La réunion

Source

La séance est ouverte à quatorze heures vingt.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Merci à tous d'être présents à cette table ronde sur le financement de l'économie.

M. Olivier Marleix, président de la commission d'enquête, empêché, vous prie de l'excuser. Nous organisons aujourd'hui une table ronde sur le financement de l'économie. L'objet de la commission d'enquête porte sur les décisions de l'État en matière de politique industrielle, notamment dans les cas de rachat d'Alstom, d'Alcatel Lucent et de STX France. Notre objectif est double : d'une part, dresser le bilan de la politique industrielle passée pour déterminer ce qui a plus ou moins bien fonctionné ; d'autre part, formuler des recommandations pour la politique industrielle de demain.

Je vous rappelle que les témoignages devant les commissions d'enquête se font sous serment. Conformément aux dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958, je vais vous demander de prêter serment.

(M. Nicolas Bodilis-Reguer, Mme Marie-Anne Barbat-Layani, M. François Perret, M. Bernard Cohen-Hadad, M. Jean-Lou Blachier, M. Jules Guillaud, Mme Marie-Noëlle Duval, M. Jean-Philippe Girard et Mme Colette Neuville prêtent successivement serment.)

Permalien
Nicolas Bodilis-Reguer

Je suis le directeur des affaires publiques de la Fédération bancaire française.

Permalien
Marie-Anne Barbat-Layani

Je suis la directrice générale de la Fédération bancaire française. Cette organisation professionnelle représente les 347 banques actives sur le territoire français. Toutes les banques, qu'elles soient mutualistes, commerciales, d'origine étrangère ou française, sont représentées par la Fédération.

Permalien
François Perret

Je suis directeur général de PACTE PME, réseau fondé en 2010 avec l'ambition de faire mieux coopérer les grands comptes et les PME françaises. Il rassemble une cinquantaine de grands comptes publics et privés ainsi qu'une trentaine d'organisations professionnelles membres.

Permalien
Bernard Cohen-Hadad

Je suis président de la commission « Financement » de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) et président de la CPME de Paris-Île-de-France, qui représente 7 000 entreprises en Île-de-France.

Permalien
Jean-Lou Blachier

Je suis vice-président délégué de la CPME. Je suis également chef d'entreprise d'une entreprise industrielle. Il y a peu, j'ai commis un rapport intitulé « Réindustrialiser par l'innovation » que m'a commandé Emmanuel Macron.

Permalien
Jules Guillaud

Je représente la direction des affaires publiques du Mouvement des entreprises de France (MEDEF).

Permalien
Marie-Noëlle Duval

Je suis déléguée générale de « MEDEF Accélérateur d'investissement » (MAI), une plate-forme créée par le MEDEF pour former, orienter et accompagner des petites et moyennes entreprises qui sont à la recherche de financements.

Permalien
Jean-Philippe Girard

Je suis chef d'entreprise en Côte-d'Or, d'une entreprise que j'ai créée en 1989. Elle génère un chiffre d'affaires d'un peu plus de 100 millions d'euros, dont plus de 60 % à l'export, et emploie 445 personnes.

Depuis cinq ans, je préside l'Association nationale des industries alimentaires (ANIA) qui compte près de 17 000 entreprises dont 98 % de PME. Je préside également le Salon international de l'alimentation (SIAL). Je siège au comité exécutif du MEDEF et, dans les semaines qui viennent, j'assumerai la présidence du Comité stratégique de la filière alimentaire, sous la responsabilité de M. Philippe Varin, président du Conseil national de l'industrie.

Permalien
Colette Neuville

Je suis présidente-fondatrice de l'Association de défense des actionnaires minoritaires (ADAM), une structure qui réunit quelques milliers d'actionnaires individuels, même s'ils ne cotisent pas tous, mais également une quinzaine de fonds, notamment de hauts fonds ou de gros fonds d'investissement français avec lesquels je travaille pour améliorer la gouvernance et défendre les actionnaires minoritaires dans les sociétés cotées. Je suis, par ailleurs, administratrice de sociétés cotées : d'abord, je l'ai été de Paribas de 1995 à 2000, d'Eurotunnel et d'Atos et, dix-huit mois durant, de SFR. J'ai donc deux angles de vue.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Hier, j'ai posé une question au Gouvernement qui portait sur la faculté offerte par la prochaine loi « PACTE » d'accélérer l'investissement pour faire croître nos PME et pour que des PME deviennent des entreprises de taille intermédiaire (ETI). Il convient d'investir dans l'outil industriel et, pour ce faire, d'avoir une meilleure visibilité sur les commandes. À ce titre, je serai preneuse de rapports sur le sujet.

Je remercie Mme Neuville de sa présence. Son combat de longue haleine a permis de faire reconnaître les droits des actionnaires minoritaires.

Lors d'un voyage qui nous a amenés aux États-Unis, nous avons rencontré des responsables de la Security Exchange Commission (SEC). Grâce à un tel organisme, tout actionnaire américain, petit ou grand, peut défendre ses droits et peut lancer des procédures pour différents griefs, de corruption ou autres. Pensez-vous que l'Autorité des marchés financiers (AMF) bénéficie des mêmes prérogatives et couvre le même périmètre d'intervention ?

Permalien
Colette Neuville

Je ne peux vous répondre de manière aussi précise que je le souhaiterais car la réponse nécessiterait quelques études comparatives entre les compétences respectives de la Security Exchange Commission et de l'AMF.

L'Autorité des marchés financiers exerce une compétence assez étendue mais néanmoins au droit boursier. Dès que l'on sort du droit boursier pour répondre à des questions relevant du droit des sociétés, on doit s'adresser aux tribunaux. Dans de nombreuses affaires dont je me suis occupée, une étape se déroule devant l'AMF. La procédure y est moins formaliste et chronophage que devant la justice. Arrivé au point où l'on invoque des droits qui relèvent du droit des sociétés et non des règlements de l'AMF, on se présente devant les tribunaux, sachant que la procédure peut durer dix voire quinze ans.

Au titre de la protection des minoritaires, je fais prévaloir la prévention plutôt que la réparation. La réparation de préjudices est totalement illusoire. Il en va de même aux États-Unis avec les class actions ou actions judiciaires collectives. Y compris lorsque la class action aboutit à des sanctions très lourdes, elle n'est jamais à la mesure du préjudice. La mesure est lourde pour celui qui paie, mais extrêmement légère, voire négligeable pour chacune des personnes dédommagées.

La vraie protection des minoritaires ainsi que leur participation au développement des entreprises ne passent pas par des formations destinées à se préparer à des batailles rangées entre dirigeants et minoritaires ou entre majoritaires et minoritaires. Aboutir à un litige de réparation reste un constat d'échec. Si je le fais, c'est dans un objectif de prévention, pour que cela serve d'exemple et empêche d'autres cas similaires d'advenir dans une société. Le rôle des actionnaires minoritaires consiste bien davantage à participer pleinement à la vie de la société, à se tenir informés, ce qui n'est pas toujours le cas, et à jouer le rôle de partenaires et de contre-pouvoir, indispensable à l'efficacité. Qu'il soit politique ou d'une société, un exécutif qui fonctionne sans contre-pouvoir, un jour ou l'autre, commet des erreurs ou des abus. Des contre-pouvoirs sont donc nécessaires ; pour autant, ils ne doivent pas se manifester par une obstruction ou une opposition systématique, mais, au contraire, se traduire par un partenariat musclé, compétent et attentif. C'est ainsi que je perçois le rôle des actionnaires minoritaires.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je suis ravie d'assister à cette audition qui s'inscrit dans un esprit participatif.

Le financement participatif est-il fiable et porteur ? Permet-il de répondre aux besoins ? Je souhaiterais obtenir un éclairage sur le financement de l'économie sociale et solidaire en prenant en compte les contraintes qui s'attachent, par exemple, aux fonds de dotations ou à certaines structures, les sociétés coopératives et participatives (SCOP) par exemple, au moment de leur création. Si l'on pousse la réflexion, disposez-vous d'éléments concrets susceptibles de renforcer l'attractivité du financement spécifique à l'économie sociale et solidaire ?

Permalien
Jean-Philippe Girard

J'ai plusieurs participations dans des sociétés d'économie ou dans des sociétés cotées, mais également plusieurs actions dans l'économie sociale et solidaire, suite à des opérations de crowdfunding.

Il est intéressant de voir ce qui s'est passé ces trois dernières années. Chaque modèle répond à une demande très spécifique. Le crowdfunding met habituellement en jeu de petits projets, qui ont besoin de cash et de soutien. J'ai accompagné plusieurs entreprises. Lorsque les sommes oscillent entre 5 000 euros et 30 000 euros, le dispositif fonctionne plutôt bien. Il rencontre un engouement, les gens s'intéressent à l'entreprise, au dirigeant ou à la dirigeante. Une véritable empathie entoure le projet.

D'un côté, il y a les start-up ; de l'autre, les créations d'entreprises, les reprises et ce volet, nouveau, du crowdfunding, qu'il convient d'intensifier. C'est le premier pas dans l'entreprise, le premier pas vers la création d'un projet d'entreprise, c'est la réalisation d'un rêve, c'est le moyen d'aller au bout d'une idée. Je suis un fervent défenseur du crowdfunding qui répond à ce que nous ne savons plus très bien faire, nous qui finançons des projets plus structurés et de montants plus élevés.

En Côte-d'Or, je me suis positionné aux côtés de Go'Up, qui est un générateur d'entreprises sociales. Dans un premier temps, j'ai voulu comprendre s'il s'agissait d'une économie concurrentielle à l'économie classique. Je me suis aperçu que l'économie sociale et solidaire était en train de trouver sa place, car elle répond à des demandes auxquelles ne pourrait pas répondre une société classique. Actuellement, nous travaillons sur l'intégration de salariés en difficulté dans le secteur du jardinage et de l'enfance, dans une crèche. Nous travaillons sur plusieurs projets, dont une conciergerie solidaire.

À Dijon, un projet de conciergerie ne peut aboutir, parce qu'il n'est pas rentable. En passant par une entreprise solidaire, nous arrivons à financer et à dynamiser ce projet. Le concept de crowdfunding offre une réponse intéressante à l'entreprise et à sa vocation. Mme Neuville l'a dit, il y a une vocation de l'entreprise. Une société cotée diffère d'une société solidaire, qui, elle-même, diffèrera d'une société de financement participatif. Je plaide pour ces différentes strates qui permettent d'aller au bout d'un projet et de trouver des financements originaux.

