La commission entend M. Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics, sur l'article 9 du projet de loi d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social (n° 4).
En accord avec le rapporteur général, il m'a paru indispensable que notre commission se saisisse pour avis de l'article 9 du projet de loi d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social, qui intéresse directement ses compétences, puisqu'il s'agit de reporter d'un an l'entrée en vigueur du prélèvement à la source.
Je voudrais, avant toute chose, vous féliciter, monsieur le président, pour votre élection à la tête de la commission des finances, tout comme je félicite les membres de son bureau, le rapporteur général et l'ensemble des commissaires. Je suis d'autant plus heureux de m'exprimer pour la première fois devant votre commission que, jeune parlementaire, je n'avais pas eu la chance de pouvoir y siéger…
La question du prélèvement de l'impôt à la source a traversé la campagne électorale mais également les travaux des deux assemblées. Nous proposons d'en reporter d'un an la mise en application, bien qu'il s'agisse d'une idée plébiscitée par les contribuables – même si elle suscite, légitimement, des questions de la part des entreprises, notamment des plus petites d'entre elles.
Pour éviter les surprises, nous souhaitons agir vite, dès le début de cette législature, le Gouvernement proposant par ailleurs de procéder selon différentes modalités. La première consiste à s'appuyer sur un test grandeur nature, qui devrait impliquer cet été entreprises, associations et collectivités territoriales, jusqu'au Mouvement des entreprises de France (MEDEF), qui n'a pas manqué d'exprimer sa circonspection devant cette nouveauté. Ce test permettra de vérifier comment fonctionne le prélèvement à la source et les difficultés qu'il soulève. Si la mesure de report était votée, je ne manquerais pas de vous communiquer le résultat de ce test.
En second lieu, j'ai proposé au Premier ministre qu'un audit soit réalisé par l'Inspection générale des finances (IGF), en association avec un cabinet indépendant, le cabinet Mazars. Je souhaite rendre publiques les conclusions de cet audit, notamment pour ce qui concerne l'une des difficultés les plus souvent évoquées, à savoir la charge – réelle ou supposée – que le prélèvement à la source représente pour les entreprises.
Les fonctionnaires de la direction générale des finances publiques (DGFiP) ont beaucoup travaillé sur le prélèvement à la source, déjà en place dans de nombreux pays européens et offrant des avantages sur lesquels tout le monde peut s'entendre, au premier rang desquels la contemporanéité entre la perception du revenu et le paiement de l'impôt, alors que leur décalage aujourd'hui peut s'avérer très problématique lorsque l'on part à la retraite, que l'on connaît un changement de situation ou que l'on subit tel ou tel accident de la vie. Ce sont autant de risques qui entraînent une épargne de précaution importante, bien que la mensualisation – qui ne correspond pas à une véritable contemporanéité – se soit généralisée, puisqu'elle concerne désormais 60 % des contribuables.
Au-delà de cette question de fond, une question de forme a également largement occupé les débats sous la précédente législature, touchant à la manière d'appliquer cette réforme, certains suggérant également que des voies plus simples que celles choisies par le précédent Gouvernement étaient envisageables.
C'est pour nous donner le temps de trancher ces débats que je propose donc, dans l'article 9 du projet de loi d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social, de reporter le prélèvement à la source.
L'intervention de notre commission présente un caractère un peu particulier par rapport aux habituelles saisines pour avis. En effet, la présidente de la commission des affaires sociales, commission à laquelle le projet de loi a été renvoyé au fond, a bien voulu nous « déléguer » l'examen au fond de l'article 9. Autrement dit, notre rapporteur fait sur cet article le travail d'un rapporteur au fond, et le rapport de son homologue de la commission des affaires sociales pourra donc se contenter de renvoyer aux travaux de notre rapporteur et de notre commission, sachant que ce sujet, sur lequel il est incontestable que la DGFiP a réalisé un travail considérable, a déjà fait l'objet de plusieurs débats sous la précédente législature.
À titre liminaire, je tiens à saluer le remarquable travail accompli sur cette réforme, non seulement par l'administration fiscale, mais aussi par notre assemblée, tout particulièrement par ma prédécesseure Valérie Rabault.
L'enrichissement du dispositif qu'a permis l'examen du prélèvement à la source par notre assemblée – puisque je rappelle que le Sénat n'en avait pas débattu en tant que tel – doit beaucoup à notre collègue, dont les amendements ont apporté des clarifications opportunes, des garanties supplémentaires pour les contribuables et, au total, ont abouti à une réforme de meilleure facture que celle initialement soumise. Je n'oublie pas non plus l'opposition, notamment notre collègue Marc Le Fur, lui aussi très investi dans nos débats et dont certaines propositions figurent dans le texte promulgué.
Monsieur le ministre, j'ai plusieurs questions à vous poser sur l'article dont notre commission s'est saisie pour avis. Le débat sur le principe de la réforme ayant été particulièrement riche à l'automne dernier, ces questions ne porteront que sur le report de cette réforme, qui fait l'objet de l'article que nous examinerons ensuite.
En premier lieu, si nous devons reporter la mise en oeuvre du prélèvement à la source, nous sommes tenus d'agir rapidement. Certaines mesures indissociables de la réforme doivent en effet entrer en vigueur avant le 1er janvier 2018 – je pense par exemple à la transmission des taux aux collecteurs ainsi qu'aux sanctions applicables aux mêmes collecteurs en cas de violation du secret professionnel. Pourriez-vous donc nous dire quand l'ordonnance devra être adoptée ? Le délai de trois mois prévu par l'article 9 n'est pas particulièrement long mais reste problématique compte tenu de l'entrée en vigueur de certains dispositifs dès le 1er octobre prochain. En d'autres termes, l'ordonnance est-elle déjà prête ou le sera-t-elle très prochainement, ce qui permettrait sa publication dès que l'habilitation aura été promulguée ? La ratification de l'ordonnance sera-t-elle en outre incluse dans le projet de loi de finances pour 2018 ?
