Je crois que, si l'on veut entrer vraiment dans ce débat, il faut éviter un certain nombre d'écueils. J'en vois immédiatement deux.
Le premier, ce sont les procès d'intention sur les personnes. Pour ma part, madame la ministre, j'ai beaucoup de respect pour votre parcours et vos compétences. De la même façon, je souhaite qu'on ne fasse pas le procès de celles et ceux qui ont siégé dans cette assemblée les années précédentes. Vous le savez comme moi, la question de l'ouverture à la concurrence remonte aux années quatre-vingt-dix, et a connu des étapes successives : si l'on parle d'un « quatrième paquet », c'est bien qu'il y en a eu trois avant et que des parlementaires ont fait en sorte que, chaque fois, la transposition ne soit préjudiciable ni à notre système ferroviaire ni aux différents territoires.
Le second écueil, c'est le procès en statu quo. Il existe une terrible contradiction dans le fait de vouloir parler de statu quo, notamment par rapport à la législature précédente, lorsqu'en même temps on fait le reproche de ne pas avoir été au bout de l'exercice, après avoir voté la loi d'août 2014, dont la plupart des décrets n'ont été publiés qu'en 2016, parce que ces lois préparaient et garantissaient un certain nombre de choses.
De même, en ce qui concerne le quatrième paquet ferroviaire, l'État français a négocié à l'époque des mesures dont nous pouvons être fiers, notamment, s'agissant du règlement OSP – Obligations de service public –, le fait que le modèle qui ait été choisi soit celui de la délégation de service public (DSP). La DSP, c'est ce qui existe dans nos agglomérations et communautés de communes en matière de transport public urbain, c'est-à-dire un système avec des contrats de service public qui permet aux autorités organisatrices de transports de fixer les conditions de l'organisation de ce service.
Sur ce texte, j'ai deux regrets. Le premier, cela a été évoqué par beaucoup, porte sur les ordonnances. En effet, nous aurions pu avoir un débat serein dans nos assemblées – le Sénat vient d'en faire la démonstration. Jusqu'alors, dans le long processus d'ouverture à la concurrence, les débats parlementaires ont toujours été de qualité.
Le second, cela a été dit avant moi, porte sur l'ordre des choses. Vous aviez annoncé en septembre 2017, lors de l'ouverture des Assises de la mobilité, quel serait votre schéma : la loi d'orientation des mobilités, navire amiral de votre réforme, puis une loi de programmation sur les infrastructures issues des travaux de M. Philippe Duron, dans le cadre du Conseil d'orientation des infrastructures, puis un texte relatif au ferroviaire. Il y avait une cohérence. Je regrette que l'ordre des choses ait été en quelque sorte inversé, ce qui ne permet pas d'avoir une vision d'ensemble et de mettre en correspondance un certain nombre de points qui relèvent de l'aménagement du territoire – je pense notamment aux fameuses petites lignes mais aussi au rôle des gares, au report modal ou à la multimodalité.
Deux autres sujets sont sur la table : le statut des cheminots et celui des établissements. Rien dans le quatrième paquet ferroviaire n'impose le changement de statut des établissements. Rien dans le quatrième paquet ferroviaire n'indique non plus qu'il faille en finir avec le statut des cheminots. Cela relève des législations nationales. Votre transposition est donc une surtransposition.
Enfin, une question se pose – d'autres viendront en débat –, celle des investissements. Les trains arrivent en retard ou ralentissent à cause du vieillissement des infrastructures. Vous annoncez 36 milliards d'euros d'investissement : dans le contrat de performance signé entre l'État et SNCF Réseau en avril 2017, 46 milliards d'euros étaient prévus de 2017 à 2026.
Telles sont les observations du groupe Nouvelle Gauche.