Permalien
Bernard Cohen-Hadad

Plus globalement, nos petites et moyennes entreprises ont pour principal interlocuteur les établissements financiers, c'est-à-dire les banques. Il faut replacer les choses dans la maison centrale. Au cours de la crise financière, la relation a pu être mouvementée, voire douloureuse, mais nous en sommes sortis. C'est ainsi que, depuis deux ans, nous assistons à un grand mouvement de financement et d'accompagnement de nos PME. Reconnaissons que la colonne vertébrale du financement de nos PMI dans les territoires est constituée par les établissements financiers.

Par ailleurs, nous disposons d'une palette d'outils de financement qui permet à l'entrepreneur de faire appel, en fonction de l'état de sa situation de développement ou d'accompagnement, à tel ou tel mode de financement : Bpifrance, le crowdfunding, le financement participatif, dont le private equity, le capital-investissement qui a fortement progressé et qui est très présent dans les territoires. C'est important, surtout lorsqu'il s'agit d'un complément de financement.

Nos entreprises ont également besoin de sens : trouver des financements éthiques y participe. Ce que l'on appelle la responsabilité sociale des entreprises (RSE) fait partie d'un engagement de la part de nos entrepreneurs. Ils sont de plus en plus responsables dans les territoires, car, au-delà du développement économique, l'emploi est un enjeu.

Permalien
Marie-Anne Barbat-Layani

Je compléterai les propos de M. Cohen-Hadad par quelques chiffres.

Aujourd'hui, le bilan des banques fait apparaître 963 milliards d'euros d'encours de financement des entreprises à comparer au crowdfunding, qui joue, certes, un rôle utile de complément, mais qui ne représente que… 300 millions d'euros. Les 963 milliards d'euros passent par la colonne vertébrale constituée par les établissements bancaires et les interlocuteurs des PME-TPE au quotidien. En termes de flux annuels, 300 milliards d'euros de nouveaux crédits aux entreprises sur le territoire français sont portés par les banques à un rythme de progression annuelle des entreprises de 5,4 %.

Nous retrouvons une forte dynamique du crédit, qui commence d'ailleurs à être jugée excessive par nos autorités de contrôle puisque le Haut Conseil de stabilité financière (HCSF) considère que les entreprises s'endettent trop rapidement.

Nous ne partageons pas totalement cette analyse. Nous estimons que nous sortons d'une période longue au cours de laquelle les entreprises ont probablement sous-investi bien qu'il soit très difficile d'évaluer le sous-investissement. Aujourd'hui, les indicateurs de confiance des chefs d'entreprise repartent à la hausse. Les banques notent une progression des demandes de crédits, notamment d'investissement.

J'ajoute que, parmi des différents crédits accordés aux entreprises, les crédits à l'investissement sont les plus dynamiques – ce qui est très heureux. Nous enregistrons à ce titre 963 milliards d'euros d'encours, auxquels s'ajoute une progression globale annuelle de l'ordre de 5,4 %. Les crédits d'investissement aux entreprises croissent à un rythme annuel de 6,8 %. Nous étudions attentivement le taux d'accès à ces crédits. Le taux de réponses positives aux demandes de crédits d'investissement des entreprises sur le territoire français atteint les 95 %.

Après une période difficile de dix ans, la croissance des encours des crédits aux entreprises, notamment des crédits d'investissement, reprend. Nous y voyons des perspectives de développement pour nos clients.

Les banques ont tout intérêt à ce que les particuliers et les entreprises connaissent une situation de prospérité et de développement car le développement de leur propre business en dépend. La situation est positive. On ne se repose pas sur nos lauriers !

Le financement de l'économie, notamment des PME, a été défini par la Fédération bancaire française (FBF) comme étant sa priorité stratégique n° 1. Nous nous attachons grandement à améliorer l'aspect qualitatif des relations avec les entreprises comme leur accompagnement. Nous avons conjointement travaillé avec la Confédération des petites et moyennes entreprises pour inciter les chefs d'entreprise à dialoguer avec leur banquier, à le rencontrer pour lui expliquer la situation et l'inviter à visiter l'entreprise. Parallèlement, les banquiers se sont engagés – c'est l'un des engagements pris collectivement par la profession – à proposer au moins un entretien annuel à tous les chefs d'entreprise. Cela semble aller de soi, mais quand on s'adresse à des responsables de petites entreprises, ceux-ci sont très occupés et n'ont pas le temps de prendre rendez-vous avec leur banquier. Nous essayons donc de les persuader de l'intérêt de ces rencontres, d'autant que le crédit est abondant et les taux d'intérêt extrêmement bas. Nous proposons d'ailleurs des taux d'intérêt de crédits aux entreprises qui figurent parmi les plus bas de la zone euro. C'est un indicateur qu'il importe de relever.

Nous bénéficions d'une politique monétaire favorable. De plus, la qualité de la transformation de cette ressource en crédits est particulièrement bonne en France, puisque nous bénéficions du dynamisme des encours de crédits le plus élevé de la zone euro. C'est l'un des rares domaines, je me plais à le signaler, où nous sommes meilleurs que l'Allemagne ! Puisque nous parlons d'industrie stratégique, le secteur bancaire en est une qui ne fonctionne pas trop mal, et ce au bénéfice des entreprises qui trouvent des financements dans de bonnes conditions. Cela ne signifie pas que le crédit doive tout faire. Bien entendu, il y a de la place pour tout le monde. Je pense que le MEDEF s'exprimera sur son initiative « MEDEF Accélérateur d'investissement », dont la Fédération bancaire française est partenaire.

Pour l'heure, le processus PACTE se poursuit, notamment au Parlement, dans le cadre de la préparation de la loi ; l'un de ses objectifs étant d'améliorer l'accès aux entreprises en fonds propres. D'une certaine manière, nous pouvons nous permettre le luxe de ne parler que de financements en fonds propres parce que le financement des entreprises par le « crédit » fonctionne bien. Il est très important d'assurer un bon fonctionnement de cette partie liée aux crédits. Hélas, sur ce sujet, de multiples contraintes réglementaires sont à l'oeuvre, sur lesquelles je n'entre donc pas dans le détail.

Il convient ici de rappeler, me semble-t-il, les fondamentaux du financement des entreprises, notamment du financement de leurs investissements. Bien évidemment, il est utile d'avoir de nombreux intervenants. Nous avons évoqué le crowdfunding. De nombreux établissements bancaires ont créé soit des partenariats avec des fonds d'investissement, soit des entités qui font du crowdfunding, dans la mesure où cela permet de rechercher des financements plus complexes qui ne correspondent pas au type de projets financés par le crédit. Fondamentalement, le secteur bancaire reste l'interlocuteur numéro un des PME et de leurs représentants.

Permalien
François Perret

Je joins ma voix à ceux qui se réjouissent du caractère actif du financement bancaire, mais également de la diversification des sources de financement pour les entreprises. C'est une bonne nouvelle, mais elle entraîne une responsabilité, une exigence particulière pour faire mieux comprendre, tant aux entrepreneurs qu'aux épargnants les moyens de se repérer dans cette offre foisonnante de financements.

S'agissant des entrepreneurs, se pose la question de la culture financière des dirigeants d'entreprise. Sur ce point, on peut faire état de progrès, tout en observant cependant que les dirigeants de PME ont des difficultés à se retrouver dans cette offre. L'un des moteurs de la croissance des PME réside dans la capacité de leurs dirigeants à comprendre qu'ils doivent ouvrir leur capital. L'ouverture du capital est un sujet majeur pour continuer à développer l'entreprise et à moderniser l'outil productif dans un contexte marqué tout particulièrement aujourd'hui par les annonces du Président de la République en matière de stratégie sur l'intelligence artificielle visant à enclencher plus fortement la dynamique de transformation numérique.

Je rappelle que les entreprises françaises se situent seulement au seizième rang en matière de numérisation et qu'un effet boule de neige est fort à craindre. En effet, ce retard dans le domaine de la numérisation est susceptible de se doubler d'un retard de développement en matière d'intelligence artificielle. Il est essentiel de faire de la pédagogie auprès des chefs d'entreprise, comme le font déjà les banques et les autres acteurs financiers, pour les aider à se repérer dans ce foisonnement.

Rappelons à cet égard que l'un des principaux sujets de la prochaine loi PACTE vise à sensibiliser les épargnants à l'importance de financer les entreprises françaises. Nous partons de très loin puisque nous connaissons leur aversion au risque ; c'est ainsi qu'à peine 30 % des épargnants comprennent la nécessité d'orienter le flux d'épargne, pourtant abondant, vers les entreprises. Un travail de pédagogie auprès des chefs d'entreprise et des épargnants serait utile. Probablement, conviendrait-il de prévoir un effort d'accompagnement en ce sens.

Mme Barbat-Layani a évoqué l'initiative « MEDEF Accélérateur d'investissement ». Je voudrais plaider en faveur de la convergence des initiatives. Un entrepreneur confronté à l'offre bancaire – l'offre désintermédiée, le crowdfunding et l'ensemble des dispositifs qui se présentent –, en fonction de son profil de croissance, peut hésiter. Cela pose la question de la responsabilité des acteurs du monde économique et financier, censés proposer une offre d'accompagnement qui soit claire et globale. Lever des fonds suppose aussi obtenir des débouchés commerciaux et monter en compétence, ce qui reste l'un des grands sujets de l'économie française.

Il faudrait associer les accompagnements financiers et non financiers en faveur des entreprises.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Mesdames, messieurs, je suis députée du Nord, d'un territoire qui a vécu une phase de désindustrialisation, mais où l'industrie reste encore bien présente.

Je lance une salve de questions, auxquelles je vous demanderai de répondre le plus directement possible.

Premièrement, on parle souvent de la désuétude de notre appareil productif, notamment des PME. De ce constat, trois questions découlent :

La culture des entrepreneurs liée à leur capacité d'investissement et à la faculté d'intégrer du capital au sein de leur entreprise.

La question de l'actionnariat familial. La France compte de nombreuses PME et TPE dont l'appareil de production est, certes, de qualité, mais assez désuet. Elles sont à capitaux familiaux, fondées sur une histoire et une gouvernance particulières qui rendent encore plus complexe l'entrée de capitaux.

Les transmissions et la dégradation de nombre d'entreprises industrielles actuelles et à venir.

Autre sujet, très différent : nous sommes devenus des champions du software en matière numérique, mais dès qu'il s'agit de progresser sur le hardware, les développements se font à l'étranger, notamment dans les pays nord-américains. Que peut-on faire en matière de financement pour lever « les tickets » nécessaires et faire en sorte que le développement intervienne en France et en Europe ?

