Intervention de Gérald Darmanin

Réunion du mercredi 5 juillet 2017 à 11h45
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics :

Pour mener un test, il faut des candidats parmi ceux qui vont, demain, collecter l'impôt : collectivités territoriales, entreprises, associations… Il vaut mieux faire le test avec de vrais gens qu'avec des faux, monsieur le député, je vous le confirme.

Encore une fois, nous n'avons fait qu'essayer d'élargir le test prévu, sans le modifier.

Monsieur Dufrègne, votre groupe est par principe défavorable à la mesure. J'entends l'argument, et je le respecte, mais vous comprendrez que je ne suis pas venu devant vous pour détailler un grand soir fiscal. Vous aurez l'occasion de vous exprimer sur ce point pendant tout le mandat.

Monsieur Bricout, madame Pires Beaune, vos arguments un peu durs m'ont surpris. Vous regrettez que ce soit là ma première décision ; je regrette, moi, de devoir trouver 5 milliards d'économies dès mon arrivée. J'aurais aimé passer plus de temps à évoquer l'avenir. Il ne s'agit là que de reporter pour évaluer ; ce n'est pas un enterrement de première classe. À vous entendre, je serais quasiment responsable des difficultés rencontrées par tous ceux qui changent de situation ! Mais que n'avez-vous pas agi plus tôt ? Pourquoi ne pas avoir mené cette magnifique réforme dès 2012 ? Il m'appartient désormais de conclure ce projet, que vous n'avez voté qu'en toute fin de quinquennat. Cette réforme n'est pas encore parfaitement acceptée par la société ; et il serait bien difficile de la mener sans les entreprises.

Monsieur Carrez, monsieur le président Woerth, vous vous demandez s'il ne serait pas possible d'assurer la contemporanéité sans passer par le prélèvement à la source. Dans l'hypothèse que vous proposez, il y aurait trois mois de décalage, et nous pourrons revenir sur les raisons de ce délai. Le rapport que j'ai demandé à l'IGF et au cabinet Mazars examinera les pistes alternatives, par exemple celle de confier la collecte aux banques plutôt qu'aux entreprises. Il me semble, au vu des travaux de la DGFiP et des travaux parlementaires, notamment du Sénat, que le prélèvement à la source constitue la solution la plus simple. Mais vos arguments méritent d'être entendus, et il faudra en débattre sur le fond.

Madame Dalloz, vous remarquez avec facétie, mais aussi avec force, que les directeurs sont toujours les mêmes. Mais c'est normal : non seulement ils sont très compétents, mais en outre ils ne font que ce que décide le pouvoir politique… Si tel n'est pas le cas – et j'ai moi-même connu des alternances politiques dans des collectivités territoriales – alors les responsables politiques doivent apprendre à mieux s'exprimer et à donner des instructions, ou bien faire autre chose ! Le Président de la République a ouvert la possibilité de changer les directeurs d'administrations en conseil des ministres ; je constate que M. Bruno Parent et Mme Véronique Bied-Charreton sont toujours derrière moi. Je vous demanderai, madame la députée, de ne pas les prendre à partie, et de m'adresser vos questions : c'est bien le ministre qui est responsable – et l'on change bien plus les ministres que les directeurs, ce qui n'est pas mauvais pour la démocratie ! Mais je sais, ils me l'ont dit, que ces directeurs assis derrière moi se réjouissent de revenir devant vous.

Vous demandez des changements plus profonds dans notre système fiscal. Le Premier ministre, dans son discours de politique générale, a évoqué la rénovation de la fiscalité locale, autour d'une réforme de la taxe d'habitation dont nous savons tous quel impôt injuste elle constitue aujourd'hui, même si nous sommes conscients des difficultés que pourraient rencontrer les collectivités territoriales. Il a aussi annoncé une meilleure répartition des contributions, afin de favoriser le travail. Mais vous nous dites maintenant qu'il ne faudrait toucher à rien ! Vous ne pouvez pas demander des réformes et les refuser lorsqu'elles sont proposées. Je ne balaie nullement vos arguments d'un revers de la main : j'aurais pu ne pas proposer ce report, et accuser mes prédécesseurs d'être responsables des problèmes qui seraient survenus… Au contraire, c'est par considération pour le Parlement que nous proposons cette évaluation, puis un nouveau débat.

Monsieur Bourlanges, vous dites qu'il faut toujours se ménager une porte de sortie. C'est, vous l'aurez constaté, ce que je fais. Je ne suis pas de ceux qui veulent appliquer une mesure à tout prix. Mais, quand l'administration prépare des réformes, il faut l'accompagner, et la respecter. Ce travail mérite réflexion et évaluation. De la même façon, quand on dépense 25 millions d'euros, cela mérite qu'on s'arrête un tout petit moment pour décider s'il faut aller jusqu'au bout ou pas. Nous interroger sur les difficultés éventuelles de collecte et mener des études me paraît nécessaire.

Votre argument selon lequel le décalage actuel entre les revenus et les impôts permet aux jeunes qui ne disposent pas de patrimoine de se lancer dans la vie est juste, et il me touche. Mais je connais aussi des gens qui, entrant tout juste dans la vie active, ne savent pas vraiment qu'ils vont payer des impôts, et se trouvent en difficulté la deuxième année ! Il faut aussi souligner que, dans le cas des retraités, l'argument se retourne.

Monsieur Aubert, vos arguments sont intéressants mais ignorent une partie de la réalité. Vous êtes élu d'une circonscription agricole, où l'on connaît bien les problèmes posés par une forte saisonnalité des revenus. Le prélèvement à la source est une demande très forte des représentants de la profession agricole, qui sont venus m'en parler, comme ils l'avaient d'ailleurs fait lorsque j'étais parlementaire.

Un prélèvement contracyclique, monsieur Aubert, est une mauvaise nouvelle pour la plupart des foyers : pour 42 % des contribuables qui connaissent un changement de revenus, ce changement est une diminution. Le prélèvement à la source est une réponse à ces problèmes.

J'ajoute que 85 000 élus ont été soumis à une retenue à la source sur leurs indemnités ; cela prouve sans doute qu'ils l'ont trouvé pratique. De la même façon, le prélèvement à la source est connu des entreprises frontalières – dans le département du Nord, il y a des frontaliers venus de Belgique, où l'on paye déjà l'impôt à la source. L'audit de l'IGF devra écouter ces entreprises.

Vous estimez, monsieur Aubert, que l'entreprise ne doit pas collecter l'impôt. Allez jusqu'au bout de votre raisonnement : quid de la TVA ? J'entends bien que le prélèvement à la source risque de constituer une lourde charge pour les petites et les très petites entreprises – M. le rapporteur général, Mme Louwagie et d'autres l'ont dit. Ce sera l'un des principaux objets du débat à venir.

Je crois, monsieur le président, avoir répondu aux questions qui m'ont été posées.

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