Intervention de Sébastien Chenu

Séance en hémicycle du jeudi 5 avril 2018 à 15h00
Attribution de la carte du combattant aux soldats engagés en algérie entre le 2 juillet 1962 et le 1er juillet 1964 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSébastien Chenu :

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, cette proposition de loi nous offre l'occasion de réparer une injustice faite à ces serviteurs de la nation depuis trop longtemps sacrifiés sur l'autel de la repentance et de la guerre mémorielle.

Il est en effet injustifié que le législateur impose le 2 juillet 1962, veille de l'indépendance de l'Algérie, comme une date césure après laquelle les quelque 80 000 soldats – 150 000, en tenant compte des relèves – qui ont continué d'être mobilisés sur ce territoire jusqu'en 1964, conformément aux accords d'Évian, ne puissent plus bénéficier de la carte du combattant et des avantages qu'ils emportent.

Certes, depuis la loi de finance pour 2014, la création d'une carte « à cheval » à destination des soldats ayant effectué un séjour de quatre mois en Algérie, entamé avant le 2 juillet 1965 et prolongé au-delà sans interruption, a amélioré quelque peu la situation, mais il n'y a toujours pas de carte du combattant pour ceux qui sont arrivés en Algérie après le 2 juillet, alors que les soldats ayant servi au Maroc et en Tunisie peuvent obtenir, eux, l'intégralité des titres – carte du combattant, titre de reconnaissance de la nation, médaille commémorative – jusqu'au 2 juillet 1962, soit six ans après leur indépendance.

Pourtant, 535 de ces combattants sont « morts pour la France » en Algérie, comme l'a rappelé notre collègue Alexis Corbière, entre 1962 et 1964, preuve que le « cessez-le-feu » officiel n'a pas signifié la fin effective des hostilités et que leur présence en Algérie leur faisait encourir un risque réel.

Nul ne peut ignorer aujourd'hui que c'est précisément à partir de la signature des accords d'Évian, puis du référendum d'autodétermination de l'Algérie, que les violences se sont déchaînées. Le terrible massacre d'Oran, trois mois et demi après le « cessez-le-feu », scandaleusement oublié de nos manuels d'histoire et de nos cérémonies officielles, en est un exemple probant.

Puisque l'Algérie était indépendante à partir de cette date, il est logique d'envisager le déploiement des forces françaises dans ce pays comme une opération extérieure, c'est-à-dire comme la présence militaire de durée limitée sur la base d'un accord bilatéral, ce qu'elle était effectivement.

Plusieurs opérations antérieures à la guerre d'Algérie ont d'ailleurs été reconnues à ce titre : Madagascar entre 1947 et 1949, le Cameroun entre 1956 et 1958 puis en juin 1959 et mars 1963, ou encore la Mauritanie entre janvier 1957 et décembre 1959.

Il appartient donc au Gouvernement, par arrêté, de compléter la liste de ces théâtres d'opérations pour y inclure l'Algérie entre le 2 juillet 1962 et le 1er juillet 1964.

Il est de notre devoir de législateur de tout faire, le plus vite possible, pour que la reconnaissance de la nation à l'égard des hommes qui l'ont servie soit absolument complète.

Même si cette mesure a un coût – modeste, au demeurant : 16 millions d'euros pour 24 000 hommes concernés, le montant de la retraite du combattant s'élevant à 674 euros par an – , elle répond à un impératif de reconnaissance, que méritent tous les soldats de France engagés dans le conflit algérien, y compris, bien évidemment, leurs supplétifs harkis.

En outre, puisqu'il est question ici de proposer les plus justes façons de réparer des injustices mémorielles, comment ne pas mettre en parallèle cette question des anciens combattants d'Algérie avec la scandaleuse décision du Conseil constitutionnel de février dernier, qui vient d'étendre le droit aux pensions des victimes d'actes de violence pendant la guerre d'Algérie à l'ensemble des personnes qui résidaient dans le pays, qu'elles soient françaises ou non ? En conséquence, tout Algérien, quand bien même serait-il un ancien combattant du FLN, est désormais fondé à exiger une pension des autorités françaises, sous prétexte qu'il se trouvait sur un territoire français au moment des dommages subis.

Une telle décision impose des conséquences autrement plus lourdes pour le budget de l'État, réduit à l'humiliation de devoir gratifier ses anciens ennemis au nom d'un prétendu principe d'égalité devant la loi. En réalité, le Conseil constitutionnel a fait preuve d'un étonnant mépris envers un principe constitutionnel ancien, selon lequel « la Nation proclame la solidarité et l'égalité de tous les Français » – et d'eux seuls ! – « devant les charges qui résultent des calamités nationales ». C'est l'alinéa 12 du préambule de la Constitution de 1946.

De notre côté, nous défendrons toujours l'idée selon laquelle la solidarité devra se tourner prioritairement vers nos compatriotes. C'est ce que nous vous demandons aujourd'hui.

Somme toute, il aura fallu attendre 1999 pour que le caractère de guerre des « opérations effectuées en Afrique du Nord » entre 1952 et 1962 soit officiellement reconnu. La carte du combattant n'est véritablement attribuée aux militaires qui y ont participé que depuis 2004. Il reste les oubliés de la période allant de 1962 à 1964, dont il est question aujourd'hui. Leur âge avance, le temps presse, il n'est pas question de les faire attendre encore.

C'est en pensant à ces anciens combattants, partout dans nos circonscriptions – en particulier dans la mienne, à Denain, Bouchain, ou Lourches – , et avec lesquels j'ai tant discuté, que je m'exprime aujourd'hui et que je vous indique que les députés du Front national, soucieux de défendre les intérêts de tous ceux qui ont fidèlement servi la nation, voteront cette proposition de loi.

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