Troisièmement, nous avons pris des initiatives visant à rediriger l'épargne des particuliers vers les entreprises. Un exemple existe dans ma région. Il s'agit du Livret Rev 3 – pour « troisième révolution industrielle » – qui permet aux épargnants de contribuer au développement des entreprises, notamment des PME industrielles des Hauts-de-France en matière de troisième révolution industrielle, notamment d'anticipation de la transition écologique pour les questions de production. Quelle est la place des banques ? Pour l'heure, seul le Crédit coopératif s'est engagé dans cette démarche. Les banques sont-elles prêtes à s'engager vers de tels dispositifs, car il s'agit de l'amorce d'une nouvelle dynamique ? Selon vous, les épargnants sont-ils prêts à investir au sein des entreprises ? Quel produit allez-vous développer ?

J'en arrive à la réorientation des dispositifs publics. Quel regard portez-vous sur le développement d'outils de financement portés par les régions : subventions, avances remboursables et autres ? La dynamique d'avances remboursables n'est pas toujours pertinente par rapport à la dynamique de crédit existante. Que faut-il faire ? Quelles sont vos suggestions ?

Ces questions sont très ciblées sur la dynamique de transformation de TPE et de PME en entreprises de taille intermédiaire (ETI).

L'activité d'un acteur présent autour de la table porte sur les liens avec les grands groupes. La France compte des filières exemplaires, telles que l'aéronautique qui figure parmi vos partenaires. J'évoquerai l'industrie ferroviaire qui se structure actuellement en prévision de la bataille internationale : Bombardier, Alstom, etc. Rappelons que la commission travaille également sur les fusions, d'Alstom-Siemens, par exemple. Quel est le lien de ces fusions avec les grappes de PME qui sont directement liées à l'industrie ferroviaire ? Elles ont actuellement la capacité de livrer les gros sites français, mais dès lors qu'elles doivent exporter, ces entreprises ferroviaires envisagent davantage de s'allier avec des PME à l'étranger pour rediriger leurs productions

Permalien
Marie-Anne Barbat-Layani

Les questions sont nombreuses…

Je vais vanter le processus PACTE et les travaux entrepris à ce titre, qui ont abouti à 17 propositions. Nombre d'entre elles croisent un certain nombre des sujets que vous avez mentionnés.

La désuétude de l'appareil productif, la culture des entrepreneurs, les modes de financement des transmissions, l'ouverture du capital font partie des points évoqués par les 17 propositions. S'agissant du financement de la transition numérique des entreprises, nous avons proposé de maintenir ou de réintroduire la possibilité d'un amortissement accéléré des dépenses de numérisation des entreprises. À une époque, le MEDEF avait soutenu un processus, au même titre sans doute que la CPME, d'amortissement accéléré des investissements des entreprises qui a pris fin il y a environ un an. Dans l'idéal, il conviendrait de le remettre en place dans un cadre de finances publiques contraint. Nous avons pensé qu'il pourrait être réintroduit pour les dépenses de transformation numérique des entreprises dont on comprend qu'elles sont essentielles. Je ne peux m'exprimer au nom du MEDEF, mais je connais certaines des actions qu'il mène. C'est ainsi que le MEDEF a mis en place un diagnostic numérique destiné aux entreprises ; il est utile pour mettre en lumière les actions de numérisation qu'elles sont susceptibles d'entreprendre.

Nos propositions visent également à inciter les entreprises à ouvrir leur capital. Dans le cadre du PACTE, nous insistons sur le développement des produits qui permettent d'orienter l'épargne vers l'investissement en fonds propres dans les entreprises. Encore faut-il qu'il y ait des entreprises dans lesquelles investir et que cette démarche d'ouverture du capital puisse intervenir, notamment en introduisant au moins un administrateur indépendant dans les conseils d'administration. Pour de nombreuses petites entreprises, ce serait l'occasion d'avoir un conseil qui les aiderait à se poser la question de la transmission. En tout cas, c'est ce que pensent les réseaux bancaires qui les connaissent bien. De nombreuses entreprises arrivent en phase de transmission en France et doivent s'y préparer. Ce peut être l'occasion pour l'entreprise de se projeter sur des marchés extérieurs. Nous croyons à la nécessité d'accorder quelques avantages, probablement de nature fiscale, aux entreprises qui s'engageraient dans ce type de démarche.

S'agissant des financements liés au numérique, hardware et software, je signale que l'investissement en informatique numérique des banques est très pénalisé par la réglementation bancaire. Depuis un certain temps déjà, nous demandons que soit modifié le traitement prudentiel des investissements des banques elles-mêmes. Cela peut paraître anecdotique mais dans la mesure où le secteur bancaire est le plus gros donneur d'ordres en matière numérique sur le territoire français, une telle mesure provoquerait une accélération de la numérisation des banques, ce qui ne serait pas négligeable.

Au-delà de notre propre paroisse, il y va de l'intérêt des entreprises elles-mêmes. Nous avons récemment réalisé un travail dont nous pourrons vous communiquer les éléments portant sur le financement des dépenses d'investissement qui ne sont pas toujours qualifiées comme telles, car il s'agit souvent de charges. Ce défaut d'imputation comptable ne permet pas de mobiliser des crédits d'investissement qui sont plus avantageux en termes de taux et bien plus faciles d'accès par les entreprises. Cela fait partie des sujets auxquels nous pouvons réfléchir.

Le financement de la transition écologique est un axe fort de la place de Paris et des banques. Nous insistons fortement sur un sujet qui relève de la réglementation internationale, le green porting factor qui est une manière d'inciter les banques à décarboner leur bilan et donc à investir davantage dans les financements « verts », qui constituent déjà l'un de nos points forts. Les banques françaises représentent 25 % des émissions mondiales de green bonds, en français « obligations environnementales », ce qui est bien supérieur à notre part de marché en tant que banques dans le monde.

Que peuvent faire les régions ? L'axe majeur passe par les fonds propres, c'est-à-dire les fonds régionaux dans lesquels les banques prennent des « tickets » car le rééquilibrage vers plus de fonds propres est certainement souhaitable dans le financement des entreprises au titre de la diversification qui a été évoquée.

J'en viens à la question des filières. Vous avez évoqué la filière aéronautique et la filière ferroviaire que je connais moins bien. La Fédération a signé en 2012 un accord avec le Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (Gifas) afin de favoriser le financement des sous-traitants de rang 2, 3, etc. Il avait été souhaité que les grands donneurs d'ordres, des sociétés comme Airbus par exemple, donnent une plus grande visibilité de leurs commandes à ces sous-traitants, permettant ainsi de débloquer le financement bancaire demandé.

Permalien
François Perret

J'ai été interpellé sur le sujet de la relation entre les grands groupes et les PME, mais j'interviendrai sur quelques points que vous avez évoqués, et d'abord sur le financement de l'immatériel. Le sujet a été bien abordé dans le dernier rapport de l'Observatoire du financement des entreprises publié en octobre 2017 ; il était fléché sur la question du financement de la transformation numérique. Globalement, le rapport fait apparaître que le système financier, notamment bancaire, est très à l'écoute du marché et du besoin qui peut s'exprimer en termes de financement de l'immatériel.

Le rapport pointe, parallèlement à la prise de conscience croissante des PME, la progression du nombre des entreprises qui se présenteront au guichet bancaire ou auprès d'autres acteurs financiers pour être financées. Nous ne sommes pas sûrs qu'au moment où cette demande se développera, l'offre sera en mesure de suivre. Prenons donc garde aux risques de désajustement, d'autant que, je le rappelle, nous enregistrons un retard sur le plan numérique et que la France accuse également un retard en matière de robotique. Sur tous les sujets liés aux nouvelles technologies, dès lors qu'il y a une impulsion au plus haut niveau de l'État et alors que les organisations professionnelles sont également mobilisées, on peut penser que les entrepreneurs seront de plus en plus demandeurs. Il convient, par conséquent, de s'assurer que nous serons en mesure de répondre à une telle demande malgré les contraintes qui pèsent sur les acteurs financiers.

J'en viens à la question posée sur la relation entre les grands groupes et les PME. Vous citez à juste titre l'exemple de la filière aéronautique comme un peu plus mature que les autres. L'ensemble des grands acteurs que sont Airbus, Safran ou Thales participent au dispositif PACTE PME ; à ce titre, ils ont la possibilité d'engager des actions positives en faveur des petites et moyennes entreprises.

L'initiative PACTE PME est une initiative « transfilière ». Un certain nombre d'acteurs sont conscients de la nécessité de nouer une relation très collaborative et d'aller de l'avant au sein de la filière ferroviaire. Depuis le mois d'octobre, nous avons monté chez Alstom un nouveau dispositif que nous avons appelé « Destination ETI ». Il a précisément pour vocation d'accompagner une trentaine de PME, dont un tiers est issu du secteur ferroviaire avec l'ambition de les faire monter en compétence, y compris pour les aider à amorcer le virage à l'international. Les discussions que j'ai pu avoir avec la Fédération des industries ferroviaires (FIF) m'amènent à penser que, sur les 1 400 entreprises du secteur ferroviaire, guère plus de 10 à 15 % sont capables aujourd'hui de l'amorcer. Pendant longtemps, elles ont été à l'abri car elles obtenaient des commandes des grands acteurs français. Mais le terrain de jeu s'est déplacé à l'international et dorénavant l'enjeu pour ces PME est leur capacité à s'y projeter. Nous les aidons modestement à notre niveau pour une dizaine d'entre elles, mais la prise de conscience est très forte, notamment chez Alstom, à la SNCF et à la RATP, de leurs responsabilités en la matière.

Permalien
Bernard Cohen-Hadad

Les chiffres du capital-investissement pour les Hauts-de-France ou l'Île-de-France ne sont pas les meilleurs. Cela peut se comprendre pour l'Île-de-France qui ne compte que peu d'industries ou de petites industries. Quant à la région des Hauts-de-France, vous connaissez sa situation.

Peut-être le temps est-il venu de tourner la page de l'opposition entre petites et moyennes entreprises et les grands groupes. Sans doute, est-ce l'un des intérêts de la loi PACTE. Au travers des différentes auditions, nous avons vu que l'on pouvait progresser dès lors que l'on s'écoutait et que l'on réfléchissait ensemble sur des problématiques communes et riches. Cela me semble important. En tout cas, la CPME est très demandeuse de ce type d'encouragement de travailler ensemble, « en meute » comme disent les Allemands. Nous avons tout à y gagner, même avec les établissements financiers. Nous sommes placés devant une problématique de réussite nationale. Il faut que chacun y participe à sa mesure, dans le respect de ses sensibilités.

Vous nous avez tendu la perche en évoquant l'épargne des Français. Nous sommes demandeurs – et pas depuis le mois de janvier – d'une orientation de l'épargne vers les PME. Je le demande au nom de la CPME depuis 2010. Nous avons largement oeuvré avec les assureurs mais aussi avec les banques.

Nous devons progresser sur deux pistes prioritaires.

