Je ne peux pas répondre à beaucoup de vos questions : la plupart portent sur le scénario de finances publiques et le Haut Conseil ne s'est pas exprimé à ce sujet, sinon par une incidente dans le dernier développement, sans porter d'appréciation particulière. Peut-être serai-je en mesure, cette fois en ma qualité de Premier président de la Cour des comptes, de répondre à quelques-unes de vos questions lorsque je vous présenterai le rapport sur l'exécution du budget de l'État et sur l'explication que nous avons du résultat de 2,6 % de déficit, qui résulte bien davantage d'une augmentation de la croissance que d'un effort structurel important. Cela se traduit d'ailleurs dans les chiffres, pour 2017 comme pour 2018, et c'est assumé, me semble-t-il, dans les documents du Gouvernement.
L'effort structurel étant quasi nul, l'ajustement structurel de 0,5 point de PIB en 2017 résulte de l'élasticité des recettes fiscales. Il est toujours intéressant de rechercher les raisons d'un résultat ; c'est aussi pourquoi j'ai souligné précédemment que le taux de 2,6 % de déficit auquel la France est parvenue a une explication complètement différente du déficit prévu dans la loi de finances initiale. Il faut en tout temps reconstituer précisément les facteurs pour avoir une appréciation exacte de ce qui est advenu. D'ailleurs, dans le projet de loi de programmation comme dans le programme de stabilité, l'effort structurel est plus important en 2020, 2021 et 2022. Nous ne portons d'appréciation ni ne contestons : nous disons seulement que des prévisions sont formulées, qu'elles devront se concrétiser et que le respect de ce scénario repose à la fois sur une croissance optimiste, plutôt à partir de 2020, et sur le strict respect des engagements pris. Nous n'avons aucune raison d'avoir des doutes, mais le Haut Conseil des finances publiques raisonne à partir de ce qu'il constate, et nous constatons qu'en 2017, il n'y a pas eu de maîtrise plus importante des dépenses publiques. Ces éléments sont à la fois documentés et à concrétiser. C'est l'objet des lois de finances, et l'on peut supposer que les lois de finances pour 2019, 2020 et 2021 apporteront les éléments expliquant comment la dépense publique peut diminuer en proportion du PIB. Je rappelle à M. Coquerel que la dépense publique continue d'augmenter en volume, et qu'en 2017 elle a augmenté plus sensiblement que prévu à l'origine.
En résumé, je ne suis pas en mesure de répondre à vos questions sur les finances publiques. Le Haut Conseil dit seulement que le scénario de finances publiques proposé par le Gouvernement dans le programme de stabilité repose sur des hypothèses réalistes et plausibles pour 2018 et 2019 et plus optimistes à partir de 2020, et aussi sur le strict respect d'une maîtrise de la dépense publique plus importante que par le passé. Or, l'effort de maîtrise de la dépense publique proposé dans le programme de stabilité comme dans la loi de programmation étant presque sans précédent dans l'histoire de nos finances publiques, on peut avoir quelques interrogations : l'effort structurel attendu est plus important en 2020, 2021 et 2022, avec un cycle économique qui peut justement toucher à sa fin, ce que le Gouvernement prend peut-être insuffisamment en considération puisqu'il prévoit un ralentissement de la croissance moins prononcé que ne le font beaucoup de prévisionnistes ou d'institutions internationales.
Je pense qu'il y a toujours des cycles économiques, monsieur de Courson. Ils peuvent être plus longs que dans le passé. Le Gouvernement pense en termes de cycle économique pour les plus proches années à venir mais il ne porte pas le raisonnement à son terme car quand on est parvenu en haut d'un cycle, un ralentissement suit – qui ne signifie pas une récession. Dans le scénario proposé par le Gouvernement, ce ralentissement est peu prononcé. En 2020 et 2021, tous les pays de la zone euro seront-ils exactement au même point du cycle ? Le niveau de l'économie européenne sera-t-il le même que celui de l'économie américaine sur le cycle ? À ces questions, les économistes apportent des réponses très différentes, ou nuancées. C'est pourquoi on a toujours beaucoup plus de certitudes sur l'année en cours ou sur l'année à venir, sans même parler de l'année écoulée – encore que, là encore, la prudence commande d'attendre les résultats définitifs. Voyez ce qu'il en a été pour le premier trimestre 2017 : l'INSEE estime aujourd'hui que la croissance, ce trimestre-là, n'a pas augmenté de 0,4 point, mais de 0,7 point. Quand on pense combien les esprits s'agitent parfois pour une variation de 0,1 point !