Pourquoi avoir choisi comme véhicule le projet de loi portant sur le droit du travail, plutôt qu'un projet ad hoc dédié au report du prélèvement à la source ? Ne craignez-vous pas que les débats nourris qui s'annoncent sur les autres articles risquent de ralentir l'adoption de l'article 9 comme de l'ensemble du projet de loi ?
L'étude d'impact qui accompagne le projet de loi fait état de campagnes de communication. De telles campagnes ont déjà été conduites à l'été 2016, pour présenter la réforme, ses enjeux et ses principales modalités. Pourriez-vous nous fournir des précisions sur le public destinataire de ces nouvelles campagnes ? Outre une communication auprès des contribuables, des actions spécifiques sont-elles prévues à destination des collecteurs, notamment des entreprises ? Quel sera par ailleurs le contenu de ces campagnes ? Je rappelle à cet égard que l'article 60 de la loi de finances pour 2017 prévoit, à l'initiative de notre assemblée, une communication spécifique sur la possibilité d'opter pour un taux individualisé au sein des couples. Quel sera enfin le calendrier de ces campagnes ?
Le Gouvernement prévoit-il d'informer de façon régulière le Parlement de l'état d'avancement des tests et des expérimentations ?
Vous faites état d'un rapport au Parlement, plus particulièrement aux commissions des finances, sur les conclusions des expérimentations et des tests : il serait utile que nous en ayons connaissance le plus tôt possible.
Disposez-vous d'une estimation de la charge et du coût éventuels que les collecteurs supporteraient avec l'application du prélèvement à la source ? Un accompagnement de ces collecteurs, notamment des très petites entreprises, est-il prévu ? Si oui, quelle forme prendra-t-il ?
J'aimerais enfin connaître le coût des opérations prévues pendant le délai supplémentaire découlant du report.
En tout état de cause, je crois utile que notre commission puisse se saisir de la réforme en temps voulu, avant le 1er janvier 2019, et examine, de manière concrète, l'état d'avancement de la question.
Nous connaissons l'ampleur des débats auxquels a donné lieu le prélèvement à la source. La méthode retenue par le Gouvernement se fonde sur l'évaluation et l'expérimentation, bref sur un retour au réel qui doit permettre d'avancer de manière fiable, afin que les mesures adoptées puissent être mises en oeuvre rapidement et efficacement. Cette méthode, qui est plus généralement celle qui caractérisera le nouveau quinquennat, a le plein soutien de la majorité.
Une remarque de forme d'abord : je m'étonne qu'une disposition visant à reporter le prélèvement de l'impôt à la source, lequel avait été adopté dans la précédente loi de finances, figure dans un projet de loi d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social. Ce n'est pas la première fois que nous déplorons que des dispositions touchant à des questions financières et qui relèvent ainsi des prérogatives de la commission des finances ne soient pas abordées dans des textes sur lesquelles elle est saisie au fond.
Ensuite, pour ce qui concerne le fond, on peut s'interroger sur la pertinence qu'il y a à organiser un test grandeur nature avant de disposer des résultats de l'audit que vous avez par ailleurs demandé. Votre chronologie est-elle pertinente ?
Qu'avez-vous par ailleurs à nous dire de la charge de travail importante que va représenter le prélèvement à la source pour les entreprises, en particulier pour les plus petites ? Tandis que la mise en oeuvre de la déclaration sociale nominative (DSN), reportée à plusieurs reprises, est loin d'être aboutie, il est problématique d'imposer aux entreprises de nouvelles charges et des coûts de gestion supplémentaires. Cela me paraît contraire à vos projets de simplification.
Se pose enfin la question de savoir si le dispositif permettra de préserver la confidentialité requise et quelle incidence cela aura sur les relations entre l'employeur et le salarié.
Si le prélèvement à la source n'est pas nécessairement une mauvaise idée, il exige au préalable une réforme de l'impôt sur le revenu, qui doit être simplifié. C'est en tout cas l'opinion du groupe Les Républicains.
J'insisterai à mon tour sur le coût administratif du prélèvement à la source pour les très petites entreprises (TPE). Vous demandez un report de la mesure. S'agit-il d'un simple report ou est-ce le prélude à un abandon, si le test de cet été n'était pas concluant ?
Vous proposez avec pragmatisme de repousser d'une année l'entrée en vigueur de la retenue à la source, mesure à laquelle le groupe Union des démocrates et indépendants (UDI) s'était opposé et dont il conditionnait la mise en oeuvre à l'abandon définitif par l'ancienne majorité de l'idée de fusionner l'impôt sur le revenu et la contribution sociale généralisée (CSG).
Vous diligentez un test et un audit. Sur quel panel se fondera le test ? Si l'audit révélait des difficultés plus importantes que prévu, ce report d'une année peut-il déboucher sur un report sine die ? Dans le cas contraire, quelles sont les mesures d'accompagnement que vous envisagez pour aider nos petites et moyennes entreprises (PME) et nos petites et moyennes industries (PMI) à faire face à cette nouvelle contrainte ?
Les revenus de 30 % des contribuables français varient d'une année sur l'autre : c'est considérable. Or, en reportant le prélèvement à la source, vous renoncez à la contemporanéité entre l'impôt et le revenu sur lequel il porte. Faut-il rappeler qu'il s'agit d'une pratique que les États-Unis, l'Allemagne ou le Royaume-Uni ont adoptée au siècle dernier, dans les années 30 et dans les années 50 ? Pour votre part, envisagez-vous de vous y rallier ou avez-vous l'intention de vous asseoir dessus ?
Je constate, comme Philippe Vigier, qu'en ce qui concerne l'expérimentation - méthode déjà utilisée pour d'autres réformes fiscales, par exemple la réforme des valeurs locatives qui avait d'abord été expérimentée dans cinq départements –, l'article 9 ne comporte aucune information ni sur le panel retenu, ni sur son périmètre territorial : inclura-t-elle des départements ruraux, des métropoles ? Concernera-t-elle des grandes entreprises, des TPE, des PME ?