D'une part, il convient d'augmenter le plafond du plan d'épargne en actions PME. Nous n'étions pas favorables à ce produit tel que « marketé ». Nous avons besoin d'un plan d'épargne en actions PME clair, orienté et proposant un plafond plus élevé afin de répondre aux attentes de nos investisseurs – sauf contre-ordre. Le nombre d'actionnaires s'élève à plus de 3,5 millions en France, pour l'essentiel il s'agit de petits actionnaires. Il est important de souligner.

D'autre part, il faut nous attacher à réfléchir à la nécessité de mettre en place un produit d'épargne long, qui ne serait pas un produit d'optimisation fiscale, mais un produit à destination des petites et moyennes entreprises dans les territoires. Cessons de proposer des produits qui offrent la possibilité de « s'en mettre plein les poches », excusez-moi l'expression. Essayons de travailler en prospective, surtout quand il s'agit de l'industrie et de nos PME. Aidons les PME à la transmission, au développement et au franchissement de nouveaux seuils.

Mon dernier point portera sur le rôle du capital investissement dans les entreprises patrimoniales. Je préfère le terme « patrimonial » à celui d'« actionnariat privé » ou encore « individuel » Elle me semble plus noble. Elle correspond à une réalité. Il ne faut pas dévaloriser la transmission par l'héritage, qui fait également partie de la transmission de nos savoir-faire. Je pourrais vous citer l'exemple d'une entreprise familiale située à Saumur, et dont le président est François Asselin. Cette entreprise travaille le bois à l'international, notamment aux États-Unis et se porte très bien parce qu'elle est issue d'une belle famille de compagnonnage. Il faut encourager ces savoir-faire.

Cela étant, j'apporterai un bémol. Depuis plusieurs années, la relation de nos entrepreneurs vis-à-vis du capital investissement a évolué. Le private equity a modifié sa mentalité et ses modes d'intervention. Ils sont moins agressifs qu'auparavant quant à la gouvernance. Avant, lorsqu'un investisseur signait un chèque à l'entreprise, il avait « une prétention » à vouloir la diriger. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. C'est cette évolution des mentalités qui encouragera nos entrepreneurs à se tourner vers le capital d'investissement. En Île-de-France, beaucoup de ces entrepreneurs, hommes et femmes, lesquelles réussissent bien, font appel au capital investissement soit pour se développer à l'international, soit en transmission ou en rachat d'entreprise. Cela se passe extrêmement bien. Encore faut-il que leur projet entrepreneurial soit respecté. C'est essentiel.

Permalien
Jean-Philippe Girard

Les termes de convergence et de complémentarité sont importants. Nous devons nous soucier de ce que fait l'autre dans chacune de ses actions afin d'éviter toute redondance.

L'ANIA représente 16 800 entreprises, dont 98 % sont des TPE et des PME, présentes sur l'ensemble du territoire français, et souvent dans les zones rurales. Elles sont les acteurs des communautés de communes et des villages.

Trois critères déterminent la santé de l'entreprise : premièrement, son caractère innovant. Le crédit d'impôt recherche (CIR) et le financement de l'innovation sont des éléments clés, plus encore pour les petites et moyennes entreprises qui, pour l'heure, n'ont pas les moyens suffisants pour innover. Deuxièmement, la modernisation. On peut la concevoir sous son aspect industriel, c'est-à-dire la modernisation de l'outil de production, mais ce peut être également la modernisation numérique. Nous voyons bien que toutes les entreprises qui ont une réponse claire sur ces sujets sont en bonne santé. Troisièmement, ces entreprises sont en pleine forme quand elles sont innovantes, modernes et internationales. Ces trois critères permettant à l'entreprise en développement de croître et d'être rentables sont déterminants.

À Bercy, M. Macron a lancé l'idée du suramortissement. Sa mise en place a mis près de six mois avant de décoller car les entrepreneurs y croyaient peu. D'un seul coup, les entreprises ont pensé que c'était peut-être là l'occasion d'optimiser leur investissement. L'accompagnement à l'innovation, à la modernisation et à l'international sont trois mesures clés. Chacun y procède différemment, mais de manière efficace.

La réflexion a été lancée au cours du tour de table relatif à « MEDEF Accélérateur ». Aujourd'hui, bien qu'il y ait de l'argent, que les taux soient très favorables, les entreprises sont hésitantes à investir, à aller plus loin ou plus vite. Nous avons évoqué les entreprises familiales et patrimoniales, elles hésitent à ouvrir leur capital. Voilà donc de multiples questions auxquelles nous avons peu de réponses à offrir. Nous avons lancé une réflexion.

Nous avons constaté que nos chefs d'entreprise sont très pris par leur entreprise et sont insuffisamment formés aux nouveaux outils financiers. L'idée de « MEDEF Accélérateur » est de former les entreprises – avec vous – aux nouveaux outils financiers de court, moyen et long termes, au haut et au bas de bilan, à l'ouverture de capital, au prêt in fine. Je peux en témoigner car je l'ai vécu dans ma propre entreprise. Chaque étape de financement est souvent différente et nécessite des moyens différents – en tout cas, elle constitue un moment clé.

Par ailleurs, nous nous sommes interrogés sur la manière dont nous pourrions orienter les entreprises qui réclament des financements. L'offre est très large. Nous invitons les entreprises qui souhaitent emprunter entre 250 000 euros et 100 millions à entrer leurs données sur un site qui leur propose des réponses. À elles de décider si elles veulent prendre contact.

Nous avons enfin constaté que le chef d'entreprise est un peu seul et que l'accompagnement était nécessaire. Je l'ai vécu par le passé. J'étais très impliqué dans le monde bancaire. Les banques jouent un rôle d'accompagnement dans le dispositif PACTE PME, toutes les actions mises en place sont très intéressantes. Un chef d'entreprise est souvent seul pour décider d'ouvrir son capital ou d'emprunter un montant élevé. Il se demande s'il ne prend pas un risque et s'il pourra l'assumer. Il faut vraiment que nous jouions un rôle d'accompagnement. Voilà pour cette plate-forme MEDEF qui est numérique, aisée d'accès, multicritère. Elle peut permettre à un chef d'entreprise ou à un directeur financier d'être aiguillé et accompagné dans sa stratégie.

On parle beaucoup de stratégie d'entreprise, de stratégie commerciale. Depuis deux ans, je défends cette idée au MEDEF : il faut insuffler aux dirigeants une stratégie financière. Il faut que le chef d'entreprise intègre, outre sa stratégie commerciale, une stratégie financière, prenant en compte ses besoins au cours des cinq prochaines années, ses investissements au regard des recrutements… Quand le chef d'entreprise aura rendez-vous avec sa banque, cela se passera donc plus facilement.

Permalien
Colette Neuville

J'interviens sur l'ouverture du capital – ouvrir le capital signifiant faire appel à des actionnaires.

Je souligne une différence essentielle entre les grandes ou très grandes entreprises et les petites et moyennes entreprises. Chez ces dernières, il y a généralement coïncidence entre le pouvoir et la propriété. C'est ainsi que dans les entreprises patrimoniales, le propriétaire et les actionnaires détiennent le pouvoir alors que la dissociation entre pouvoir et propriété caractérise les grandes entreprises, autorisant, de fait, les restructurations, les opérations de fusion-acquisition, etc., ce qui explique que les grandes entreprises se découpent à la tronçonneuse et se reforment différemment quelques années après. Cela parce que ceux qui décident ne sont pas les propriétaires.

Peut-être ne serai-je pas politiquement correcte en le formulant, mais, après tout, les idées évoluent au fur et à mesure que les faits révèlent les inconvénients. Dans les grandes entreprises, la règle – et ce ne sont ni le MEDEF ni l'Association française des entreprises privées (AFEP) qui me contrediront puisque nous discutons actuellement de la révision du code à la lumière du projet de loi PACTE – impose la présence d'au minimum 50 % d'administrateurs indépendants.

Un administrateur indépendant est un administrateur qui ne doit avoir aucun intérêt d'aucune sorte dans l'affaire avec pour résultat qu'un tel administrateur n'a, effectivement, aucun intérêt dans l'affaire ! Il ne raisonne pas comme une personne qui en aurait. S'agissant d'Alstom, par exemple, Bouygues et ses salariés ont des intérêts dans l'affaire. J'ai discuté plusieurs fois avec les responsables de Bouygues. Ils raisonnent dans l'intérêt de leur affaire, car il s'agit de son argent et de l'argent de ses salariés. C'est ainsi qu'il a essayé de se sortir d'Alstom dès lors qu'il lui a semblé évident que l'alliance Areva-Alstom ne tiendrait pas. Dès lors, il fallait qu'il retire les quelques milliards d'euros investis dans Alstom dans l'intérêt de son entreprise pour s'en servir plus utilement ailleurs. C'est ce qu'il est en train de faire. Dans le cadre d'une offre publique de rachat d'actions, Bouygues en a récupéré 30 %. Pour le reste, je pense qu'un arrangement a dû être passé avec Siemens pour que cette société puisse sortir du capital de la nouvelle structure dans quatre ans. Cela pour dire que les entreprises patrimoniales – les petites entreprises, mais également les quelques grosses entreprises encore existantes – sont intéressées à leur patrimoine et imaginent des stratégies qui serviront son intérêt. De l'autre côté, il y a les entreprises où le pouvoir et la propriété sont dissociés. Aujourd'hui, les personnes qui essayent de réunir pouvoir et propriété sont les activistes. Une action ce sont du pouvoir et de la propriété ; quand on ouvre le capital, on doit aussi ouvrir le pouvoir.

Je vous rejoins, madame la députée, quand vous parlez d'administrateurs indépendants dans les petites et moyennes entreprises. Oui, il faut des administrateurs indépendants pour essayer de montrer aux personnes qui raisonnent en cercle fermé tous les aspects de la question, les financements ou les stratégies qu'elles n'ont pas forcément perçus parce qu'elles vivent dans leur milieu, souvent assez fermé.

Dans les grandes entreprises, c'est tout le contraire qui se produit : aujourd'hui, il y a trop d'administrateurs indépendants. On se félicite d'avoir imposé 40 % de femmes – aujourd'hui, les femmes se sont transformées en quotas… Je pense que les femmes doivent y arriver à la force du poignet et sans doute aurions-nous eu des difficultés à y parvenir sans quotas. Que l'on ait des femmes, d'accord, mais pourquoi allons-nous chercher des femmes étrangères qui n'assistent pas aux conseils d'administration ? Les conférences se font par téléphone. Par expérience, nous savons que les personnes qui participent aux réunions par téléphone sont là pour toucher des jetons de présence et non pour taper du poing sur la table ou essayer de remettre en cause des décisions qui nous ont été présentées la veille au soir ou le matin même dans des dossiers que nous n'avons pas eu le temps de lire !

