Intervention de Patrick Dehaumont

Réunion du mardi 10 avril 2018 à 17h40
Commission d'enquête chargée de tirer les enseignements de l'affaire lactalis et d'étudier à cet effet les dysfonctionnements des systèmes de contrôle et d'information, de la production à la distribution, et l'effectivité des décisions publiques

Patrick Dehaumont, directeur général la Direction générale de l'alimentation (DGAL) :

J'ai juré de dire toute la vérité…

Sans revenir sur la chronologie, je vous dirai seulement que nous avons connu un certain séquençage dans l'obtention des informations. Au départ, nous n'en avions aucune. Petit à petit, nous avons appris que deux autocontrôles défavorables avaient eu lieu en 2017. Lorsque des prélèvements ont été effectués dans l'usine, nous avons retrouvé des prélèvements positifs en tour n° 1 et un prélèvement positif en tour n° 2 – y compris sur produit. La direction départementale de la protection des populations (DDPP) a ensuite réclamé, fin janvier, l'ensemble des autocontrôles au laboratoire et à l'entreprise, et a croisé les données. C'est donc début février que nous avons eu l'information sur l'ensemble des salmonelles trouvées pendant près de dix ans sur le site. En huit ans, dix sérotypes ont été identifiés, plus deux non identifiés, à soixante-deux reprises sur la tour n° 1 ; sur la tour n° 2, quatre résultats positifs ont été relevés en 2016 et 2017. Les niveaux de contamination ne sont pas du même ordre.

Est-ce la même salmonelle depuis 2005, ou bien s'agit-il d'une réintroduction ? Les investigations scientifiques sont toujours en cours, mais j'ai la conviction que cette salmonelle est restée de l'usine, cachée dans des anfractuosités. Les salmonelles sont assez résistantes ; on a constaté que c'est plutôt après des cycles de nettoyage et désinfection, donc de réhumidification que les résultats étaient positifs. Comme en outre le génome est le même, il n'y a plus de doute.

Reste que cette salmonelle est tout de même venue de quelque part. Compte tenu des sérotypes trouvés et du fonctionnement de l'usine, et au terme des coprocultures sur le personnel et des investigations sur les différents intrants, il est fort probable que ces salmonelles viennent des élevages. Nous avons d'ailleurs réalisé pas mal de contrôles sur les garde-boue des camions en début d'année et nous trouvons de nombreux résultats positifs. Le camion peut donc transporter des salmonelles, les bottes du chauffeur probablement tout autant ; nous en avons aussi retrouvé sur les roues des chariots Fenwick. Tout cela permet la diffusion de la bactérie. En l'occurrence, les silos de stockage des ingrédients ne sont pas très éloignés de la zone de déchargement des camions. Les secteurs ne sont peut-être pas assez séparés. Le processus de pasteurisation-atomisation ne paraît pas en cause mais, si l'on n'est pas réellement en salle blanche au stade post-atomisation, il existe un risque de recontamination.

Cela doit nous amener à réfléchir aux suites à donner à tout cela. Très concrètement, nous avons lancé une inspection systématique de l'ensemble des établissements qui fabriquent en France des poudres de lait, notamment infantiles mais pas seulement, soit une centaine d'établissements au total. Nous avons réuni l'ensemble des chefs de service et directeurs des départements concernés, pour bien cadrer le dispositif, il y a un mois en demi. L'objectif est d'abord de faire un « point zéro » : où en sont nos établissements en France et risque-t-on de connaître le même accident dans une autre usine ? Nous ne pouvons évidemment pas nous le permettre. Nous travaillons également sur un certain nombre de questionnements techniques et nous serons conduits à saisir l'ANSES pour évaluer les mesures à prendre dans les établissements qui produisent des produits sensibles pour des personnes sensibles. Le retour des inspections aura lieu en mai et la saisine de l'ANSES immédiatement après. Le dispositif sera donc probablement appelé à évoluer, et nous pourrons également le comparer avec ce qui se fait chez nos voisins européens.

Quant à l'entreprise Lactalis, l'usine est arrêtée. La tour n° 1 sera détruite. L'entreprise souhaite rouvrir la tour n° 2. Elle réalise des travaux, après avoir conduit une analyse des causes. Elle a formulé des propositions ; nous avons envoyé des demandes complémentaires et saisi l'ANSES sur le plan d'échantillonnage proposé. Nous verrons le moment venu dans quelles conditions – compte tenu des PMS, autocontrôles, contrôles officiels – une ouverture pourrait être envisagée, sachant qu'il faudra de toute façon fonctionner « à blanc » dans un premier temps, pour s'assurer de la conformité de l'usine. J'ai lu des dates dans la presse, avril, mai, etc. Pour ma part, je ne donne aucune date : pour l'instant, le dossier n'est pas bouclé. Nous devrons d'ailleurs redonner un agrément.

J'ai déjà répondu en partie à votre question sur les autres salmonelles, et vous aurez le détail par écrit.

Y a-t-il des produits contaminés encore en vente ? À mon sens, non, sauf si quelqu'un a conservé les produits chez lui, mais ce n'est plus à la vente. Il s'est produit une anomalie dans les retraits-rappels des magasins mais, en dehors d'un consommateur qui aurait conservé le produit chez lui, je considère qu'il ne reste plus de produits en vente.

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