Je voudrais réagir à la notion de ponycorn et de licorne. Le sujet me passionne dans l'agroalimentaire et le numérique. C'est un enjeu colossal pour l'information consommateurs, le blockchain, tout ce qui générera le futur.
J'ai monté deux fonds. Nous ne rencontrons pas trop de difficultés à la première levée. Le dispositif est plutôt ouvert parce que le projet est sympathique et qu'il est porté par des business angels. Dans 90 % des cas, le projet prend un peu de retard par rapport au business plan. Le porteur de projet revient alors devant nous pour une seconde levée. Nous avons alors un comportement très français : on commence à appréhender le risque et l'on a un peu peur ensuite parce que le projet n'est pas au rendez-vous du business plan. C'est alors que la moitié des porteurs du projet ne suit plus. Ensuite, on rencontre des problèmes à trouver des relais en deuxième et troisième levées. En Bourgogne, une dizaine de projets ont pris du retard ou n'ont pas été entièrement au rendez-vous de la technologie. Dès lors, comment préparer les business angels, les banques, les fonds à ces deuxième et troisième levées ? Dès lors que l'on participe à la première levée, il faut se poser la question de savoir si l'on est capable de prévoir d'autres versements sur la durée. Si c'est le cas, nous serions mieux armés pour révéler certaines pépites.
Sur votre question « Choisir la France », je vous raconterai une anecdote. J'organise tous les six mois un petit-déjeuner auquel j'invite les trente premiers groupes alimentaires français et étrangers en France. La première année, j'ai pris peur, parce que les trente premiers représentaient 105 milliards d'euros, sachant que l'agroalimentaire représente 180 milliards d'euros et 17 000 entreprises. Recevoir des groupes étrangers en France est d'ailleurs quelque chose d'extraordinaire, cela les marque à vie ! Je le dis, car j'ai eu des retours intéressants de ces rendez-vous. Je vous invite à lire l'article récent sur la société Barilla qui explique dans Les Échos les raisons pour lesquelles elle pourrait rester et investir en France et celles qui militeraient pour son départ. Elle constate que son retour sur investissement est insuffisant en France en raison de la guerre des prix qui dégrade son compte d'exploitation.
Lorsque j'ai organisé ce petit-déjeuner, nous avions procédé à un tour de table des trente groupes, dont nous avons tiré des données chiffrées : dans le meilleur des cas, la France occupe la cinquième place en Europe et souvent la septième. Un groupe mondial qui cherche un site d'implantation d'une usine ne choisira jamais la France. Nous ne figurons jamais sur le podium. Il nous faut donc travailler au thème de l'attractivité pour redonner confiance. C'est essentiel. Le pays reste attractif. Vous parliez d'optimisme, monsieur le rapporteur, je le suis. Un cap est donné et je vois la confiance revenir, les gens changent d'attitude.
J'en viens aux groupes étrangers. Dans ma propre entreprise, je suis sollicité ; il ne se passe pas six mois sans qu'un fonds, sans qu'un conseil, sans qu'un groupe m'approche pour savoir comment l'entreprise se porte, comment se dessine l'avenir – j'ai bientôt soixante ans ! Un jour, François Rebsamen, alors ministre, m'avait demandé : « Mais que faire ? », ce à quoi je lui avais répondu qu'il l'apprendrait toujours le lendemain. En effet, quand des négociations sont en cours, tant que la signature n'est pas intervenue, il n'y a pas de communication. Il nous faut donc créer des événements mettant la réussite à l'honneur. Les dégâts seront moindres, car les tentations sont grandes face à l'argent. Un fonds chinois m'a contacté, riche de 500 millions d'euros, qui ne sait pas comment dépenser en Europe. Ils vont acheter. Si nous ne sommes pas animés par l'idée de la réussite française, si les entreprises n'ont pas envie de défendre la signature « France », ce sera compliqué de ne pas vendre. Il n'est pas facile de ralentir les échanges de capitaux.