Dans le droit fil du rôle du Haut Conseil, qui est d'apprécier le réalisme des prévisions macroéconomiques du Gouvernement et de vérifier la cohérence de la trajectoire de retour à l'équilibre des finances publiques avec les engagements européens de la France, l'avis relaye la doctrine de l'orthodoxie budgétaire issue des traités européens. On constate que les chiffres de « bonne santé » de l'économie française sont surtout dus à une croissance mondiale qui est à peu près deux fois supérieure à celle de la France. Le contexte est donc fragile, en raison des questions conjoncturelles que vous avez soulignées mais surtout parce que le problème structurel du système financier international n'ayant pas été résolu, l'écart entre l'économie réelle et l'économie financière est tel que, chacun le sait, l'éclatement des bulles spéculatives est encore devant nous. Cela fragilise considérablement les prévisions à long terme, la politique proposée ne faisant qu'accroître ce risque.
L'avis est sous-tendu par la logique de l'application des politiques du Gouvernement : la réduction du rôle de l'État par la baisse des dépenses publiques et par celle des recettes – principalement celles qui sont prélevées sur les plus riches – d'une part, une politique de l'offre qui vise les revenus salariés d'autre part ; n'est-il pas écrit en toutes lettres dans le programme de stabilité que « la maîtrise des revalorisations salariales permettra notamment une nette décélération de la masse salariale publique » ? Tel est l'objectif visé, et je vous fais grâce des autres extraits qui donnent crédit à mes propos.
Ma grande inquiétude tient à ce cap politique, celui de la baisse des déficits publics présentée comme l'alpha et l'oméga, alors que le déficit public est l'un des moteurs possibles de l'économie. Faut-il rappeler que l'État est un acteur économique dont les dépenses – ses commandes – produisent des recettes ? La politique de l'offre comprime les salaires et je crains fort que l'économie française, quand viendra le retournement de conjoncture, ne se trouve en grande difficulté.
Enfin, le Haut Conseil a auditionné des organismes extérieurs à l'administration des finances, au nombre desquels Natixis. Je suis surpris qu'une banque d'investissement privée soit amenée à donner son avis sur la pertinence des prévisions macroéconomiques gouvernementales.