En l'absence de réponse, nous avons déposé un amendement réclamant au Gouvernement, avant la discussion de la prochaine loi de finances, un rapport présentant les résultats de l'expérimentation : c'est une requête a minima, la seule qui nous évite l'irrecevabilité au titre de l'article 40 de la Constitution. Cela nous évitera aussi de prendre connaissance de ces résultats par la presse et nous permettra de conduire notre analyse sérieusement.
Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine (GDR) est opposé à la retenue à la source, qui participe moins à nos yeux d'un choc de simplification que d'un choc de complexification. Nous nous interrogeons en effet sur les enjeux liés à la confidentialité et au recouvrement, ainsi qu'aux coûts qu'une telle mesure va entraîner pour les petites entreprises.
Nous considérons que c'est moins la question du recouvrement de l'impôt qui doit se poser aujourd'hui que celle de son équité.
Je regrette, monsieur le ministre, que l'une de vos premières décisions soit le report du prélèvement à la source. Cette réforme avait pour objectif de moderniser l'impôt en l'adaptant en temps réel à la perception des revenus, car le paiement décalé de l'impôt peut mettre en difficulté les nouveaux retraités, les gens qui perdent leur travail, les expatriés, les créateurs d'entreprises ou tous ceux qui connaissent des accidents de la vie, soit des milliers de personnes chaque année.
Ce choix n'est pas guidé par l'idée que le prélèvement à la source est une mauvaise mesure, puisque le Président de la République a fait savoir en 2016 qu'il y était favorable, conscient que la DSN des salariés résoudrait les questions techniques. Pourquoi donc ce changement de pied ? Parce qu'il affirme par ailleurs qu'il ne faut pas faire coïncider l'application du prélèvement à la source avec la baisse des cotisations salariales et la hausse de la CSG.
C'est dommage, et j'espère que ce report ne se transformera pas en enterrement de première classe car non seulement le prélèvement à la source est une bonne mesure, mais nous aurions en outre pu être prêts au 1er janvier 2018 – et je veux ici souligner l'excellent travail accompli par l'administration de Bercy. Je tiens également à vous remercier d'avoir maintenu le test qu'avait prévu l'ancienne majorité.
Le prélèvement à la source est une mesure favorisant le pouvoir d'achat puisqu'elle supprime le décalage entre le moment de la perception des revenus et celui de l'acquittement de l'impôt, ce qui permet d'éviter certaines situations dramatiques.
Vous nous parlez d'expérimentation, de test, d'audit, d'inquiétude pour les entreprises. Pouvez-vous nous dire clairement que ce qui nous est aujourd'hui présenté comme un simple report n'est pas en réalité un abandon pur et simple ?
La collecte de l'impôt n'est pas synonyme d'équité de l'impôt, et ce report cache mal vos intentions en matière de hausse de la CSG. Je me suis beaucoup battu, sous la précédente législature, contre les conséquences de la suppression de la demi-part fiscale pour les veuves, comme sur les conditions d'exonération de la taxe foncière. Aujourd'hui, vous traitez une bonne partie de nos retraités comme des nantis : pour des pensions qui tournent autour de 1 200 euros par mois, c'est un peu fort de café ! Qu'avez-vous à dire à ces retraités, dont la hausse de la CSG va directement affecter le pouvoir d'achat ? Je n'ai aucun doute sur le fait que vous, qui n'avez cessé de fustiger le manque d'esprit de responsabilité de vos prédécesseurs, saurez nous préciser vos intentions avec clarté.
Je voudrais en premier lieu saluer le travail de grande qualité conduit par les équipes de l'administration, sous la direction de M. Bruno Parent, directeur général des finances publiques, et Mme Véronique Bied-Charreton, directrice de la législation fiscale. Je tiens également à saluer le travail de notre ancienne rapporteure générale Valérie Rabault et de notre collègue Marc Le Fur, qui ont sensiblement amélioré le texte. Je n'oublie pas enfin Marie-Christine Dalloz qui, grâce à l'un de ses amendements qui modifiait radicalement l'ensemble du dispositif, a réussi à nous faire gagner vingt-quatre heures...
Malgré son amélioration, le texte présente encore des difficultés, et le report me paraît une mesure sage. Je souhaiterais qu'il soit pour nous l'occasion de réfléchir à la voie alternative que nous avons constamment défendue. L'inconvénient majeur de cette réforme est en effet d'introduire un tiers entre l'administration fiscale et le contribuable, à savoir l'employeur, qu'il s'agisse d'une grande entreprise, d'une PME ou d'une TPE.
Nous sommes persuadés que les améliorations considérables apportées ces dix dernières années au recouvrement de l'impôt sur le revenu par l'administration fiscale – je pense à la déclaration préremplie, à la mensualisation, ou encore au site impots.gouv.fr, sur lequel le contribuable peut ajuster ses mensualités –, peuvent nous permettre de rapprocher dans le temps les revenus et l'impôt. Certes le prélèvement à la source a été instauré dans certains pays entre les deux guerres mais, à l'époque, internet n'existait pas. Or les nouvelles technologies doivent nous permettre d'aboutir à une quasi-contemporanéité sans toucher à la spécificité de notre système, qui repose sur la conjugalisation et la familialisation. C'était notamment le sens de l'amendement présenté par Éric Woerth. Il me semble donc essentiel d'explorer jusqu'au bout cette piste qui résoudrait bien des problèmes.
Le Gouvernement a-t-il définitivement renoncé à l'idée « hollandiste » de fusionner la CSG et l'impôt sur le revenu, qui avait motivé l'opposition du groupe UDI au prélèvement à la source ?
Par ailleurs, l'article 9 reporte aussi l'acompte de 30 % du montant des avantages fiscaux auxquels donne droit l'emploi d'un salarié à domicile. Or il serait beaucoup plus simple de dispenser les ménages de l'« avance de frais » à laquelle correspond cet avantage, ce qui leur permettrait de dégager de la trésorerie. Seriez-vous prêt à intégrer dans l'ordonnance cette possibilité, qui constituerait pour les familles un véritable progrès ?
