Des RETEX ont systématiquement lieu. Un bureau s'en charge au sein de ma direction générale pour tous les exercices nationaux, et nous nous occupons aussi des RETEX locaux, soit en les réalisant soit en les accompagnant. En revanche, nous n'expertisons pas nous-mêmes, pour des raisons déontologiques : nous ne voulons pas être pollués par notre propre vision.
Trois RETEX ont été engagés après Irma. L'un d'eux est terminé : il s'agit d'un RETEX local, qui a été confié au préfet de la zone de défense, avec l'accompagnement de ma direction générale. Le but était de regarder comment les choses se sont passées, en lien avec les quatre préfets concernés – celui de Guyane ayant aussi apporté des moyens – et d'en tirer toutes les conclusions. Ce RETEX s'est achevé il y a dix jours et j'en attends le rapport. Deux autres RETEX, qui ne sont pas encore terminés, ont lieu au plan national. Le premier a été engagé à l'initiative du Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale, qui est en charge du secrétariat du centre interministériel de crise (CIC) : il s'agit de voir comment la crise a été gérée au niveau de l'état-major. Le ministre d'État, ministre de l'intérieur, a par ailleurs confié au chef de l'inspection générale de l'administration un RETEX sur la crise Irma en ce qui concerne le ministère de l'intérieur – j'ai notamment été auditionné dans ce cadre. Vous pourrez vous rapprocher du cabinet du ministre lorsque cet exercice sera achevé, ce qui ne saurait tarder, afin de prendre connaissance des conclusions.
Ces RETEX sont très importants. Un premier volet concerne le personnel : il faut regarder quel a été le comportement individuel de ceux qui ont eu à gérer la crise, ainsi que le niveau global de formation. Il y a aussi la question de l'organisation : était-elle adaptée et a-t-elle fait preuve de résilience ? Doit-elle évoluer ou non ? Les conséquences peuvent aussi être beaucoup plus larges, par exemple sur le plan assurantiel ou en matière législative. Le droit a ainsi évolué après les inondations qui ont frappé le Sud de la France il y a quelques années, ou après certains incendies dramatiques – ceux du 5-7, des Thermes de Barbotan et de Furiani. S'agissant d'Irma, il me semble que notre mission a été remplie, mais il y a forcément des leçons à tirer quand on entre dans le détail. À titre personnel, je pense que je ne referais pas tout de la même manière si j'étais confronté de nouveau à la même situation.
Notre modèle d'organisation pour l'outre-mer est-il adapté à l'éloignement et à la montée en puissance de certains risques, notamment à cause du réchauffement climatique ? De manière générale, la remise en cause doit être permanente. Je crois par ailleurs que les attentes de nos concitoyens ultramarins sont de plus en plus fortes à l'égard de la puissance publique dans ce domaine. Le système doit donc être plus performant. Vous savez que les Assises des outre-mer déboucheront sur un Livre bleu, à la demande de la ministre. En matière de sécurité, et notamment de gestion du risque, il faut assurer la résilience de notre dispositif pour les années à venir. Des travaux ont été engagés : j'ai apporté une contribution, mais je ne sais pas encore quelles seront les préconisations.
Je considère que nous avons besoin d'un système local disposant de toute la palette des moyens pour répondre à la totalité des risques. Vous savez que des schémas départementaux d'analyse et de couverture des risques (SDACR) ont été créés il y a une vingtaine d'années : signés par le préfet et élaborés par les services départementaux – ou territoriaux – d'incendie et de secours, ces documents répertorient la totalité des risques connus dans un département – ou un territoire – et déclinent les moyens existants ou à acquérir afin de les couvrir. Les schémas départementaux sont révisés régulièrement – une révision d'ensemble est ainsi en cours au niveau national. Afin d'aller plus loin, un nouveau type de document a été créé l'année dernière au niveau des zones de défense et de sécurité. L'objectif est de voir si l'on a les capacités nécessaires au plan local, sans passer par le niveau national, en gardant aussi à l'esprit qu'il faut améliorer la dépense publique – avec les mêmes crédits, on doit faire plus ou mieux, voire les deux en même temps.
La dépense publique s'élève à 79 euros par habitant en matière d'incendie et de secours – ce montant a baissé de deux euros au cours des dernières années et il est nettement inférieur à la dépense pour l'enlèvement des ordures ménagères. Avec ces 79 euros par habitant, on doit couvrir la totalité des risques connus, dans un délai moyen de 11 minutes et en tenant compte des recrutements effectués. Je pense que nous y arrivons à l'heure actuelle.
Les SDACR et les différents plans de prévention sont des outils de management du risque extrêmement pertinents. Il faut veiller à ce que la qualité de ces documents soit sans faille : sinon, les moyens nécessaires ne seront pas disponibles. Notre modèle d'organisation prévoit aussi des moyens nationaux de projection, dont je dispose. Ils sont conçus pour répondre à des crises majeures au niveau national, européen ou international.
À l'initiative du Président de la République, nous proposons à nos partenaires une modification du mécanisme européen de protection civile, qui est géré par le commissaire Christos Stylianides – la direction générale dite ECHO étant en charge de la protection civile et des opérations d'aide humanitaire au plan européen. Notre démarche avance bien et pourrait conduire à des décisions dès cet été, dans le cadre d'une révision à mi-parcours du mécanisme européen de protection civile. Le Président de la République souhaite aller au-delà grâce à la création d'une force de projection européenne surnuméraire, comme en matière de défense, afin de couvrir des risques qu'un État aurait du mal à prendre en charge seul, quel que soit le niveau de ses capacités.
Je pense que notre modèle d'organisation pour l'outre-mer, qui consiste à s'appuyer sur les moyens locaux, en veillant à ce qu'ils soient pertinents et adaptés aux risques, et à disposer par ailleurs de moyens surnuméraires au plan national, nous permet de répondre aux risques pendant encore quelques années sans manquer de capacités. La question de l'éloignement de nos lignes logistiques se pose évidemment : plus il faut aller loin, plus c'est compliqué. On a une couverture correcte à Tahiti, par exemple, mais la situation est plus difficile ailleurs, au milieu de l'océan, ne serait-ce qu'en raison du temps de vol – mais cela dépend aussi de l'existence de pistes – ou non – et des contingences météorologiques. Ce sont des éléments à prendre en compte.
Je n'ai pas nécessairement tous les chiffres que vous souhaitez, mais nous veillerons à vous les communiquer.