Dans les grandes entreprises comme Alcatel, Pechiney, Lafarge, Alstom, que l'on retrouve dans des fusions entre « égaux », la France se retrouve sur un strapontin, faute d'avoir suffisamment réfléchi à l'avance au sein des conseils aux stratégies préventives à ces dépècements qui se renouvellent tous les ans. C'est ainsi que chaque année, la France perd un ou deux de ses fleurons, faute d'avoir anticipé et permis que l'entreprise tienne son rang face à une concurrence internationale de plus en plus dure. Donc, oui aux administrateurs indépendants, oui à l'ouverture du pouvoir dans les petites et moyenne entreprises, car il faut ouvrir les fenêtres. Pour les autres, il faudrait plutôt faire le contraire.

Nous évoquons la proposition de loi PACTE, dont certaines mesures favorisent l'ouverture du capital. Hier soir, je n'ai pu me rendre à la réunion organisée à Bercy parce que j'avais du travail. Des journalistes m'ont néanmoins demandé ce que je pensais du changement de législation sur le retrait obligatoire. Je leur ai demandé de m'informer. Ils m'ont répondu qu'ils ne disposaient pas du texte, mais que le seuil du retrait obligatoire serait abaissé de 95 à 90 %. Autrement dit, lorsqu'une entreprise ouvrira 30 % de son capital en bourse, elle aura le droit « d'exproprier » 10 % de ces 30 %. Croyez-vous que cela donne vraiment envie aux gens d'entrer dans le capital quand ils savent que l'on a le droit de les exproprier à hauteur de 10 % du capital total ? Suivant le pourcentage mis en bourse, suivant le pourcentage de flottant, 10 % du capital total peuvent être expropriés. Le risque pris est augmenté d'autant. Il ne s'agit encore que d'une proposition de loi. De grâce, saisissez-vous du sujet et expliquez que cela s'inscrit exactement à l'opposé de l'effet recherché.

Cela fait vingt-cinq ans que je me bats pour que l'on n'abaisse pas le seuil du retrait obligatoire. J'ai mené mes précédentes batailles avec le sénateur Marini. Jusqu'à maintenant, j'avais obtenu gain de cause, et le seuil de 95 % avait été maintenu. Le législateur est revenu à la charge pour l'abaisser à 90 %. J'ai été consultée sur le sujet. J'ai répondu que c'était possible dans le seul cas où l'opération intervient dans la foulée d'une offre publique. Une offre publique est lancée, elle se déroule. À l'issue de la réouverture de l'offre publique, il faut se rendre à l'évidence, le prix a été plébiscité par le marché. La règle du droit des sociétés obéit avant tout à la loi de la majorité. Dans une telle hypothèse, la majorité est d'accord. Il n'y a rien à dire, à la condition toutefois qu'une juste indemnité soit versée, car il s'agit d'une expropriation qui ne se justifie pas par une cause d'utilité publique. Ce n'est pas la société qui recevra les actions expropriées, mais l'actionnaire majoritaire. Chaque fois que ce dernier versera une indemnité inférieure à la valeur de l'actif net réévalué, il s'enrichira d'un montant indu car l'actionnaire est propriétaire de l'actif net réévalué, il est propriétaire de sa quote-part de l'actif net réévalué. Payer le titre de l'actionnaire minoritaire à un prix moindre l'appauvrit au profit de l'actionnaire majoritaire.

Je propose d'accepter 90 % dans le seul cas où l'opération fait suite à une offre publique, à condition que l'indemnité soit au moins égale à l'actif net réévalué, afin que l'actionnaire que l'on sollicite aujourd'hui pour entrer dans une société ne se dise pas qu'il prend le risque d'être volé de 10 % au moins de son investissement.

L'expérience montre que les introductions se font quand la bourse est haute et que les retraits obligatoires s'effectuent lorsque la bourse est basse. Voilà trente ans que j'observe ces phénomènes, je suis en mesure de vous livrer des statistiques. Telle est la réalité.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Madame Neuville, vous constaterez que notre commission d'enquête est composée de nombreuses femmes. Elles sont très impliquées dans les sujets industriels. Nous avons d'ailleurs réalisé une vidéo sur l'industrie cette semaine, dans laquelle les femmes étaient à l'honneur. C'est un sujet qui passionne les femmes. Et nous n'avons pas besoin d'établir des quotas pour y parvenir !

Je vous remercie, madame, pour votre franc-parler. Je crois que vous êtes de Chartres. Il se trouve que je suis député d'Eure-et-Loir. Ce franc-parler est partagé par les Chartrains, il est le bienvenu en commission ! (Sourires.)

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Quel est votre avis sur les fonds capital-retournement industriel qui n'ont pas été évoqués et la qualité de cet outil pour la réindustrialisation de ces fonds ? Quel est votre avis sur le financement et la réindustrialisation par l'innovation ? Nous disposons du crédit impôt recherche (CIR) et du projet de fonds pour l'innovation de rupture. On a parlé de suramortissement pour la robotique, mais il semble que l'innovation de process ne bénéficie pas du dispositif adapté. Il s'agirait d'un outil assez simple pour l'ensemble des PME qui n'imaginent pas solliciter un crédit d'impôt recherche, une innovation de rupture en lien avec les liens de recherche. Peut-être sont-elles simplement capables d'investir dans l'outil de production, de la robotique ou autres.

Ma dernière question s'adresse à M. Girard sur le thème agricole et agroalimentaire en lien avec les banques. Nous avons évoqué le taux de réponses positives aux entreprises ; il avoisine les 95 % pour les PME. Qu'en est-il des exploitants agricoles, des acteurs économiques à part entière, qui veulent diversifier leurs activités soit par diversification de leurs productions en mettant en oeuvre un process industriel ou artisanal de diversification, soit sur la base de productions d'énergie possibles sur leur exploitation ? Je pense que les taux de réponses positives chutent malheureusement, sans doute en raison de trésoreries problématiques, mais quand on voit les business plans et la volonté de relancer le secteur agricole et alimentaire, le sujet est intéressant.

Permalien
Jean-Philippe Girard

Nous sortons de négociations commerciales. Vous avez dû entendre mes interventions sur les négociations de 2018 qui se sont très mal passées. Des États généraux ont été mis en place pour recréer de la valeur au niveau de l'agriculture, éleveurs et producteurs, redonner du sens et changer d'état d'esprit. Or, rien n'y fait. Cela fait cinq ans que tous les mois de septembre je suis optimiste quant au changement d'attitude et cela fait cinq ans que cela se passe mal, et de plus en plus mal !

Une loi est en préparation, elle est bienvenue. J'ai même demandé que l'on renforce les sanctions. Vous avez entendu parler du SRP, de l'encadrement des promotions…Tout cela a pour unique objectif une juste et meilleure rémunération de l'agriculteur, sans oublier la multitude de TPE et PME dans le secteur alimentaire qui souffrent du manque d'oxygène. Le MEDEF a réalisé une comparaison des marges industrielles françaises qui se sont restaurées, voire sont en progression, à l'exception de la filière alimentaire dont les marges sont encore en diminution alors que les entreprises exportent.

Dans moins d'un mois, j'assumerai des responsabilités sur un contrat stratégique de filières. Nous accompagnons plus facilement des entreprises et des exploitations en bonne santé qu'en mauvaise ou en moyenne santé. Dès qu'une entreprise est cotée 4, 4+ ou 5 par la Banque de France, c'est plus compliqué. Il faut donc trouver des solutions, par la garantie, par exemple. Vous avez évoqué l'importance des régions. Si, demain, Bpifrance abonde à 50 % et les régions entre 20 % et 30 %, l'appréhension du risque ne sera pas la même. Il nous faut donc engager ce travail en dynamique avec les banques qui sont très présentes sur le territoire et qui viennent en accompagnement. Mais, aujourd'hui, le secteur agricole et alimentaire est peu attractif, parce que les sociétés sont peu rentables et résilientes. Si elles ont traversé la crise de 2008, elles ont des difficultés à réinvestir, voire elles craignent de réinvestir car elles ont peur de l'avenir. Si nous ne les engageons pas dans un projet à moyen ou à long terme, à trois ou cinq ans, elles ne réinvestiront pas et mourront.

Je suis né dans le Jura. Il y a trente ans, un agriculteur pouvait vivre avec cinquante vaches et cinquante hectares. On ne vivait pas très bien, mais on vivait de sa production. Aujourd'hui, il faut cinq à six fois plus, pour vivre dignement de son exploitation, il faut entre 250 et 300 hectares et entre 250 et 300 têtes de bétail. Le 11 octobre dernier à Rungis, Emmanuel Macron a évoqué cet aspect des choses.

Mais nous ne pouvons écarter tous les agriculteurs qui ne répondent pas à ce modèle. Il faut donc lancer progressivement un plan d'accompagnement, un plan de transformation et de modernisation. De nombreux agriculteurs ont aujourd'hui changé d'angle, ils se sont lancés dans des circuits courts. Des initiatives multiples et intéressantes sont possibles. Tout ce qui se passe est bien et bienvenu. Les décisions prises dans les cantines, dans les restaurations collectives donnent un peu d'oxygène, offrent des perspectives d'avenir à ce secteur qui en a besoin.

On parle de la fierté agricole, de la fierté de métier. Pour autant, la situation ne s'est pas améliorée, au contraire, elle s'est détériorée. Il faut réinjecter de l'argent imaginer un fonds d'accompagnement, un fonds de reconversion et notamment trouver des clés et surtout accompagner ceux qui vont évoluer, car on ne peut éternellement se plaindre. De nombreuses personnes s'engagent dans de belles initiatives, mais connaissent des difficultés à les financer.

En Côte-d'Or, nous avons lancé un projet intitulé « Futur 21 », 21 pour l'indicatif du département et pour le XXIe siècle. Nous nous sommes interrogés sur l'agriculteur et l'agriculture de demain dans un département comme la Côte-d'Or. Nous avons travaillé avec de jeunes agriculteurs, éleveurs et producteurs. Les idées qu'ils ont pour se transformer eux-mêmes, car ils sont conscients qu'ils ne pourront pas durer s'ils ne changent pas, sont extrêmement intéressantes. Le crowdfunding est l'exemple de leur mobilité. Aujourd'hui, des investisseurs prennent le chemin de la ferme à la faveur d'un micro-crédit et ils y retournent en tant que consommateurs pour acheter des produits. Cela crée un lien social extrêmement fort et évitera à terme la désertification.