Les gouvernements changent, les ministres passent, les arguments, eux, restent les mêmes, ce qui me laisse penser que, derrière, l'administration veille…
Vous insistez sur la simplification et, surtout, sur la modernisation que constituerait le prélèvement à la source. Or nous nous sommes échinés à démontrer, lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2017, qu'il n'y avait rien de moderne dans le prélèvement à la source : ce n'est pas parce que l'on s'aligne sur ce que font les autres pays de l'Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE) que l'on se modernise, d'autant que nos systèmes fiscaux ne sont pas rigoureusement identiques. Comme l'a rappelé Gilles Carrez, notre impôt sur le revenu a pour spécificités la familialisation et la conjugalisation ; en outre il est progressif. Nous ne sommes pas dans le cas d'une flat tax, qui s'applique à tout le monde avec le même taux.
Le vrai courage, je l'ai dit à votre prédécesseur, eût été de remettre à plat l'ensemble du système pour corriger sa complexité. En l'état, introduire les entreprises dans le dispositif est un véritable danger. Les récentes cyberattaques ont montré qu'elles n'étaient pas équipées pour garantir la protection informatique des données sociales et fiscales. Je regrette que vous ayez balayé ces considérations d'un revers de main.
Par ailleurs, inscrire le report du prélèvement à la source dans un projet de loi d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures renforçant le dialogue social nuit à la lisibilité de vos intentions.
Je fais personnellement partie des gens extrêmement réservés sur le prélèvement à la source, car le vrai débat n'a pas eu lieu et il ne suffit pas de dire que cela se pratique partout ailleurs : non seulement ce n'est pas vrai, mais le prélèvement à la source est en outre appliqué sur des bases qui varient d'un pays à l'autre.
Si vous entrez dans cette affaire sans vous ménager de porte de sortie, monsieur le ministre, vous allez au-devant de sérieuses difficultés avec les entreprises, les familles, le Défenseur des droits ou les jeunes. Car nous avons affaire à une fausse retenue à la source, qui est en réalité une augmentation de l'impôt, puisqu'elle intègre en année N la croissance et l'inflation par rapport à l'année N–1 – je comprends que cela plaise à Bercy…
C'est, d'autre part, une mesure anti-jeunes, puisque les jeunes bénéficient aujourd'hui du décalage dans le paiement de l'impôt, qui leur permet de s'installer dans la vie.
Enfin cela représente pour les entreprises un coût faramineux, totalement sous-estimé.
Au nom de la pensée unique, aucun de ces aspects n'a réellement été évoqué. Il est donc indispensable que vous vous laissiez la possibilité, à l'issue de l'expérimentation, soit de poursuivre et de me démontrer que j'avais tort, soit de renoncer.
Je m'inquiète pour ma part de la répartition des compétences entre le secteur public et le secteur privé. Le fait de confier en premier lieu un audit à l'IGF et à un cabinet privé n'entraîne-t-il pas un coût un peu redondant ?
Par ailleurs, que penser du fait que la CSG alimente désormais la sécurité sociale, gérée par des organismes paritaires, précisément parce qu'elle était jusqu'alors financée non par l'impôt mais par des cotisations ?
On nous explique enfin que le calcul et le recouvrement de l'impôt vont être confiés aux entreprises. Tout ceci m'amène à m'interroger sur la responsabilité des uns et des autres.
En second lieu, nos recettes fiscales sont principalement portées par la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), l'impôt sur les sociétés et l'impôt sur le revenu. La TVA est un impôt corrélé à l'activité en année N, l'impôt sur les sociétés, mixte à l'origine, également, du fait de l'anticipation des acomptes. Seul l'impôt sur le revenu fait contrepoids et peut jouer un rôle contracyclique. Cela signifie qu'en cas de retournement de cycle, si les moteurs de la TVA et de l'impôt sur les sociétés calent, Bercy peut encore s'appuyer sur l'impôt sur le revenu.
En mettant tous nos oeufs dans le même panier, nous n'éviterons pas, en cas de retournement cyclique, une déconvenue qui se chiffrera en milliards d'euros. Si l'on ajoute que les taux d'intérêt peuvent devenir moins favorables, la surprise sera encore plus mauvaise. Il me semble donc qu'il convient non seulement de reporter le prélèvement à la source, mais qu'il faudrait également réaliser une étude d'impact pour véritablement évaluer les risques sur nos prévisions budgétaires.
Ne faisons pas de procès d'intention au Gouvernement. Je salue pour ma part sa volonté de prendre le temps de l'évaluation avant de mettre en oeuvre le prélèvement à la source.
En ce qui concerne la temporalité de l'impôt, les arguments des uns et des autres se valent : payer l'impôt en année N+1 permet de dégager de la trésorerie ; à l'inverse, cela augmente les risques d'écart par rapport aux prévisions.
Prenons donc le temps de procéder au test prévu, pour lequel je remercie le Gouvernement.
À mon sens, la question essentielle est celle de la simultanéité de l'impôt et des revenus – simultanéité qui n'est pas nécessairement excellente pour les finances de l'État, comme le montrent les arguments apportés par Julien Aubert, mais qui est en revanche très rassurante pour le contribuable, qui n'arrive pas au 1er janvier avec une dette fiscale. En revanche, je doute que l'intermédiation de l'entreprise soit une bonne chose. Notre rapport à l'argent n'est pas exactement le même que dans d'autres cultures… La DSN nous permettrait, je crois, d'aboutir à une simultanéité, avec peut-être un léger décalage d'un mois ou deux, mais en conservant le face-à-face entre l'administration et le contribuable.
Pourquoi ce report, monsieur le ministre ? L'administration considère-t-elle qu'elle ne sera pas prête au 1er janvier 2018 ? Le Gouvernement précédent nous a assurés du contraire. Des loups, des bugs informatiques sont-ils survenus ? Si au contraire il ne s'agit pas d'un report technique, il faut comprendre que le Gouvernement n'a pas encore vraiment choisi le système qu'il veut mettre en place. Bref, repoussez-vous pour enterrer, ou pour améliorer le dispositif ? On peut aussi penser que vous redoutez que cette mesure n'entre en contradiction avec d'autres, en rendant illisibles par exemple l'augmentation de la CSG et les baisses de cotisations sociales, censées apparaître sur la feuille de paye.
