deux ans maximum, les enfants sont réorientés vers un parcours ordinaire.
En 2014-2015, l'Île-de-France accueillait à elle seule trois élèves sur dix, suivie par la région Rhône-Alpes, qui en accueillait 13 %, et par le pourtour méditerranéen, qui en accueillait 12 %. Par ailleurs, si chaque académie dispose d'un centre académique pour la scolarisation des enfants allophones nouvellement arrivés et des enfants issus de familles itinérantes et de voyageurs, l'accueil, notamment des lycéens, reste très inégal selon les territoires. L'article 9 du projet de loi que nous examinons prévoyant la mise en place d'un schéma national d'accueil des demandeurs d'asile avec une orientation possible au sein de différentes régions, il paraît essentiel d'anticiper ces flux avec une répartition équilibrée des UPE2A, en tenant compte du nouveau schéma mis en place par le ministère de l'intérieur. De manière plus générale, le pilotage national de ces unités doit être renforcé pour une optimisation du dispositif.
Les articles du code de l'éducation que vous souhaitez amender prévoient que des actions particulières sont prévues pour l'accueil et la scolarisation des élèves non francophones nouvellement arrivés en France. Vous souhaitez que ces actions destinées aux élèves non francophones soient mises en place en concertation avec le ministère de l'intérieur, en fonction du nouveau schéma national d'accueil des demandeurs d'asile.
Cet amendement me semble étroitement lié à l'article 9 du projet de loi qui définit les conditions du schéma national d'accueil. Il établit un lien entre la répartition issue du schéma national d'accueil et la mise en place de classes adaptées aux élèves en difficultés, susceptibles d'accueillir des étrangers. À mon sens, votre amendement est hors du champ du titre III. C'est la raison pour laquelle je vous invite à le retirer.
Par ailleurs, il ne m'apparaît pas relever du niveau législatif. Il s'agit de définir les conditions d'organisation de l'administration de l'éducation nationale qui relèvent de la compétence du pouvoir exécutif.
L'amendement AS45 est retiré.
La commission en vient à l'amendement AS71 de la rapporteure.
Cet amendement tend à préciser les conditions de l'entretien entre l'OFPRA et le demandeur d'asile, déterminant pour évaluer la vulnérabilité de la personne, surtout si elle est en situation de handicap. Il prévoit la possibilité, pour le demandeur, de se faire accompagner par une association d'aide et d'information aux personnes en situation de handicap afin de garantir à ce public un accès effectif à l'examen de la demande d'asile.
La commission adopte l'amendement.
Puis elle en vient à l'amendement AS64 de Mme Constance Le Grip.
Cet amendement vise à réserver la possibilité de bénéficier d'une réduction tarifaire dans les transports aux étrangers en situation régulière.
Cet amendement ne me semble pas relever directement du champ du titre III, il n'entretient d'ailleurs qu'un lien très indirect avec le projet de loi. Celui-ci a pour objet de procéder à diverses modifications relatives au droit des étrangers et des demandeurs d'asile qui relèvent du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il améliore, modifie ou simplifie les procédures d'octroi des titres de séjour ou de protection internationale. Il organise l'accueil et l'orientation des étrangers arrivant en France.
L'objet de l'amendement est différent puisqu'il vise à subordonner l'attribution d'un dispositif d'un traitement spécial – en l'occurrence, un avantage tarifaire – à la régularité du séjour. Il ne traite pas directement des conditions de régularité de séjour.
Par ailleurs, la question est l'objet d'un contentieux qui concerne la région Île-de-France, et nous ne devons pas interférer avec une procédure en cours.
Je suis donc défavorable à cet amendement.
Nous sommes tout de même ici pour débattre. La réponse de Mme la rapporteure m'étonne donc. Cet amendement a pour objet – c'est son rôle d'amendement – de modifier un texte. En l'occurrence, il s'agit de modifier un texte pour qu'aux droits accordés correspondent des obligations à respecter.
Par ailleurs, cela n'a rien à voir avec le contentieux de la région Île-de-France. L'amendement est de portée générale, et la condition qu'il tend à instaurer s'appliquerait aussi bien à Marseille, à Toulouse, à Lyon ou ailleurs.
Avec ces mesures par lesquelles on veut absolument réguler l'immigration, nous risquons, cher collègue, de manquer au principe de solidarité. En l'occurrence, Mme Pécresse, présidente du conseil régional d'Île-de-France, avait voulu instaurer une telle mesure, mais, sauf erreur de ma part, elle a été annulée par le tribunal administratif de Paris au mois de janvier dernier. Les modulations de tarif sont accordées en raison de la situation de fragilité des personnes. C'est celle-ci qui les conditionne. En bénéficient donc des personnes qui bénéficient par ailleurs de prestations sociales, dont l'aide médicale d'État (AME).
Je trouve très préjudiciable que cette volonté absolue de prétendue protection mette à mal le principe de solidarité, voire qu'elle entraîne des discriminations. En fonction de la nationalité ou de la régularité de la situation, nous remettrions en cause des aides indispensables à des publics en situation de précarité majeure dont la mobilité est essentielle tant dans toutes les démarches administratives à accomplir pour prétendre à une régularisation et que pour qu'ils puissent recevoir des soins de santé.
Soyons vigilants. Sinon, les peurs mettront à mal le principe de solidarité.
Je souscris à vos propos, chère collègue. Et, j'y insiste : le titre III du projet de loi portant sur l'accueil et l'intégration des personnes en situation régulière, la disposition que l'amendement tend à introduire n'entre pas dans son champ.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle émet un avis favorable à l'adoption de l'ensemble des dispositions dont elle est saisie, modifiées.
Elle suspend ensuite ses travaux de dix-neuf heures cinquante à vingt heures.
La commission procède ensuite à l'examen de la proposition de loi de M. Guillaume Peltier et plusieurs de ses collègues visant à augmenter le pouvoir d'achat grâce à la création d'un ticket-carburant (n° 706) (M. Guillaume Peltier, rapporteur).
