Sans doute faudrait-il envisager la pose d'un houlographe à Saint-Martin, et en d'autres lieux. Il serait pertinent de pouvoir disposer d'une mesure des phénomènes submersifs, que l'on sait par ailleurs modéliser de manière très précise.
Sur certains risques, comme les inondations, nous devrions peut-être réfléchir collectivement à un durcissement du dispositif réglementaire et législatif en matière d'évacuation. En effet, l'évacuation peut être prononcée par l'autorité locale, notamment le préfet, mais ce n'est que dans de très rares cas qu'elle peut être contrainte.
Vous avez tous vu ces images de personnes qui restent dans leur maison, alors que l'eau arrive à mi-porte. Dans le cas d'Irma, nous avons dû faire face au refus de certaines personnes d'évacuer, alors que nous savions pertinemment que leur maison serait inondée, avec un risque de décès avéré.
Très peu de pays pratiquent l'évacuation contrainte. La réflexion à conduire n'est pas simple : peut-être faut-il améliorer l'évacuation, avec une information plus efficiente, qui pourrait passer, dans des cas extrêmes, par une notification d'évacuation plus directive ? Contraindre quelqu'un à quitter son domicile, c'est se heurter au droit de propriété. Mais le laisser dans son habitat alors qu'il est en danger, n'est-ce pas là une limite de l'exercice de la puissance publique ? C'est une question de droit complexe, mais nous devons nous la poser collectivement.
Le fait que la personne en charge de la crise, lors de la succession des trois cyclones à Saint-Martin et Saint-Barthélemy, n'était « que » préfète déléguée auprès du préfet de la Guadeloupe n'a été en aucun cas un obstacle à la mise en oeuvre et à l'application du dispositif opérationnel de secours. Elle a monté son centre opérationnel de secours et a traité directement avec nous, à Paris. Bien sûr, le préfet de la zone de défense, qui est le préfet de la Martinique, a été intégré au dispositif, ainsi que le préfet de la Guadeloupe, puisque nous avions décidé d'installer un hub logistique. Mais le préfet de la Guadeloupe a totalement délégué la gestion des opérations à la préfète déléguée. Le problème que nous avons rencontré est d'une tout autre nature : les communications ont été interrompues pendant trente-six heures.
Améliorer la diffusion de l'alerte, en outre-mer comme en métropole, est un sujet de préoccupation majeur. Pour avoir été longtemps en poste outre-mer, notamment comme préfet, je sais que les conventions avec les médias audiovisuels ultramarins sont actives et efficientes. De mémoire, y compris lors des derniers événements cycloniques, jamais un média ultramarin n'a rechigné à diffuser les alertes.
Vous l'avez dit, et ce fut flagrant lors des derniers événements aux Antilles, on se trouve en concurrence avec des personnes qui s'informent sur des canaux non officiels et viennent sans cesse contredire nos prévisions. Or il existe des incertitudes, qui font d'ailleurs toute la difficulté d'appliquer un dispositif opérationnel. On l'a vu avec Maria, le fait que le cyclone se soit décalé de 20 kilomètres au sud dans la dernière heure a changé complètement la physionomie de l'événement ; les dégâts ne sont pas du tout les mêmes avec des vents plus forts de 50 kilomètres par heure. Vous trouverez toujours quelqu'un qui s'enorgueillira d'avoir fait cette prévision ; nous, nous nous efforçons d'appliquer des modèles, les plus exacts possible.
L'information de la population mérite toujours d'être améliorée. On rappelle toujours, outre-mer, l'intérêt d'avoir chez soi une petite radio, avec des piles. Lors de la crise d'Irma, un analyste s'est étonné qu'il faille entretenir le réseau de radioamateur à l'heure des moyens modernes de communication. Mais c'est un peu comme pour les sirènes : lorsque tout tombe, il n'y a plus que la radio qui passe. Il ne faut certes pas ignorer le smartphone, un moyen formidable de communication, mais il faut aussi conserver des moyens minimums de résilience.