Il y a urgence et la question du temps est liée à la reconnaissance que nous accordons à ces combattants. Il n'est pas question d'aller vite pour mal faire, mais d'aller vite pour faire, tout simplement. À trop repousser le débat, plus rien ne sera possible.
À moins, si j'ai bien compris, ce qui serait agaçant, que la majorité soit prête à prendre cette mesure, à condition qu'elle en conserve l'initiative. Ce serait mesquin, et ce serait une perte de temps supplémentaire. Si la majorité rejette une proposition, au prétexte qu'elle n'émane pas de ses rangs, pour la reprendre plus tard à son compte, ce serait très petit au regard des enjeux.
Nous ne sommes pas à l'origine de cette proposition de loi, ce qui ne nous empêche pas de la juger pertinente. Malgré tous les désaccords qui nous opposent au groupe qui la porte, nous considérons qu'il faut agir en ce sens. C'est d'autant plus nécessaire que nous vivons une époque dans laquelle il est de bon ton d'évoquer le patriotisme, l'engagement de nos soldats, de saluer le courage d'un homme qui s'est sacrifié il y a peu de temps encore pour défendre la vie de l'un de nos concitoyens.
Que faisaient les soldats engagés là-bas, si ce n'est risquer leur vie, eux aussi, pour défendre une certaine conception de leur pays ou du moins, permettre qu'une jeune nation accède à sa pleine souveraineté, après 130 ans de colonialisme ?
Nous devons envoyer des signes forts, par reconnaissance et par respect pour ceux qui ont été engagés là-bas. Mon père y était, et je fais partie d'une génération qui conserve, dans sa mémoire d'enfant, par les récits qui lui en ont été faits, l'importance de cet événement. La portée symbolique serait grande. J'ajouterai, sans aucun esprit de polémique, que nous devons non seulement rendre hommage à nos soldats français, en leur attribuant la carte du combattant, mais permettre aussi que se poursuive le débat avec nos amis algériens.
Je profite de cette tribune pour rappeler ce que l'on oublie trop souvent : aujourd'hui, 30 000 Algériens de confession musulmane – pour reprendre les termes de cette époque – , qui ont servi sous l'uniforme français sans pour autant être tous des harkis, sont restés là-bas. Eux, ils n'ont jamais reçu la moindre reconnaissance.
J'ouvre là un débat historique qui pourrait nous permettre, avec toutes les conséquences que cela emporterait, de leur rendre hommage. Les récents travaux d'historiens nous ont montré que, contrairement à ce qui se prétendait, beaucoup de soldats, harkis mais pas seulement, qui avaient servi sous l'uniforme français, ne sont pas venus en France, mais sont restés en Algérie. À eux, la nation française n'a jamais rendu le moindre hommage.
Un important travail mémoriel reste à faire, mais en adoptant ce texte, nous enverrions le signe, très fort, que la guerre d'Algérie est terminée, que le sujet est apaisé et n'est plus brûlant. Nous rendrions un hommage juste et indispensable à ceux qui ont risqué leur vie pour défendre une certaine conception de la République et permettre qu'une jeune nation s'installe et qu'il soit mis fin au colonialisme.