Merci de ces questions. Le sujet passionne, je le vois.
N'étant pas par nature favorable au supplice chinois, je ne souhaite pas que l'on reporte cette mesure d'année en année : allons au fond des choses, et, si celui qui a déjà eu lieu n'a pas été à la hauteur des attentes des observateurs, faisons droit au débat parlementaire.
Madame Rabault, j'émettrai un avis de sagesse sur votre amendement. J'informerai naturellement la commission, et l'Assemblée nationale, des résultats des audits et des expérimentations. Il me semble normal non seulement que vous en disposiez avant la presse, mais que vous puissiez en débattre en présence du ministre.
Monsieur le président vous m'interrogez, comme d'autres intervenants, sur les raisons qui motivent ce report. Disons que je n'ai pas été totalement convaincu que l'administration, malgré tout le travail déjà mené, soit prête. Les syndicats, que j'ai reçus lors de mon arrivée au ministère, ont tous fait état de difficultés. L'impôt sur le revenu étant collecté aujourd'hui à 97 % sans problème, il m'a paru nécessaire d'éviter tout « accident industriel » – selon les termes d'un syndicat dont je ne partage pas toujours le point de vue, mais qui mérite d'être entendu. Je remercie l'administration, notamment M. Bruno Parent, d'avoir bien voulu mener à nouveau les vérifications nécessaires, malgré, je le répète, l'important travail fourni par les agents depuis de nombreux mois et parfois de nombreuses années.
S'agissant du test, il était prévu de le mener après le moment où il était encore possible de reporter la mesure, c'est-à-dire après l'envoi, le 3 juillet, des feuilles d'impôt comportant le taux neutre. Je n'ai pas voulu être le ministre qui envoyait des feuilles d'impôt en demandant de ne pas le payer !
La chronologie proposée par le Gouvernement me paraît judicieuse : d'abord, le test et toutes les vérifications nécessaires ; en même temps que le test, l'audit, ce qui ne pose pas de problème car il porte sur d'autres questions, notamment sur les charges des entreprises ; ensuite, si le Parlement en décide ainsi, la mise en oeuvre du prélèvement à la source. Cela me semble du bon sens : imaginons qu'après l'envoi des feuilles d'impôt, le test ait mis en évidence des dysfonctionnements !
Monsieur le rapporteur général, sans préjuger du vote du Parlement, l'ordonnance est quasiment prête. Il est nécessaire d'agir vite. La question a été présente pendant la campagne présidentielle. Les citoyens peuvent donc à bon droit s'interroger. Il n'est pas étonnant que ce soit l'une des premières mesures prises par le Gouvernement : il ne faut pas fragiliser la relation entre l'administration fiscale et le citoyen, et une parfaite sécurisation juridique est nécessaire. L'envoi de feuilles d'impôt avec un taux neutre aurait pu, je le redis, faire naître de l'incompréhension.
C'est pourquoi nous avons choisi d'intégrer cet article au projet de loi d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social : l'urgence nous empêchait de déposer, en cette session chargée, un texte ad hoc. Mais nous débattons aujourd'hui de cette mesure en commission des finances, et nous en débattrons à nouveau ensemble en séance publique la semaine prochaine.
Vous évoquez la question des dépenses de communication : 9 millions d'euros étaient prévus, dont plus de 2 millions ont déjà été dépensés. J'ajoute que le coût de la mise en place du prélèvement à la source a été de 25 millions d'euros. Le ministre qui arrive doit-il alors rayer le travail déjà mené d'un trait de plume, par principe, ou bien – puisque nous sommes presque tous d'accord sur l'intérêt de la contemporanéité – choisir plutôt de mener les vérifications et ajustements nécessaires ? Le travail des agents de la DGFiP, et les dépenses déjà engagées, devaient-ils être passés par pertes et profits ? La considération que je porte à l'administration, ainsi qu'aux finances publiques, m'a porté à faire le choix inverse.
S'agissant de l'accompagnement des collecteurs, j'entends vos arguments. C'est notamment un sujet important pour les très petites entreprises ; nous avons demandé à l'IGF et au cabinet Mazars de se pencher particulièrement sur cette question, et de nous faire des propositions. Je vous les communiquerai. Le Gouvernement est tout à fait disposé à apporter les modifications qui paraîtront nécessaires.
Madame de Montchalin, je vous remercie d'avoir souligné que c'est l'évaluation qui guidera notre décision ; nous ne sommes ni doctrinaires ni sectaires. Il me semble de surcroît que l'intérêt de la contemporanéité du revenu et de l'impôt est largement reconnu au sein de la commission.
Madame Louwagie, j'ai répondu quant à l'urgence et à la nécessité d'intégrer cette mesure dans ce projet de loi. Je ne pense pas que les débats ultérieurs en souffrent. Vous soulignez d'ailleurs que le prélèvement à la source créera un nouveau rapport entre l'employeur et le salarié : nous sommes donc dans le vif du sujet. Je précise que je serai présent en séance publique pour débattre de cet article.
Je vous ai exposé pourquoi le nouveau calendrier me semble préférable. J'entends ce que vous dites de la DSN : cela me paraît un argument supplémentaire pour voter le report du prélèvement à la source ! La DSN concerne aujourd'hui plus de 95 % des salariés ; bien sûr, le diable étant dans les détails, les problèmes concernent aujourd'hui souvent les plus petites entreprises… Le report nous permettra d'atteindre 100 %.
Vous évoquez la protection de la vie privée. Il me semble clair désormais qu'elle sera parfaitement garantie : l'entreprise ne connaîtra rien des dons faits à des associations ou à des partis politiques, ni de votre situation familiale. Il sera en outre possible d'opter pour un taux individualisé. J'entends que des questions subsistent, et nous y reviendrons. Je vous transmettrai – à la fin de la séance, ce qui me paraît préférable, car le jeune ancien professeur que je suis se souvient que lorsque l'on distribue les copies trop tôt, plus personne n'écoute le cours – un exemple de feuille d'impôt telle qu'elle sera envoyée aux contribuables. Cela servira de base concrète à la discussion.
