Madame la présidente, monsieur le ministre d'État, ministre de l'intérieur, madame la présidente de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, madame la rapporteure, madame la présidente et rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères, madame la rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales, chers collègues, ce projet de loi ne peut laisser insensible, puisqu'il a trait à un défi si vaste et si complexe que nul ici ne peut prétendre détenir la vérité absolue, que nul ne peut prétendre que certains auraient uniment raison tandis que les autres auraient entièrement tort – quelles que soient les responsabilités et les sensibilités politiques des orateurs.
Ce défi, c'est non seulement celui de l'immigration, mais aussi celui de l'intégration, sans oublier le droit d'asile ; on comprend aisément pourquoi ces trois enjeux majeurs sont abordés dans un seul et même texte.
À l'évidence, il est malheureusement peu probable que l'ensemble des dispositions qui seront débattues ces prochains jours donnent lieu à un consensus, ni même un compromis, tant les avis et les propositions sur ces sujets peuvent diverger d'un banc à l'autre, parfois au sein d'un même groupe. Cela dit, je suis certain que nous pourrons tous nous accorder au moins sur le constat de la situation en France et les objectifs de ce texte pour améliorer cette situation. Au fond, les discussions porteront essentiellement sur les mesures que le Gouvernement nous propose pour atteindre ces objectifs.
En matière d'immigration, tout d'abord, nous conviendrons tous que la France, et plus généralement l'Europe, font face depuis 2015 à des crises migratoires inédites. Cette pression nous oblige à prendre des mesures spécifiques tout en veillant au respect de nos valeurs et de notre tradition historique d'accueil des étrangers en vertu de la protection internationale.
Vient alors la situation des demandeurs d'asile, dont le nombre est en hausse importante en France : en témoignent les 100 000 demandes déposées en 2017, soit 50 % de plus qu'en 2012. La situation est d'autant plus tendue que nos procédures de traitement et les dispositifs d'hébergement sont d'ores et déjà saturés, particulièrement dans les Alpes-Maritimes, dans le Pas-de-Calais et en Île-de-France où se constituent des campements illégaux, au détriment de tous – migrants, riverains et pouvoirs publics. Enfin, il faudra aborder la question de l'intégration des étrangers dans notre pays. Nous avons tous conscience que leur insertion linguistique, économique et sociale est particulièrement insuffisante.
Une fois le bilan dressé, que l'on peut espérer unanime, il nous faut nous intéresser aux objectifs de ce projet de loi. Ils sont vastes : pour mieux lutter contre l'immigration illégale, il faut d'une part garantir l'effectivité des éloignements et doter les forces de l'ordre de nouvelles capacités d'investigation, et d'autre part améliorer et moderniser le droit des étrangers. Pour améliorer le traitement des demandes d'asile et les conditions d'accueil, il faut sécuriser le droit au séjour des demandeurs, mais aussi réorganiser et accélérer les procédures. Enfin, pour améliorer l'intégration des étrangers, nous devons renforcer l'attractivité de la France pour attirer les compétences et les talents et revoir les conditions d'accueil.
Sur tous ces points, même s'il peut y avoir des divergences, il y a surtout des constats objectifs et responsables sur lesquels nous pouvons nous rejoindre. Le coeur du débat qui nous mobilisera cette semaine, je le redis, ce sont les mesures proposées pour atteindre ces objectifs.
L'examen du texte en commission l'a démontré : près de vingt-huit heures de débats et un millier d'amendements ont permis, même si c'est insuffisant, d'améliorer ces mesures. Je pense notamment aux garanties supplémentaires accordées aux demandeurs d'asile lors du traitement de leur demande, à la modification de la durée de la rétention administrative, à l'inscription dans le texte des défis nés des migrations climatiques, et à la meilleure prise en compte de la situation des personnes vulnérables.
