C'est ce que l'on appelle en langage technocratique la portabilité des droits.
Par ailleurs, il n'est pas inutile d'indiquer que dès à présent, sans qu'il ait fallu attendre le vote de cette loi, les nouveaux agents recrutés par la SNCF ne le sont pas systématiquement sous le statut de cheminot.
Tout cela pour dire que nous n'allons pas vers une révolution dans le recrutement des agents de la SNCF : en la matière, nous sommes plutôt dans une vieille micheline que dans un nouveau TGV.
Une seconde idée reçue avec laquelle il faut rompre concerne l'ouverture à la concurrence. Le Gouvernement ne fait pas preuve d'un volontarisme particulier à ce sujet. Il inscrit son travail dans un long processus engagé à la fin des années 1990.
Ce cheminement a débuté avec la séparation du transporteur et du gestionnaire de réseau ; il s'est poursuivi au fil de dates marquantes, dont la mise en concurrence du fret, en 2003 pour l'international et en 2006 pour l'intérieur, puis, en 2009, l'ouverture à la concurrence du transport international de voyageurs. Il continue aujourd'hui avec le quatrième paquet ferroviaire : le projet de loi organise cette étape, ni plus ni moins. Il vient poser la clé de voûte, sans doute ; mais les fondations sont établies depuis longtemps.
Les Républicains sont favorables aux nouvelles modalités de recrutement des salariés du rail, tout comme à l'ouverture à la concurrence. En revanche, ils constatent avec effarement tous les angles morts du texte.
D'abord, en ce qui concerne le sujet crucial de la dette. La SNCF est endettée à hauteur de 47 à 50 milliards d'euros – les chiffres sont assez volatils – et cette dette se creuse chaque année. Quelle est la stratégie du Gouvernement face à cette situation ? On parle d'une reprise partielle de la dette par l'État. On parle aussi de la constitution d'une structure ad hoc au sein de la SNCF. Nous attendons des réponses ; nous vous les avons demandées en commission, madame la ministre ; nous ne les avons toujours pas. Nous ne pouvons pas débattre sérieusement de l'avenir du réseau ferroviaire français sans avoir résolu auparavant le problème de la dette.
Autre angle mort : les grands investissements. Plusieurs chantiers majeurs sont en cours, d'autres sont à l'étude ; ils sont stratégiques pour l'avenir de notre pays, mais engagent des sommes colossales. Quelles sont les orientations du Président de la République en la matière ? Quels projets seront retenus, lesquels seront abandonnés ? Quelle hiérarchisation ? Quel calendrier ? Là encore, nos débats n'apportent rien puisque nous n'avons pas le commencement d'une réponse à ces questions.
D'un point de vue plus opérationnel, il y a dans l'organisation du futur de véritables zones d'ombre. Par exemple, le texte – ce doit être dans son ADN – est censé engager l'ouverture à la concurrence, mais aussi permettre de préserver l'équité entre les territoires. Or si nous n'y prenons pas garde, la concurrence sera rude sur les lignes rentables, mais les autres seront rapidement abandonnées. Sans amortisseurs de solidarité territoriale, le risque est réel de laisser les réseaux se dégrader et s'affaiblir et de perdre la qualité du maillage.
Enfin, la question de l'organisation de la SNCF et des relations entre SNCF Mobilités et SNCF Réseau est essentielle. On sait depuis ce matin qu'un amendement du Gouvernement conservera le système d'une entreprise comprenant une tête et deux filiales. Si vous aviez été respectueuse du travail des parlementaires, madame la ministre, nous aurions pu disposer de cet amendement avant la réunion de la commission. Ne me dites pas que vous n'y avez réfléchi que ce week-end !