Mes chers collègues, je suis particulièrement honoré de vous présenter, au nom du groupe Les Républicains, cette proposition de loi qui vise à la création d'un ticket-carburant.
Avec l'assistance des services de l'Assemblée nationale, que je remercie, nous avons consulté, rencontré et auditionné les partenaires sociaux, les représentants des élus et ceux d'un certain nombre d'associations pour aboutir à un texte que nous estimons juste et équilibré, de nature à répondre à l'attente grandissante d'une grande partie de nos compatriotes, en particulier ceux qui vivent dans les territoires ruraux et périurbains. Actuellement, 51 % des Français vivent dans des communes de moins de 10 000 habitants. Nous avons besoin de la France des métropoles et des agglomérations, mais il s'agit de ne pas négliger cette majorité de Français qui vivent dans ces territoires.
Cette proposition de loi défend des valeurs. La première est le mérite. Nous proposons de récompenser le travail par un gain de pouvoir d'achat, pour que le travail soit mieux rémunéré dans notre pays. La deuxième est le lien indispensable entre les salariés et les chefs d'entreprise, qu'il faut sans cesse renforcer. Enfin, comme je le disais, il s'agit de répondre aux aspirations de nos compatriotes des territoires ruraux et périurbains, de ce qu'on appelle la « France des provinces » ou la « France des territoires ».
Pour élaborer cette proposition de loi que nous soumettons aujourd'hui à vos amendements, à vos critiques et à votre réflexion, nous sommes partis d'un contexte que chacun ici connaît, puisque nous sommes tous députés de la nation : la baisse du pouvoir d'achat, vécue – pas simplement ressentie – par l'ensemble de nos compatriotes. La dernière note de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) nous rappelle qu'en 2018 ce sont 4,5 milliards d'euros de nouveaux impôts et de nouvelles taxes qui pèseront sur les foyers et les ménages français. Pour ceux qui habitent dans les territoires, roulent au diesel, se chauffent au fioul, ont un compte en banque et recourent au courrier postal, tout a augmenté : le prix du timbre, pour une lettre prioritaire, atteindra bientôt un euro, les frais bancaires ont explosé, et je n'entre pas dans les détails de la hausse du diesel et du fioul.
Un deuxième élément est l'inégalité territoriale, entre, d'une part, Paris et les grandes métropoles et, d'autre part, le reste du pays. Si vous habitez Paris ou en métropole, votre employeur peut aujourd'hui prendre en charge jusqu'à 50 % de vos frais de transport, par exemple le coût de la carte Navigo grâce à laquelle vous prenez le métro, le bus ou le tramway. Si vous habitez dans l'un de nos territoires, le mien en Sologne, ou en vallée du Cher, ou en Haute-Loire, aucune entreprise n'offre de facilités très lisibles et très justes. Bien sûr, il est possible d'opter pour le régime des frais réels, mais cela ne concerne que les contribuables imposables à l'impôt sur le revenu. Cette inégalité des territoires se fait de plus en plus sensible pour l'ensemble de nos compatriotes. Troisième élément de contexte, depuis une quinzaine d'années, la part des frais de transport dans le budget des ménages a continûment augmenté. Si vous vous rendez au travail à pied, ce qui est rare, cela vous coûte, en moyenne, selon les études de l'INSEE, 8 centimes d'euro par kilomètre. Si vous utilisez le vélo, cela vous coûte 10 centimes d'euro par kilomètre. Si vous empruntez les transports collectifs, cela vous coûte 12 centimes d'euros par kilomètre. Et si, comme 74 % des Français, vous y allez en voiture, cela vous coûte en moyenne 34 centimes d'euro par kilomètre. Ces écarts de coût sont considérables.
Nous avons voulu aller plus loin en rencontrant un certain nombre d'acteurs socio-économiques, entre autres des responsables des antennes de Pôle emploi. Au niveau national, selon les différentes études tant de l'INSEE que du Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie (CREDOC), en 2016 et 2017, 23 % de nos compatriotes disent avoir renoncé à un travail, un emploi ou une formation parce qu'ils ne disposaient pas d'un moyen de locomotion à prix attractif. Cette proportion atteint 62 % chez les jeunes âgés de dix-huit à trente ans.
Compte tenu de ce contexte – baisse du pouvoir d'achat, inégalité territoriale, explosion des coûts de transport, qui représentent en moyenne 5 000 euros par an, c'est-à-dire 17 % en moyenne du budget des ménages, 20 % dans les territoires ruraux – et de ces problèmes de mobilité, de plus en plus un frein à l'emploi, nous avons souhaité vous présenter cette proposition de loi qui vise à instaurer un ticket-carburant sur le modèle du titre-restaurant, qui s'adresserait à l'ensemble de nos compatriotes qui vivent ou travaillent en dehors des agglomérations de plus de 100 000 habitants. Facultatif, fondé sur la négociation au sein des entreprises, pour ne pas soumettre les entrepreneurs à des contraintes supplémentaires, ce dispositif serait ouvert tout autant à ceux qui utilisent un véhicule individuel à carburant, essence ou diesel, qu'à ceux qui utilisent un véhicule électrique. Il serait d'un montant maximal de 15 euros par jour travaillé, pris en charge jusqu'à 60 % ou 70 % par l'entreprise. Cela représenterait un gain de pouvoir d'achat pouvant atteindre près de 200 euros nets par mois pour les travailleurs du monde rural et des territoires périurbains, totalement exonéré de cotisations pour l'entreprise et d'impôt sur le revenu pour le salarié et le travailleur.
Les articles 4, 5 et 6 introduisent des dispositions complémentaires. Il s'agit notamment d'éviter un possible double remboursement. Si vous avez opté pour le régime des frais réels, vous ne pouvez pas en cumuler l'avantage avec le dispositif que nous instaurons. La possibilité est également introduite, pour toutes les entreprises localisées dans les agglomérations de plus de 10 000 habitants, de déduire du versement transport dû au titre du salarié la part contributive des tickets-carburant remis à ce salarié afin d'éviter de « doublonner » la prise en charge. Enfin, nous proposons de conférer au dispositif un caractère expérimental pour deux ans pour vérifier la validité et l'opportunité de cette proposition, même si je la défends au nom de tous les députés du groupe Les Républicains comme le fruit d'un long travail dans l'ensemble de nos territoires, en lien avec les représentants de l'État, des services sociaux et de Pôle emploi.
