Intervention de Bruno Bézard

Réunion du mercredi 7 février 2018 à 17h30
Commission d'enquête chargée d'examiner les décisions de l'État en matière de politique industrielle, au regard des fusions d'entreprises intervenues récemment, notamment dans les cas d'alstom, d'alcatel et de stx, ainsi que les moyens susceptibles de protéger nos fleurons industriels nationaux dans un contexte commercial mondialisé

Bruno Bézard, managing partner :

Je vous répondrai par une photographie de la situation au moment où j'ai quitté mes fonctions, car je ne veux pas porter de jugement sur l'action des autres, d'autant moins que je ne connais pas les dossiers récents. Quand je suis parti de l'APE en 2010, une de nos réussites a été d'avoir créé une structure respectée qui incarne l'État actionnaire. Même les syndicats, dans des établissements publics, après avoir refusé l'idée, nous demandaient quelques années après : « Qu'en pense l'actionnaire ? » On a reconnu le fait que les entreprises publiques, comme les entreprises privées, doivent parler à leur actionnaire. Et il se trouve que cet actionnaire, ce sont les Français, représentés par un service, sous l'autorité d'un ministre.

Entre parenthèses, j'ai été un militant extrêmement violent contre l'idée de faire de l'APE une autorité administrative indépendante. J'avais rédigé une note au ministre de l'époque présentant toutes les raisons pour lesquelles, à mon avis, l'APE devait, non pas, certes, être placée sous l'autorité de la direction du Trésor, mais répondre au ministre qui représente le pouvoir politique. Les entreprises publiques appartiennent aux Français : on doit donc rendre compte au politique et non à une autorité administrative indépendante. Mais c'était une idée très à la mode en 2002 ; un rapport parlementaire l'avait même proposé…

Nous avons également réussi, me semble-t-il, à faire comprendre à tous les décideurs publics qu'une entreprise publique est une entreprise, qu'on doit l'aider à investir, à se développer ; ce n'est pas seulement une vache à lait pour percevoir des dividendes afin de boucler les fins de mois. On doit de temps en temps soutenir une entreprise sur un investissement risqué : parfois cela tourne bien, parfois cela tourne mal. Je pense que ce changement culturel a été réussi. Nous avons également progressé collectivement dans le rythme : la vie des affaires n'est pas la vie administrative, ça va beaucoup plus vite. Parfois, une OPA se fait dans la nuit, il faut donc travailler la nuit… L'APE peut travailler jour et nuit, sans compter son temps, pour être en réaction immédiate avec les entreprises. Quand une entreprise vous dit qu'elle a un dossier d'investissement extraordinaire qui ne coûte que 10 milliards d'euros, et qu'il faut décider dans les cinq jours, on va travailler jour et nuit avec l'entreprise pour prendre une décision.

En revanche, nous n'avons pas réussi à réduire le turn-over des effectifs : pour être respecté par le management d'une entreprise, il ne faut pas tourner tous les deux ans. Nous avons utilisé tous les stratagèmes possibles mais c'est très difficile dans la fonction publique. Il y a là une marge de progrès. De même, le président y a fait allusion, l'articulation entre le pouvoir de nomination et le service qui suit l'entreprise est parfois perfectible.

Enfin, nous avons connu des échecs. Certains font l'objet d'investigations judiciaires et je n'en parlerai donc pas. Les raisons de ces échecs sont liées à des défauts d'information, pour ne pas dire plus, de l'État actionnaire par le management, ce qui se serait immédiatement traduit dans le secteur privé par un changement de ce management.

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