La Cour des comptes a une vision parfois très administrative des comptes d'une entreprise. Je suis journaliste économique, je fais de l'enquête économique depuis vingt-huit ans, et je sais que la vision administrative des comptes d'une entreprise ne correspond pas toujours à sa situation réelle.
La dette d'EDF a augmenté d'au moins 35 milliards, et si l'on prend en compte les titres émis à cent ans, qui sont des quasi-fonds propres, elle a plutôt augmenté de 50 milliards d'euros entre 1998 et aujourd'hui. Où est passé cet argent, à quoi a-t-il servi ? Je connais la réponse : il n'a servi à rien, il n'a pas créé un centime d'euro de valeur. Il a été perdu à l'étranger.
Aujourd'hui, EDF a-t-elle les capacités de réinvestir dans son appareil de production ? C'est la question centrale. Compte tenu de l'état de sa dette, la réponse est non. Même si l'EPR nouvelle génération est à 6 milliards d'investissements, EDF n'a pas les moyens de reconstruire un parc d'une trentaine d'EPR afin de compenser la fermeture progressive des réacteurs actuellement exploités.
Donc, EDF est-elle une entreprise dans une situation financière saine ? Si l'on se réfère à ces deux éléments, la réponse est évidente : non.
Le coeur de la comptabilité d'une entreprise, c'est le tableau de flux de trésorerie, ce qui sort et ce qui entre. Depuis 2006 ou 2007, EDF est obligé, tous les ans, de s'endetter pour couvrir toutes ses dépenses. Vous pouvez penser que c'est une entreprise bien gérée ; moi je soutiens le contraire, et c'est ce qui explique en très grande partie les difficultés actuelles du complexe nucléaire.