Il nous paraît aujourd'hui indispensable, dans le très lourd contexte que je viens de décrire, d'offrir un gain de pouvoir d'achat à toutes celles et ceux qui travaillent ou voudraient travailler. Ce dispositif serait d'ailleurs ouvert tout autant aux fonctionnaires et aux apprentis qu'aux salariés du privé.
Rappelons, monsieur le rapporteur, que le gouvernement Villepin avait mis en place un chèque transport. Ce fut un fiasco, et il avait été abandonné.
Vous proposez de le rétablir, mais, contrairement à ce que vous affirmez, monsieur le rapporteur, le gouvernement actuel a pris des mesures en faveur du pouvoir d'achat des salariés. Avec la baisse des cotisations sociales en contrepartie d'une hausse de 1,7 point de la contribution sociale généralisée (CSG), nous avons amélioré le pouvoir d'achat des salariés et de 75 % des indépendants.
Aussi votre proposition de loi appelle-t-elle plusieurs remarques.
Tout d'abord, vous semblez ignorer que des dispositifs existent. Aujourd'hui, un employeur peut prendre en charge tout ou partie des frais de carburant ou d'alimentation de véhicules électriques ou hybrides engagés pour les déplacements entre la résidence habituelle et le lieu de travail. Cette prise en charge est exonérée d'impôt sur le revenu et de toutes cotisations sociales et patronales dans la limite de 200 euros par an et par salarié. Au-delà, l'employeur peut choisir de prendre en charge les frais de transport de ses salariés comme frais professionnels, sur la base d'indemnités kilométriques et selon un barème établi par l'administration fiscale. Ensuite, la large consultation conduite pendant les Assises de la mobilité devrait nourrir la loi d'orientation sur les mobilités qui sera présentée d'ici à la fin de cette année. Elle devrait notamment encourager les mobilités innovantes, comme le covoiturage ou l'autopartage, en accord avec les objectifs de la France en termes de transition énergétique – je ne peux que vous inciter, monsieur le rapporteur, à prendre part au débat, avec des propositions innovantes et efficaces. Enfin, si votre dispositif prévoit que les entreprises pourront déduire leurs contributions de leur versement transport, je suis bien placé, élu local depuis une dizaine d'années, pour vous dire qu'il en résultera un réel manque à gagner pour les collectivités. Pour la métropole de Metz, ce serait un manque à gagner d'environ 11 milliards d'euros par an. C'est un très mauvais signe, pour l'environnement et pour le développement des transports en commun. Vous déshabillez Pierre pour habiller Paul, en prenant sur les versements en faveur des transports en commun pour financer les déplacements individuels.
Pour toutes ces raisons, le groupe La République en Marche votera contre cette proposition de loi.
Si la prise en charge de 50 % du coût des transports publics est obligatoire pour les entreprises et bénéficie avant tout aux habitants des zones urbaines et périurbaines, les auteurs de cette proposition de loi souhaitent créer un ticket-carburant sur le modèle du ticket-restaurant, en vue de limiter les inégalités territoriales qui résultent du coût des transports et de l'impossibilité d'emprunter les transports en commun pour se rendre au travail. Il s'adresse à tous les salariés disposant d'un contrat de droit privé et aux agents des employeurs du secteur public, dès lors que leur domicile ou leur lieu de travail serait situé hors du périmètre d'une autorité organisatrice de la mobilité (AOM) comprenant une agglomération de plus de 100 000 habitants. Ce titre permettra de prendre en charge une partie des frais de carburant des salariés et des frais de recharge des véhicules électriques. Le nombre de tickets-carburant sera limité au nombre de jours effectivement travaillés mais ce sera un véritable gain de pouvoir d'achat net de cotisations et d'impôts sur le revenu pour le salarié ou l'agent public.
La délivrance de ce ticket-carburant ne sera pas obligatoire pour les entreprises : il sera proposé par accord collectif ou par décision unilatérale de l'employeur. Les entreprises bénéficieront d'une exonération de cotisations de sécurité sociale et de la liberté de fixer le montant du ticket, dans la limite de 15 euros par ticket. L'employeur pourra déduire sa part contributive au ticket-carburant du versement transport.
Le dispositif sera expérimenté pendant deux ans à compter de l'entrée en vigueur du texte, le 1er janvier qui suivra son adoption définitive. Il est susceptible de concerner jusqu'à un Français sur deux et représente un important gain de pouvoir d'achat, à peu près 200 euros nets d'impôt pour le salarié ou l'agent public.
Le dispositif que vous proposez, monsieur le rapporteur, a pour but de remédier au problème du coût de la mobilité en zone rurale et périurbaine. Il procède d'une intention louable, que nous pouvons comprendre, mais nous regrettons qu'il ne concerne, en l'état, que les salariés, laissant de côté toutes les victimes de la précarité énergétique liée à la mobilité contrainte – retraités, chômeurs, précaires ou jeunes. Cette focalisation sur la récompense du mérite et la valeur travail est stigmatisante pour les précaires et les chômeurs.
Le groupe Nouvelle Gauche estime que, pour redonner du pouvoir d'achat aux salariés, il serait préférable d'augmenter les salaires plutôt que de créer un complément de rémunération exonéré de cotisations de sécurité sociale. La création d'une nouvelle niche sociale ne va pas dans le sens d'un renforcement du financement de notre système de protection sociale et des droits sociaux qui s'y rattachent. De même, l'octroi par l'employeur de ce type de complément de rémunération risque de freiner par la suite la revalorisation des salaires.
