Intervention de Marc Robin

Réunion du mercredi 21 mars 2018 à 16h15
Mission d'information sur la gestion des évènements climatiques majeurs dans les zones littorales de l'hexagone et des outre-mer

Marc Robin, professeur à l'Université de Nantes :

Le recul du trait de côte est fonction de l'élévation du niveau de la mer et de la rythmique. Permettez-moi de vous présenter un graphique réalisé par le SHOM, qui a analysé à nouveau l'ensemble des relevés marégraphiques de la station de Saint-Nazaire depuis 1860. On dispose d'une série pour Brest qui remonte à 1820 et d'une autre pour Marseille qui débute en 1840. L'augmentation du niveau de la mer est progressive et l'on s'aperçoit que le niveau ne s'est élevé que de 10 ou 15 centimètres depuis 1860, ce qui n'est rien, finalement, par rapport à une surcote.

Il faut raisonner à deux échelles. Au niveau global, la mer, plus haute, va aller taper dans terres et faire reculer la côte de façon relativement régulière. Au niveau local, les effets peuvent être différents. Au sud de la Vendée, la Pointe d'Arçay, tout comme la Pointe de l'Aiguillon, n'existait pas il y a trois siècles ; La Faute-sur-Mer s'est déployée sur une unité sédimentaire récente, dans un contexte de hausse du niveau de la mer. Ainsi, il existe des endroits où la remontée du niveau de la mer s'accompagne d'une accrétion du littoral, grâce à une redistribution des stocks sédimentaires : c'est le cas de la baie de Pont-Mahé, de la flèche sableuse de Noirmoutier, du littoral du Pays de Monts ou encore de l'estuaire de la Baisse, que les Grognards de Bonaparte traversaient à pied et qui est aujourd'hui recouvert d'un cordon dunaire.

Dans d'autres endroits, la hausse du niveau de la mer entraîne une érosion. Le recul de la cote peut être aussi associé à la mise en place des défenses côtières, mais c'est normal puisqu'elles se trouvent là où les enjeux sont les plus grands, lorsqu'il y a une extension urbaine le long du littoral. À partir du moment où on a engendré les conditions de fixation du trait de côte, on met des défenses côtières et, par malheur, le trait de côte recule.

Certains secteurs côtiers connaissent une accrétion, d'autres, un recul chronique. Si on n'assoit pas la réflexion sur la notion de mémoire – une reconstitution des enjeux et des aléas sur plusieurs siècles –, on se retrouve à côté de la plaque : c'est ainsi que l'on construit un Soulac dans une zone peu éloignée de la Passe d'Arcachon – un risque majeur dans ce milieu éminemment mobile.

Sur le long terme, il peut y avoir de l'érosion chronique. L'oscillation nord-atlantique fait qu'une période de deux ou trois ans de plus grande houle sera suivie d'une période beaucoup plus calme. Le trait de côte reculera de façon effrénée, avant une phase de résilience. En Guyane, les fameux wagons sédimentaires se succèdent, selon un rythme de six ou sept ans. La côte se met en accrétion, prograde, la mangrove s'installe puis, progressivement, le wagon sédimentaire passe et une belle érosion apparaît. Il ne faut pas arriver tels des kamikazes pour urbaniser un secteur en accrétion, sans comprendre que cette phase peut être suivie d'un recul de 500 ou de 1 000 mètres ! Ces déplacements sédimentaires se produisent sur l'ensemble de nos littoraux.

L'aménagement du littoral était inconsidéré dans les années 1970. Il nous faut gérer aujourd'hui cette crise, en adaptant la réponse : mettre des défenses côtières, corseter le littoral lorsque cela coûterait trop cher de déplacer les biens et les personnes ; et quand on peut se le permettre, déménager les enjeux et laisser le littoral évoluer librement.

Nos petites îles – Ré, Oléron, Noirmoutier – sont des cordons sédimentaires qui se sont déplacés progressivement ces six mille dernières années. Il y a deux mille ou trois mille ans, ils ont « shifté » de plus de trois kilomètres. Ces îles, qui étaient autrefois plus à l'ouest, sont aujourd'hui garrottées par des défenses côtières, avec des enjeux très importants.

Oui, les solutions dont il s'agit sont peu pérennes. Mais on ne conçoit le développement durable que sur un demi-siècle ; sinon, il entrave le développement économique d'une société. Nous sommes face à cette contradiction absolue : nous parlons de développement ou de gestion durables, alors que nous nous projetons à cinquante ans. Si nous devions regarder à cent, deux cents ou trois cents ans, il faudrait sortir le chéquier - une catastrophe absolue pour la société ! Nous devons adopter une gestion de bon père de famille, au coup par coup, sans établir de règle absolue. Finalement, ce que nous gérons au quotidien, c'est une crise.

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