Intervention de Annie Chapelier

Séance en hémicycle du lundi 16 avril 2018 à 21h30
Immigration maîtrisée droit d'asile effectif et intégration réussie — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnnie Chapelier :

Madame la présidente, monsieur le ministre d'État, madame la présidente de la commission des lois, madame la rapporteure, mes chers collègues, aucune femme, aucun homme, aucun enfant ne choisit de quitter son pays, sa terre et sa famille de gaieté de coeur.

Qu'il fuie son pays, pour sauver sa vie, parce que des menaces de mort pèsent sur lui, du fait de la guerre ou bien de persécutions, parce qu'il est une cible politique, religieuse ou sociale, qu'il quitte la terre où il a toujours vécu, parce que la vie y est si difficile qu'il ne peut y imaginer un avenir, qu'elle cherche à se soustraire à des coutumes barbares, telles que l'excision pour elle ou pour protéger ses enfants, qu'il réponde à un rêve de vie meilleure dans un occident idéalisé, jamais un migrant ne prend la décision de quitter son pays à la légère.

Pour toutes ces personnes en fuite, ou en quête d'une vie meilleure, la France, comme les autres pays occidentaux, représente une terre d'asile, image d'autant plus marquée qu'elle est la patrie des droits de l'Homme. Pour certains, la France sera une destination, pour d'autres un point de chute à leur long parcours migratoire, pour d'autres encore, un énième pays de transit.

Pour tous, elle sera un pays d'accueil, où, nous Français, pourrons nous enorgueillir de répondre présents à cet immense défi que sont les migrations présentes et à venir dans un monde bousculé, où le dérèglement climatique a pour conséquence de ne plus permettre à des régions entières de nourrir les populations qui y vivent et qui abandonnent donc ces terres devenues stériles ou infertiles.

Pour toutes ces personnes arrivant sur le sol français, demandeurs d'asile ou migrants économiques, le parcours aura été périlleux, toujours difficile, parfois inhumain. Il est consensuel de dire que ces parcours migratoires sont infiniment plus risqués pour les personnes vulnérables, dont les femmes, que pour les autres migrants. Toujours plus exposées à toutes les étapes de leur trajet, aux violences, physiques et surtout sexuelles, à l'exploitation, au harcèlement, elles représentent plus de 50 % de la population immigrée dans notre pays et plus de 40 % des personnes placées sous la protection de l'OFPRA. C'est parce que les femmes restent dans une situation de vulnérabilité accentuée et qu'il revient à la France d'assurer leur protection et de veiller à ce qu'elles bénéficient d'un accueil spécifique, que la délégation aux droits des femmes a souhaité se saisir de ce projet de loi. Mme Hai et moi-même avons donc remis un rapport d'information portant dix recommandations en ce sens. Car même sur le territoire français, les femmes demeurent plus vulnérables aux violences sexuelles et physiques, plus exposées à une exploitation sexuelle ou domestique, et davantage confrontées aux difficultés économiques.

L'accumulation de ces potentielles fragilités, très dépendantes des pays d'origine et des parcours migratoires, entraîne des difficultés propres, tant dans la demande d'asile que dans la procédure d'obtention de titre de séjour. Nous soulignons la nécessité de la prise en compte des persécutions liées au genre, des femmes menacées ou victimes de mutilations ou en péril de traite d'êtres humains, de mariage forcé ou de prostitution, mais aussi des communautés LGBT persécutées dans leur pays d'origine. Si ces persécutions et vulnérabilités spécifiques, complexes et multiples sont de mieux en mieux prises en compte par l'OFPRA, nous n'avons pu que constater une difficulté de détection, en particulier dans les premiers moments de l'accueil, et nous nous engageons à poursuivre l'effort, notamment par une formation systématique de tous les agents au contact des migrants, et ce, à toutes les étapes du parcours.

Le projet de loi veut dépasser les limites et les insuffisances du système actuel, tout en cherchant à garantir une protection optimale des personnes vulnérables. Ainsi, il prévoit de répartir de façon plus équilibrée les demandeurs d'asile sur l'ensemble du territoire, tout en tenant compte de la vulnérabilité ; il convient cependant de s'assurer que la région de destination du migrant dispose des structures adaptées à la prise en charge de cette vulnérabilité.

En élargissant la protection des victimes de violences conjugales aux victimes de violences familiales, il apporte une réelle avancée. Désormais, grâce à l'amendement des deux corapporteures à l'article 32, les femmes victimes de violence qui ont obtenu une ordonnance de protection et qui ont porté plainte contre leur agresseur, pourront obtenir le renouvellement de la carte de séjour de plein droit. Néanmoins, il nous semble qu'une réflexion pourrait s'ouvrir pour harmoniser les pratiques selon la diversité des situations juridiques des couples, pour gommer les différences de traitement selon que l'on est marié, pacsé ou en union libre. De même, en proposant un mécanisme permettant de corriger la situation très spécifique d'un parent étranger d'un enfant français dont le parent français refuse d'assurer la subsistance, nous espérons recueillir votre soutien, monsieur le ministre d'État.

Nos auditions, visites, rencontres et expériences nous ont tous amenés au même constat. La population civile, par le biais d'associations ou de particuliers, apporte sous des formes très différentes selon les territoires, aide, soutien et refuge aux migrants. Il nous semble important, pour ne pas dire essentiel, de permettre à nos concitoyens de continuer ces initiatives existantes, de participer à cet effort national dans un cadre légal et réglementaire et de prendre part à la vie citoyenne. À l'instar de certains de nos voisins européens, nous proposons, à titre expérimental, d'apporter un cadre légal à cette approche inclusive, au travers de l'implication des citoyens, accélérateurs et facilitateurs d'intégration des demandeurs d'asile.

Enfin, il nous semble également fondamental de mieux prendre en compte le caractère violent des parcours migratoires dans notre demande de processus d'examen des demandes. Dans ce voyage, trop de femmes et d'hommes vivent un réel enfer et sont victimes des pires atrocités ; par exemple, chaque migrant ayant transité par la Libye a été victime de viol, parfois de torture, voire d'esclavagisme. Notre devoir d'humanité nous impose de les accueillir au mieux, en prenant en compte leur statut de victime, et pas seulement leur origine, et de leur offrir une prise en charge adaptée à la hauteur des traumatismes subis.

C'est pourquoi nous espérons, monsieur le ministre d'État, mes chers collègues, pouvoir compter sur votre soutien pour avancer avec efficacité et détermination, mais aussi avec bienveillance et dignité, sur ces différents sujets.

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