Dans ce contexte sombre et préoccupant, votre intention, monsieur le ministre, à travers votre projet de loi, est de faire preuve de fermeté : nous avons bien entendu votre discours.
Examinons donc quelques instants cette fermeté, annoncée à grand renfort de tambours et de trompettes : voyons ce qui relève de la réalité et surtout ce qui relève de la posture.
Certes, certaines dispositions peuvent aller dans le bon sens : je me félicite que vous ayez repris quelques-unes des propositions récurrentes – que nous avons systématiquement défendues sur ces bancs, avec Guillaume Larrivé et d'autres collègues, autour du président Christian Jacob – , lors de l'examen des nombreux textes qui ont été débattus et présentés en la matière depuis 2012.
Très souvent, cependant, volontairement ou sous les coups de boutoir d'une majorité déjà frondeuse, vous les avez édulcorées.
Quand on parle de souveraineté et du devenir de notre nation, le « en même temps » fondateur du macronisme apparaît comme un exercice bien désuet et très vain.
En outre, les quelque 124 amendements adoptés en commission des lois ont eu pour effet de limiter fortement la portée de vos intentions.
Pire, celles-ci – je n'ose même plus parler d'ambition – vont se réduire comme peau de chagrin au cours des débats, en raison notamment de la reprise des propositions du rapport d'Aurélien Taché sur l'intégration des étrangers arrivant en France comme des mesures visant à assouplir le régime de sanction du délit de solidarité.
D'ailleurs, dans son avis, le Conseil d'État le dit mieux que je ne saurais le faire : « Au regard de l'importance des évolutions que connaissent les phénomènes migratoires [… ] nous aurions souhaité trouver dans le contenu du texte [… ] le reflet d'une stratégie publique fondée sur l'exacte mesure des défis à relever ».
Si l'on décrypte le langage feutré du Conseil d'État, cela signifie, monsieur le ministre, que votre projet de loi sera au mieux inutile et au pire dangereux.
Il s'avérera au mieux inutile car il comprend pour l'essentiel des mesures d'aménagements procéduraux qui n'auront que très peu d'impact sur les flux d'entrée comme sur le contrôle des régularisations.
Il s'agit en effet de mesures purement techniques, qui fluidifieront peut-être les procédures au pays de Courteline, mais ne permettront sûrement pas de construire la politique de long terme réclamée par nos concitoyens.
Monsieur le ministre d'État, où est la vision ? Où est la stratégie ? Elles sont dangereusement absentes de votre projet de loi.
Au mieux inutile, celui-ci s'avérera, au pire, dangereux, car, à bien des égards, je crains qu'il n'aggrave les graves dysfonctionnements que notre pays connaît déjà en matière de politique migratoire.
Je m'attarderai sur l'article 3 – sans doute celui qui comprend le plus de dispositions à risques – qui prévoit l'extension du droit au regroupement familial non plus uniquement aux ascendants, mais également aux frères et soeurs du mineur protégé. Cette mesure va créer un appel d'air pour les passeurs, pour les filières de traite des êtres humains et notamment d'enfants.