Intervention de Gérald Darmanin

Réunion du mercredi 5 juillet 2017 à 11h45
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics :

Merci de ces questions. Le sujet passionne, je le vois.

N'étant pas par nature favorable au supplice chinois, je ne souhaite pas que l'on reporte cette mesure d'année en année : allons au fond des choses, et, si celui qui a déjà eu lieu n'a pas été à la hauteur des attentes des observateurs, faisons droit au débat parlementaire.

Madame Rabault, j'émettrai un avis de sagesse sur votre amendement. J'informerai naturellement la commission, et l'Assemblée nationale, des résultats des audits et des expérimentations. Il me semble normal non seulement que vous en disposiez avant la presse, mais que vous puissiez en débattre en présence du ministre.

Monsieur le président vous m'interrogez, comme d'autres intervenants, sur les raisons qui motivent ce report. Disons que je n'ai pas été totalement convaincu que l'administration, malgré tout le travail déjà mené, soit prête. Les syndicats, que j'ai reçus lors de mon arrivée au ministère, ont tous fait état de difficultés. L'impôt sur le revenu étant collecté aujourd'hui à 97 % sans problème, il m'a paru nécessaire d'éviter tout « accident industriel » – selon les termes d'un syndicat dont je ne partage pas toujours le point de vue, mais qui mérite d'être entendu. Je remercie l'administration, notamment M. Bruno Parent, d'avoir bien voulu mener à nouveau les vérifications nécessaires, malgré, je le répète, l'important travail fourni par les agents depuis de nombreux mois et parfois de nombreuses années.

S'agissant du test, il était prévu de le mener après le moment où il était encore possible de reporter la mesure, c'est-à-dire après l'envoi, le 3 juillet, des feuilles d'impôt comportant le taux neutre. Je n'ai pas voulu être le ministre qui envoyait des feuilles d'impôt en demandant de ne pas le payer !

La chronologie proposée par le Gouvernement me paraît judicieuse : d'abord, le test et toutes les vérifications nécessaires ; en même temps que le test, l'audit, ce qui ne pose pas de problème car il porte sur d'autres questions, notamment sur les charges des entreprises ; ensuite, si le Parlement en décide ainsi, la mise en oeuvre du prélèvement à la source. Cela me semble du bon sens : imaginons qu'après l'envoi des feuilles d'impôt, le test ait mis en évidence des dysfonctionnements !

Monsieur le rapporteur général, sans préjuger du vote du Parlement, l'ordonnance est quasiment prête. Il est nécessaire d'agir vite. La question a été présente pendant la campagne présidentielle. Les citoyens peuvent donc à bon droit s'interroger. Il n'est pas étonnant que ce soit l'une des premières mesures prises par le Gouvernement : il ne faut pas fragiliser la relation entre l'administration fiscale et le citoyen, et une parfaite sécurisation juridique est nécessaire. L'envoi de feuilles d'impôt avec un taux neutre aurait pu, je le redis, faire naître de l'incompréhension.

C'est pourquoi nous avons choisi d'intégrer cet article au projet de loi d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social : l'urgence nous empêchait de déposer, en cette session chargée, un texte ad hoc. Mais nous débattons aujourd'hui de cette mesure en commission des finances, et nous en débattrons à nouveau ensemble en séance publique la semaine prochaine.

Vous évoquez la question des dépenses de communication : 9 millions d'euros étaient prévus, dont plus de 2 millions ont déjà été dépensés. J'ajoute que le coût de la mise en place du prélèvement à la source a été de 25 millions d'euros. Le ministre qui arrive doit-il alors rayer le travail déjà mené d'un trait de plume, par principe, ou bien – puisque nous sommes presque tous d'accord sur l'intérêt de la contemporanéité – choisir plutôt de mener les vérifications et ajustements nécessaires ? Le travail des agents de la DGFiP, et les dépenses déjà engagées, devaient-ils être passés par pertes et profits ? La considération que je porte à l'administration, ainsi qu'aux finances publiques, m'a porté à faire le choix inverse.

S'agissant de l'accompagnement des collecteurs, j'entends vos arguments. C'est notamment un sujet important pour les très petites entreprises ; nous avons demandé à l'IGF et au cabinet Mazars de se pencher particulièrement sur cette question, et de nous faire des propositions. Je vous les communiquerai. Le Gouvernement est tout à fait disposé à apporter les modifications qui paraîtront nécessaires.

Madame de Montchalin, je vous remercie d'avoir souligné que c'est l'évaluation qui guidera notre décision ; nous ne sommes ni doctrinaires ni sectaires. Il me semble de surcroît que l'intérêt de la contemporanéité du revenu et de l'impôt est largement reconnu au sein de la commission.

Madame Louwagie, j'ai répondu quant à l'urgence et à la nécessité d'intégrer cette mesure dans ce projet de loi. Je ne pense pas que les débats ultérieurs en souffrent. Vous soulignez d'ailleurs que le prélèvement à la source créera un nouveau rapport entre l'employeur et le salarié : nous sommes donc dans le vif du sujet. Je précise que je serai présent en séance publique pour débattre de cet article.

Je vous ai exposé pourquoi le nouveau calendrier me semble préférable. J'entends ce que vous dites de la DSN : cela me paraît un argument supplémentaire pour voter le report du prélèvement à la source ! La DSN concerne aujourd'hui plus de 95 % des salariés ; bien sûr, le diable étant dans les détails, les problèmes concernent aujourd'hui souvent les plus petites entreprises… Le report nous permettra d'atteindre 100 %.

Vous évoquez la protection de la vie privée. Il me semble clair désormais qu'elle sera parfaitement garantie : l'entreprise ne connaîtra rien des dons faits à des associations ou à des partis politiques, ni de votre situation familiale. Il sera en outre possible d'opter pour un taux individualisé. J'entends que des questions subsistent, et nous y reviendrons. Je vous transmettrai – à la fin de la séance, ce qui me paraît préférable, car le jeune ancien professeur que je suis se souvient que lorsque l'on distribue les copies trop tôt, plus personne n'écoute le cours – un exemple de feuille d'impôt telle qu'elle sera envoyée aux contribuables. Cela servira de base concrète à la discussion.

Monsieur Vigier, monsieur de Courson, vous me demandez si nous allons mettre en oeuvre l'idée « hollandiste » de fusion de la CSG et de l'impôt sur le revenu. Il ne vous aura pas échappé qu'une alternance politique est survenue, et je vous assure ici que le Gouvernement ne souhaite pas procéder à cette fusion. Puisque c'était, me dites-vous, le seul motif de l'opposition du groupe UDI à la réforme, je pense donc vous avoir convaincus en quelques secondes seulement... Cela me plaît beaucoup !

Madame Rabault, j'ai le plus grand respect pour le travail que vous avez mené, mais vos arguments m'étonnent un peu. Le test que j'ai évoqué est exactement celui qui a été prévu par mon prédécesseur. Je vais le détailler, pour que chacun voie qu'il ne concerne pas uniquement de grandes entreprises et de grandes collectivités ! Il concerne 510 collectivités territoriales, 394 communes de toutes tailles, 99 intercommunalités, 11 départements, 4 métropoles et 2 régions ; plus d'une centaine d'entreprises de toutes tailles sont inscrites, et je vous indique que toutes celles qui souhaitent encore s'inscrire peuvent le faire sur le site net-entreprises.fr. N'hésitez pas ! J'ai d'ailleurs moi-même convaincu certains représentants d'organismes patronaux, a priori rétifs, d'inscrire leur propre entreprise.

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