Intervention de Claire Landais

Réunion du jeudi 5 avril 2018 à 15h00
Commission d'enquête sur la sûreté et la sécurité des installations nucléaires

Claire Landais, secrétaire générale de la défense et de la sécurité nationale :

Nous avons bien constaté, à la lecture des comptes rendus de vos précédentes auditions, que cette question vous préoccupait légitimement. La sécurité nucléaire n'est qu'un des aspects de la sécurité nationale ; elle doit se nourrir de ce qui se fait dans les autres secteurs d'importance vitale. La réflexion sur la sécurité nucléaire partage en effet de nombreux éléments communs avec d'autres secteurs et en importe même d'autres : en matière de cybersécurité, par exemple, sur laquelle M. Poupard vous en dira davantage lors de son audition, il est indispensable de raisonner à l'échelle de l'ensemble du spectre des douze secteurs et de ne pas cloisonner la réflexion. Autre exemple : les recherches conduites pour repérer, à proximité des aéroports, les endroits d'où il était possible de tirer pour abattre un avion peuvent être reproduites autour des installations nucléaires pour identifier les points vulnérables ou, à l'inverse, établir que telle une zone ne présente aucun danger à cet égard. En clair, il existe une synergie entre la sécurité nucléaire et la sécurité nationale en général.

Quant à la sécurité passive, elle n'est elle-même qu'une composante de la sécurité nucléaire : si l'on voulait tout faire par la sécurité passive, il faudrait atteindre des niveaux de sécurité irréalistes – des doubles enceintes de confinement absolu, par exemple. Il n'est naturellement pas question de reprendre l'ensemble du parc existant en ne comptant que sur la sécurité passive. De ce fait, il faut combiner la sécurité passive avec les mesures de protection active – en particulier le déploiement et la coordination des personnels d'EDF et de ceux de l'État. C'est cette combinaison qui permet d'atteindre les objectifs fixés dans les directives nationales de sécurité et de répondre à la menace identifiée par l'État, suite à quoi les opérateurs peuvent prendre les mesures nécessaires en complément des services de l'État.

Il me semble donc difficile, en matière de sécurité nucléaire, de tracer une frontière entre sécurité active et sécurité passive ; les synergies y perdraient. À l'inverse, les interactions entre sûreté et sécurité sont nécessaires : l'identification des cibles, par exemple, est commune aux deux champs. Mais ces interactions existent déjà à plusieurs niveaux : le ministre de la transition écologique et solidaire est responsable de la sécurité et de la sûreté et, même s'il délègue une partie de ses compétences en matière de sûreté à une autorité administrative indépendante, il a tout de même une vision synoptique des deux dimensions. De même, l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), qui travaille pour le compte de l'ASN, intervient lui aussi dans les deux champs. Le ministère de la transition écologique et solidaire et l'ASN ont conclu un protocole qui permet là encore de réfléchir aux interactions. En somme, ces différents champs d'interaction permettent d'assurer un lien entre les acteurs sans pour autant brouiller deux logiques qui demeurent distinctes – une logique de transparence forte et légitime pour l'ASN et une logique de confidentialité des informations en matière de sécurité.

Je ne m'étendrai pas davantage sur le sujet, n'étant pas certaine de maîtriser toutes les comparaisons internationales, quoique j'aie déjà eu auparavant à réfléchir à la nature d'une autorité administrative indépendante française par rapport à ses équivalents ailleurs, par exemple aux Etats-Unis – mais il m'a toujours semblé qu'il était difficile de dresser des transpositions et de réfléchir de façon comparée en matière d'organisation administrative.

Pour conclure, je dirai ceci : il arrive que sécurité et sûreté doivent donner lieu à des arbitrages. Une installation ouverte qui permet aux personnes exerçant à l'intérieur de sortir facilement, par exemple, garantira une meilleure sûreté mais compliquera la sécurité. Pour procéder à ces arbitrages entre sûreté et sécurité, on peut difficilement envisager de tout internaliser au sein d'une même entité. Le fait que l'autorité politique puisse arbitrer me semble offrir une garantie d'autorité et de responsabilité.

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