Je remercie votre commission d'enquête, qui met l'accent sur l'importance accordée à la sécurité nucléaire, d'avoir voulu m'entendre. Cela nous permettra de vous apporter tous les éléments d'éclairage possible quant à vos légitimes préoccupations.
Le secteur de l'énergie, en particulier le sous-secteur nucléaire, fait partie des activités dont le dommage, l'indisponibilité ou la destruction risquerait d'obérer le potentiel, la sécurité ou la capacité de survie de la nation. C'est un secteur d'activité d'importance vitale.
À ce titre, ces activités bénéficient d'une protection particulière et très encadrée. Ainsi, en matière de sécurité, les opérateurs doivent répondre aux obligations du code de la défense, non seulement à celles de l'article L. 1332-1 qui leur imposent de mettre en place des mesures de protection pour faire face aux menaces de référence, mais aussi aux dispositions de l'article L. 1333-1 qui porte des obligations de sécurité supplémentaires visant à la protection et au contrôle des matières nucléaires, des installations et de leur transport contre tout acte de malveillance.
Le haut fonctionnaire de défense et de sécurité (HFDS) du ministère chargé de l'énergie – aujourd'hui, il s'agit du ministère de la transition écologique et solidaire – est responsable du contrôle de l'application de ces deux réglementations. Ainsi, l'arrêté d'organisation du 9 juillet 2008, consécutif à la création du ministère de l'environnement, de l'énergie et du développement durable précise que le service de défense, de sécurité et d'intelligence économique (SDSIE) est en charge de la protection et du contrôle des matières nucléaires, de leurs installations et de leur transport.
Concrètement, le SDSIE a donc notamment pour rôle d'élaborer la réglementation applicable, en collaboration avec les autres ministères concernés sous l'égide du Secrétariat général à la défense et à la sécurité nationale (SGDSN), d'instruire les demandes d'autorisation pour la détention et le transport des matières nucléaires prévues dans le code de la défense et, enfin, d'assurer le contrôle des dispositions de protection mises en oeuvre par les opérateurs et de diligenter des inspections.
Lorsqu'elle concerne un acte de malveillance ou de terrorisme, la sécurité présente la particularité de relever d'une responsabilité partagée entre, d'une part, l'exploitant, qui a une obligation générale de prévention au regard des risques créés par les installations exploitées, et, d'autre part, l'État qui assume la responsabilité générale de l'ordre public.
Cette complémentarité entre la responsabilité de l'exploitant et celle de l'État est établie pour chaque secteur concerné par des directives nationales de sécurité (DNS) spécifiques, qui définissent un certain nombre de menaces de référence, aussi bien internes qu'externes. Il revient ensuite à l'opérateur de démontrer que son installation est capable de faire face aux menaces. Ce référentiel est élaboré selon un processus rigoureux et conforme aux bonnes pratiques internationales. Il fait intervenir à la fois des informations issues du renseignement et les enseignements résultant de la veille réalisée par les services du haut fonctionnaire de défense et de sécurité sur les menaces et l'évaluation des modes opératoires utilisés par les agresseurs.
L'organisation mise en place par la France pour traiter les questions de sécurité nucléaire a fait l'objet de nombreuses questions lors des auditions de votre commission d'enquête. Notre organisation est en parfaite cohérence avec le dispositif national général prévu pour les secteurs d'activité d'importance vitale, qui confie à chaque ministre compétent la responsabilité de coordonner et d'assurer, dans son périmètre ministériel, la mise en oeuvre des mesures de protection des installations d'importance vitale.
Le pilotage ministériel unique pour l'ensemble des politiques publiques qui touche le nucléaire garantit ainsi une cohérence globale.
Le système actuel de séparation entre l'autorité de sûreté – une autorité indépendante – et l'autorité de sécurité – les services de l'État – permet de surcroît de garantir la prise en compte des enjeux de sûreté et de sécurité de manière complémentaire, avec un challenge assurant à la fois un enrichissement mutuel et l'optimisation des solutions, tout en garantissant un bon niveau d'information des citoyens.
On rappellera toutefois que, si en matière de sûreté nucléaire l'objectif de transparence doit être total, le sujet de la sécurité nucléaire, par nature, ne se prête pas à cet exercice. La sécurité est en effet une compétence régalienne dont l'efficacité dépend notamment de la confidentialité des informations sur lesquelles elle repose.
La menace ayant évolué ces dernières années, passant d'une préoccupation majeure autour de la prolifération – autrement dit, le vol et le détournement des matières nucléaires – à une approche qui intègre aujourd'hui les actes de malveillance et de sabotage, la sécurité des installations est désormais élaborée dans une logique d'amélioration continue en évolution constante.
En conséquence, la France a fait le choix pour la sécurité des sites d'exploitation nucléaire, d'une « défense en profondeur » qui mêle défense passive et défense active selon une logique de performance et non de moyens, avec des dispositifs de protection conçus pour parer à de multiples menaces de haute intensité.
Je souhaite également insister sur le fait que l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) avait jugé, dès 2011, que le dispositif de sécurité nucléaire français était solide. Une nouvelle mission de cet organisme, sollicitée par le Président de la République, s'est déroulée du 12 au 22 mars 2018, conduite par neuf experts internationaux désignés par l'Agence. Elle vient de confirmer que le dispositif de sécurité nucléaire français était « bien établi et robuste ».
À plusieurs reprises, le sujet du transport des matières nucléaires a également fait l'objet d'interrogations devant votre commission d'enquête. Il représente aujourd'hui moins de 1 % du flux annuel de transports de matières dangereuses dans le pays. Le transport de matières nucléaires est régi par une réglementation stricte qui tient à la fois aux règles générales relatives au transport de matières dangereuses, et aux règles particulières de sûreté et de sécurité adaptées à la nature des matières transportées. Concrètement, chaque transport est individuellement et préalablement autorisé par mes services qui vérifient les conditions de sécurité prévues dans chaque cas, notamment s'agissant des modalités de l'escorte pour les transports les plus sensibles. Il s'agit d'une activité de faible volume, mais très contrôlée et assurée par des opérateurs spécialisés.
La protection des installations et des matières nucléaires est donc assurée en France par un ensemble de mesures cohérentes relevant d'une conception globale et réinterrogées en permanence, dans une perspective d'anticipation constante et d'amélioration continue, dictée par l'importance des enjeux.