Monsieur Vigier, monsieur de Courson, vous me demandez si nous allons mettre en oeuvre l'idée « hollandiste » de fusion de la CSG et de l'impôt sur le revenu. Il ne vous aura pas échappé qu'une alternance politique est survenue, et je vous assure ici que le Gouvernement ne souhaite pas procéder à cette fusion. Puisque c'était, me dites-vous, le seul motif de l'opposition du groupe UDI à la réforme, je pense donc vous avoir convaincus en quelques secondes seulement... Cela me plaît beaucoup !
Madame Rabault, j'ai le plus grand respect pour le travail que vous avez mené, mais vos arguments m'étonnent un peu. Le test que j'ai évoqué est exactement celui qui a été prévu par mon prédécesseur. Je vais le détailler, pour que chacun voie qu'il ne concerne pas uniquement de grandes entreprises et de grandes collectivités ! Il concerne 510 collectivités territoriales, 394 communes de toutes tailles, 99 intercommunalités, 11 départements, 4 métropoles et 2 régions ; plus d'une centaine d'entreprises de toutes tailles sont inscrites, et je vous indique que toutes celles qui souhaitent encore s'inscrire peuvent le faire sur le site net-entreprises.fr. N'hésitez pas ! J'ai d'ailleurs moi-même convaincu certains représentants d'organismes patronaux, a priori rétifs, d'inscrire leur propre entreprise.
S'il faut que les entreprises se portent volontaires, cela introduit un biais énorme ! Cela fausse les résultats du test !
Pour mener un test, il faut des candidats parmi ceux qui vont, demain, collecter l'impôt : collectivités territoriales, entreprises, associations… Il vaut mieux faire le test avec de vrais gens qu'avec des faux, monsieur le député, je vous le confirme.
Encore une fois, nous n'avons fait qu'essayer d'élargir le test prévu, sans le modifier.
Monsieur Dufrègne, votre groupe est par principe défavorable à la mesure. J'entends l'argument, et je le respecte, mais vous comprendrez que je ne suis pas venu devant vous pour détailler un grand soir fiscal. Vous aurez l'occasion de vous exprimer sur ce point pendant tout le mandat.
Monsieur Bricout, madame Pires Beaune, vos arguments un peu durs m'ont surpris. Vous regrettez que ce soit là ma première décision ; je regrette, moi, de devoir trouver 5 milliards d'économies dès mon arrivée. J'aurais aimé passer plus de temps à évoquer l'avenir. Il ne s'agit là que de reporter pour évaluer ; ce n'est pas un enterrement de première classe. À vous entendre, je serais quasiment responsable des difficultés rencontrées par tous ceux qui changent de situation ! Mais que n'avez-vous pas agi plus tôt ? Pourquoi ne pas avoir mené cette magnifique réforme dès 2012 ? Il m'appartient désormais de conclure ce projet, que vous n'avez voté qu'en toute fin de quinquennat. Cette réforme n'est pas encore parfaitement acceptée par la société ; et il serait bien difficile de la mener sans les entreprises.
Monsieur Carrez, monsieur le président Woerth, vous vous demandez s'il ne serait pas possible d'assurer la contemporanéité sans passer par le prélèvement à la source. Dans l'hypothèse que vous proposez, il y aurait trois mois de décalage, et nous pourrons revenir sur les raisons de ce délai. Le rapport que j'ai demandé à l'IGF et au cabinet Mazars examinera les pistes alternatives, par exemple celle de confier la collecte aux banques plutôt qu'aux entreprises. Il me semble, au vu des travaux de la DGFiP et des travaux parlementaires, notamment du Sénat, que le prélèvement à la source constitue la solution la plus simple. Mais vos arguments méritent d'être entendus, et il faudra en débattre sur le fond.
Madame Dalloz, vous remarquez avec facétie, mais aussi avec force, que les directeurs sont toujours les mêmes. Mais c'est normal : non seulement ils sont très compétents, mais en outre ils ne font que ce que décide le pouvoir politique… Si tel n'est pas le cas – et j'ai moi-même connu des alternances politiques dans des collectivités territoriales – alors les responsables politiques doivent apprendre à mieux s'exprimer et à donner des instructions, ou bien faire autre chose ! Le Président de la République a ouvert la possibilité de changer les directeurs d'administrations en conseil des ministres ; je constate que M. Bruno Parent et Mme Véronique Bied-Charreton sont toujours derrière moi. Je vous demanderai, madame la députée, de ne pas les prendre à partie, et de m'adresser vos questions : c'est bien le ministre qui est responsable – et l'on change bien plus les ministres que les directeurs, ce qui n'est pas mauvais pour la démocratie ! Mais je sais, ils me l'ont dit, que ces directeurs assis derrière moi se réjouissent de revenir devant vous.
Vous demandez des changements plus profonds dans notre système fiscal. Le Premier ministre, dans son discours de politique générale, a évoqué la rénovation de la fiscalité locale, autour d'une réforme de la taxe d'habitation dont nous savons tous quel impôt injuste elle constitue aujourd'hui, même si nous sommes conscients des difficultés que pourraient rencontrer les collectivités territoriales. Il a aussi annoncé une meilleure répartition des contributions, afin de favoriser le travail. Mais vous nous dites maintenant qu'il ne faudrait toucher à rien ! Vous ne pouvez pas demander des réformes et les refuser lorsqu'elles sont proposées. Je ne balaie nullement vos arguments d'un revers de la main : j'aurais pu ne pas proposer ce report, et accuser mes prédécesseurs d'être responsables des problèmes qui seraient survenus… Au contraire, c'est par considération pour le Parlement que nous proposons cette évaluation, puis un nouveau débat.
Monsieur Bourlanges, vous dites qu'il faut toujours se ménager une porte de sortie. C'est, vous l'aurez constaté, ce que je fais. Je ne suis pas de ceux qui veulent appliquer une mesure à tout prix. Mais, quand l'administration prépare des réformes, il faut l'accompagner, et la respecter. Ce travail mérite réflexion et évaluation. De la même façon, quand on dépense 25 millions d'euros, cela mérite qu'on s'arrête un tout petit moment pour décider s'il faut aller jusqu'au bout ou pas. Nous interroger sur les difficultés éventuelles de collecte et mener des études me paraît nécessaire.