Par la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique, nous avions créé le chèque énergie, dispositif d'aide au paiement des dépenses d'énergie – factures d'électricité ou de gaz, coût de la rénovation énergétique –, visant à répondre à l'augmentation de la précarité énergétique. Dans cet esprit, et pour contrecarrer l'impact de la hausse de la fiscalité écologique pour les plus modestes, le groupe Nouvelle Gauche serait plus favorable au doublement du chèque énergie – nous l'avions déjà proposé dans notre contre-budget cet automne – ou à la mise en place d'une couverture universelle énergie, avec extension du chèque énergie à la mobilité. Cette couverture universelle énergie figure parmi les propositions du rapport d'information sur l'offre automobile française dans une approche industrielle, énergétique et fiscale que notre collègue Delphine Batho a remis en 2016. Elle y propose d'ouvrir la perspective d'une couverture universelle énergie à partir de l'extension du chèque énergie à la mobilité afin que la précarité énergétique liée à la mobilité soit prise en compte. Ce serait là un dispositif plus universel et moins sélectif que le ticket-carburant pour répondre aux problèmes de mobilité.
Améliorer le pouvoir d'achat des Français est une priorité de cette majorité, qui a d'ores et déjà pris de nombreuses mesures – mon collègue Belhaddad le disait tout à l'heure. Pour un salarié payé 2 500 euros par mois, le gain résultant de la suppression des cotisations salariales sera de 37 euros à partir du mois d'octobre, soit près de 450 euros en année pleine. S'y ajoutera le gain résultant de la suppression de la taxe d'habitation, dont bénéficieront 80 % des foyers. En outre, la prime d'activité sera revalorisée de 20 euros par mois dès le mois d'octobre prochain, et de 80 euros d'ici à 2022. Au total, l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) et l'INSEE prévoient une hausse du pouvoir d'achat des ménages de l'ordre de 0,2 % en 2018 et de 1,1 % d'ici à 2022 grâce aux mesures votées dans les textes budgétaires. Nous souhaitons aller plus loin et des mesures supplémentaires seront mises en oeuvre tout au long du quinquennat.
Toutefois, la proposition de loi présentée aujourd'hui par nos collègues du groupe Les Républicains ne nous semble pas satisfaisante.
Tout d'abord, alors que notre pays doit respecter ses engagements européens, l'absence d'évaluation financière ne nous permet pas de connaître son impact sur les finances publiques. Ensuite, aucune mesure de financement n'est proposée. En outre, des dispositifs en vigueur permettent déjà à l'employeur de prendre en charge, en vertu d'un accord collectif ou d'une décision unilatérale, tout ou partie des frais de carburant engagés par ses salariés pour leurs déplacements entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail. Cette prise en charge peut être décidée lorsqu'ils habitent ou travaillent hors d'un périmètre de transport urbain ou lorsqu'ils travaillent en dehors des horaires de fonctionnement des transports en commun. Dès lors, ce ticket-carburant nous semblerait un dispositif redondant, et la multiplication des dispositifs ne ferait qu'accroître la complexité pour les employeurs comme pour les salariés. Nous pourrions éventuellement réfléchir, après une évaluation du dispositif existant, au renforcement de celui-ci.
En tout état de cause, cette proposition de loi ne nous paraît pas pertinente à l'heure actuelle. C'est pourquoi le groupe du Mouvement Démocrate et apparentés votera contre.
Notre commission est saisie aujourd'hui d'une proposition de loi déposée par le groupe Les Républicains en vue de sa journée réservée à l'ordre du jour de notre assemblée, qui vise à augmenter le pouvoir d'achat grâce à la création d'un ticket-carburant. Nous ne pouvons, chers collègues du groupe Les Républicains, que saluer votre objectif d'augmentation du pouvoir d'achat. De ce point de vue, le dispositif que vous proposez va dans le bon sens, même si certaines dispositions gagneraient à être précisées.
Cette proposition de loi a vocation à s'appliquer aux salariés et agents publics vivant ou travaillant en dehors des grandes agglomérations urbaines, ou qui sont domiciliés en dehors d'une grande agglomération et qui doivent s'y rendre pour exercer leur travail. Elle a pour finalité, sur le modèle du ticket restaurant, de leur rembourser les frais occasionnés par l'utilisation de leur voiture personnelle pour leurs trajets quotidiens entre domicile et lieu de travail.
Le choix de privilégier la négociation collective ou de permettre la mise en place de cette mesure par décision unilatérale de l'employeur devrait garantir la souplesse nécessaire et constitue une marque de confiance dans la démocratie sociale dans l'entreprise, et nous y souscrivons. Saluons également le caractère expérimental du dispositif, pour une durée de deux ans, l'efficacité de la mesure en tant que source de gains de pouvoir d'achat devant être ensuite évaluée par le Parlement. Nous avons déjà eu l'occasion lors de l'examen de propositions de loi dans le cadre de « niches » parlementaires de regretter l'absence d'étude d'impact ; la solution que vous proposez, monsieur le rapporteur, me semble répondre à cette critique au regard des contraintes de la procédure parlementaire. Sachant que le coût du titre-restaurant est d'environ 1,5 milliard d'euros par an, nous regrettons tout de même l'absence de chiffrage, même si les coûts fiscaux et sociaux du dispositif doivent être envisagés au regard de ses effets économiques et de son impact sur les inégalités entre les grands centres urbains, leur périphérie et les zones rurales.
Le groupe UDI, Agir et Indépendants aborde donc favorablement l'examen de cette proposition de loi. Nous en partageons la philosophie puisqu'elle vise à accroître le pouvoir d'achat.
Je me trouve un peu embarrassé, monsieur le rapporteur, face à cette proposition de loi. S'il s'agit d'augmenter le pouvoir d'achat des salariés ou d'ouvrir un nouveau droit, elle peut résonner de manière favorable à mes oreilles. Elle appelle cependant quelques remarques.
Vous avez évoqué, monsieur le rapporteur, la nécessité de récompenser le mérite, mais, selon nous, il faut commencer par rémunérer le travail. Or la faiblesse des salaires dans notre pays est un véritable problème, auquel il conviendrait de s'attaquer. Le sujet est vaste mais c'est un enjeu majeur pour les salariés de ce pays.