Ce secteur se situe à un moment clé. Après cette audition, je rencontrerai le président Philippe Varin pour mettre en place le conseil stratégique de filière. Notre filière n'est pas celle de l'aéronautique, de l'automobile, du numérique, elle est celle de l'agriculture et de l'alimentation, qui est formée de 500 000 agriculteurs et de 17 000 entreprises. L'une produit en une heure ce que l'autre produit en un an. Cela pour vous dire les différences de taille des différentes entreprises, mais pas un seul n'est à écarter. Ils ont leur rôle social et sociétal. Nous allons y travailler et nous allons vous solliciter, car nous allons présenter un plan d'accompagnement et de financement du secteur par région, par bassin, par métier.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Merci de votre intervention positive et pleine d'optimisme pour l'avenir ! C'est agréable à entendre.

Permalien
Jean-Lou Blachier

Quand M. Macron, alors ministre de l'économie, m'a demandé un rapport sur le thème « Industrialiser par l'innovation », j'ai jugé que ce serait intéressant pour le chef d'entreprise et l'industriel que je suis. En effet, dans le domaine de l'industrie aujourd'hui, la situation est plutôt difficile. Depuis près de cinquante ans, en effet, l'industrie perd ses emplois, de la force et de la valeur.

Lorsque M. Macron m'a demandé de réaliser ce rapport, je me suis demandé comment nous allions pouvoir démontrer que cet élément dynamique, à savoir l'innovation, était présent dans l'industrie. J'ai choisi deux régions test et j'ai rencontré les différents acteurs dans le domaine de l'innovation. Cela m'a permis de constater qu'en amont des fonds permettent aux entreprises de faire naître des projets, mais qu'il en existe très peu en aval. Nous finançons les entreprises pour qu'elles se développent. Mais lorsqu'elles ont besoin de vendre leurs produits et de se développer, elles sont obligées de solliciter à l'étranger des fonds qui leur permettront de grandir. C'est extrêmement dommage pour notre économie et pour l'industrie en général.

Le crédit impôt recherche a nettement aidé nos entreprises et nous ne pouvons qu'y trouver avantage. Le suramortissement, également évoqué, a malheureusement été abandonné alors qu'il s'agissait d'un outil intéressant. Les entreprises, notamment industrielles, l'ont fortement regretté. Aussi, conviendrait-il de trouver des systèmes équivalents. Le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) est en mutation, il sera intéressant d'observer les suites qui y seront données.

Madame Cattelot, j'aurai le plaisir de vous remettre ce rapport qui contient douze propositions. La France compte environ 4 000 ETI, contre trois fois plus en Allemagne, 10 000 environ en Italie et autant au Royaume-Uni. Le but premier de ce rapport a été d'imaginer les voies et moyens de faire grandir nos entreprises, car c'est là un véritable enjeu. Si nous avions plus d'entreprises de taille intermédiaire, nous créerions plus d'emplois. Le directeur général de KPMG France a déclaré que si nous parvenions à créer 1 500 ETI supplémentaires, nous créerions vraisemblablement un million d'emplois supplémentaires. Il faut que tous ensemble nous réfléchissions à la façon d'aider les PME à devenir des ETI de demain.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Ma première question porte sur la croissance des entreprises. Nous avons beaucoup d'entrepreneurs en France qui sont animés par un esprit entrepreneurial, qui créent des sociétés et qui se lancent dans l'aventure – c'est une bonne chose. Mais se pose la question de les faire grossir et de déterminer le ticket d'investissement associé à ces entreprises.

Notre commission d'enquête s'est rendue aux États-Unis voilà trois semaines. Nous avons interrogé des investisseurs français, également des investisseurs américains pour comprendre en quoi leur fonctionnement différait. L'un d'eux nous a dit que l'on investissait en France un milliard sur mille entreprises. Alors que l'on crée de vraies licornes aux États-Unis, il estimait qu'en France on créait un troupeau de ponycorns. Nous créons des start-up que nous ne parvenons pas à faire grossir et qui restent de taille trop modeste. Selon lui, la France n'a pas conscience des moyens nécessaires aux entreprises pour agir sur une scène et un marché plus larges. Partagez-vous ce constat ?

Ma deuxième question porte sur le Choose France. Les propos tenus dans cette commission sont assez protecteurs, marqués par la nécessité de se défendre des investisseurs étrangers. Mais cet avis n'est pas partagé par tous. Je suis très content qu'il y ait des collègues de la majorité avec moi pour le dire : nous avons une vraie ambition d'accueillir les investisseurs étrangers et de faire de la France une terre d'accueil d'investisseurs étrangers qui sont non seulement créateurs d'innovation, mais aussi d'emplois sur notre territoire. Par exemple, l'entreprise danoise Norsdisk ou la société Worverk Thermomix se sont implantées à Chartres, en Eure-et-Loir. Nous sommes donc convaincus de la nécessité d'être attractifs aux yeux des investisseurs étrangers. C'est une image politique que nous souhaitons mettre en avant. Selon vous, qu'est-ce qui fait défaut aujourd'hui pour attirer des investisseurs étrangers en France ? Ma question n'est pas défensive, tout au contraire, elle est offensive : comment accueillir plus d'investisseurs étrangers et comment créer les conditions de leur accueil pour développer l'innovation et l'emploi en France ?

Ma troisième question porte sur un aspect un peu plus défensif, sur le contrôle de certains actifs stratégiques ou certaines technologies stratégiques et sur le processus que l'on imposerait éventuellement à des personnes qui souhaiteraient reprendre une entreprise considérée comme stratégique en France. Nous essayons en parallèle de nous mettre à la place de l'entrepreneur et de l'investisseur. C'est ainsi que nous nous interrogeons sur ce qui est susceptible de le freiner dans sa volonté d'investir en France dans ce parcours de contrôle s'il se fait contrôler par Bercy ou le process de contrôle.

Les investisseurs étrangers qui investissent dans certaines technologies ou certains secteurs en France sont contrôlés. Si l'on se place du point de vue de l'investisseur, qu'est-ce qui peut dans ce processus de contrôle le rebuter, le freiner, le décourager ? Vous avez l'occasion ici d'alerter la représentation nationale sur les dangers et les risques de certaines procédures de contrôle vis-à-vis d'investisseurs étrangers.

Permalien
Jean-Lou Blachier

Si vous le permettez, je vous raconterai une histoire qui m'est arrivée il y a un an lorsque je rédigeais ce rapport sur la réindustrialisation par l'innovation. En visitant l'Institut Lafayette qui a pour particularité de recevoir des étudiants français et américains qui font des recherches dans différents domaines, j'ai rencontré un étudiant américain qui a inventé une pile électrique destinée à durer cent ans. Étonné, j'ai demandé au président de l'Institut si le projet est sérieux. Il m'a répondu qu'il l'était, que les études avaient été réalisées, mais qu'il fallait que ce chercheur trouve une entreprise industrielle pour travailler avec lui. Ce jeune Américain recherchait une entreprise fabriquant des pacemakers, parce que le produit proposé était adapté aux stimulateurs cardiaques en raison de la faiblesse de l'intensité de la pile. Ayant été médiateur des marchés publics pendant trois ans, j'avais été en rapport avec la société, leader européen des pacemakers. J'ai appelé son président, M. Baxter, pour lui demander s'il serait intéressé à rencontrer ce jeune Américain. Il le fut effectivement. Je les ai donc mis en rapport. Cela intéressait d'autant plus M. Baxter que les porteurs de pacemaker ont très peur que les piles s'arrêtent. Aussi, bien avant que les piles soient usées, ils demandent à subir une petite opération chirurgicale qui engendre des traumatismes, des problèmes de coût pour la sécurité sociale… M. Baxter cherchait donc une solution destinée à les rassurer.

Pour résumer, le jeune chercheur américain n'a pas réussi à trouver de financements aux États-Unis, il a trouvé une possibilité de travailler avec une entreprise française. Cela pour dire que les Américains sont parfois frileux. Et M. Baxter est extrêmement content et que sa société oeuvre avec ce jeune chercheur pour réaliser un nouveau produit.

Il convient de réfléchir à la façon de financer le développement de l'entreprise, c'est-à-dire l'aval du projet, mais aussi mettre en rapport le chercheur et l'industriel pour arriver à faire évoluer cette industrie. J'ai eu à connaître de multiples exemples de cette sorte au cours de l'année où j'ai rédigé ce rapport. Il faut arriver à se faire rencontrer le chercheur, l'industriel et le financeur.

Permalien
Jean-Philippe Girard

Je voudrais réagir à la notion de ponycorn et de licorne. Le sujet me passionne dans l'agroalimentaire et le numérique. C'est un enjeu colossal pour l'information consommateurs, le blockchain, tout ce qui générera le futur.

J'ai monté deux fonds. Nous ne rencontrons pas trop de difficultés à la première levée. Le dispositif est plutôt ouvert parce que le projet est sympathique et qu'il est porté par des business angels. Dans 90 % des cas, le projet prend un peu de retard par rapport au business plan. Le porteur de projet revient alors devant nous pour une seconde levée. Nous avons alors un comportement très français : on commence à appréhender le risque et l'on a un peu peur ensuite parce que le projet n'est pas au rendez-vous du business plan. C'est alors que la moitié des porteurs du projet ne suit plus. Ensuite, on rencontre des problèmes à trouver des relais en deuxième et troisième levées. En Bourgogne, une dizaine de projets ont pris du retard ou n'ont pas été entièrement au rendez-vous de la technologie. Dès lors, comment préparer les business angels, les banques, les fonds à ces deuxième et troisième levées ? Dès lors que l'on participe à la première levée, il faut se poser la question de savoir si l'on est capable de prévoir d'autres versements sur la durée. Si c'est le cas, nous serions mieux armés pour révéler certaines pépites.

Sur votre question « Choisir la France », je vous raconterai une anecdote. J'organise tous les six mois un petit-déjeuner auquel j'invite les trente premiers groupes alimentaires français et étrangers en France. La première année, j'ai pris peur, parce que les trente premiers représentaient 105 milliards d'euros, sachant que l'agroalimentaire représente 180 milliards d'euros et 17 000 entreprises. Recevoir des groupes étrangers en France est d'ailleurs quelque chose d'extraordinaire, cela les marque à vie ! Je le dis, car j'ai eu des retours intéressants de ces rendez-vous. Je vous invite à lire l'article récent sur la société Barilla qui explique dans Les Échos les raisons pour lesquelles elle pourrait rester et investir en France et celles qui militeraient pour son départ. Elle constate que son retour sur investissement est insuffisant en France en raison de la guerre des prix qui dégrade son compte d'exploitation.

Lorsque j'ai organisé ce petit-déjeuner, nous avions procédé à un tour de table des trente groupes, dont nous avons tiré des données chiffrées : dans le meilleur des cas, la France occupe la cinquième place en Europe et souvent la septième. Un groupe mondial qui cherche un site d'implantation d'une usine ne choisira jamais la France. Nous ne figurons jamais sur le podium. Il nous faut donc travailler au thème de l'attractivité pour redonner confiance. C'est essentiel. Le pays reste attractif. Vous parliez d'optimisme, monsieur le rapporteur, je le suis. Un cap est donné et je vois la confiance revenir, les gens changent d'attitude.

