Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, la guerre d'Algérie a pris officiellement fin le 2 juillet 1962. Cela n'a signifié ni la fin des combats ni le départ immédiat de nos troupes du territoire algérien. De 1962 à 1964, plusieurs dizaines de milliers de soldats français étaient toujours présents en Algérie ; 535 d'entre eux y trouveront la mort dans les derniers soubresauts, particulièrement violents, d'un conflit qu'on se hâtait d'occulter en métropole.
Ceux qui sont restés en Algérie après le 2 juillet 1962 sont des combattants, car ils ont vécu les troubles de la fin de la guerre. Ces derniers, du point de vue de l'intensité des combats, n'ont rien à envier à nos engagements les plus durs – cela représente dix fois plus de tués en deux ans que pendant notre long et difficile engagement en Afghanistan.
Alors que cette proposition de loi est soutenue par l'ensemble du monde combattant, la majorité et ses satellites affirment qu'il est difficile d'estimer le nombre d'anciens militaires éligibles, et donc les coûts qui en découlent.
Notre excellent collègue Gilles Lurton a écarté cette objection avec la rigueur qui lui est coutumière : si des chiffres très élevés circulent, la plupart sont de vagues estimations. De plus, un certain nombre des militaires déployés après 1962 ont déjà droit à la carte du combattant en raison de leur participation à la Seconde guerre mondiale ou aux guerres d'Indochine, de Corée et d'Algérie avant le 2 juillet – on parle, en moyenne, de 20 000 à 25 000 personnes. Mais là n'est pas le plus important. Il est question ici avant tout de principes avec lesquels on ne saurait transiger.
Par ailleurs, les montants évoqués sont loin de représenter un danger pour l'équilibre des comptes publics.
Lors des discussions en commission, les députés de la majorité ont affirmé que cette proposition de loi était prématurée, car ils parient, pour reprendre leur mot, que le Président de la République réparera cette injustice avant la fin de son mandat. Et bien moi, je parie que si nous continuons à ne pas régler ce problème, il se réglera tout seul, car, pour employer un euphémisme, la population concernée n'ira pas en augmentant.
Il arrive un moment où le désir de s'attirer les faveurs de l'opinion doit s'effacer devant l'urgence de notre devoir. Les plus jeunes des anciens militaires concernés ont en effet plus de soixante-dix ans. Je suis certain que tous s'accordent sur la nécessité d'agir vite.
Au-delà de l'urgence, se pose aussi une question de principe. Nous avons trop tardé à reconnaître les droits de ces soldats. Il y a trop longtemps que la République néglige ses devoirs envers cette partie du monde combattant, ce qui est une véritable injustice. Ces derniers ont droit au même traitement que leurs camarades.
Le dernier argument que j'ai entendu était une redite du sempiternel « mais cela n'a pas été fait avant ». Se défausser sur les autres de ses propres manquements est certes habile, mais assez mesquin. Le contexte, à dix années d'écart, est différent. En outre, de la part de ceux qui portent un discours réformateur, une telle réponse est décevante non seulement pour la qualité du débat parlementaire, mais aussi pour le monde combattant qui attend beaucoup de vous.
Malgré la création de la carte dite « à cheval » et la possibilité pour ceux déployés après le 2 juillet 1962 de se voir décerner le titre de reconnaissance de la Nation, il s'agit d'aller plus loin et de faire correspondre le droit et les faits, à savoir la participation de jeunes soldats à de véritables missions de guerre.
Le groupe Les Républicains a toujours soutenu le monde combattant, comme en témoigne l'inscription de la proposition de loi de notre collègue à l'ordre du jour de la séance d'initiative parlementaire qui nous est réservée. Lorsque nous étions dans la majorité, nous avions pris des mesures concrètes pour les droits des anciens combattants. Je pense notamment au point de retraite du combattant ou à l'allocation différentielle.
Notre soutien aux anciens combattants, même des années après la fin des conflits, doit être à la mesure de leur engagement : sans faille, entier et sans compromis. Eux n'ont pas remis à plus tard la sauvegarde de la Nation et la défense de nos droits !
« Ils ont des droits sur nous » : cette formule, tellement répétée qu'elle est devenue pour certains un mot d'ordre éculé, sur lequel priment des économies de bout de chandelle, est néanmoins un des fondements du lien entre l'armée et la Nation. Elle est le signe de la prise de conscience, au sortir de la Grande Guerre, des sacrifices de ceux qui défendent la société française.
Les soldats des guerres d'hier et ceux qui livrent les combats d'aujourd'hui ne sont pas des mercenaires. Ce qu'ils veulent, en contrepartie de leur engagement qui peut aller jusqu'au sacrifice ultime, ce sont les honneurs qu'ils méritent.