Comme Mme Vichnievsky, mon expérience professionnelle m'amène à être très mesuré dans l'analyse de la situation. Je prendrai un exemple : une association accompagne un migrant qui parle le sorani irakien. Quand on est avocat, la première étape consiste à trouver un interprète, et cela ne se trouve au premier coin de rue de la ville de Poitiers… Une fois que vous l'avez trouvé, vous commencez à rédiger une demande d'aide juridictionnelle, afin de reporter le délai de recours devant la CNDA – et faire dépendre un délai d'un autre délai me paraît en droit tout à fait discutable. Ensuite, votre recours sera forcément sommaire, compte tenu du peu d'éléments dont vous disposez. On prend alors le risque d'un rejet rapide de la demande par la CNDA, ce qui ne laisse pas le temps de constituer le dossier de recours. Le seizième jour, l'avocat apprend que son dossier était incomplet ou insuffisant et il est déjà trop tard.
Certes, il faut raccourcir les délais ; mais quand on est face à des personnes qui arrivent dans un pays totalement étranger, qui ne connaissent rien à sa langue ni à ses procédures, à plus forte raison lorsqu'elles s'enchaînent les unes aux autres, réduire à tous crins les délais est tout, sauf conforme au respect des droits de la défense… Tout le monde le dit, Jacques Toubon et bien d'autres. Sur un tel sujet, il faut raison garder sur ce sujet. Nous nous honorerions de rester sur un délai d'un mois.