J'en viens aux groupes étrangers. Dans ma propre entreprise, je suis sollicité ; il ne se passe pas six mois sans qu'un fonds, sans qu'un conseil, sans qu'un groupe m'approche pour savoir comment l'entreprise se porte, comment se dessine l'avenir – j'ai bientôt soixante ans ! Un jour, François Rebsamen, alors ministre, m'avait demandé : « Mais que faire ? », ce à quoi je lui avais répondu qu'il l'apprendrait toujours le lendemain. En effet, quand des négociations sont en cours, tant que la signature n'est pas intervenue, il n'y a pas de communication. Il nous faut donc créer des événements mettant la réussite à l'honneur. Les dégâts seront moindres, car les tentations sont grandes face à l'argent. Un fonds chinois m'a contacté, riche de 500 millions d'euros, qui ne sait pas comment dépenser en Europe. Ils vont acheter. Si nous ne sommes pas animés par l'idée de la réussite française, si les entreprises n'ont pas envie de défendre la signature « France », ce sera compliqué de ne pas vendre. Il n'est pas facile de ralentir les échanges de capitaux.

Permalien
Bernard Cohen-Hadad

M'adressant à des parlementaires, je relève que le meilleur signal pour les investisseurs passe par la stabilité normative. Moins il y a de lois modifiant les règles, plus on s'inscrit dans la durée, plus la confiance est grande et plus nos investisseurs investissent. Moins de lois, surtout fiscales et rétroactives, qui viennent perturber le fonctionnement de l'entreprise, plus on s'inscrit dans le sens de stabilité et de confiance.

Il convient par ailleurs de monter en dimension. À chaque barreau de l'échelle, la palette de financement doit proposer des petits, des moyens et des gros « tickets. Cela a pris du temps car pour les investisseurs, investir 3,5, 5 ou 20 millions d'euros revient parfois aussi cher en gestion qu'investir 200 millions d'euros. Il est important de reconnaître qu'il existe une rentabilité de l'écosystème de financement des PME. C'est pourquoi la palette de financement doit être ouverte. Les banques comme Bpifrance jouent le jeu de l'accompagnement de même que le private equity à tous les échelons afin que les entreprises gravissent les différents les seuils et grossissent.

Je rappelle que 40 % des investisseurs sont étrangers. Il existe une appétence du capital européen et international pour nos entreprises et nos savoir-faire, ces pépites, qu'elles soient licornes ou non, et qui peuvent accéder à une autre échelle. Il convient toutefois d'être attentif à nos objectifs de savoir-faire stratégique. Cela fait partie de notre gouvernance et relève de ce que l'on appelle « l'intelligence économique », il faut protéger nos entreprises qui ont su investir pour qu'elles ne soient pas pillées en raison d'une trop grande transparence et afin qu'elles ne soient pas mises en défaut.

Enfin, je rappelle, parce qu'elle n'a pas été citée, la bourse des PME Euronext dont je suis l'un des administrateurs. Elle fonctionne bien, mais pas aussi bien que nous le souhaiterions. Si les entreprises veulent lever des capitaux rapidement et sur le long terme, il faut qu'elles entrent en bourse. De telles décisions ne se prennent pas seul, mais en partenariat avec les établissements financiers. Si une entreprise veut être présente à l'international et concurrencer le marché outre-Atlantique, il faut expliquer la nécessité des small cap et des mid cap, ce qui permet ensuite à l'entreprise d'accéder à une autre dimension. Cela fait partie de la pédagogie. Encore faut-il un signal fort pour que cette bourse des PME, qui existe mais qui est encore laissée de côté – le terme de bourse est trop associé au risque – puisse accompagner les entreprises à small cap et mid cap. Nous assistons à de belles réussites, il y a de belles pépites. Malheureusement, on n'en parle pas assez !

Permalien
François Perret

J'apporterai quelques précisions et recommandations qui vont dans le sens de la croissance des PME et de l'attractivité des territoires.

« Je crois que nous nous endormons sur un volcan », craignait déjà Tocqueville, votre célèbre prédécesseur. Aujourd'hui, nous traversons une embellie conjoncturelle qui pourrait nous rendre aveugles sur la réalité structurelle de nos entreprises. Faisant le lien entre la conjoncture et la structure, depuis plusieurs mois, je m'inquiète du fait que l'on puisse être en haut de cycle et que soient à l'oeuvre les premiers retournements d'une politique monétaire qui se révèle extrêmement accommodante depuis 2015. En effet, le 26 octobre dernier, une première inflexion a été donnée par la Banque centrale européenne (BCE), son président ayant annoncé la réduction du montant de ses rachats d'actifs dans l'économie.

À mon sens, l'hypothèse d'une remontée des taux d'intérêt n'est absolument pas à exclure en 2018, notamment au cours du second semestre quand les rachats d'actifs diminueront de façon nette avant de prendre fin. Une telle situation expose particulièrement l'économie et les entreprises françaises car beaucoup de nos entreprises ont investi à la faveur de taux bas – ce qui est une bonne chose – mais elles se sont aussi lourdement endettées. Je rappelle que l'endettement des sociétés non financières se situe en France à hauteur de 130 % du PIB, là où il n'est que de 90 % en Allemagne. Ma première recommandation est donc d'appeler à la prudence face à ce risque de remontées des taux. Prudence d'abord, bien sûr, dans la préparation à venir des budgets. Un premier effort a été fait dans le cadre de la loi de finances 2018 mais qui risque cependant d'être insuffisant en cas de retournement. Prudence ensuite face au risque en entreprises, car nous savons que 65 % de la dette des entreprises françaises ont été contractés à taux variables, ce qui, en cas de retournement de la conjoncture, les placerait dans une position de fragilité accrue.

Dans le prolongement des propos de M. Cohen-Hadad, je n'ai ni le souhait ni l'envie de renvoyer le législateur au chômage technique, mais il est vrai que la stabilité normative doit être rappelée comme une vertu et une exigence forte. Nous en sommes encore très loin. Je ne reviens pas sur le stock des 10 500 lois et des 400 000 textes répertoriés récemment par Alain Lambert, je parle du flux d'une quarantaine de lois qui sont promulguées chaque année. Je me tourne aussi vers le Gouvernement, car on sait que plus de 70 % des textes sont d'origine gouvernementale. C'est extrêmement important, car si l'on veut faire croître nos entreprises, il ne faut pas ajouter des obligations aux obligations. Or, cette année pourrait être qualifiée d'annus horribilis tant est forte l'avalanche législative et réglementaire qui est en train de s'imposer à nos PME, en particulier aux entreprises de moins de cinquante salariés qui n'ont pas la capacité de comprendre tous les textes qui les concernent.

Je citerai trois ou quatre exemples que vous avez tous en tête : le règlement général des données personnelles applicable au 25 mai prochain ; les formalités associées à l'application des ordonnances travail et de leurs trente décrets d'application ; la préparation du prélèvement à la source au 1er janvier 2019 ; les obligations du devoir de vigilance de la loi Sapin 2 ; les plans de mobilité associés à la formation professionnelle.

Mettez-vous à la place d'un dirigeant d'une entreprise de moins de 50 salariés, a fortiori de moins de dix salariés, qui ne dispose pas d'un département juridique, qui n'a pas de visibilité sur le sens même de ces textes qui sont parfois extrêmement longs et pas toujours très compréhensibles. Ce deuxième point de vigilance doit aussi être pris en considération.

Enfin, si l'on veut envoyer des signaux aux entreprises en matière fiscale, il faut le faire vite, avant le retournement conjoncturel et il faut aller très vite dans le respect des engagements pris par le Président de la République de supprimer le CICE au profit d'une baisse de charges sociales. Je regrette que cela n'ait pas été fait dès 2018 alors que le contexte des finances publiques était un peu moins contraint. J'espère que cela pourra être fait en 2019 à hauteur de ce qu'a annoncé le Gouvernement, car le coût du travail est évidemment un point central pour relancer la compétitivité de notre économie.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Vous avez raison de souligner la question de la stabilité normative. Vous proposez de nous mettre à la place du dirigeant, c'est ce que nous faisons en circonscription au moyen d'ateliers qui reposent sur une initiative appelée « Fiers de nos industries ». La semaine dernière, à Chartres, j'ai rencontré dans ce cadre une vingtaine d'industriels qui me disaient la même chose que vous, à savoir la nécessité de ne pas aller trop vite en raison du nombre élevé de textes qui arrivent. Ils nous ont également demandé de nous « mettre à leur place » et ont rappelé que l'application opérationnelle en entreprise n'est pas simple. Tout cela nous l'entendons, nous le comprenons. Nous compatissons, nous éprouvons beaucoup d'empathie pour le monde de l'entreprise et nous faisons en sorte que la législation soit la plus simple et la plus lisible possible. Dans le même temps, nous avons pris l'engagement de mettre en oeuvre le plus rapidement possible notre programme, ce que vous avez souligné. Nous n'avons pas l'éternité devant nous pour appliquer nos engagements. Cela est vrai pour le pouvoir législatif comme pour l'exécutif. Voilà pourquoi, nous allons très vite – nous sommes très loin du chômage parlementaire, je peux vous l'assurer !

Nous avons la volonté d'appliquer notre programme le plus rapidement possible dans l'intérêt de la compétitivité de la France, des emplois et de notre territoire. Il est vrai que cela crée un embouteillage législatif et peut perturber les chefs d'entreprise qui doivent ensuite assimiler les textes et les appliquer. Nous sommes là pour les expliquer et faire en sorte que cela se passe le mieux possible sur le terrain. Mais comprenez aussi l'attente des Français pour que les choses changent et qu'elles changent vite.

Permalien
Marie-Anne Barbat-Layani

Je voudrais répondre par un exemple à la question relative à Choose France. Depuis l'annonce du Brexit, nous avons beaucoup travaillé sur l'attractivité de la place de Paris qui est un exemple parmi d'autres d'attractivité des entreprises. Je rejoins ce qui a été dit d'une manière générale, nous voyons apparaître des problématiques de stabilité et de complexité réglementaires, ce qui, je l'avoue, est un peu ambigu quand on s'adresse au législateur ou au Gouvernement, car nous aimerions d'abord simplifier et ensuite stabiliser. L'ordre des facteurs est à respecter.

