Intervention de Marie-Pierre Rixain

Séance en hémicycle du lundi 16 avril 2018 à 21h30
Immigration maîtrisée droit d'asile effectif et intégration réussie — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Pierre Rixain, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes :

Madame la présidente, monsieur le ministre d'État, madame la ministre, madame la présidente de la commission des lois, mesdames les rapporteures, mes chers collègues, la représentation nationale a aujourd'hui la charge d'examiner le projet de loi pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie. La France est une terre d'immigration, mais également d'asile. Réfugiés arméniens, Juifs fuyant les pogroms d'Europe de l'Est, républicains espagnols, Boat People vietnamiens, opposants chiliens au général Pinochet, aujourd'hui Syriens ou Afghans, toutes et tous ont cherché la protection de la France.

Le droit d'asile est une disposition constitutionnelle depuis 1946 et un engagement international de la France à travers la convention de Genève de 1951 relative au statut des réfugiés. Complété par les principes d'accueil, d'examen indépendant des demandes et de droit au maintien sur le territoire, il illustre la longue tradition d'accueil que la France a développée depuis le XIXe siècle. Un consensus national autour de l'aide inconditionnelle à celles et ceux qui fuient les guerres et les persécutions a toujours existé. Il prévaut encore aujourd'hui.

Malgré les nombreuses tentatives de légiférer, force est de constater que l'accueil des demandeurs d'asile en France n'est pas aujourd'hui à la hauteur des enjeux et continue de connaître des délais beaucoup trop importants. Comme corollaire de l'amélioration nécessaire de l'accueil des demandeurs d'asile, notre politique d'intégration doit également être largement améliorée. Dans le respect de cette tradition d'accueil des demandeurs d'asile, qui caractérise notre société et notre culture, la France doit avoir les moyens d'un asile qui fonctionne.

Face à ce constat, que le projet de loi partage, il est impératif de rendre l'asile en France bien plus effectif. L'effectivité du droit d'asile, c'est d'abord mieux accueillir les familles, en permettant aux parents de rejoindre leurs enfants reconnus comme réfugiés en France, afin de préserver l'unité familiale et de réduire la multiplication des demandes. Le droit d'asile doit devenir une réalité pour tous les demandeurs d'asile. Parmi eux, la situation des femmes est de première importance.

Les femmes représentent plus de 50 % de la population immigrée en France. Cette proportion est en hausse continue depuis les années 1970. Les demandeuses d'asile sont également de plus en plus nombreuses : elles représentent 33 % des premières demandes et 36 % des réfugiés.

Au dépôt de leur demande d'asile, 55 % d'entre elles sont isolées – célibataires ou en rupture familiale. Forte de ce constat, j'ai demandé à ce que la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes soit saisie pour travailler à l'amélioration du texte en matière de processus migratoire et de régime d'asile.

Je tiens d'ailleurs à remercier Annie Chapelier et Nadia Hai du travail de grande qualité qu'elles ont réalisé. L'une des spécificités des femmes réside dans leur vulnérabilité, qui est un sujet essentiel.

Les statistiques recueillies au cours des auditions que nous avons menées indiquent que les femmes occupent une place singulière au sein des phénomènes migratoires. Cumulant souvent plusieurs facteurs de vulnérabilité, elles peuvent être victimes de violences conjugales ou familiales, de mutilations sexuelles, de discriminations ou encore de mariages forcés.

Les violences sexuelles restent l'expression quasi-quintessentielle de la domination masculine, expliquait Françoise Héritier. C'est pourquoi elles relèvent de l'humanité tout entière. Aussi, je salue l'implication du Gouvernement, qui prend ici la défense des droits des femmes dans le cadre plus général des droits de l'Homme.

Les parcours migratoires des femmes sont en général plus risqués. Au cours de leur parcours migratoire, les femmes et les jeunes filles sont exposées à des violences – sexuelles en particulier – plus nombreuses et plus fortes que celles subies par les hommes. Aujourd'hui encore, le viol demeure une arme de guerre à grande échelle.

En Libye, les sévices sexuels et les tortures sont des pratiques quasi-systématiques infligées aux migrantes. Dans certaines régions d'Afrique, l'excision, considérée comme une pratique culturelle, incite les jeunes filles et leurs mères à partir vers l'Europe. La violence caractérisant de tels parcours migratoires provoque de lourds traumatismes, qui accentuent encore davantage la vulnérabilité des femmes migrantes.

Toutefois, l'accueil et la protection qu'accorde la France ne peuvent constituer le seul cadre de nos débats ni la seule politique en matière d'immigration, car accueillir, c'est aussi intégrer. L'octroi de l'asile ne doit pas constituer une fin en soi, mais bien le début d'un parcours d'intégration qui doit mener à une véritable émancipation de celles et ceux qui ont demandé la protection de la France et choisi de s'y établir, en particulier les mineurs.

Un tiers de la population française est d'origine immigrée. Celles et ceux que nous accueillons aujourd'hui feront partie de la société française de demain. Un droit d'asile effectif, juste et fonctionnel ainsi qu'une intégration réussie en matière d'éducation, de logement et d'emploi sont donc indispensables pour assurer un avenir prospère à ce pays.

Comme l'a affirmé le Président de la République, « l'immigration n'est pas quelque chose dont nous pourrions nous départir. De surcroît, l'immigration se révèle une chance d'un point de vue économique, culturel et social. [… ] Mais à condition de savoir la prendre en charge. Quand on sait les intégrer, les former, les femmes et les hommes renouvellent notre société, lui donnent une impulsion nouvelle, des élans d'inventivité, d'innovation ».

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