Madame la présidente, madame la garde des sceaux, madame la ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur, madame la présidente de la commission des lois, messieurs les rapporteurs, chers collègues, la question de l'usage et du trafic de stupéfiants est un enjeu majeur de santé, de sécurité et de tranquillité au quotidien. C'est une réalité que je vis en tant qu'habitant et député de Paris, dans le dix-huitième arrondissement. Il faut réfléchir aux différents échecs en la matière, qui se succèdent depuis trente ans. C'est un échec, car la consommation de stupéfiants n'a cessé d'augmenter dans nos quartiers. La France est d'ailleurs le pays où la consommation de cannabis augmente le plus en Europe, alors même que sa législation est la plus répressive.
La perspective d'une réforme de la procédure pénale offre l'opportunité de s'interroger sur les dysfonctionnements et les solutions nouvelles à apporter en la matière. Aussi, je veux saluer le travail de mes collègues Éric Poulliat et Robin Reda pour leur rapport visant à réfléchir au meilleur outil juridique pour sanctionner l'usage illicite de stupéfiants. Leur constat est clair : la réponse pénale actuelle est inopérante. L'usage simple est théoriquement puni d'un an de prison et de 3 750 euros d'amende, mais la peine est rarement appliquée ; elle se traduit dans près de 70 % des cas par un rappel à la loi qui conduit à une dépénalisation de fait, puisque l'usage de stupéfiants n'est plus réellement sanctionné pour les primo-délinquants. Il existe donc aujourd'hui un décalage entre un arsenal théoriquement très répressif et une réponse pénale peu dissuasive qui n'a pas permis d'enrayer la progression de la consommation de stupéfiants en France ni la banalisation de ces produits, notamment chez les jeunes.
Cette réponse pénale peu efficace s'avère très chronophage pour les forces de l'ordre et les magistrats. Le temps consacré au traitement de ces infractions par les forces de l'ordre est ainsi estimé par le ministère de l'intérieur à plus d'un million d'heures en 2016, soit 600 équivalents temps plein. La proposition des rapporteurs est pragmatique : il faut simplifier la procédure pour renforcer la lutte contre la toxicomanie. Oui, la contraventionnalisation de l'usage de stupéfiants peut être une mesure efficace pour réguler leur consommation dans l'espace public. La forfaitisation permettrait d'éviter des procédures trop chronophages pour les forces de l'ordre et la justice et de se concentrer en priorité sur la lutte contre les trafics. Je suis favorable à une expérimentation d'un dispositif de ce type à Paris, afin d'en évaluer l'impact avant un éventuel élargissement. Néanmoins, un certain nombre de conditions sont nécessaires au succès de sa mise en oeuvre pratique : doter toutes les patrouilles de police et de gendarmerie de tablettes NEO, de kits de détection et de balances afin de garantir la fiabilité et l'efficacité de la procédure.
Si les rapporteurs partagent l'idée d'une forfaitisation des peines, ils proposent chacun une approche technique différente en matière de dispositif juridique. D'un côté, la piste d'une amende forfaitaire délictuelle : une amende d'environ 300 euros qui s'inscrirait dans le système du délit actuel, avec la possibilité de garde à vue. De l'autre, la piste d'une contravention forfaitaire : une amende de quatrième ou cinquième classe comprise entre 150 et 200 euros. La consommation de stupéfiants ne serait ainsi plus classée comme délit. Le dispositif supprimerait la mise en garde à vue de l'usager, mais permettrait aux forces de l'ordre d'entendre celui-ci comme témoin volontaire dans le cadre d'un trafic. À titre personnel, si je n'ai pas encore d'avis tranché sur le meilleur outil juridique, je pense que dans un souci d'expérimentation, la deuxième solution – la contravention forfaitaire – est la meilleure, car beaucoup plus simple.
De manière générale, au-delà de ce rapport utile de nos collègues, il semble que le temps est venu de réfléchir à notre approche de la consommation de cannabis. En France, 700 000 personnes déclarent en fumer chaque jour ; c'est un phénomène de masse et un réel problème de santé publique. Néanmoins, nous le voyons bien, la politique répressive du consommateur n'a pas porté ses fruits. Je reviendrai, dans ma question de contrôle, sur la question essentielle de la prévention – politique cruciale si nous voulons faire reculer l'usage du cannabis en France. Enfin, nous devons réfléchir collectivement à la politique de l'offre et aux implications en matière d'économie souterraine, de trafics et de criminalité. Il serait utile qu'une mission d'information transversale travaille de façon approfondie sur ce sujet de société difficile et complexe. Car au fond, ce n'est pas l'usager que nous voulons sanctionner – il s'agit plutôt de le prévenir du danger qu'il encourt – , mais celles et ceux qui se font de l'argent sur son dos. Les consommateurs commencent parfois très jeunes ; se trouvant sous influence, ils commencent par fumer une barrette, puis deux, puis trois, et en quelques mois ils deviennent dépendants de cette drogue. C'est là-dessus que nous devons collectivement agir.