Intervention de Patrick Dehaumont

Réunion du mardi 10 avril 2018 à 17h40
Commission d'enquête chargée de tirer les enseignements de l'affaire lactalis et d'étudier à cet effet les dysfonctionnements des systèmes de contrôle et d'information, de la production à la distribution, et l'effectivité des décisions publiques

Patrick Dehaumont, directeur général la Direction générale de l'alimentation (DGAL) :

Merci pour ces questions, nous voilà déjà avec un vaste panorama à couvrir !

Quelques mots pour commencer sur l'organisation des contrôles, avant de vous dérouler les événements survenus dans l'usine de Craon.

La Direction générale de l'alimentation dont j'ai la charge a pour mission d'effectuer des missions régaliennes de contrôle officiel dans le domaine alimentaire, mais aussi animal et végétal. Il nous revient de définir une politique de contrôle officielle d'inspection par les services de l'État, qui doit définir la règle et vérifier qu'elle est appliquée.

Il faut par ailleurs avoir présent à l'esprit que, dans notre domaine, l'ensemble du dispositif est essentiellement d'origine communautaire : ce sont des règlements communautaires qui s'appliquent en la matière, qu'il s'agisse d'ailleurs des responsabilités incombant aux pouvoirs publics ou celles incombant aux professionnels. Nous vous remettrons à l'issue de cette audition un dossier dans lequel vous trouverez tous les détails utiles.

Pour assurer ces contrôles officiels, nous disposons d'une équipe d'environ 200 personnes et travaillons étroitement avec la Direction générale de la santé (DGS) ainsi qu'avec la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). Sur le terrain, nous nous appuyons sur les services des préfets, en l'occurrence les Directions départementales de protection des populations (DDPP), nous avons aussi des structures en région, mais dans d'autres secteurs d'activité. Pour l'État, l'enjeu en matière de contrôle officiel est de disposer de personnels techniquement compétents, car il faut être capable de se rendre dans les usines et les installations ; il faut des personnels présents sur le terrain ainsi qu'une chaîne de commande permettant d'être réactifs en cas de problème. Ainsi, dans l'affaire Lactalis, dans le cadre de la chaîne de commandes, le préfet a-t-il pu prendre un arrêté préfectoral de fermeture de l'établissement lorsque cela s'est avéré nécessaire.

Nos contrôles sont organisés en plusieurs niveaux : le premier est le contrôle officiel des établissements ; viennent ensuite des contrôles que l'on appelle des PSPC, plans de surveillance et plans de contrôle, qui consistent en des analyses réalisées sur des produits animaux ou végétaux afin de vérifier les niveaux de contamination au regard de différents contaminants, qu'ils soient bactériologiques ou chimiques, ou de résidus de médicaments vétérinaires, de produits phytosanitaires, etc. Un peu plus de 60 000 prélèvements sont réalisés dans le cadre des PSPC environ pour 80 0000 couples analytiques matrice-contaminant. Nous vous remettrons bien entendu tous ces éléments.

Le troisième niveau dans la recherche de la fraude et de la délinquance, est celui de notre Brigade nationale d'enquêtes vétérinaires et phytosanitaires (BNEVP), structure assez comparables au Service national d'enquête (SNE) de la DGCCRF, qui peut être amenée à conduire des investigations dans un cadre administratif ou judiciaire. Par ailleurs, nous devons aussi faire face à des crises, que Marie-Pierre Donguy, responsable de la mission des urgences sanitaires (MUS), ici présente, est amenée à gérer.

Pour ce qui est de nos moyens, nous disposons d'une enveloppe relativement préservée par rapport à d'autres administrations : entre 2015 et 2017, les 4 600 emplois que j'évoquais tout à l'heure ont connu une augmentation annuelle de 60 équivalents temps plein (ETP) pendant trois ans, soit 180 ETP supplémentaires. Pour 2018, nous aurions dû supporter une diminution d'effectifs, mais compte tenu des enjeux sanitaires, le ministre, M. Stéphane Travert, a obtenu leur maintien dans le cadre de l'examen la loi de finances. Nous connaissons par ailleurs une augmentation très significative de 12 % de notre budget d'intervention.

De fait, les crises que nous avons connues ces dernières années ont montré qu'il fallait être capable de les gérer, mais aussi qu'il fallait investir dans la prévention et la surveillance. Cette augmentation de moyens nous permet notamment de mettre en place ce que l'on appelle une plateforme d'effectifs de surveillance, qui intervient particulièrement dans le domaine alimentaire et qui revêt un intérêt tout particulier dans le cas qui nous intéresse aujourd'hui.

Disposons-nous d'assez de moyens ? Un directeur général vous répondra toujours qu'il n'en a jamais assez… Pour être précis, j'indiquerai que pour programmer les contrôles officiels, nous effectuons une analyse de risques, nous disposons d'une enveloppe et nous allouons des moyens afin de définir une fréquence d'inspection en fonction des crédits disponibles et sur les situations les plus à risque ; pour des établissements agréés comme les fabricants de poudre de lait, l'analyse de risque nous a amenés à la conclusion qu'il fallait pratiquer au minimum une inspection tous les deux ans. Je vous laisse apprécier cette réponse.

En tout état de cause, les moyens ne sont jamais idéalement suffisants : il faut bien, à un moment donné, se fonder sur une analyse de risque, sachant que la situation que nous connaissons a fait l'objet de plusieurs audits réalisés par les autorités européennes. Le dispositif français est assez comparable à ceux de nos partenaires européens. Les audits réalisés régulièrement, disponibles sur le site internet de la Commission européenne, montrent que notre système d'inspection est bien proportionné en matière d'analyse de risque, compte tenu des moyens disponibles.

On peut aussi s'intéresser à certaines études de benchmarking réalisées entre différents États membres ; on constate que la pression de contrôle en France est bien plus faible sur les établissements pratiquant l'activité de remise directe – restaurants, métiers de bouche, etc.

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