Monsieur le président, madame la rapporteure, mesdames et messieurs les députés, ayant pris récemment mes fonctions, j'aborde devant vous le sujet de la sûreté et de la sécurité des installations nucléaires avec beaucoup d'humilité et de transparence, étant donné la faiblesse des connaissances et les quelques a priori que j'avais en la matière en arrivant à la tête du SGDSN il y a un mois. J'ai vu le documentaire diffusé sur Arte en décembre et, depuis, j'ai beaucoup écouté mes équipes et pris connaissance des positions des uns et des autres ; le 23 mars, j'ai aussi visité la centrale de Dampierre pour avoir une vision plus concrète de la situation. Cela ne suffit évidemment pas à faire de moi une spécialiste, raison pour laquelle je suis heureuse d'être accompagnée du préfet Pascal Bolot, directeur de la protection et de la sécurité de l'État au SGDSN. Au besoin, je me permettrai de vous renvoyer à des productions écrites complémentaires.
À vrai dire, je ne crois pas que le SGDSN doive nécessairement être un spécialiste de la sécurité et encore moins de la sûreté nucléaires, pas plus d'ailleurs que de la politique énergétique de la France, qui est une prérogative politique. En revanche, il va de soi – comme j'ai pu le mesurer tout au long des cinq années que j'ai passées au ministère de la défense – que le SGDSN est le spécialiste de l'organisation de la réponse coordonnée qu'apporte l'État aux menaces qui pèsent sur la sécurité nationale. À ce titre, le SGDSN a été fortement mobilisé depuis trois ans par l'organisation de la réponse à apporter à la menace terroriste, qui s'est une nouvelle fois concrétisée de manière dramatique à Trèbes. C'est à l'aune de cette menace terroriste et des enjeux qu'elle présente en termes de sécurité nationale que le SGDSN a traité la question de la sécurité des installations nucléaires.
Le SGDSN doit en effet pouvoir assurer les plus hautes autorités de l'État que les mesures de sécurité prévues sont pertinemment conçues, correctement comprises et exactement appliquées par l'ensemble des acteurs impliqués. Ceux-ci sont nombreux : la chaîne de réponse à la menace terroriste contre une installation nucléaire mobilise le renseignement en amont, passe ensuite par la surveillance, la détection, le retardement, l'interception, l'utilisation de la force – éventuellement armée – face aux attaquants et s'achève par la sanction judiciaire. Quant aux dispositions relatives à la conception des installations, dont j'ai pu mesurer la complexité lors de ma visite à la centrale de Dampierre, elles complètent les mesures de protection active mises en place par l'opérateur et par l'État.
Le SGDSN doit aussi, de manière plus périphérique mais, en réalité, tout aussi essentielle, garantir la bonne organisation de la sécurité des transports de matières nucléaires, la capacité de réponse de l'État à une crise – qu'elle soit liée à un accident ou à un attentat – ainsi que la lutte contre la prolifération nucléaire, l'identification des nouvelles menaces ou encore la protection du secret concernant les activités nucléaires afin d'éviter de donner des armes à nos adversaires.
Permettez-moi, depuis la position interministérielle que j'occupe, de faire trois constats liminaires.
Le premier est que la politique de sécurité des installations nucléaires repose sur une chaîne de responsabilité et de décision qui, quoique complexe, me paraît très claire : le ministère de l'écologie est responsable de la sécurité nucléaire ; le ministère de l'intérieur dispose des moyens de police, de prévention et d'intervention ; l'exploitant assure la garde de ses installations et la réponse en premier. Sous l'autorité du Premier ministre, le SGDSN coordonne les acteurs publics et privés, actualise les plans de réponse de l'État, organise les exercices et en tire les retours d'expérience qui nourrissent à leur tour la « moulinette » qui permet l'adaptation de la posture.
Ce rôle de supervision du SGDSN n'est donc pas un rôle opérationnel direct. Nous effectuons un travail de synthèse en plaçant l'ensemble de la capacité de renseignement et d'anticipation de l'État au service de l'amélioration continue de notre sécurité collective. Dans le domaine de la sécurité nucléaire comme ailleurs, la sécurité n'est pas un état définitif mais plutôt un processus qui s'adapte constamment à la menace. Ce n'est pas un idéal ; c'est une politique publique évolutive. Le rôle du SGDSN est donc de s'assurer que le système devienne toujours plus solide et plus résistant, qu'on enracine les réflexes et qu'on garde une vue haute sur les menaces de demain.
Deuxième constat : la sécurité des installations nucléaires me paraît assurée. Les démonstrations des militants qui parviennent à passer les deux premières clôtures ne sont tout simplement pas représentatives de la vraie menace – en l'occurrence la menace terroriste, et plus précisément la menace d'actes terroristes visant le coeur des installations nucléaires, leur zone vitale. C'est tout le sens du dispositif de réponse qui a été mis en place au sein des centrales électronucléaires. L'organisation que j'ai décrite, depuis le renseignement jusqu'à la riposte en passant par l'entrave, est construite contre cette menace. Les forces présentes au sein des installations sont conçues pour mener des actions de contre-terrorisme. Si l'humilité est de mise, je l'ai dit, et si le doute certainement salutaire puisqu'il permet de toujours chercher à améliorer les choses, j'ai été très convaincue – et à vrai dire rassurée, eu égard aux inquiétudes de citoyenne que m'avait laissées le documentaire d'Arte – par la robustesse du dispositif théorique et pratique qui m'a été présenté le 23 mars, et par le fait qu'il répond bien à la menace actuelle. Mes collaborateurs issus de l'ensemble des directions du SGDSN, qu'ils exercent dans le domaine de la sûreté aérienne, de la cyberdéfense ou de l'analyse des risques de malveillance interne, me confirment unanimement que les actions engagées vont dans le bon sens et qu'elles répondent aux recommandations que nous faisons après analyse des systèmes en place.
Cela étant, nous sommes pleinement conscients du fait que l'amélioration de la sécurité est un processus. Nous devons garder le véritable objectif en vue et ne pas nous laisser distraire. Si les terroristes choisissent principalement de s'attaquer à des cibles dites « molles », c'est-à-dire peu défendues, comme des écoles, des salles de spectacle, des supermarchés, des individus isolés, ils pourraient un jour décider de s'attaquer à des cibles mieux protégées ou plus complexes. Il faut donc continuer de s'y préparer.
Troisième et dernier point : l'intégration de la sécurité nucléaire dans les responsabilités du SGDSN. Les quelque mille personnes qui servent au sein des diverses entités qui constituent le SGDSN travaillent toutes dans le seul objectif d'améliorer le niveau de sécurité de notre pays face à tous les types de menaces qui pèsent sur la sécurité nationale. Leurs cultures et leurs compétences sont diverses, mais c'est l'ensemble de ces compétences qui est mis au service de la sécurité nucléaire et de tous les autres pans de la sécurité nationale. Dissocier la sécurité nucléaire de la sécurité nationale reviendrait à la priver de l'expérience accumulée dans d'autres domaines et donc affaiblirait la cause qui nous réunit tous : assurer la sécurité d'activités qui sont parmi les plus sensibles de toutes.