Dans ce cadre, la question de la stabilité fiscale ne doit pas être négligée. Un exemple fâche : en toute fin d'année dernière, le secteur bancaire a été soumis, comme d'autres d'ailleurs, à une surtaxe sur l'impôt sur les sociétés, qui a représenté une facture supplémentaire de 1,5 milliard d'euros pour les banques au moment même où les recettes fiscales augmentaient. On s'interroge donc sur la nécessité de cette décision qui ne passe pas tout à fait inaperçue auprès des investisseurs étrangers au moment où ils choisissent un lieu de localisation. Notre discours national mérite plus de cohérence. Il est plus facile d'affirmer notre volonté d'attirer des investisseurs étrangers et de grands opérateurs financiers qui auront un effet considérable sur le développement économique et sur les emplois induits, mais si l'on s'engage à baisser le taux de l'impôt sur les sociétés et que deux mois plus tard on décide une surtaxe de l'impôt sur les sociétés payée par les banques à hauteur de 1,5 milliard d'euros, il ne faut pas trop s'étonner si les premiers choix de localisation portent sur l'Allemagne. À un moment donné, il faut s'assurer d'une cohérence forte.

Pour autant, il ne faut pas désespérer, car nous avons réalisé des progrès considérables en termes d'attractivité en mettant en place un programme de réformes extrêmement convaincant, avec une volonté réelle d'attaquer le niveau des dépenses publiques. En termes de crédibilité retrouvée en matière fiscale, il n'échappe à aucun investisseur français ou étranger que la maîtrise des dépenses publiques est un facteur clé. Cela dit, tout le monde anticipe une augmentation des impôts en France, ne serait-ce d'ailleurs que pour faire face à l'augmentation de la charge de la dette qui s'avérera inéluctable au moment où les taux d'intérêt remonteront. Si nous n'utilisons pas la période faste que nous traversons pour réduire les dépenses publiques et assurer leur maîtrise à long terme, les investisseurs français ou étrangers comprendront la nécessité de payer davantage à terme.

Pour ce qui est du développement des entreprises, l'un des éléments majeurs est de permettre aux entreprises d'accumuler leurs résultats pour améliorer leurs fonds propres. Nous avons beaucoup parlé d'ouverture du capital afin de trouver des fonds propres à l'extérieur. Toutefois, l'une des premières sources de financement des entreprises est la capacité d'autofinancement et la possibilité de conserver une partie de ses résultats. Ce qui renvoie à l'aspect fiscal qui ne doit pas être négligé. Nos collègues des banques étrangères, réunis au sein d'un groupement spécifique de notre Fédération, soulignent que le désavantage de Paris par rapport à Francfort tient à la complexité réglementaire et à l'instabilité fiscale, mais surtout à l'importance et à l'instabilité des charges sociales. Cela vaut d'ailleurs au-delà du secteur financier ; dans le secteur industriel, je rappelle que les charges sociales des ingénieurs sont plafonnées en Allemagne. En France, le non-plafonnement des charges sociales des salaires des personnels à haute valeur ajoutée, tels que ceux des ingénieurs ou des financiers, a un effet très net. Coe-Rexecode a mené une étude pour le MEDEF il y a un an et demi ou deux ans, qui montrait que l'employeur payait deux ingénieurs en France pour un coût qui permettait d'en embaucher trois en Allemagne. Chacun perçoit que nous avons quelques problèmes à résoudre !

Bien sûr, nous estimons que la France présente d'autres éléments d'attractivité : la qualité des formations ; un territoire qui permet de rayonner facilement vers d'autres clientèles ; la qualité des acteurs financiers déjà présents sur le terrain – je parle de l'attractivité de la place de Paris – le choix fait par les autorités européennes de localiser l'autorité bancaire européenne à Paris qui est un signal fort : c'est ici que cela se passe.

Nous allons capitaliser ces éléments, mais il faut tenir compte de la nécessité d'inverser une perception d'instabilité réglementaire et fiscale née d'une expérience négative de plusieurs années. Les choses vont dans la bonne direction, chacun le reconnaît, mais les acteurs attendent de voir. Nous affirmons être engagés dans de nombreuses réformes ; ils le constatent. Nous leur disons que nous allons stabiliser la fiscalité. Pour autant, le track record n'est pas excellent ; reste à crédibiliser les engagements qui sont pris.

Dès lors, quels sont les éléments dissuasifs dans le processus de contrôle des investissements dans les actifs stratégiques ? D'une manière générale, décréter que tous les actifs seraient stratégiques aurait pour effet de bloquer les investissements étrangers potentiels. Ce ne serait pas un bon signal, mais ce n'est pas ce qui est fait. Par ailleurs, il faut reconnaître que tous les pays, y compris des pays très libéraux comme les États-Unis, ont des systèmes de contrôle des investissements étrangers. Pour avoir vécu des exemples d'investissement dans des entreprises très stratégiques, nous ne sommes pas perçus comme un pays qui maltraite les investisseurs étrangers : les obligations sont claires, les acteurs n'ont pas le sentiment que l'on cherche à les coincer au dernier moment et les processus de contrôle sont connus. Pour autant, des dispositions portent parfois sur le cantonnement d'un certain nombre d'activités. Les investissements étrangers, relevons-le, sont très élevés en France. Ne donnons pas le sentiment de verrouiller nos industries de manière excessive, veillons à la clarté des décisions si nous voulons modifier les textes visant les investissements étrangers.

Il faudra recourir à une grande transparence dans les processus et les interférences de l'administration. Les investisseurs américains sont habitués dans leur pays à subir des procédures parfois très strictes sur des investissements stratégiques, du moins cela se passe dans une grande transparence aux États-Unis.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Merci de cet éclairage. Je souscris entièrement à vos propos sur la nécessité d'une action transparente, prévisible et claire. C'est ce que les investisseurs attendent de l'objet du contrôle, de son calendrier, des risques encourus, du lieu où cela se passera et des modalités de la gouvernance. La transparence est de nature à rassurer les entreprises et les investisseurs qui ne veulent pas entrer dans une obscure boîte noire.

Le salaire annuel d'un ingénieur à San Francisco est de 200 000 dollars. L'argument de la France pour attirer les investisseurs consiste à leur dire que les ingénieurs en France ne coûtent pas très cher. Je sais que l'on entend souvent que nous aurions beaucoup de charges et que les ingénieurs seraient chers, mais le contexte américain – seulement 4,5 % de chômage à San Francisco – n'est pas le même qu'en France. Du point de vue de la compétitivité internationale, nous n'avons pas à rougir des salaires en France et du point de vue de la compétition mondiale, nos talents sont rémunérés moins que d'autres marchés.

Permalien
Marie-Anne Barbat-Layani

Je parlais du coût pour l'employeur et de la comparaison avec l'Allemagne. Le secteur financier est sensible à ce sujet, car, avec le Brexit, les choix de localisation se feront entre pays continentaux, notamment entre la France et l'Allemagne. D'ailleurs des opérateurs s'installeront en France, en Italie, en Allemagne et au Luxembourg. Nous nous dirigeons vers un univers multipolaire.

Nos acteurs sont capables d'accompagner les PME. Alternext est une filiale d'Euronext. C'est l'un des points forts de la place de Paris. D'ailleurs, il faut être attentif au financement de la recherche et de l'analyse financière des PME. Pour des raisons de réglementation, le financement de la recherche doit être externalisé. Ce qui laisse entière la question de savoir si nous serons capables de maintenir le bon niveau de recherche et d'analyse des PME. Ce n'est pas négligeable en termes de financement. Pour que les investisseurs puissent investir dans les entreprises, encore faut-il qu'ils aient accès à l'information. Il existe toujours une tension entre une demande croissante de publications de comptes et les efforts menés pour attirer les investisseurs. Il convient de trouver un juste milieu. Prenons garde au financement de la recherche et à l'analyse financière de la recherche sans quoi nous pourrions assister à une régression dans ce domaine.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous arrivons au terme de nos travaux. Deux heures sont un temps trop court pour aborder l'ensemble des sujets. J'espère que nous nous reverrons lors de la discussion du projet de loi PACTE.

Je vous remercie chaleureusement de vos éclairages.

Je laisse le mot de la fin à Mme Cattelot.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

J'entends bien vos remarques sur le rythme législatif. Au-delà de l'attente citoyenne, les réformes que nous sommes en train de faire génèrent une attente du monde économique. Dans cette perspective, et en particulier dans le cadre du premier projet de loi de finances de la nouvelle majorité, nous avons fait le choix de retenir une programmation pluriannuelle sincère. Selon moi, elle est censée être la ligne par laquelle nous pouvons augmenter la visibilité et les perspectives du monde économique et financier, d'où par exemple les perspectives sur l'impôt sur les sociétés. J'entends les remarques sur la décision qui a été particulièrement difficile pour nous de rattrapage fiscal des groupes bancaires en fin d'année dernière alors que nous avions engagé une convergence des taux de l'IS. C'est toutefois une décision prise à la suite d'une injonction européenne, vous connaissez cette affaire mieux que moi. Il s'avère que la décision est prise et que nous avons désormais la pleine maîtrise de notre budget pour cette nouvelle année. Nous ne reprenons pas une demi-année comme en 2017, mais un exercice budgétaire plein s'ouvre devant nous. Avec un impôt sur les sociétés qui convergera vers le taux moyen européen, ce qui je pense est un élément fondamental.

Pour revenir sur la partie équilibre, l'Alliance Industrie du Futur a établi récemment une position conjointe de l'industrie, indiquant qu'il y avait un cadre budgétaire contraint, que le monde industriel s'y sentait lié et qu'il avait pour attente que l'État soit raisonnable dans sa dépense publique et puisse fournir un cadre plus stable. Il ne fallait pas demander un allègement portant à la fois sur les taxes et les charges, mais essayer d'aller vers des mesures qui seraient stables pour les années à venir.

L'État ne doit pas trop s'affaiblir car l'attractivité est assurée aussi par des infrastructures et les facilités du service public. Un ingénieur qui vient des États-Unis, sera moins bien payé, mais il bénéficiera de l'école publique, des transports, etc. Le service public reste une donnée positive que l'on mettre en avant. Une entreprise qui arrive à besoin de trouver autour d'elle une logistique performante. C'est aussi notre force et c'est ce jeu d'équilibre que nous allons mener avec la liberté donnée à l'entreprise et des services publics costauds. N'oublions pas aussi la simplification et le droit à l'erreur institué récemment selon un champ assez large : fiscale ou RH. Effectivement tout cela doit être bien compris par les entreprises, les représentations patronales aideront à cette compréhension des nouvelles réformes que nous mettons en oeuvre.

La séance est levée à seize heures dix.

Membres présents ou excusés

Réunion du jeudi 29 mars 2018 à 14 h 20

Présents. - Mme Aude Bono-Vandorme, Mme Anne-Laure Cattelot, Mme Dominique David, M. Bruno Duvergé, Mme Sarah El Haïry, M. Guillaume Kasbarian, Mme Natalia Pouzyreff

Excusés. - Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Olivier Marleix