Deuxième remarque, j'ai, pour l'instant, du mal à mesurer quel impact cette mesure pourrait avoir sur le versement transport des entreprises concernées. D'abord, il faudrait discuter du versement transport et peut-être de sa nécessaire extension. Si les habitants des zones rurales ont tant de mal à se déplacer, c'est aussi parce que les transports en commun y sont très peu développés. Je pense notamment aux transports ferroviaires. Il nous faut fournir un effort considérable pour développer ces transports en commun. Cela fait écho à un autre débat d'actualité, mais je crois que nous avons besoin d'un outil public fort et qu'il faut investir dans le développement de transports ferroviaires, notamment dans les zones rurales, où beaucoup de lignes ont été supprimées ou menacent de l'être. Il ne faudrait d'ailleurs pas que l'impact du dispositif sur le versement transport empêche un certain nombre d'investissements nécessaires ou grève un certain nombre de budgets.
On pourrait aussi s'interroger sur l'effet réel de cette mesure, mais en prévoyant qu'elle aurait un caractère expérimental, vous répondez en quelque sorte à cette objection.
Il est en tout cas nécessaire d'agir, et vous soulignez, monsieur le rapporteur, un véritable problème. Je conçois que ce ne soit pas forcément possible dans le périmètre d'une proposition de loi comme celle qui nous est proposée, mais les enjeux sont réels.
Nous pouvons nous réjouir d'une mesure en faveur du pouvoir d'achat des Français. L'une de nos collègues a souligné qu'un certain nombre de mesures en ce sens seraient prises au cours du quinquennat, mais une mesure supplémentaire ne nuit pas, bien au contraire. Deuxième point, lorsque la taxe d'habitation sera effectivement supprimée, il sera plus intéressant d'être en ville, où il n'y a pas de frais de transport. Le risque est donc de voir se dévitaliser nos zones rurales. Quant au coût, je suis un peu surpris, cher collègue Belhaddad, par votre estimation du manque à gagner pour Metz : 11 milliards d'euros, cela me paraît tellement fabuleux !
Cela me paraît un peu plus raisonnable, mais ce serait quand même beaucoup. Le bénéfice du dispositif étant plafonné à 200 euros par personne, le nombre de bénéficiaires devrait être considérable pour qu'un tel montant soit atteint. Ce serait d'autant plus surprenant que les habitants de Metz et des environs utilisent déjà des systèmes de transports – tramway, autobus, train…
En revanche, dans nos campagnes, certains rencontrent des difficultés pour aller au travail. Ils n'ont pas d'autres solutions que de prendre leur voiture personnelle. Dans les vallées vosgiennes – j'habite les Vosges –, ce n'est pas possible autrement.
J'approuve donc le dispositif proposé. L'expérimentation permettra d'en vérifier la pertinence. Et si certains dispositifs n'ont jadis pas fonctionné, comme celui instauré par le gouvernement Villepin, il en est précisément qui sont repris par le gouvernement actuel.
En circonscription, les Français nous disent tous la même chose : « Notre pouvoir d'achat baisse de plus en plus. » Aucune catégorie n'est épargnée, pas même les retraités, frappés de plein fouet par la hausse de la CSG. Avec huit nouveaux impôts et taxes depuis le mois de mai 2017, soit 4,5 milliards d'impôts supplémentaires pour les ménages, les retraités et les familles, les classes moyennes et la France rurale sont lourdement pénalisés. Il est de notre devoir de proposer des alternatives. Cette proposition de loi qui vise à créer un ticket-carburant est une réponse tout à fait pragmatique et particulièrement adaptée, surtout pour les populations rurales qui parcourent de longues distances et voient leur facture de carburant s'alourdir sans cesse.
Articulé autour d'une exonération des cotisations de sécurité sociale pour les entreprises qui décideraient sa mise en oeuvre, le dispositif serait « gagnant-gagnant ». L'expérimentation proposée sur deux ans laisse le temps nécessaire à une juste évaluation et à la formation d'un consensus. Envoyons des signes positifs aux Français, qui en manquent certainement en ce moment. En adoptant ce texte, nous leur en enverrons précisément, en même temps que nous accroîtrons leur pouvoir d'achat.
Merci à tous, chers collègues, pour vos interventions, critiques et soutiens appuyés.
J'ai bien entendu, cher collègue Belhaddad, vos arguments. Je ne développerai pas un contre-argumentaire. Vous avez défendu votre majorité et votre gouvernement, mais nous considérons, pour notre part, à l'instar d'une écrasante majorité de nos compatriotes que la question du pouvoir d'achat est centrale. Au-delà de la stricte question de la hausse de la CSG, qui pénalise déjà grandement les retraités, et malgré les différents dispositifs, comme la baisse des cotisations que vous avez très justement soulignée, il s'agit plutôt d'une asphyxie. Il est aujourd'hui rare, en circonscription, que l'un de nos concitoyens nous dise : « C'est extraordinaire, mon pouvoir d'achat s'est amélioré ! »
Vous évoquez des dispositifs concurrents qui permettraient d'éviter, de contourner ou de rejeter notre proposition. Je vous le dis avec beaucoup de sincérité et de force : ils ne présentent pas un intérêt comparable. Effectivement, le gouvernement Villepin avait instauré un dispositif de chèque-transport, mais il était très complexe et plafonné à 100 euros par an, ce qui est très loin des 200 euros par mois que nous proposons. Et s'il existe effectivement des aides dans le cadre des entreprises, par exemple des aides à la mobilité exonérées par les URSSAF, elles sont plafonnées à 200 euros par an. Toutes les aides existantes sont plafonnées à 100 à 200 euros par an. C'est utile, c'est même très utile pour certains, mais, avec 200 euros nets d'impôts par mois dans un contexte difficile, nous proposons une véritable révolution
Nous nous réjouissons bien sûr de la tenue des Assises de la mobilité, nous nous réjouissons de la possibilité de prochains résultats probants. J'espère, par exemple, que votre groupe pourra inviter le Gouvernement à reprendre à son compte la présente proposition de loi pour satisfaire les attentes impatientes de nos compatriotes en matière de mobilité.