Votre argument selon lequel le décalage actuel entre les revenus et les impôts permet aux jeunes qui ne disposent pas de patrimoine de se lancer dans la vie est juste, et il me touche. Mais je connais aussi des gens qui, entrant tout juste dans la vie active, ne savent pas vraiment qu'ils vont payer des impôts, et se trouvent en difficulté la deuxième année ! Il faut aussi souligner que, dans le cas des retraités, l'argument se retourne.
Monsieur Aubert, vos arguments sont intéressants mais ignorent une partie de la réalité. Vous êtes élu d'une circonscription agricole, où l'on connaît bien les problèmes posés par une forte saisonnalité des revenus. Le prélèvement à la source est une demande très forte des représentants de la profession agricole, qui sont venus m'en parler, comme ils l'avaient d'ailleurs fait lorsque j'étais parlementaire.
Un prélèvement contracyclique, monsieur Aubert, est une mauvaise nouvelle pour la plupart des foyers : pour 42 % des contribuables qui connaissent un changement de revenus, ce changement est une diminution. Le prélèvement à la source est une réponse à ces problèmes.
J'ajoute que 85 000 élus ont été soumis à une retenue à la source sur leurs indemnités ; cela prouve sans doute qu'ils l'ont trouvé pratique. De la même façon, le prélèvement à la source est connu des entreprises frontalières – dans le département du Nord, il y a des frontaliers venus de Belgique, où l'on paye déjà l'impôt à la source. L'audit de l'IGF devra écouter ces entreprises.
Vous estimez, monsieur Aubert, que l'entreprise ne doit pas collecter l'impôt. Allez jusqu'au bout de votre raisonnement : quid de la TVA ? J'entends bien que le prélèvement à la source risque de constituer une lourde charge pour les petites et les très petites entreprises – M. le rapporteur général, Mme Louwagie et d'autres l'ont dit. Ce sera l'un des principaux objets du débat à venir.
Je crois, monsieur le président, avoir répondu aux questions qui m'ont été posées.
Vous n'avez pas répondu sur la mobilisation des créances fiscales liées aux services à la personne !
Nous ne parlons ici que de report. Nous débattrons des crédits d'impôt lorsque nous disposerons des tests et de l'audit.
La commission en vient à l'examen de l'article 9 du projet de loi.
Article 9 : Décalage d'un an de l'entrée en vigueur du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu
La commission se saisit d'abord des amendements de suppression CF6 de M. Éric Coquerel et CF8 de M. Joël Aviragnet.
Cet article est emblématique de l'ensemble de cette loi fourre-tout, que vous vous apprêtez à voter dans la précipitation. Nous ne comprenons ni la méthode, ni l'empressement du Gouvernement à faire examiner cette mesure. L'ampleur de cette réforme exige un examen serein et exhaustif, qui ne prive pas le Parlement de ses droits de débattre et de décider.
Le prélèvement à la source est très attendu de nos concitoyens ; les détails et le calendrier en ont été votés par la majorité précédente. Il est temps de faire coïncider moment du revenu et moment de l'impôt.
De plus, cet article devrait à notre sens figurer dans une loi examinée au fond par la commission des finances. Quel rapport avec le présent projet de loi ?
Monsieur Coquerel, il est au contraire indispensable d'aller très vite pour prendre cette décision, car nos concitoyens ont besoin de savoir rapidement ce qu'il en sera.
Monsieur Bricout, cette année supplémentaire sera utile, nous l'avons largement dit déjà, pour préparer la réforme. Cette mesure peut, en outre, figurer dans une loi ordinaire ; l'article 34 de la loi organique relative aux lois de finances fixe précisément le domaine réservé à ces dernières, et la question du mode de recouvrement de l'impôt n'y figure pas.
La commission rejette les amendements.
Elle examine ensuite l'amendement CF2 de M. le président Éric Woerth.
Le prélèvement à la source, c'est une fausse modernisation et une fausse simplification. Nous souhaitons donc supprimer, plutôt que simplement reporter, ce dispositif. Monsieur le ministre, vous dites que 25 millions d'euros ont déjà été dépensés ; ce montant va encore augmenter beaucoup. Mais, lorsque l'on se rend compte qu'un dispositif ne tient pas la route, ne faut-il pas plutôt avoir le courage de tout arrêter ?
Avis défavorable. Sans revenir sur ce qui a déjà été dit, je souligne que certains des signataires de cet amendement sollicitaient déjà en 2016 une expérimentation de la réforme afin d'en mesurer la robustesse et les conséquences. C'est ce que le Gouvernement prévoit, et vous devriez dès lors être satisfaits.
J'ajoute que nous nous sommes beaucoup battus dans la législature précédente sur des questions comme la substitution du régime du micro-bénéfice agricole (BA) au forfait agricole. Une abrogation complète de l'article 60 de la loi de finances pour 2017 supprimerait des mesures bienvenues concernant notamment ce sujet, et que nous avions unanimement défendues.
La commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement CF18 de M. le président Éric Woerth.
Cet amendement tend à défendre le principe de simultanéité, qui nous paraît bon, mais sans l'intermédiation des entreprises, c'est-à-dire sans le prélèvement à la source. On paierait son impôt comme on paie, au fond, sa facture de gaz ou d'électricité, de façon mensuelle. Ainsi, la conjugalisation ne pose plus problème. La DSN pourrait permettre une telle réforme.
Avis défavorable. Cette possibilité a été largement étudiée, et elle a été écartée par la DGFiP et le Gouvernement – elle avait même été considérée comme un « scénario dégradé ». Aucun autre État ne procède de cette façon, et les inconvénients de cette méthode seraient nombreux : le prélèvement serait fait avec un décalage d'un mois au moins, non pas par celui qui dispose de l'information en temps réel, l'employeur, mais par l'administration fiscale, qui ne dispose que du taux historique. Les charges seraient lourdes pour les entreprises, qui devraient informer en temps réel l'administration des revenus perçus par chaque contribuable. Le décalage minimal d'un mois que j'ai déjà mentionné pourrait en outre poser problème pour certains – ceux, par exemple, qui touchent un treizième mois ; et ce décalage systématique empêcherait que les salariés ne voient vraiment quel est leur revenu net disponible. Ce serait donc peu lisible.