C'est pourquoi l'examen en séance sera décisif, et le groupe UDI, Agir et indépendants y prendra toute sa part. Nous vous proposerons ainsi de réduire le délai au terme duquel un demandeur d'asile, dans l'attente d'une réponse, peut être autorisé à travailler, de prévoir que les conditions minimales d'accueil des demandeurs d'asile intègrent l'apprentissage de la langue française, ou encore de faciliter l'acquisition de la nationalité pour les étrangers résidant dans notre pays depuis plus de dix ans.
Nous vous proposerons également de prendre en considération, avant une décision sur une demande d'asile, d'éventuelles condamnations ou informations des services de renseignement de pays tiers, de permettre le placement sous surveillance électronique mobile de certains étrangers assignés à résidence dans l'attente de l'exécution d'une mesure d'éloignement, ou encore de renforcer les sanctions en cas de non-respect des obligations telles que la présentation périodique aux services de police ou la remise du passeport.
Ces propositions nous paraissent équilibrées car, au fond, si nous ne devions retenir qu'un enjeu de ce projet de loi, c'est celui de la recherche d'un équilibre entre humanisme et responsabilité, entre laxisme et répression – recherche qui n'est pas nouvelle, puisque si nous devons déplorer une certaine inflation législative sur l'immigration, avec pas moins de dix-sept textes en vingt ans, c'est tout simplement parce que les situations évoluent et que cet équilibre est régulièrement menacé.
Le groupe UDI, Agir et indépendants estime qu'il faut accueillir tous ceux qui fuient la guerre et qui risquent leur vie, car là est l'humanisme qui fait l'honneur de notre pays et de notre continent. Nous estimons également qu'il faut accueillir les migrants économiques en fonction de nos capacités d'accueil et d'intégration – là est la responsabilité à laquelle nous ne pouvons nous soustraire. Voilà notre conception de cet équilibre.
Aussi, si nous approuvons l'esprit de ce projet de loi qui vise à améliorer les conditions d'intégration et d'accueil des étrangers en situation régulière tout en renforçant la lutte contre l'immigration irrégulière, nous regrettons l'absence de vision stratégique à long terme.
Il est vrai que ce véhicule législatif n'est pas adapté à l'établissement d'une stratégie globale et ambitieuse, puisqu'il s'agit d'apporter des réponses conjoncturelles et non structurelles. Toutefois, j'invite solennellement le Gouvernement – et chacun de nos collègues – à mener cette réflexion : il est indispensable et urgent de le faire.
Il s'agit, pour la France et pour l'Europe, d'oeuvrer pour que ceux qui fuient leurs pays d'origine n'aient plus à le faire. J'entends déjà certains dire qu'il s'agit d'un voeu pieu dont la faible efficacité de l'aide au développement a démontré le caractère utopique. Nous leur répondrons que si, par le passé, nous n'avons pas su faire face à un défi qui ne fait que grandir et dont nous n'entrevoyons que les prémices, la solution n'est certainement pas dans le défaitisme et le cynisme.
Monsieur le ministre d'État, mes chers collègues, gardons à l'esprit le fait que les migrations climatiques à venir seront certainement bien plus massives que toutes celles liées aux guerres et aux famines que l'histoire a d'ores et déjà connues. N'oublions pas que le continent africain, dont seule la Méditerranée et quelques kilomètres nous séparent par endroits, verra sa population doubler d'ici à 2050. Sachons que si nous ne sommes pas capables de trouver une issue diplomatique à l'instabilité aux portes de l'Europe, l'affrontement militaire sera hélas la seule réponse.
Pour toutes ces raisons, le groupe UDI, Agir et indépendants accueille favorablement ce projet de loi qui apporte une réponse ciblée aux difficultés actuelles – à la condition toutefois que les débats en séance permettent d'en améliorer l'équilibre général – , mais il appelle de ses voeux la construction d'une réponse globale et stratégique à des défis qui ne feront que s'accroître et s'intensifier.