Je remercie Gérard Cherpion de vous avoir fait préciser votre estimation du manque à gagner qui résulterait, pour votre agglomération, de la mise en oeuvre du dispositif. Je n'en rappelle pas moins l'objectif, très simple, que nous visons : apporter une réponse à cette majorité de Français qui ne vivent pas dans ces grandes agglomérations et qui ne bénéficient pas d'un réseau de transports urbains efficace et pertinent – j'exprime là non une conviction politique mais une réalité. Je le rappelle : aujourd'hui, 74 % des habitants du monde rural, des villes moyennes et des zones périurbaines considèrent ne pas avoir accès à un réseau de transports collectifs, leur permettant d'aller à leur travail. Nous voulons d'abord nous adresser à cette France.
Nous avons voulu ajouter un article pour que les entreprises à la périphérie des villes puissent ne pas payer deux fois lorsque certains de leurs salariés viennent de loin. C'est là un dispositif complémentaire d'assouplissement. Bien entendu, lorsqu'existe un réseau de tramways et de transports collectifs très abouti, les entreprises ne feront pas appel à notre dispositif – je songe notamment, dans ma région, à la métropole orléanaise. En revanche, si un salarié résidant à trente ou quarante kilomètres employé par une entreprise de l'agglomération orléanaise, ne peut s'y rendre qu'en utilisant sa voiture personnelle, l'entreprise pourra déduire son aide du versement transport.
Chère collègue Biémouret, je vous remercie d'avoir salué cette « intention louable » dont procède notre proposition de loi. Vous avez cependant parlé d'une stigmatisation des retraités ou des chômeurs. Notre combat est transversal : nous nous battons pour les retraités, sur la question de la CSG, et nous nous battons, avec toute la représentation nationale, pour réduire le chômage. En l'occurrence, cette proposition de loi vise d'abord à offrir de l'oxygène à ceux qui travaillent. Vous avez raison d'évoquer la nécessité d'augmenter les salaires, mais si un chef d'entreprise décidait d'augmenter de 200 euros nets l'un de ses salariés, cela lui en coûterait aujourd'hui, avec l'ensemble des charges et taxes, 416 euros en tout : 200 euros d'augmentation salariale et 216 euros de charges et taxes supplémentaires. Notre proposition de loi n'a pas pour objet d'augmenter les salaires mais elle permet à ces salariés un gain immédiat de 200 euros, pour un coût considérablement inférieur à 416 euros, puisque ce montant serait totalement exonéré de cotisations et d'impôt sur le revenu pour le salarié. Nous sommes très loin de la stigmatisation, c'est plutôt une proposition de rassemblement et de valorisation du travail !
Mme Elimas a dit que nous étions tous favorables à l'amélioration du pouvoir d'achat. Je suis évidemment d'accord avec cette première partie de son énoncé. Cependant, elle a ajouté que, par conséquent, son groupe était contre la mesure d'augmentation du pouvoir d'achat que nous proposions. C'est un peu étonnant et incohérent. Cette proposition de loi vise à créer un dispositif de revalorisation très claire et très nette du pouvoir d'achat.
Vous vous êtes par ailleurs inquiétée, chère collègue Elimas, du manque d'évaluation financière. Nous n'avons pas toutes les études d'impact pour le moment, nous verrons selon que le texte est adopté ou non, mais nous savons déjà que le ticket-restaurant représente, pour l'État, 1,5 milliard d'euros de manque à gagner et non de coût. Cependant, comme le rappelle l'ensemble des services sollicités, ce sont aussi 164 000 emplois non délocalisables sauvés chaque année et 8 milliards d'euros investis dans les commerces de proximité. Notre proposition ne concernant que la moitié des salariés français, qui habitent dans les territoires ruraux et périurbains, on peut évaluer le manque à gagner à 750 millions d'euros au maximum. Par ailleurs, les transports rapportent chaque année 57 milliards d'euros de recettes fiscales à l'État, entre taxe sur la valeur ajoutée, taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, certificats d'immatriculation, taxe sur les assurances et produit des amendes. Le manque à gagner nous semble dérisoire par rapport au gain pour l'ensemble de nos compatriotes : 750 millions sur 57 milliards d'euros pour augmenter de 200 euros nets le pouvoir d'achat, chaque mois, des travailleurs du monde rural et des territoires périurbains, augmentation du pouvoir d'achat pouvant être réinvestie dans l'économie. Je crois que cela répondra aussi à la question de Mme Firmin Le Bodo sur le chiffrage.
Enfin, Monsieur Dharréville, je partage l'inquiétude que vous avez exprimée au sujet du réseau ferroviaire et de l'avenir de ces « petites lignes du quotidien », ainsi qu'elles sont parfois désignées de manière méprisante par nos élites ; j'attends du Gouvernement une clarification sur ce sujet. Nous les appelons, nous, les grandes lignes des travailleurs car nous sommes chaque jour des millions à utiliser ce réseau ferroviaire, dont nous sommes si fiers. L'État a promis, dans les contrats de plan qu'il a passés avec les régions, d'investir 800 millions d'euros dans leur maintien et dans leur sauvegarde. Je peux seulement souhaiter que cette somme soit rapidement débloquée au profit des collectivités territoriales.
Les dispositions concernant le versement transport ne concernent cependant que le transport urbain, non le transport ferroviaire.
Mesdames Corneloup et Valentin, monsieur Cherpion, je vous remercie de votre esprit de pédagogie et de synthèse, en espérant que vos interventions auront apporté des éclaircissements aux bonnes volontés.
Je vous remercie de m'avoir signalé que notre réunion de commission se prolongeait, madame la présidente, mais permettez-moi de déplorer d'avoir reçu la nouvelle si tard.
Je rappelle que ce point figurait dans notre convocation de cet après-midi. Il m'a semblé naturel de vous prévenir de la poursuite de nos travaux d'autant que tous les autres groupes étaient présents.
Monsieur le rapporteur, vous dites vouloir rééquilibrer le pouvoir d'achat des Français durement éprouvés – nous partageons votre constat – par la hausse de la CSG et la hausse de la fiscalité sur le diesel. Mais en l'état actuel, votre proposition de loi est en fait une simple incitation à prendre sa voiture et une nouvelle niche fiscale pour les entreprises.