Je ne sous-estime pas la question de la confidentialité. Mais le Conseil constitutionnel, dans sa décision sur la loi de finances pour 2017, saisi de cette question, a écarté le grief de violation de la vie privée.
Enfin, les conclusions de l'étude commandée par le Sénat sur le coût de la réforme pour les entreprises doivent à mon sens être quelque peu nuancées, et même abordées avec les plus grandes précautions. Le texte même de l'étude reconnaît qu'elle comporte une marge d'erreur.
Même avis. Toute idée mérite d'être évaluée, et même s'il en a déjà été question lors de la législature précédente, il est bien normal de répondre à vos questions. Nous sommes presque tous d'accord sur l'idée de contemporanéité. Mais nous ne voulons pas non plus accabler les entreprises, notamment les plus petites d'entre elles, de charges nouvelles. Or, si votre proposition répond à la seconde de ces préoccupations, elle ne répond pas du tout à la première : le décalage serait d'au moins un mois entre le moment où le salaire serait perçu et celui où l'impôt serait payé. Cela poserait notamment problème pour les primes de fin d'année. Il s'agirait plutôt de semi-contemporain que de contemporain…
On risquerait ainsi de cumuler les difficultés de l'impôt tel que nous le connaissons aujourd'hui et celles du prélèvement à la source de demain. C'est pourquoi la DGFiP qualifiait cette solution de « scénario dégradé ». Je pourrai vous apporter toutes les précisions techniques nécessaires.
La commission rejette l'amendement.
Elle se saisit ensuite de l'amendement CF15 de M. Adrien Quatennens.
Avis défavorable. Cet amendement vise à supprimer le premier alinéa de l'article ; mais l'article n'aurait ainsi plus aucun sens.
La commission rejette l'amendement.
Elle examine alors, en discussion commune, l'amendement rédactionnel CF21 rectifié du rapporteur général et l'amendement CF17 de M. Éric Straumann.
J'espérais que le Gouvernement allait revenir sur les mauvaises idées de l'ancien monde, et j'entendais hier le Premier ministre proposer de décaler de nouvelles mesures fiscales de trois à quatre ans. Avec cet amendement, je propose de nous laisser deux années pour discuter sérieusement du prélèvement à la source avec nos très nombreux nouveaux collègues, qui découvrent la matière. Pour ma part, je partage en tout point l'analyse de Jean-Louis Bourlanges.
Avis défavorable au report de deux ans : plus les années passent, moins je suis sûr d'être là avec vous...
La commission adopte l'amendement CF21 rectifié.
En conséquence, l'amendement CF17 tombe.
La commission adopte ensuite l'amendement rédactionnel CF22 du rapporteur général.
Puis elle se saisit de l'amendement CF11 de Mme Valérie Rabault.
C'est l'amendement dont j'ai parlé tout à l'heure : il vise à inclure dans le projet de loi de finances pour 2018 les résultats de l'expérimentation que vous mènerez cet été.
Sagesse. Je ne suis par principe pas très favorable aux rapports, mais l'idée me paraît plutôt judicieuse.
Pour vous prouver que le Parlement aura la primeur des résultats des tests et des rapports, j'émets un avis de sagesse.
La commission adopte l'amendement.
Puis, suivant l'avis défavorable du rapporteur général, elle rejette l'amendement CF16 de M. Adrien Quatennens, portant suppression du second alinéa.
La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 9 modifié.
Informations relatives à la commission
La commission a nommé M. Joël Giraud rapporteur pour avis sur le projet de loi d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social (n° 4).
Membres présents ou excusés
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire
Réunion du mercredi 5 juillet 2017 à 11 heures 45
Présents. - M. Saïd Ahamada, M. Éric Alauzet, M. Julien Aubert, M. Jean-Noël Barrot, Mme Émilie Bonnivard, M. Jean-Louis Bourlanges, M. Jean-Louis Bricout, Mme Émilie Cariou, M. Gilles Carrez, M. Michel Castellani, Mme Anne-Laure Cattelot, M. Jean-René Cazeneuve, M. Philippe Chassaing, M. Éric Coquerel, M. François Cornut-Gentille, M. Charles de Courson, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Olivier Damaisin, Mme Dominique David, M. Jean-Paul Dufrègne, Mme Stella Dupont, M. M'jid El Guerrab, Mme Sarah El Haïry, M. Nicolas Forissier, M. Olivier Gaillard, Mme Patricia Gallerneau, M. Joël Giraud, Mme Perrine Goulet, M. Romain Grau, Mme Olivia Gregoire, M. Stanislas Guerini, Mme Nadia Hai, M. Alexandre Holroyd, M. Christophe Jerretie, M. François Jolivet, Mme Aina Kuric, Mme Valérie Lacroute, M. Mohamed Laqhila, M. Michel Lauzzana, M. Vincent Ledoux, M. Gilles Le Gendre, M. Fabrice Le Vigoureux, Mme Véronique Louwagie, Mme Marie-Ange Magne, Mme Lise Magnier, M. Jean-Paul Mattei, Mme Amélie de Montchalin, Mme Cendra Motin, Mme Catherine Osson, M. Xavier Paluszkiewicz, M. Jean-François Parigi, M. Hervé Pellois, M. Pierre Person, Mme Bénédicte Peyrol, Mme Sylvia Pinel, Mme Christine Pires Beaune, Mme Valérie Rabault, Mme Muriel Ressiguier, M. Xavier Roseren, M. Laurent Saint-Martin, M. Jacques Savatier, M. Olivier Serva, M. Benoit Simian, Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas, M. Jean-Pierre Vigier, M. Philippe Vigier, M. Éric Woerth
Assistait également à la réunion. - M. Éric Straumann