Intervention de Didier Migaud

Réunion du mardi 17 avril 2018 à 17h15
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Didier Migaud, président du Haut Conseil des finances publiques :

Je ne sais si le Haut Conseil peut être dit pessimiste. Il convient de toujours se situer dans le contexte de l'époque à laquelle un avis a été rendu. La prévision est un art difficile, pour le Gouvernement comme pour les prévisionnistes. Je le redis, le Haut Conseil avait exprimé un avis à partir du scénario présenté par le Gouvernement, fondé sur une hypothèse de croissance de 1,5 %, avec toutes les conséquences que l'on pouvait en tirer sur les autres hypothèses macroéconomiques et sur le scénario des finances publiques ; il paraissait improbable de parvenir à un déficit de 2,6 % du PIB avec une croissance de 1,5 %. J'aurai l'occasion d'y revenir lorsque je présenterai, au nom de la Cour des comptes, le rapport sur l'exécution du budget de l'État et le rapport sur la situation et perspectives des finances publiques. Si nous parvenons aujourd'hui à un déficit de 2,6 % du PIB avec une croissance de 2 %, comment y serait-on parvenu avec une croissance de 1,5 % ?

Quand le Gouvernement avait révisé son hypothèse de croissance pour la porter à 1,5 % au moment de définir le programme de stabilité, nous avions considéré que c'était tout à fait possible, alors même que le Consensus Forecasts était encore beaucoup plus bas. Il faut reconnaître que les prévisions des instituts de conjoncture ou des organismes internationaux ne prennent pas toujours en compte certains éléments d'enquête dont on peut avoir connaissance. C'est pourquoi il convient de relativiser ou de replacer ces prévisions en perspective. Mais je reconnais qu'il s'agit là d'une science difficile. Pour les années 2018 et 2019, nous utilisons les adjectifs que vous avez rappelés, mais nous sommes plus sceptiques pour la période commençant en 2020 car l'extrême difficulté de dire quel sera le contexte macroéconomique exact à ce moment fragilise les scénarios construits à partir de prévisions que l'on peut qualifier d'optimistes.

Pour ce qui est de l'incidence de la performance à l'exportation dans le programme de stabilité, les exportations ont nettement progressé en 2017 après le ralentissement de 2016, augmentant de 3,3 % après avoir augmenté de 1,9 %. Ce dynamisme est dû à la progression de la demande étrangère et à des facteurs exceptionnels, en particulier le rebond du tourisme depuis le quatrième trimestre 2016 : il a augmenté de 6,9 % en 2016 et de 4,6 % en 2017, après dix trimestres consécutifs d'une baisse due pour partie aux attentats. La contribution du commerce extérieur à la croissance avait cependant été négative en 2016 mais, cette année-là, des facteurs exceptionnels avaient pénalisé et nos exportations agricoles et le tourisme. Une forte différence marque les résultats observés en 2016 et en 2017 et il convient de prendre en compte les circonstances particulières qui ont tiré les résultats de l'année 2016 vers le bas.

Dans le scénario du programme de stabilité, les exportations, soutenues par une demande mondiale croissante, devraient rester dynamiques en 2018 et en 2019. De plus, les livraisons de grands contrats devraient contribuer davantage que par le passé au dynamisme des exportations. Enfin, les exportations de produits agricoles pourraient rebondir après avoir été pénalisées par des conditions météorologiques adverses en 2016 et en 2017.

Cela étant, il convient de rappeler que la France a perdu des parts de marché tout au long de la décennie 2000-2010, la part de ses exportations de biens dans les exportations mondiales passant de 5 % au début des années 2000 à 3 % environ en 2012. Cette dégradation s'est ralentie depuis quelques années, avec une quasi-stabilisation depuis 2012.

Dans son avis sur le programme de stabilité de l'année dernière, le Haut Conseil s'était interrogé sur la capacité de l'appareil productif français à tirer avantage de l'augmentation de la demande nationale et étrangère. Cette évolution défavorable reflète, ou a reflété, le manque de compétitivité coûts et hors coûts de notre économie au cours de cette décennie. La compétitivité coûts a commencé à se redresser depuis cinq ans – ainsi, les coûts salariaux horaires dans l'ensemble des secteurs marchands progressent moins vite en France qu'en Allemagne, en grande partie grâce aux allégements de cotisations et notamment au crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE). C'est un indicateur intéressant pour mesurer la compétitivité de notre économie.

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