Nouvelle niche fiscale car, défiscalisés, ces tickets-carburant participent à raboter encore un peu plus les recettes de la sécurité sociale. Pour compenser ces pertes, vous dites vouloir augmenter encore un peu plus les taxes sur le tabac. Or, cette taxe touche le plus durement les ménages les plus pauvres. Il y a quelques incohérences à vouloir faire gagner en pouvoir d'achat les plus modestes en allant chercher dans les poches de certains d'entre eux.
Vous dites vouloir soutenir le pouvoir d'achat des Français, mais vous laissez à l'employeur la libre détermination de la proportion dans laquelle il prendra en charge le financement de ce ticket-carburant. C'est donc à l'humeur du patron que les employés se verront verser, ou non, un petit pécule pour faire le plein.
Si vraiment cette proposition de loi se voulait sociale et redistributive, encore aurait-il fallu que vous fixiez la part qu'il revient à l'employeur de payer.
Les amendements que nous vous proposerons visent à corriger les nombreux biais de votre proposition. Ils visent notamment à pallier les injustices qui risquent d'en découler. Ils visent enfin à prévenir la hausse de l'utilisation de la voiture qui en résulterait, si elle était adoptée. Car les luttes contre le réchauffement climatique, les pollutions automobiles et les morts prématurés ne sont pas lettre morte pour La France Insoumise.
Soutenir le niveau de vie des Français, qui plus est, se situant dans les territoires les plus enclavés, oui ! Mais votre proposition de loi, sous couvert de répondre à cette préoccupation, est en fait une niche fiscale supplémentaire, qui aurait très bien pu vous être directement dictée par le lobby automobile.
Renforcer le maillage ferroviaire et favoriser l'accès aux trains et aux bus, voilà qui auraient été plus judicieux. À défaut, nous vous proposerons quelques amendements, que j'espère, vous saurez examiner de manière responsable, pour les Français les plus modestes, et pour les générations futures.
La commission passe à l'examen des articles.
Article 1er (Chapitre IV [nouveau] du titre VI du livre II de la troisième partie du code du travail) : Mise en place et statut fiscal du ticket-carburant
La commission examine l'amendement AS2 de Mme Caroline Fiat.
Depuis les ordonnances, bien mal nommées, pour le renforcement du dialogue social, les relations entre employeurs et employés en entreprise se trouvent encore plus déséquilibrées qu'elles ne l'étaient. Or, dans le cadre de votre proposition, la part du ticket-carburant que l'employeur devrait financer serait fixée par décision unilatérale de l'employeur ou par accord d'entreprise.
En clair, c'est l'employeur qui déciderait de la hauteur de la part à laquelle il contribue. Pour les tickets-restaurant, le législateur avait lui-même fixé le taux, en le portant à une fourchette oscillant entre 50 % et 60 % de sa valeur. Nous proposons de reprendre ce dispositif. Pour que le ticket-carburant puisse éventuellement être bénéfique, il convient d'en faire un dispositif social et de redistribution, non une simple niche fiscale.
Si nous avons entendu un seul lobby, c'est celui des Français modestes qui, dans les territoires éloignés des grandes agglomérations, doivent user de leur voiture individuelle, faute d'investissement à leur profit dans les infrastructures de transport.
Cette proposition est une proposition de justice sociale. Deux de vos quatre amendements me paraissent aller dans le bon sens de ce point de vue. Mais, quoique je comprenne toute la philosophie liée à la promotion de l'environnement, il me semble inopportun de dire à ceux qui, pendant dix à quinze ans, ont été incités à acheter des véhicules diesel, qu'ils devraient désormais passer du jour au lendemain à la voiture électrique.
Notre proposition de loi vise non seulement à étendre le dispositif aux véhicules essence et diesel, mais aussi à la recharge des véhicules électriques, en lesquels nous croyons. Mais, comme élus de territoires ruraux et périurbains, nous vivons tous la même expérience : la plupart des communes de ma circonscription sont déjà équipées de bornes de recharge ; le problème est celui du faible nombre des voitures électriques, car il y a des mentalités à changer, mais une expérience accumulée de politiques publiques très différentes en un temps assez ramassé.
Quant à chiffrer de manière exacte la part contributive de l'employeur, cela me semble inutile et asphyxiant pour la négociation dans l'entreprise. C'est pourquoi j'émets un avis défavorable à cet amendement. Mais je serai ouvert à celui par lequel vous proposez de l'enfermer dans une fourchette.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement AS3 de M. Jean-Hugues Ratenon.
En l'état actuel, votre proposition de loi propose un complément de salaire aux employés versé sous la forme de tickets-carburant. Si le montant de ces tickets est supérieur à ce qui est nécessaire pour le trajet domicile-travail du salarié, le salarié aura alors tout intérêt à utiliser sa voiture en dehors de ses heures de travail, de même que certains utilisateurs de tickets-restaurant, pour éviter de perdre leur ticket, achètent plus qu'ils n'ont besoin, ou vont davantage au restaurant pour les liquider.
Or la voiture génère de la pollution, des pathologies et des accidents. Selon une récente étude de Santé publique France, la pollution tue prématurément 48 000 personnes par an. Le dérèglement climatique, dont les émissions de gaz à effet de serre sont responsables, engendre, vous le savez, la montée des océans, des migrations forcées, un déclin de la biodiversité et bien d'autres conséquences encore.
J'en viens à un point sur lequel nous ne sommes pas d'accord. Les moteurs à explosion n'ont rien à envier aux voitures hybrides et électriques, puisque les batteries de ces dernières nécessitent des métaux rares que l'on extrait notamment du continent africain et qui font l'objet d'une convoitise internationale génératrice de guerre.
À ce jour, aucune voiture n'est propre et il convient, pour l'intérêt général, de se tourner vers d'autres types de transport. Par cet amendement, nous proposons que le ticket-carburant ne soit versé qu'à proportion de ce que coûtent les trajets domicile-travail des salariés.
