Pour justifier la nécessité de cette réforme, vous avez depuis le début fait de nombreuses références au soi-disant modèle allemand. Le système ferroviaire de ce pays a été ouvert à la concurrence en 1994, mais au prix d'une véritable casse sociale. Ce sont les salariés et les usagers de la Deutsche Bahn qui ont payé la facture : les effectifs sont passés de 350 000 en 1994 à 220 000 aujourd'hui, soit une baisse de 37 %, et la concurrence s'est faite uniquement sur l'ajustement à la baisse des salaires des conducteurs de train et du personnel à bord des rames, sans amélioration de la qualité du service rendu aux usagers. Les infrastructures sont restées vétustes et les Allemands se plaignent volontiers des retards des trains. Citons le cas de la gare de Mayence, datant de 2013 : faute de main-d'oeuvre au poste d'aiguillage, cette ville de 200 000 habitants a dû vivre pendant plusieurs semaines avec une gare fermée en soirée aux trains de grandes lignes.
Aujourd'hui, le constat est sans appel : la SNCF est plus performante que la Deutsche Bahn, le prix des billets est plus bas, la productivité des cheminots comme du réseau français est meilleure. Ce discours catastrophiste sur la SNCF ne supporte donc pas la comparaison. Cette réforme ira dans le même sens, entraînant une dégradation des conditions de travail pour le personnel, sans que le service rendu aux usagers s'en trouve amélioré. Tout à l'heure, un de nos collègues nous a accusés de vouloir poursuivre comme avant ; je crois au contraire que c'est la majorité qui poursuit comme avant, en appliquant des recettes libérales déjà testées ici et ailleurs, qui ont produit les résultats que nous connaissons. Il s'agit aujourd'hui de préserver la SNCF en tant que patrimoine national ; l'entreprise a besoin d'un nouvel élan, et ce n'est pas l'ouverture à la concurrence ou le dumping social qui le lui donneront.