Même si l'intention de votre amendement est louable, plafonner le montant des tickets-carburant au coût effectif des trajets entre le domicile et le travail est inopérant, puisqu'il n'a jamais été possible de définir, même à travers la question des frais réels, le coût de ce trajet à l'euro près. J'ajoute que rien n'empêche un salarié de faire un détour pour éviter un embouteillage ou pour aller chercher un enfant en sortant du travail. Faut-il prévoir ces cas ? Aussi fixer un plafond à l'euro près compliquerait le dispositif.
Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle étudie l'amendement AS4 de Mme Caroline Fiat.
Autant nous sommes opposés à l'idée de fixer un taux définitif qui interdirait une forme de négociation au sein des entreprises, autant il est possible de s'inspirer de la réussite du titre-restaurant qui prévoit une fourchette de taux modulable. Je vous propose cependant d'ouvrir l'écart que vous proposez et de remplacer « 60 % » par « 80 % », notamment afin d'offrir une bonification intelligente aux salariés qui pratiqueraient le covoiturage. La part contributive de l'employeur représenterait ainsi entre 50 % et 80 % de la valeur du ticket-carburant.
La commission adopte l'amendement ainsi rectifié.
Elle étudie enfin l'amendement AS1 de M. Adrien Quatennens.
En l'état actuel, votre proposition de loi est une incitation à prendre sa voiture car seuls les salariés l'utilisant bénéficient de l'avantage qu'elle crée. À ce jour, comme je l'ai déjà dit, aucune voiture n'est propre. Toutefois, le covoiturage demeure une solution avantageuse pour l'intérêt général. Dès lors, nous vous proposons un amendement qui l'encourage et le récompense en portant à 80 % la part contributive de l'employeur quand le salarié pratique le covoiturage.
À l'heure où les réfugiés climatiques sont en augmentation croissante et où la biodiversité est mise à mal, à l'heure où les cancers se multiplient du fait de la pollution automobile, nous ne pouvons nous permettre d'encourager des modes de transport polluants et nous devons favoriser en priorité les plus écologiques et les plus sobres. Tel est le sens de cet amendement.
Je me réjouis que l'amendement précédent ait été adopté. Celui-ci est dans le même esprit. Aussi, j'y suis favorable.
La proposition de loi vise à apporter un soutien significatif en termes de pouvoir d'achat à l'ensemble des salariés du privé et du public et notamment aux apprentis. Tout ce qui permettra d'inciter progressivement nos concitoyens, à travers le véhicule électrique ou mieux encore le covoiturage, doit être privilégié. Un taux de contribution de 80 % en faveur de ceux qui pratiquent le covoiturage me semble donc aller dans la bonne direction.
La commission adopte l'amendement.
Puis elle rejette l'article 1er modifié.
Article 2 (art. L. 3261-3 du code du travail) : Cumul du ticket-carburant avec la prise en charge des frais de transport personnels par l'employeur
La commission rejette l'article 2.
Article 3 (art. L. 2333-64 et L. 2531-2 du code général des collectivités territoriales) Déductibilité de la part contributive des tickets-carburant du versement transport dû par l'employeur
La commission rejette l'article 3.
Article 4 (art. 81 du code général des impôts) Exonération de l'impôt sur le revenu de la part contributive des tickets-carburant
La commission rejette l'article 4.
Article 5 Entrée en vigueur et abrogation au bout de deux ans des dispositions résultant de la présente proposition de loi
La commission rejette l'article 5.
Article 6 Gage de recevabilité
La commission rejette l'article 6.
L'ensemble des articles de la proposition de loi ayant été rejetés, le texte est considéré comme rejeté par la commission.
La séance est levée à vingt heures cinquante.
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Informations relatives à la commission
La commission a désigné :
– M. Gilles Lurton
– Mme Fadila Khattabi
membres de la mission d'information commune avec les commissions des Affaires économiques, du Développement durable et des Lois, relative à l'évaluation de la loi du 6 août 2015, pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Présences en réunion
Réunion du mardi 27 mars 2018 à 17 heures 15
Présents. - Mme Delphine Bagarry, M. Belkhir Belhaddad, Mme Gisèle Biémouret, M. Bruno Bilde, M. Julien Borowczyk, Mme Brigitte Bourguignon, Mme Blandine Brocard, M. Sébastien Chenu, M. Gérard Cherpion, M. Paul Christophe, Mme Christine Cloarec, Mme Josiane Corneloup, M. Dominique Da Silva, M. Marc Delatte, M. Pierre Dharréville, M. Julien Dive, M. Jean-Pierre Door, Mme Jeanine Dubié, Mme Audrey Dufeu Schubert, Mme Nathalie Elimas, Mme Catherine Fabre, Mme Caroline Fiat, Mme Agnès Firmin Le Bodo, Mme Emmanuelle Fontaine-Domeizel, Mme Albane Gaillot, Mme Patricia Gallerneau, Mme Carole Grandjean, Mme Florence Granjus, M. Brahim Hammouche, Mme Monique Iborra, Mme Fadila Khattabi, M. Mustapha Laabid, Mme Fiona Lazaar, Mme Charlotte Lecocq, M. Thierry Michels, M. Guillaume Peltier, M. Bernard Perrut, Mme Michèle Peyron, M. Laurent Pietraszewski, Mme Claire Pitollat, M. Adrien Quatennens, M. Alain Ramadier, Mme Nadia Ramassamy, Mme Mireille Robert, M. Aurélien Taché, M. Jean-Louis Touraine, Mme Isabelle Valentin, M. Boris Vallaud, Mme Michèle de Vaucouleurs, M. Olivier Véran, M. Francis Vercamer, Mme Annie Vidal, Mme Corinne Vignon, Mme Martine Wonner
Excusés. - Mme Ericka Bareigts, Mme Justine Benin, Mme Claire Guion-Firmin, M. Jean-Philippe Nilor, Mme Nicole Sanquer, M. Adrien Taquet, Mme Hélène Vainqueur-Christophe
Assistaient également à la réunion. - Mme Stella Dupont, M. Matthieu Orphelin